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 [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Jeu 02 Juin 2022, 23:20



Que l'Ombre dévore


« Tu sais bien de qui je parle. » articulai-je comme si j’énonçais un fait évident. Il l’était. « Hum. » Je ne relevai pas plus la suite. Ce qui me concernait n’avait aucune importance. Du moins, je préférais éviter d’y songer. Quelque chose en moi hésitait à poursuivre et je n’aimais pas cette impression, ni même la question qui en découlait. Si je la livrais au jugement de Cyrius sans la défendre, combien de temps me serait-il nécessaire pour l’oublier totalement ? En y songeant, je me pris à penser que rien n’était éternel, ni elle, ni moi. Rien. Durant une fraction de seconde, tout me sembla vain. Puis, doucement, je m’ancrai de nouveau, sans pour autant retrouver un semblant d’émotions adaptées à la situation. « Comme ça. » Plus tôt, j’avais ressenti une vague d’honnêteté me saisir. J’en avais presque oublié l’irritation que j’avais éprouvé plusieurs fois à me retrouver face à ses flots de questions. Elle ne pouvait pas tout savoir et je ne désirais pas tout lui dire. Surtout, elle n’était pas des plus honnêtes non plus. Elle se défendait de certains faits, à tel point que je me demandais parfois à quel point elle se trompait elle-même. Je souris. « Rappelle-moi : de qui est-ce le procès demain ? »

Son contact me parut lointain. Je la laissai faire, sans bouger à mon tour. Tout recommençait à s’éloigner et la sensation de sa peau contre la mienne m’était presque désagréable. Ses frayeurs m’agaçaient. Ses insinuations me déplaisaient. Elle me demandait une totale transparence mais était incapable de me l’offrir en retour. Que m’offrait-elle vraiment ? Je me perdais dans cette relation. Elle était infertile, comme son ventre. Il n’y avait rien à tirer d’elle, que des tourments. Je fixai le mouvement de sa main, éprouvant un vague malaise. Pourquoi avait-elle effleuré cette zone ci en particulier ? Je me repris. « Fais comme tu pourras. » Que pouvait-elle ? Elle était incapable de mimer la grossesse. Incapable de mimer une fausse-couche. Incapable de sauver sa vie, de comprendre qu’il était parfois nécessaire de faire le mal pour obtenir le bien, qu’il n’était pas toujours possible de s’en sortir sans aucune blessure, sans aucun mensonge. Mes émotions trompaient mon jugement. Que désirait-elle vraiment ? « Il voulait m’assurer de son amitié sincère envers toi. » C’était d’un risible… « Et me confier son bouleversement à te savoir potentiellement au service d’un Sorcier. » dis-je, en me reculant pour mieux me dégager de son étreinte. Je me mis à marcher dans la pièce, agacé par le tissu pompeux qui habillait le col de la chemise de faussement Harold. « Il m’a donc proposé de m’aider financièrement à t’acheter, tout en me soumettant l'idée de contacter Adam pour qu’il se joigne à nous. » Je marquai une pause. « Selon lui, il aurait intérêt à t’aider, malgré le fait que votre relation ne soit pas florissante. » J’insistai sur le terme. Florissante, quelle connerie. Les choses allaient finir par fleurir. Cet Ange m’inspirait tout sauf le respect et, quelque part, je jouissais de façon malsaine du fait que les sentiments qu’il ressentait ne fussent pas partagés. L’envie d’écraser ses espoirs un à un m’étreignait depuis que j’avais lu sa lettre. Je désirais qu’il souffrît. « Je lui ai répondu que ce serait une bonne idée, même si je doute qu’Adam aille dans son sens. » Parce qu’il n’y avait aucune chance pour que je gagnasse en tant que Kaahl. La somme n’importerait pas dans le calcul des Mayfair qui, bien qu’intéressés, ne livreraient jamais l’Ange à un étranger. Ce serait un Mage Noir qui l’aurait, ne serait-ce que pour éviter l’outrage envers moi, en tant qu’Elias. Je doutais que Cyrius gagnât, bien qu’il fût Empereur Noir. Néanmoins… « » Il n’y avait pas tant de possibilités. Son propriétaire serait soit un Chancelier, soit Cyrius, soit un ancien Roi. Quelques Sorciers puissants pouvaient éventuellement entrer dans l’équation mais il leur faudrait des arguments de taille, en plus de l’argent. « J’ai accepté qu’il participe financièrement à la hauteur de ses moyens. » finis-je. S’il ne faisait pas une offre officielle, rien n’empêcherait les Mayfair de récupérer l’argent et de nier l’avoir un jour reçu. C’était un risque. Finalement, ce n’étaient pas les actes de certains qui me préoccupaient le plus. Ce qui retenait mon attention était le silence d’autres.

« Érasme est à Lumnaar’Yuvon, sans doute avec ton frère. » dis-je. Les pensées de Harold ne s’étaient pas portées sur Dastan mais uniquement sur Érasme. Néanmoins, puisque l’un semblait ne plus aller sans l’autre, l’hypothèse d’un retour du roux à Bouton d’Or semblait plus que probable. « Je ne crois pas que ce soit bon signe. » Je sentais la haine viscérale qui me tenait depuis mon retour s’apaiser petit à petit. Aucun remord ne me saisissait. Il s’agissait davantage du passage d’un état à l’autre, comme un oubli progressif de l’ancien pour mieux embrasser le nouveau. « Il l’aime. » articulai-je, incertain quant à l’utilité de le lui confier. Je songeai à ses poèmes en m’allongeant sur le canapé. Son intensité dépassait sans doute la mienne. Il souffrirait bien plus. Il souffrirait bien plus parce qu’il ne serait probablement jamais capable de passer outre sa douleur.

849 mots
J'espère qu'elle sera partiale  [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 2289842337

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Priam & Freyja
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Priam & Freyja
Sam 04 Juin 2022, 18:23




Que la Lumière rayonne
et que l’Ombre dévore

En duo | Kaahl & co



Une impression violente la frappa ; celle de retrouver l’ancien Kaahl, celui qui ne lui disait rien, celui qui se soustrayait à ses contacts, celui qui fuyait ses questions. Elle le laissa s’évader. Il y avait une nouvelle faille entre eux et elle éprouvait le sentiment coupable d’en avoir étiré les contours, juste à l’instant. Cependant, elle ne comprenait pas comment il avait pu passer si rapidement de l’ardeur avec laquelle ils avaient fait l’amour, de cette fusion presque accomplie qu’ils avaient enfin effleurée après toutes ces années, à cette aigreur glacée. Son cœur se scindait, creusé par l’incompréhension et cette horrible sensation de rejet, qu’elle connaissait si bien mais à laquelle elle n’avait jamais réussi à s’habituer. Dès ses premiers mots, elle s’était sentie agressée et comme souvent, comme on le lui avait si bien appris à le faire, elle avait d’abord engagé la défense. Elle s’humecta les lèvres et recula à son tour. Les sourcils froncés et les yeux baissés, l’Ange semblait chercher une explication entre les lattes du plancher.

Son attention ne lâchait néanmoins pas la voix du brun et le détail de la lettre. Elle détestait le ton qu’il employait en rapportant les propos d’Adriel. Son timbre tintait contre les cordes de son mépris et de son inimitié. Ils n’avaient jamais vraiment parlé de lui, mais grâce à ses espions, le Mage Noir devait tout savoir de leur relation. Il devait avoir conscience de tout le réconfort qu’elle avait trouvé auprès du blond. Il avait été là quand elle n’avait eu personne d’autre à qui parler. Il avait été là pour recueillir ses souffrances interdites et silencieuses, celles qu’Elias avait semé dans son cœur. Il ne l’aurait sans doute jamais su s’il n’avait pas tant tenu à la surveiller. Il y avait un côté masochiste à ce besoin de pister à ce point ses proches. Les peines étaient inévitables, du moins quand on se révélait aussi possessif que lui. Il connaissait ce défaut, il lui en avait parlé, et il le laissait le gangréner. Il était stupide. Elle lui jeta un regard noir. Elle n’avait pas envie de se disputer avec lui, mais le besoin de lui hurler qu’il était un imbécile lui brûlait les veines.

Toutefois, la nouvelle qui tomba faucha pour quelques secondes toutes ses volontés de violence. Freyja fronça les sourcils et rentra légèrement la tête dans son cou, avant de la tourner d’un quart. Il était soulageant de savoir que son frère avait réussi à partir d’ici, mais cela soulevait une multitude de questions. Comment Dastan avait-il pu rentrer à Lumnaar’Yuvon et, surtout, pourquoi y avait-il ramené Érasme ? Il ne l’aurait jamais fait de son propre chef, ce qui impliquait qu’une tierce personne était intervenue. « Je sais. » s’entendit-elle répondre sèchement. Elle se détourna de lui et s’approcha de la fenêtre. Elle ne savait pas. Elle avait envisagé cette possibilité. Dans le temple, après, et même avant. Les rêves n’étaient définitivement pas de simples songes imaginaires. Ils façonnaient. Ils influençaient, ils guidaient, peut-être même qu’ils prédisaient. Elle avait eu suffisamment d’expériences oniriques étranges pour le comprendre. Le récit que Lucius lui avait fait, au Berceau cristallin, lui était resté. Il croyait aimer Dastan et il disait avoir le sentiment de l’avoir volé à Érasme. Il pensait que celui-ci en forgerait une rancœur tenace. « Lucius aussi. » souffla-t-elle. « Ou ça finira par arriver, je crois. » Dehors, la ville s’étendait. C’était comme s’il n’y avait jamais eu de guerre. Les Sorciers et les Sorcières allaient et venaient dans les rues avec une insouciance insolente. « Il en a rêvé. » La suite la rendait curieuse. Elle se demandait quelle était la place de Dastan. Puisque l’ancien Prince Noir semblait toujours en vie, la situation posait clairement question. Dans ces rêves, se l’arrachaient-ils, ou bondissait-il de l’un à l’autre ? À quel point était-il acteur de ces amours ô combien condamnables aux yeux des Réprouvés ? En rêvait-il aussi ? Cela pouvait-il d’autant mieux expliquer le violent trouble qui l’avait assommé lorsqu’ils avaient évoqué son mariage avec Érasme, quelques jours plus tôt ? Surtout, quelle était la marge de manœuvre de la réalité ? « Je voulais te le dire, mais au moment où j’ai voulu le faire, tu as perdu la mémoire. Et après… » Elle haussa les épaules. Elle s’était retrouvée allongée sur le bureau avec sa tête entre les cuisses et elle n’avait plus vraiment songé à tout ça. Ensuite, les événements avaient précipité le temps, et les occasions avaient manqué.

L’Ailée suspendit sa contemplation de la Vorace pour se tourner vers sa silhouette étendue sur le canapé. Elle plissa les yeux, les bras croisés. Un autre questionnement s’imposait : pourquoi n’avait-il pas ramené son fils, s’il s’y était lui aussi rendu ? Pourquoi l’avait-il laissé là-bas, en plein cœur de la haine manichéenne, exposé à tous les dangers ? Avait-il chargé quelqu’un d’autre de se rendre sur place ? Val’Aimé ? Le sang de la fille de Réprouvés se glaça. Si le Chancelier apparaissait en plein cœur du village… Elle inspira, le palpitant battant, puis serra le poing, d’autant plus agacée qu’elle était inquiète. Pourquoi lui en avait-il parlé ? La rassurer sur le sort de son frère pour mieux la tourmenter ensuite, comme une petite vengeance mesquine et injuste ? Écarter les autres sujets fâcheux ? Initier une discussion sur ce qui, justement, le mettait de si mauvaise humeur ? Ça n’avait peut-être rien à voir avec les deux garçons. C’était peut-être la lettre d’Adriel, ces histoires de grossesse, quelque chose qui s’était déroulé à Lumnaar’Yuvon, le cours de ses pensées qui l’avait ramené à Jun, ou tout à la fois, ou tout autre chose. Elle l’ignorait, parce qu’il ne disait jamais rien. Elle serra les dents. Elle l’aimait, mais dans ces moments-là, elle avait l’impression de se tromper sur toute la ligne. Elle avait l’impression de n’être qu’un objet d’agrément, une poupée faite pour se taire et ne jamais contrarier. Elle détestait se sentir déconsidérée de la sorte. Chaque refus de dialogue, chaque contact interrompu sonnait pour elle comme une claque sur sa joue. Il aurait mérité qu’elle le frappât, qu’elle se mît à hurler et à tambouriner des mots trop durs. Ça n’aurait cependant servi à rien, sinon à aggraver la situation. Quelques semaines plus tôt, elle aurait sans doute réagi ainsi. Dans un autre contexte, aussi, peut-être. Mais pas maintenant, pas comme ça. Pas la veille de son procès, parce qu’il fallait qu’ils fussent unis et solidaires, parce qu’ils n’avaient aucun temps à perdre et encore tant de choses à faire. C’était de l’instinct de survie, tout ce qu’elle pouvait mobiliser en la matière. Elle laissa le Sanctuaire d’Ahena rouler sur ses muscles crispés et repoussa du mieux qu’elle pût les émotions véhémentes qu’elle avait envie d’écraser sur la figure du Mage. Son cœur béait toujours douloureusement. Aucun de ses efforts ne pouvait colmater la brèche qui le creusait. Elle était trop ancienne et trop ancrée ; et dedans, le tonnerre grondait. Il avait toujours grondé. Parfois, il tonnait.

L’Ange retourna vers le canapé. Elle attrapa le livre et le ramena contre elle. Elle hésita, puis souffla par le nez. Après avoir reposé l’ouvrage, elle enjamba Kaahl pour se positionner à quatre pattes au-dessus de lui, une main de chaque côté de sa tête. Ses cheveux tombèrent devant ses épaules. Ses yeux verts s’accrochèrent aux siens. Elle ne dit rien. Elle ne savait pas trop quoi dire. Valait-il mieux faire ? Durant de longues secondes, elle se contenta de scruter les orbes noisette qui lui faisaient face. Elle aurait aimé pouvoir lire dans ses pensées, pouvoir comprendre la machine qui dirigeait son cerveau et son cœur. S’ils avaient pu échanger leurs places, ils n’auraient pas eu besoin de se parler. Il leur aurait suffi d’une seconde pour s’entendre et se comprendre, pour accueillir l’autre sans jugement et sans rejet. Tout serait plus simple, presque irréel. « Si jamais… » Freyja inspira doucement. « Rien. Laisse tomber. » finit-elle par souffler, en détournant le regard. Elle déploya ses ailes pour s’écarter d’un battement, se remit sur ses pieds, ramassa tous les livres, glissa un « dors bien », et partit en direction de la bibliothèque.



Message XXXVIII – 1372 mots

Vu comme c'est parti, elle avantagera son père [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 1628




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Kaahl Paiberym
Lun 06 Juin 2022, 20:10



Que l'Ombre dévore


« S’il en a rêvé… » murmurai-je, songeur. Il était peut-être temps que je visitasse ces fameux rêves dans une optique de compréhension des racines de ce mal qui semblait s’être enroulé autour du cœur de mes fils. Cependant, malgré les dires de l’Ange, je n’étais pas certain que Lucius pût aimer Dastan de la même façon qu’Érasme. Les rêves pouvaient-ils avoir une si grande importance ? Un impact si déterminant qu’ils étaient capables d’influencer le réel ? Si j'aurais préféré que la réponse fût négative, je savais qu'il n'en était rien. Je les utilisais moi-même pour gagner du temps. J’avais également voulu m’en servir pour empêcher Adam d’approcher Freyja et avais, enfin, conscience des liens qu'ils créaient parfois. « Oui. » répondis-je simplement, préoccupé. Mes deux garçons avaient grandi trop vite. J’avais toujours été proche de Lucius mais il me portait à présent un ressentiment tenace, en partie dû à sa propre culpabilité. Érasme haïssait Elias parce qu’il s’agissait d’une suite logique chez les Sorciers. Néanmoins, il me craignait bien plus qu’il me haïssait pour le moment, ce qui me conférait un avantage stratégique quant à la gestion de son existence. Il se renforçait mais pas assez. Pour l’instant, il me semblait simplement faire plus de bruit qu’autre chose. Ça changerait mais j’avais encore le temps. La question demeurait délicate. Étais-je en mesure d’intervenir ? Et, si oui, comment ? Une partie de moi craignait que les inclinations d’Érasme ne fussent révélées au grand jour. Lucius ne risquait rien à aimer un autre homme. Ce n’était pas le cas de son frère. Il me faudrait régler le problème en temps et en heure, peut-être de façon détournée, en prenant un autre visage, en agissant autrement. Lucius et Érasme ne m’obéiraient pas tant que je serais leur père. Leur adolescence rapide n’en avait pas réglé différents problèmes qui se posaient justement à ces âges-là. Ils se cherchaient et cherchaient les limites. Celles imposées par Elias seraient trop cruelles. Quant à Kaahl, hormis sa relation avec Laëth, il ne disposait d’aucun argument valable pour empêcher les deux garçons de se rapprocher. L’existence officielle d’Adam dans sa vie n’arrangeait rien. J’étais donc bloqué entre la cruauté de l’un et la tolérance de l’autre. Et elle, qu’en pensait-elle ? me demandai-je, alors que l’Ange m’enjambait.

Mes réflexions s’envolèrent en un soupir lorsqu'elle fut installée sur moi. Elle venait d’utiliser sa magie pour calmer sa hargne. Je soutins encore une fois son regard, en l’imitant dans son silence. Si jamais quoi ? Je tournai la tête pour la suivre des yeux lorsqu’elle partit et finit par soupirer, tout en enfonçant ma tête dans l’assise. Je ramenai mes mains sur mon torse et inspirai, en tentant de l’oublier. Il me fallait dormir mais, au bout de quelques minutes, il me parut évident que l’agacement qu’elle avait suscité chez moi avait aussi créé une tension impropre à la détente. Si jamais quoi ? Je fis craquer mes orteils. Cinq secondes plus tard, ma langue claqua contre mon palais. Je soupirai de nouveau et plaçai mon avant-bras sur mes yeux, comme si obstruer la lumière suffirait à régler le problème. Ça ne régla rien. Ce fut pire. Je le retirai de là et me tournai sur le côté, en ramenant mes jambes vers moi. Je positionnai mes tibias contre le dossier et attendis vainement. Je fis bouger ma mâchoire d’impatience, ce qui ne provoqua pas plus le sommeil.

D’un geste brusque, je me redressai. Assis, les jambes à moitié étendues, je restai là quelques secondes, à maudire mes insomnies, les Ætheri et cette femme qui me servait de compagne. Mon torse se gonfla avant que l’air contenu dans mes poumons ne se vidât vivement. Je me relevai, pris la fiole qui était encore posée là et me dirigeai vers la bibliothèque en me débarrassant de cette encombrante et stupide chemise à froufrous. Quelle idée ce type avait-il eu de s’affubler de pareil accoutrement ? Ma main s’abattit sur la poignée et j’entrai dans la pièce. Je refermai la porte derrière moi et m’appuyai dessus. « Si jamais quoi ? » répétai-je, sans réussir à rester en place. Je me sentais parcouru par un flux d’énergie incontrôlable. Je voulais savoir, autant que j’avais envie de lui crier que je devais dormir et qu’elle, cette imbécile que j’essayais tant bien que mal de sauver, avec ses phrases non terminées, m’en empêchait. Je m’approchai et lui tendis le récipient, avant de me raviser, d’ouvrir le flacon et de le sentir. « Hum… » C’était troublant, étonnement sucré. Ça ressemblait à… « Qu’importe. » me répondis-je à voix haute, en balançant la potion sur le canapé. « Si je ne dors pas, je ne vais pas pouvoir te défendre demain. » articulai-je, avant de me mettre à marcher dans la pièce d’un pas bien trop vif pour un dormeur en devenir. Trop de choses m’occupaient l’esprit. Elle, son frère, mes fils, mon père, Cyrius, Amestris, les Réprouvés, le Temps, le Destin, il n’y avait aucune limite à mes interrogations sans réponse. J'avais, en plus, excessivement chaud, ce qui me semblait provenir de la Couronne, comme tout le reste.

815 mots
Je ne comprends pas pourquoi  [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 1628  
Je me dégage de toute responsabilité pour le choix de la musique  [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 943930617

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Mar 07 Juin 2022, 18:48




Que la Lumière rayonne
et que l’Ombre dévore

En duo | Kaahl & co



Freyja tourna la tête, interloquée. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il la rejoignît. Il était censé dormir. De son côté, elle n’avait pas franchement envie de se confronter à lui. Elle craignait que ses pouvoirs ne finissent par lui faire défaut. Posément, elle rangea son livre sur l’une des hautes bibliothèques, puis redescendit peu à peu, jusqu’à mettre pieds à terre. Son regard descendit sur le torse nu du Mage, avant de remonter vers son visage et après s’être attardé sur la potion qu’il tenait dans sa main. Elle le scruta, un sourcil haussé. « Qu’est-ce qu’il y a ? » Il suintait l’énervement. Elle sentait les lames de sa colère effleurer sa peau. Sa magie les repoussait instinctivement, en la nimbant de son éclat doux. Toutefois, cela n’empêcha pas la surprise de marquer une nouvelle fois ses traits. Machinalement, l’Ange répéta ses paroles : « Si jamais… » Elle fronça le nez et secoua la tête. « Non mais… » Qu’est-ce qui lui prenait ? Il était censé dormir. Plus le temps passait, plus ils prenaient du retard sur leurs objectifs, et plus sa propre vie était menacée. Plus les secondes s’égrenaient, plus l’Aile d’Acier sentait la poigne de l’anxiété se refermer sur sa gorge. Le Sanctuaire d’Ahena tempérait sa puissance, mais elle était bien présente. Malgré toute sa bonne volonté, le fait qu’il fût encore éveillé l’agaçait.

Et qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre ? Il ne finissait pas toujours ses phrases, quand il avait l’amabilité d’en entamer une. Ça l’énervait, qu’elle pût faire pareil ? Freyja souffla par le nez, aussi contrariée qu’amusée. L’ombre d’un sourire courut sur ses lèvres, avant de s’évanouir lorsqu’il fit exactement ce pour quoi il était revenu la voir : débuter une phrase et la balayer en quelques mots. Elle fronça les sourcils et suivit des yeux la trajectoire de la fiole, avant de les ramener dans les siens. Il s’écarta, encore. « Oui, c’est ce que j’étais en train de me dire, et justement je me demande bien pourquoi tu n’es pas allongé sur le canapé à taper ta meilleure sieste. » Dès qu’elle s’agitait, son langage façonné par des années d’éducation réprouvée la trahissait. « Tu avais l’air bien décidé à dormir il y a une trentaine de minutes. » Elle haussa les épaules, faussement indifférente. Sa magie crépitait au bout de ses doigts, nerveuse. « Mais bon, tu avais l’air sûr de beaucoup de choses tout à l’heure, et maintenant ça n’a plus trop l’air d’être le cas. » glissa-t-elle avec une amertume auréolée de tristesse. Durant une fraction de seconde, elle le regarda déambuler dans la pièce, puis se détourna, attrapa un autre volume et s’envola pour le ranger à sa place. Le Sanctuaire d’Ahena et son contrôle des émotions étaient toujours actifs, mais les ressentis de Kaahl venaient la frapper et altéraient leur barrière protectrice. S’ils n’avaient pas agi, elle aurait sans doute été plus vive et plus flamboyante dans ses paroles ou ses gestes ; ils transformaient sa colère en une guerrière froide et piquante. Elle aurait pu utiliser sa magie sur l’ancien Empereur noir pour l’apaiser, mais quelque chose la retenait. « Tu agis bizarrement, depuis tout à l’heure. Je sais qu’à force de côtoyer les Réprouvés, on finit par leur ressembler, mais de là à pouvoir si bien illustrer leur bipolarité en si peu de temps… » Elle redescendit pour prendre le dernier ouvrage à ranger, et s’envola à nouveau pour le reposer sur l’étagère qui lui était dévolue.

Puis, l’Ailée se posa près de Kaahl et rétracta ses ailes. Ses iris verts suivirent les déambulations de sa silhouette. « Ça t’a bouleversé à ce point, ce petit aller-retour ? » fit-t-elle, un brin de sarcasme dans la voix. « Parce que je trouve pas franchement que ce soit une raison pour te comporter comme tu viens de le faire. » Comme un connard, aurait-elle pu dire, avec un peu moins de magie dans les veines. Elle croisa les bras. « Ou bien tu te rends compte seulement maintenant à quel point ça peut être chiant, les gens qui ne terminent par leurs phrases ? » En temps normal, c’était elle, celle qui s’emportait, celle qui dispersait ses émotions aux quatre coins de la pièce et se perdait dans son propre cœur. Pas lui. Elle tourbillonnait et s’éparpillait ; il restait uni et souple. Elle avait devant elle quelqu’un qui ressemblait à l’ancienne version qu’elle avait connue du Mage, sans l’être tout à fait. Elle le détailla. C’était peut-être un effet de cet artefact qu’il portait et qui changeait son essence. La fille de Réprouvés inspira. Elle était agacée, triste et stressée. Si elle continuait à parler, elle avait conscience qu’elle finirait par déraper. C’était peut-être même déjà trop tard, au vu de l’état d’instabilité de son amant. Elle ne devait pourtant pas oublier qu’ils avaient un but commun et que son destin entrait en jeu. Elle reprit donc, d’une voix plus tranquille : « Il faut vraiment qu’on travaille. Retourne t’allonger, je diffuserai le Sanctuaire d’Ahena pour que tu puisses te calmer, et tu pourras t’endormir. » Elle passa une main dans ses boucles brunes. « On parlera du reste plus tard. Comme je te l’ai dit, c’est rien, et on aura tout le temps d’en reparler après le procès s’il faut. » Surtout, elle était à peu près certaine que ça ne l’aiderait pas à fermer les yeux, au contraire. Ça pourrait mener à une longue discussion, et au demeurant, elle n’était pas sûre de vouloir l’avoir, ni maintenant, ni plus tard. Pourtant, à sa place, elle savait parfaitement qu’elle aurait préféré savoir. « Mais si tu ne peux pas me défendre et que je perds, ce sera plus compliqué. Il faut que je continue à lire. » insista-t-elle, comme pour se convaincre qu’elle prenait la bonne décision. Une phrase que Priam lui avait dite résonna alors dans sa tête : Si tu as besoin de te convaincre que c’est la bonne décision, c’est que c’est sans doute la mauvaise. Elle eut l’impression qu’une lame piquetait la chair tendue entre ses côtes. Elle grimaça.



Message XXXIX – 1024 mots

Disons que Kaahl arrive à être presque plus désagréable qu'un Réprouvé en phase démoniaque [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 2289842337
Tout pareil happy  




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Mer 08 Juin 2022, 20:35



Que l'Ombre dévore


Mes yeux restèrent plantés dans les siens un moment puis se détournèrent. Comme elle l’avait fait précédemment, je soufflai par le nez. Un sourire empli d’insolence étira légèrement mes lèvres mais ma langue ne se délia pas. J’étais resté silencieux à chacune de ses phrases, pris entre deux réalités potentielles, celle où je calmais la situation et celle où je l’empirais. Je n’avais rien fait et, déjà, je sentais que rien faire tirait davantage vers la deuxième possibilité que vers la première. Je me dis brièvement que je comprenais Zachary, le mécanisme qui l'avait poussé à passer à l'acte. C’était une question d’ego, de domination et de contrôle. Lagherta avait dû lui tenir tête, proférer des paroles qu’il avait considérées comme des insultes et ne pas apprécier qu’elle fût incapable de rester « à sa place ». Alors les mots s’étaient tus et les coups avaient commencé à pleuvoir, parce qu’il était trop fragile pour lui laisser ne serait-ce que l’impression d’avoir gagné, parce qu’il devait absolument garder la main, parce qu’il était plus fort qu’elle physiquement et magiquement et qu'il devait le lui prouver. Et aussi parce qu’elle était probablement dénuée de mauvaises intentions à son égard. Il y avait en moi une pulsion similaire, une pulsion qui s’agaçait des sarcasmes de l'Ange et de ses sous-entendus, une pulsion qui s’agaçait qu’elle pût choisir le silence face à moi au détriment de l’aveu. Depuis un peu avant mon départ pour Lumnaar’Yuvon, nous avions cessé de nous battre ensemble, pour nous battre l’un contre l’autre. Elle s’était engagée dans un combat perdu d’avance, parce que si j’ordonnais, elle obéirait. J’aurais pu l’accuser de se tromper d’ennemi mais elle était toujours la première à vouloir recentrer notre attention, après avoir déversé des bribes de colère. J’en étais peut-être à l’origine mais elle était, elle, à l’origine de mon malaise premier. Il y avait la Couronne, également. Et cette impression d’étouffer sous le sadisme d’une chaleur que j’étais le seul à ressentir. Je comprenais Zachary mais j’espérais ne pas être comme lui. J’expirai, dans l’objectif de calmer l’impatience qui avait empoigné mon corps. « Tu as raison. » articulai-je, sans être d’accord, avant de rejoindre la porte. Celle-ci ne claqua pas derrière moi. Elle se referma discrètement, avant que des étendues de Magie Bleue ne la scellassent, elle et le mur. Je ne voulais ni la voir ni sentir les effets du Sanctuaire d’Ahena sur moi.

J’entrai dans la chambre et finis de me déshabiller, presque par automatisme. Je m’allongeai et regardai le plafond, en tentant de calmer ma respiration. Elle n’était pas frénétique mais n’avait rien de profonde pour autant. L’agitation me hantait toujours et j’allais devoir sortir de mon esprit chaque problème, un par un, tout en contrôlant mes émotions de force. Il y avait quelque chose de presque masochiste dans l’acte, une sensation que j’avais déjà éprouvée par le passé, lorsque je ne désirais pas adopter un comportement mais que j’étais dans l’obligation de le faire, d’aller à l’encontre de ce que j’aurais réalisé seul, d’aller à l’encontre de mes volontés. Je n’avais plus aucune envie de dormir, parce que j’avais l’impression tenace que mon intervention dans ce procès ne servirait à rien et que la finalité serait la même. Je n’en étais pas certain. Peut-être était-ce là une forme de ressentiment mal venu. Peut-être que, sans oser me l’avouer, je n’avais pas envie de la sauver. Cette pensée me terrifiait mais, comme les autres, je la réduisis au silence en imaginant mon index et mon pouce la saisir pour l’éjecter de ma tête. Je connaissais chaque technique pour dormir. Compter, imaginer un paysage, vider le trop plein de parasites. En temps normal, quand rien ne fonctionnait, j’étais obligé de recourir à une potion. Je préférais néanmoins m’en passer.

Lorsque je me retrouvai dans le Monde des Rêves, je sus que, d’une manière ou d’une autre, j’avais réussi à m’assoupir. Je retrouvai sans peine mon espace, l’endroit que je modelais selon mes besoins et que, petit à petit, j’avais réussi à m’approprier. À chaque visite, il apparaissait tel que je l’avais laissé la dernière fois. Cette fois, ce ne fut pas différent, à une exception : la présence d’une pile importante d’ouvrages au beau milieu du champs de bataille. J’avançai au milieu des cadavres des Réprouvés oniriques. Je n’avais que très peu d’idées sur le fonctionnement du Destin, s’il était possible de s’y soustraire ou non, de choisir, d’agir contre lui. Le sujet semblait tabou, même s’il m’avait semblé percevoir des possibilités dans le discours des Rehlas que j’avais déjà croisés. Je soupirai et fit apparaître un fauteuil. Son pied perfora le crâne d’un Bipolaire qui disparut en même temps que les paysages de Nementa Corum au profit d’une haute colline verte. Je m’assis et, à mes pieds, un ruisseau commença à couler. Le bruissement de l’eau s’éleva, en même temps que le chant des oiseaux. Je remontai mes pieds sur l’assise, pris un livre et débutai mon labeur.

Je m’éveillai lorsque j’eus fini. Il était tard, ou tôt. Le soleil avait disparu. Je me levai et traversai mes appartements dans la pénombre pour retirer le pentacle qui scellait la bibliothèque. « Est-ce que tu as faim ? » demandai-je dans un murmure, en entrebâillant doucement la porte. Elle dormait peut-être.

845 mots
Ce talent devrait être récompensé  [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 943930617

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Priam & Freyja
Jeu 09 Juin 2022, 17:09




Que la Lumière rayonne
et que l’Ombre dévore

En duo | Kaahl & co



Les sourcils froncés, l’Ange enroula ses doigts autour de la poignée et l’actionna. La porte ne s’ouvrit pas. Son cœur se serra. « Kaahl. » Pas de réponse. Elle entendait ses pas s’éloigner. « Kaahl ! » Elle essaya une nouvelle fois d’ouvrir mais le verrou résista. Une vague de panique autour de laquelle s’entortillaient des ronces de colère grimpa en elle. Les épines percèrent son palpitant. Son poing tambourina contre le bois. « Ouvre-moi ! Ouvre cette porte ! » Le silence la gifla. Elle recula, auréolée d’ire. Sa magie n’avait plus rien d’une enveloppe protectrice. Elle enflait en elle à la manière de nuages dans un ciel de tempête. De longs pics de métal apparurent dans les airs et se fichèrent à vive allure dans la porte et sa serrure. Rien ne bougea. « Nutaar’kra ! » Freyja recommença, une fois, deux fois, trois fois. Il avait dû sceller la sortie, mais peut-être qu’en insistant, elle parviendrait à faire sauter son sort ? Rien n’y fit. Elle essaya d’envoyer une onde de choc sur la porte et le mur ; celle-ci arracha les lances métalliques, mais au lieu d’endommager sa cible, rebondit contre elle et se répercuta directement sur l’Aile d’Acier. Elle fut projetée contre l’une des bibliothèques. Un cri de douleur lui échappa, puis elle retomba lourdement sur le carrelage noir et blanc, quelques livres éparpillés autour d’elle. Des larmes déchirèrent ses paupières. Comment pouvait-il lui faire ça ? Pourquoi ? Parce qu’elle avait refusé de terminer sa phrase et alors qu’elle lui avait promis qu’ils en discuteraient plus tard ? Ne pouvait-il pas comprendre qu’ils avaient plus urgent à faire ? Ne pouvait-il pas respecter qu’elle n’eût pas forcément envie de lui dire tout ce à quoi elle pensait, lui qui était si secret ? Il se comportait comme un enfant, un enfant tyrannique, égoïste et cruel. L’Ailée se recroquevilla sur elle-même, le corps tremblant de sanglots.

Elle se releva, seulement pour s’allonger sur le canapé et serrer contre elle l’un des coussins. Ses yeux tombèrent sur la potion, qu’elle reconnut malgré sa vision floutée. Soudain, la terreur, la culpabilité et la honte l’assaillirent. Voulait-elle vraiment des enfants avec cet homme ? Et s’il leur faisait subir le même sort ? Et s’il continuait à la traiter ainsi, même quand ils seraient parents ? Chercherait-il à la priver de leurs enfants ? Voulait-elle vraiment l’épouser ? Lier sa vie à la sienne, plus qu’elle ne l’était déjà ? Qui voudrait de quelqu’un qui séquestre celle qu’il est censé aimer au moindre désaccord, sur un coup de tête, sans explication ? Qui la traite avec une indifférence baignée de mépris au lieu d’essayer de lui parler ? Les larmes de l’Ange coulèrent davantage. Peut-être qu’il avait raison, peut-être qu’elle n’était pas faite pour le supporter. Pourtant, elle y avait tant cru – elle y croyait encore. Elle se détestait. Comment avait-elle pu préférer ce type à son propre frère, qui l’avait toujours soutenue, respectée et considérée ? Pourquoi avait-il fallu qu’elle tombât amoureuse de lui, quand il en existait des millions d’autres qui auraient fait preuve de bien plus de décence à son égard ? Éprouvait-elle une attirance inavouable pour cette violence qu’il lui infligeait ? Elle détestait ses parents d’avoir inscrit si profondément en elle des définitions tourmentées de l’amour. Elle détestait sa nature d’Ange d’être incapable de les endurer sans se sentir morcelée. Elle le détestait, lui. Elle avait besoin de sentir qu’il l’aimait, qu’elle était importante pour lui et qu’il se projetait avec elle. Les souvenirs de la matinée lui revinrent et ils n’en furent que plus douloureux. Elle avait goûté à quelque chose qu’il ne lui avait jamais donné, qu’elle n’avait jamais eu, et maintenant qu’elle savait que ce pouvait être une réalité, elle ne voulait rien d’autre. Elle voulait se sentir connectée à lui comme ça avait été le cas quand ils avaient discuté de la marche à suivre, quand ils avaient fait l’amour, quand il avait posé sa tête sur ses genoux, sur le canapé, prêt à s’endormir. L’éloignement qu’il provoquait entre eux la torturait. Elle avait l’impression qu’on lui avait volé une partie d’elle-même. Agissait-il de la même manière avec Adam ? Elle pressa le coussin plus fort contre sa poitrine. La réponse la terrifiait. Elle ne voulait pas savoir. Comment pourrait-elle supporter que tout fût paisible entre les deux hommes, alors qu’eux-mêmes en revenaient toujours à un état belliqueux ? Que faisait-elle qui n’allait pas ? Qu’avait-elle dit ou fait qui ne lui avait pas plu et qu’il taisait ? Était-ce véritablement de sa faute ou subissait-elle simplement une dégradation d’humeur causée par des facteurs extérieurs ? Elle ignorait ce qui serait le pire. Toutes ces questions la terrorisaient, parce qu’elles la ramenaient à de désagréables souvenirs d’enfance. Elle se les était déjà posées, quand sa mère la frappait ou la punissait sans raison apparente.

Freyja finit par s’endormir, épuisée et bercée par de sombres pensées. Son sommeil fut entrecoupé et agité de cauchemars. Lorsqu’elle se réveillait, elle pleurait. Elle pensait à Kaahl, elle pensait à son procès, et elle s’enfonçait dans l’angoisse de perdre et l’un et l’autre. Elle essaya plusieurs fois de lire d’autres ouvrages mais n’y parvint pas. Elle se demanda s’il faisait tout pour l’aider ou s’il vaquait à d’autres occupations et l’avait simplement laissée là, livrée à son sort. Le jour déclinait, et avec lui, son moral, son sentiment de sécurité et son énergie. Elle s’était naïvement imaginée qu’ils passeraient la nuit ensemble, qu’ils feraient encore l’amour et qu’elle pourrait s’endormir dans ses bras. Elle avait cru qu’elle pourrait se reposer un maximum avant le jugement et l’affronter à ses côtés, soudés. En réalité, elle était seule dans la bibliothèque, entourée de livres saturés d’écriture qui faisaient écho au vide qui l’habitait. Le procès approchait, et elle était exténuée. Elle avait l’impression que Kaahl ne s’était jamais tenu plus éloigné d’elle. Rien ne l’apaisait. Elle était incapable de mobiliser sa magie. Celle-ci semblait clignoter, pareille à une luciole en fin de vie. Ses émotions flottaient autour d’elle comme des démons prêts à l’achever. Quand il ouvrit la porte, elle ne bougea pas. La lumière de la lune s’étalait en éclats agressifs sur les carreaux blancs du carrelage. « Non. » souffla-t-elle. Elle n’en savait rien. Toutes ses sensations primaires lui paraissaient inatteignables. Il semblait n’y avoir de place que pour celles qui pourfendaient sa poitrine. Elle se recroquevilla un peu plus, le coussin toujours tenu contre elle. Elle ferma les yeux, voulut inspirer, et fut obligée de renifler. Après une seconde d’hésitation, elle essuya ses larmes, passa sa main sous son nez et se redressa, en appui sur un coude. Près du canapé, les livres tombés clairsemaient le sol des taches colorées. Devant la porte, les pics en métal striaient le damier carrelé. Son regard chercha le sien. Dès qu’il s’y plongea, son cœur se déchira. Elle eut l’impression de suffoquer, et se ressaisit juste assez pour articuler : « Tu vas me dire ce qui ne va pas, ou on va y aller comme ça ? » Elle n’avait pas envie d’y aller comme ça. Elle n’avait pas envie de continuer comme ça. Avait-elle envie de continuer ? En valait-ce la peine ? Serait-ce toujours ainsi ? Elle ne voulait pas vivre sans lui, mais elle ne voulait pas vivre ainsi. Il y avait forcément une solution. Il y avait toujours une solution.



Message XXXX – 1240 mots

Il sera peut-être récompensé par une lettre de rupture avant la fin du rp [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 950593777
Comme je rédige mon mémoire en ce moment, je pense continuer à te piquer tes musiques pour gagner un peu de temps, alors choisis bien, le destin de ce rp est entre tes mains (et c'est pas gagné) [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 1628




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Kaahl Paiberym
Jeu 09 Juin 2022, 21:53



Que l'Ombre dévore


Un état des lieux rapide de la pièce me suffit à comprendre la situation. Pourtant, comme si toute empathie à son égard avait cessé d’exister en moi, je ne bougeai pas. Pas plus après son refus. Plus tôt, je m’étais laissé emporté par un trop plein d’émotions négatives. À présent, je ne ressentais plus rien. Pire, je n’avais pas envie de ressentir. L’Ange dégoulinait de sensibilité. Elle s’était probablement énervée et avait fini par pleurer de colère, de tristesse et d’impuissance. Elle avait dû s’endormir ou rester, en état léthargique, sur le canapé. Là où j’avais passé des jours dans le Monde des Rêves, quelques heures seulement s’étaient écoulées ici. Nous ne vivions pas à la même vitesse. Ses ressentiments à mon égard étaient toujours vifs. Est-ce que les choses seraient toujours ainsi ? Elle, enfermée dans sa douleur et, moi, trop mouvant ou occupé pour rester enchaîné au chaos de notre relation ? Est-ce que ce serait toujours ainsi ? Elle, à s’occuper d’une vie pleine et entière, à gérer une identité cohérente, un seul fil conducteur, et moi, à devoir valser entre mes obligations et mes responsabilités, à me savoir esclave de la fatalité ? Que représenterait-elle pour moi, à l’avenir ? Un refuge ou des complications ? Elle n’avait pas à vouer sa vie à la mienne et je me doutais qu’elle ne le ferait pas. Y serait-elle forcée ? Reviendrait-elle toujours, malgré mes actes ? Étions-nous destinés l’un à l’autre ou est-ce que tout ceci avait-il une date de péremption ?  Ces questions se succédaient dans mon esprit, sans pour autant éveiller en moi quoi que ce fût. Elles s’agençaient comme des faits et je me sentais presque extérieur à elles. Je les observais de haut et cherchais des réponses hypothétiques. Je savais ce que j’étais, actuellement. Pourtant, je ne voyais rien et n’entendais rien. Les émotions allaient et venaient, disparaissaient et réapparaissaient. Je ne contrôlais rien. Un instant, je pensai que, peut-être, je devrais la quitter, lui dire que nous n’avions plus rien à faire ensemble, que je ne l’aimais pas, que je ne l’avais jamais aimée. Une partie de moi s’amusa de la scène envisagée. Elle souffrirait mais cette souffrance rebattrait les cartes. Cyrius jubilerait trop pour encore songer à se venger d’elle. Il la toiserait et prononcerait un jugement sans importance. Et moi ? Moi, je passerais pour l’homme cruel, le sans cœur. Peut-être même jouirais-je de la situation, par mon plein contrôle de façade sur celle-ci. Et même si mes mots auraient été faux, même si j’aurais menti en les prononçant, j’aurais maîtrisé la fin de notre histoire commune, je l’aurais convaincue. Peut-être était-ce le mieux à lui offrir. Une vie sans moi, une douleur qu’elle surmonterait avec le temps. Peut-être était-ce ce que le Destin avait prévu ? Je l’ignorais, comme j’ignorais ce qu’elle attendait au juste. J’avais l’impression diffuse que je ne serais jamais ce qu’elle désirait, comme elle désirait. Je songeai même que si les événements continuaient à s’accélérer, je finirais peut-être par la tuer. Là encore, dans mon esprit, l’image fut claire, peut-être même un peu trop réaliste, au point de me faire entendre le bruit de la pluie tombant sur son cadavre. Quelle cérémonie accueillerait son corps ? Serait-elle incinérée ? Serait-elle enterrée ? Ou n’y aurait-il rien, qu’une fin sans gloire, sans reconnaissance ? Jusqu’où lui volerais-je sa vie ? Sa famille ? Ses rêves ?

Je m’avançai dans la pièce, désintégrai le métal et me baissai pour attraper les livres tombés au sol. Je les rangeai dans la bibliothèque. « J’imagine qu’une partie de moi angoisse. » répondis-je. C’était un morceau de la vérité. Le reste était difficile à décrire. Aussi, quand j’eus terminé, je ne cherchai pas à aller au-delà de ma réponse et m’approchai du canapé. Je pris la fiole de potion contraceptive dans ma main et m’assis. Je la fixai. « Tu n’y as pas touché depuis que je te l’ai ramenée. » fis-je remarquer. « On n’en a jamais réellement parlé et je n’y suis pas habitué alors ça me préoccupe. » Je n’avais jamais demandé à mes espions la fréquence à laquelle elle prenait son breuvage. Aucun d’entre eux ne m’en avait parlé non plus. Je soupirai. « Mon rôle, en tant que mari, est de féconder mes femmes. Plus elles ont d’enfants, plus elles sont respectées. Et plus j’ai de femmes et d’enfants, plus je gagne en légitimité en tant qu’homme. » Ma deuxième main rejoignit la fiole et je commençai à faire rouler celle-ci dans mes paumes lentement. « Ce que je veux dire c’est que je t’envie un peu, d’avoir le privilège de pouvoir te demander si oui ou non tu veux faire telle ou telle chose. Quand tu ne t’en sens pas capable, tu peux toujours crier, pleurer et renoncer. Ce n’est déjà pas mon cas aujourd’hui et ça le sera de moins en moins à l’avenir, à la différence que je me bats encore pour ce en quoi je crois. Ça changera probablement plus tard. C’est aussi la raison pour laquelle je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de faire un enfant. Je ne pourrai peut-être pas m’en occuper. » J'avais envie d'un enfant mais mes désirs n'avaient aucune importance. Je le sentais. « Bref. Ce n’est pas la question. » J’étais plus calme. Pourtant, mes émotions me semblaient toujours lointaines. « J’ai les arguments juridiques pour t’éviter le pire au procès. Il y a eu des précédents dans l’Histoire. Je vais me concentrer sur le droit de propriété. D’après mes sources, il a toujours eu plus de poids que d’autres considérations comme la diplomatie par exemple. Je le savais déjà mais, à présent, j’ai de quoi appuyer mes dires. » Je m’arrêtai, soupirai et laissai mon dos rejoindre le dossier. Je fermai les yeux. « Je ne me sens pas réellement là. C’est comme si j’étais détaché ou extérieur à moi-même. C’est l’Artefact mais je ne peux pas l’enlever quand je veux. Il faut que je redevienne Sorcier. Si je redeviens Sorcier, je pourrais toujours coopérer avec le Magicien. » Je ne réfléchissais même plus à ce que je disais.

1018 mots
Il sera ravi  [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 943930617
Ne me dis pas ça, je risque de faire des choix particuliers par pure provocation. Et ce n'est pas sage de mettre quoi que ce soit entre mes mains [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 2289842337

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Priam & Freyja
Ven 10 Juin 2022, 14:47



Unknown (au bout de 6 pages, je sature de l'autre /sbaf)

Que la Lumière rayonne
et que l’Ombre dévore

En duo | Kaahl & co



Durant de longues secondes, l’Ange eut peur qu’il ne répondît pas. Elle eut peur qu’il se contentât de ranger les livres et de tourner les talons, la livrant une fois de plus à la gueule acérée de sa solitude. Pourtant, les mots tombèrent : un couperet de soulagement trancha la terreur de la brune. Pas la colère, cependant, cette colère qui croupissait et bouillonnait sous sa tristesse, lave de douleur prête à se répandre sur sa langue à tout instant. Il angoissait ? Il la repoussait et il l’enfermait parce qu’il angoissait ? Elle serra les dents et se détourna. Son propre stress battait en brèche sa raison. Elle avait conscience qu’il accentuait chacune de ses émotions négatives. C’était inévitable, et il lui semblait normal que Kaahl subît un état similaire. Ça voulait dire qu’il se souciait d’elle, au moins un peu, au moins en dépit de ses actes. Mais là où pour faire taire sa panique, elle avait besoin d’une présence et d’une connexion, il semblait plus disposé à se retrancher derrière d’insurmontables remparts. Étaient-ils seulement compatibles ? Ils auraient pu être complémentaires, peut-être, s’ils n’avaient pas été poussés à s’entredétruire malgré eux. Avait-ce un sens ? Fallait-il se battre contre ça ? En valait-ce la peine ? Elle le regarda se diriger vers elle, mais il lui semblait que plus il s’approchait, plus le gouffre qui les séparait s’élargissait. Elle s’assit et ramena ses jambes contre elle, les yeux rivés sur la fiole qu’il tenait entre ses doigts. Elle ne dit rien. Ce n’était pas vraiment des questions. Surtout, elle avait le sentiment diffus que si elle ouvrait la bouche, il risquait de se taire. C’était comme s’il fonctionnait comme un barrage dont le débit d’eau s’écoulait à un rythme régulier et constant, et que le moindre mot de sa part pouvait le perforer d’un énorme trou qui le viderait tout d’un coup.

L’Aile Blanche, les bras enroulés autour de ses genoux, posa sa tête au sommet de ceux-ci, puis détourna le regard. Il se perdit dans la contemplation de l’encadrement de la fenêtre. Elle n’avait même pas essayé de fuir par là. Si elle avait essayé, les Sorciers l’auraient sans doute attrapée et punie. Elle était convaincue que, quelques temps plus tôt, elle aurait tenté quand même. Gagnait-elle en sagesse ou en lâcheté ? La couardise la répugnait. Pourtant, lui, elle l’aimait, alors qu’il préférait l’enfermer plutôt que de la confronter ou même de coopérer. Mais il parlait, enfin, et elle l’écoutait. Il parlait de ces femmes qu’elle n’était pas et de ces enfants qu’elle n’avait pas eus, qu’elle n’aurait jamais. Elle n’aimait pas quand il en parlait. Ça faisait partie de sa vie, c’était au centre de celle-ci, ici, à Amestris, mais ça lui donnait toujours l’impression diffuse de n’être qu’un à côté. Parfois, elle se demandait aussi si ça ne motivait pas en partie son envie d’avoir un enfant avec lui. Elle se rappelait parfaitement du jour où elle avait eu une sorte de révélation, où elle s’était dit, en observant Lucius, qu’elle aimerait avoir cette relation-là avec un enfant, avec son enfant. C’était la raison principale, mais d’autres, plus honteuses ou malsaines, n’avaient-elles pas pu se frayer un chemin jusqu’à son cœur ? S’ils créaient la vie ensemble, alors elle serait sur un pied d’égalité avec toutes les autres. Elle lui donnerait ce qu’elles lui donnaient toutes, à la différence près qu’il l’aimait, et que ce serait donc un peu différent, un peu mieux, forcément. Elle déglutit. Elle n’aimait pas cette pensée, et si jamais elle existait vraiment en tant que telle en elle, elle ne l’assumait pas. Elle ne voulait pas d’un enfant pour soigner son manque de confiance en elle ou en eux, parce que ce serait injuste et inutile. Elle n’était pas assez stupide pour croire qu’un gamin pourrait tout résoudre.

À mesure qu’il poursuivait son explication, son esprit s’éloigna de ces considérations. On a toujours le choix, songea-t-elle avec amertume. Puis, elle repensa à ces bribes de vie qu’elle avait menées malgré elle, à l’existence de Jun qu’elle avait parsemé de sa présence. Le poids du devoir et les fatalités dont s’encombre le destin, l’écœurement face à l’insupportable et la résignation face à l’inévitable. L’obligation qui frappe trois coups et la porte qu’il faut ouvrir. L’irrévérence qui permet d’affronter les plus grands malheurs et l’insolence qui crache à la gueule des injustices du monde. Mais toujours le devoir, comme une épée suspendue par un fil au-dessus de sa tête. L’impuissance qui commence là où les règles de l’univers débutent, ce lieu sans emplacement où certaines volontés doivent avorter, où les désirs ne peuvent pas devenir des plaisirs, où la colère naît et se révolte sur elle-même. À l’époque, tous les enjeux l’avaient brutalement dépassée. Elle n’avait compris que les sentiments et les émotions. Plus le temps s’écoulait, mieux elle discernait le reste. C’était encore flou, incertain et brouillon, mais c’était là. Le discours de Kaahl réveillait ces sensations et ces réflexions. Elle était incapable d’expliquer ce dont il parlait ou même de le décrire, mais elle le comprenait. Et la compréhension recréait une forme de connexion.

L’Ange tourna la tête vers lui. Une pensée la traversa : il vivait la même chose que son père. Ils avaient tous les deux connaissance de choses dont elle ignorait tout, elle le savait. Mais cette connaissance ne relevait-elle que de l’érudition ou émanait-elle de différences plus racinaires ? Des êtres ont des obligations qui transcendent leur volonté même. Des êtres. Juste des individus lambda, éparpillés au sein des races et malheureux d’avoir conscience de leurs limites, ou plus que ça, plus que des grains de sable jetés au vent ? Une fédération, un désert tout entier. Elle savait aussi, grâce à Jun, pourtant, elle ne le vivait pas comme lui, comme eux. L’artefact. Ezechyel en avait-il porté un similaire ? Elle ne s’en rappelait pas, cependant, l’objet modifiait la nature et l’essence. Existait-il vraiment des individus qui leur étaient similaires ? Qui servaient le Destin ? Parce que ce n’était pas qu’une question d’absence de libre-arbitre dans un monde régi par des lois inaliénables, elle en avait une conscience aiguë. Il y avait une histoire de devoir, d’impératif, le besoin de s’assurer que tout se déroule comme prévu. Savoir parfaitement ce qu’on faisait et comment on devait le faire. Les paroles qu’Hazaan lui avaient tenu lors de leur dernière entrevue s’imposèrent dans son esprit. Sa gorge se noua et ses mains tremblèrent. Elle détourna le regard, la respiration lourde et le palpitant frémissant. Sa réaction pouvait être attribuée au doute soudain de Kaahl quant à la pertinence de sa paternité, pourtant, c’était tellement moindre. Elle n’y croyait même pas. Il n’était pas vraiment lui-même. C’était ça.

Le choc la prenait si bien en tenaille que les autres émotions peinaient à se frayer un chemin jusqu’à sa poitrine. Même le soulagement de l’entendre dire qu’il avait préparé sa défense ne l’étreignit pas, alors qu’il s’agissait de l’une de ses préoccupations majeures quelques minutes plus tôt. Ses iris verts revinrent se poser sur le brun, remplis d’une distance pavée de ses réflexions. Ses ongles s’enfoncèrent dans la chair couvrant les bords extérieurs de ses genoux, à travers son vêtement. La douleur lui permit de se détacher un peu du monde des idées et de se raccrocher à leur réalité. Elle le laissa finir et demeura silencieuse. Il y avait toujours une solution. Durant quelques secondes, elle ne bougea pas. Puis, avec douceur, elle avança l’une de ses mains vers les siennes, et prit avec délicatesse la potion. Elle s’humecta les lèvres. « Je ne la prends pas tous les jours, c’est tout. J’en aurai juste besoin dans deux semaines, quand j’aurai mes règles. » Elle la posa à côté d’elle et la regarda un instant, avant de pivoter à nouveau vers lui. « Pourquoi est-ce que tu ne cherches pas un artefact qui te permette de devenir un Sorcier ? » Quant à savoir à quel Magicien il avait fait allusion, elle ne demanda pas. Si elle avait compris une chose, c’était qu’il était instable, et que le moindre écart pourrait le conduire à se recroqueviller dans sa coquille comme il l’avait fait, quelques heures plus tôt. Freyja ne voulait ni être enfermée, ni perdre le semblant de connexion qu’elle avait tout juste retrouvé. Pourtant, ces désirs n’étaient pas autant motivés par la crainte que plus tôt ; ils souffraient d’une forme d’impératif imposé par la raison. Peu importait. Peut-être qu’il ne s’identifiait pas au Mage Blanc qu’il devait incarner malgré lui, peut-être qu’il possédait un artefact capable de le changer en Magicien et qui lui donnait du fil à retordre comme celui-ci. Ce n’était pas le cœur du problème actuel : ses questionnements l’éparpillaient, et elle devait se recentrer. Si elle ne se centrait pas, elle était inefficace. Si elle était inefficace, elle ne pouvait offrir aucune solution.

L’Ailée dénoua son deuxième bras et étendit ses jambes, avant de se mettre à genoux sur le canapé pour enjamber le brun. Assise sur ses cuisses, elle le scruta. Un calme étrange s’était emparé d’elle. Son cœur battait fort, mais c’était une pulsation lente, rythmée, cadencée, presque maîtrisée. « Je comprends. » Elle s’arrêta, avant de préciser : « Ce que tu vis, je le comprends. » Elle inspira. « Je l’ai vécu. J’en ai rêvé, mais ce n’était pas un rêve comme un autre. » Elle déglutit. L’hésitation asséchait sa bouche. Finalement, elle se décida : « Dans ce rêve, j’étais Jun. Et il ressentait tout ça, au moins tout ça, et moi aussi. » C’étaient des paroles folles ; néanmoins, elle était certaine qu’il avait compris, lui aussi. Sinon, il n’aurait pas… Elle chassa l’image de son esprit en fermant fort les paupières. À nouveau, elle prit une inspiration, puis rouvrit les yeux. Ses deux mains se posèrent dans le cou du brun, ses pouces sur sa mâchoire. Sous ses paumes, elle sentait son cœur pulser. Il n’avait pas l’impression d’être là, mais il l’était. Ce n’était qu’une affaire de sensation, de connexion à soi. C’était – peut-être – la même chose que quand elle se fracassait tout autour d’elle-même. « Ne bouge pas. Je veux juste t’aider, alors laisse-moi faire. D’accord ? Je ne vais pas te faire de mal. » Si ça arrivait, il se défendrait facilement. Il n’avait rien à craindre. « Fais-moi confiance. » Une lueur nacrée auréola ses mains. La magie blanche se déploya sur le corps de l’homme. Elle se tissa tout autour de lui, pareille à un cocon protecteur. Puis l’Ange puisa en elle et plongea en lui. Progressivement, elle y fit fleurir ce qui paraissait fané chez lui, ce que l’artefact avait réduit à l’état de cendres : la confiance, la chaleur, la tendresse, l’affection, la sérénité, l’allégresse, le courage, la compassion, l’amour, et tout ce qui l’inspirait habituellement lorsqu’elle se tenait près de lui.



Message XXXXI – 1817 mots

Je n'en doute pas (:^^:)
Voici ma réponse :
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Sam 11 Juin 2022, 12:30



Que l'Ombre dévore


« Ce n’est pas si simple. » murmurai-je doucement. Les études sur ce genre d’artefacts étaient rares. J’en avais commandé un certain nombre, assez pour être certain qu’il ne suffisait pas d’en désirer un pour l’obtenir. D’expérience, je savais également que chacun demandait une épreuve et, bien souvent, des sacrifices. Le test était réel. Un pourcentage extrêmement réduit d’individus possédait un artefact et, sur ce pourcentage très réduit, une part ridicule en avait deux ou plus. Les chercheurs, bien que non centrés sur ma personne, avaient rapporté des chiffres étonnants. Bien sûr, il était impossible de les tenir pour totalement véridiques. Certains possesseurs devaient se cacher et je comprenais mieux que personne qu’il fallait être prudent avec certaines études. Néanmoins, il me semblait être le plus grand collectionneur. J’inspirai et laissai mon souffle se perdre ensuite autour de moi. Tout ce qui m’entourait me paraissait lointain. Ce que Freyja disait pourrait peut-être se réaliser. Si un objet capable de me transformer en Sorcier me jugeait digne de lui, je n’aurais théoriquement plus à porter la Couronne du Savoir Sans Avenir. Pourtant, ce ne serait qu’un rêve, qu’une latence vers l’inéluctable. Si je possédais ce pouvoir, ce n’était pas parce que les Ætheri avaient décidé de me faciliter la vie. Avoir accès aux secrets se payait toujours. J’avais conscience que mon avenir se dessinerait au sein de Lua Eyael. Je deviendrais comme cet homme que mon frère avait rencontré plusieurs fois, cet alcoolique excentrique et insaisissable. Peut-être même deviendrais-je fou, comme Devaraj, à me complaire dans l’irrationnalité dès que mes obligations me le permettraient. « J’essaierai. » Car, ce qui ressortait également, de mon expérience, était cette propension à l’attirance entre artefacts. Plus j’en avais possédé, plus l’espacement entre chaque trouvaille s’était réduit. Petit à petit, j’avais commencé à sentir un lien, une force nouvelle, une puissance différente. Plus j’avançais, plus il me semblait arriver à toucher du doigt une notion fondamentale. Arriverais-je à tout être ? Aurais-je cette possibilité ? Au nom et pour le compte du Destin ?

Mes pensées s’écartèrent lorsqu’elle monta sur mes genoux. J’avais l’impression d’être englué, écarté de la réalité. Je pouvais songer mais mon corps me paraissait lointain et mes émotions factices. Mes yeux regardèrent l’Ange et mes mains escaladèrent ses jambes jusqu’à ses hanches dans un geste machinal. « Hum ? » Que comprenait-elle ? Je restai interdit. Il valait mieux attendre qu’elle déroulât ses affirmations. L’une après l’autre, elles apportèrent autant de réponses que de questions. « Tu étais Jun… » Il était difficile pour moi de prévoir le comportement de mon père mais il me semblait presque naturellement évident qu’il ne s’agissait pas d’un accident. Les rêves n’étaient jamais des illusions. Ils étaient réels, à leur manière. Si elle précisait que ce songe-ci avait paru plus spécial, alors il devait l’être. Mais pourquoi ? Pourquoi aurait-il permis qu’elle entrât en lui ? Qu’elle vît ? Était-ce la même chose que ce qu’il s’était produit entre Devaraj et moi ? Un échange de souvenirs ? Un échange d’émotions ? Quelque chose de puissant et de liant ? Si je pouvais faire surveiller Freyja, mon père, lui, ne montrait que ce qu’il désirait bien montrer. Lorsqu’elle était avec lui, et je savais qu’ils se voyaient, ou s’étaient vus, elle échappait à mes espions. Jusqu’où la laissait-il entrer dans son intimité ? Et elle ? Que lui disait-elle ? Que lui confiait-elle ? M’aidait-il ou s’aidait-il lui-même ? « Hum… je vois. » J’avais été Jun, moi aussi, d’une autre façon. Parfois, je m’emparais de son histoire, à travers le temps. Je restais moi mais étais catapulté dans son corps, à subir le regard perçant de sa sœur, de la mère de Devaraj et de Lucius.

Je ne bougeai pas, ce qui n’empêcha pas ma magie de s’agiter. Mes ténèbres n’aimaient pas le contact de sa lumière mais je les forçai à capituler. Mon détachement, étrangement, m’y aida davantage. Lui faire confiance. Je savais que je le devais. Longtemps, j’avais été incapable de la considérer comme une alliée. Peut-être était-ce une folie de commencer à le faire. Peut-être oscillerais-je entre confiance et méfiance à l’avenir. Pourtant, je savais que mon état actuel était néfaste. Je le savais mais étais incapable de m’en sortir seul. C’était comme une punition que je m’infligeais à refuser de me délivrer du mal qui m’habitait. La Couronne y était pour beaucoup mais, si je devais être honnête, elle n’était pas la seule cause. En moi, des failles existaient encore. Je fermai de nouveau les yeux, pris dans un univers ouaté où mes sensations étaient toujours amnésiées. Puis, petit à petit, j’eus l’impression de revenir, de pouvoir m’ancrer de nouveau, me rattacher à mon corps et à ses sens. Le poids de l’Ange s’en accentua, ma prise sur ses hanches également. Je gagnai en présence, tant et si bien que ma propre magie finit par accompagner celle de Freyja pour me ramener à un état entier et stable. Un nouveau sentiment, cette fois bien à moi, naquit : l’embarras. Je me pinçai les lèvres et détournai les yeux. « Désolé. » dis-je. Parce que je l’avais enfermée là. Parce que je n’étais pas à la hauteur. Je me décevais moi-même. Je soufflai par le nez, fermai les yeux une dernière fois et laissai tomber ma tête en arrière en grognant d’agacement. Puis, là, j’ouvris un œil et la fixai. Je restai silencieux un moment. « Tu veux toujours de moi ? » demandai-je, avant de laisser mes lèvres s’étirer d’un seul côté de ma bouche. Au fond, je savais que j’étais un connard. Je savais aussi que ça risquait de se reproduire. Je savais, même si je ne le désirais pas.  

933 mots
Tant mieux. Attends de voir les musiques de Cyrius [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 1628

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Priam & Freyja
Dim 12 Juin 2022, 17:06



Unknown (au bout de 6 pages, je sature de l'autre /sbaf)

Que la Lumière rayonne
et que l’Ombre dévore

En duo | Kaahl & co



Quand ses doigts se cramponnèrent plus fermement à ses hanches, elle sut qu’il revenait. Elle sentit la magie noire céder totalement, et la bleue se joindre à la danse de la sienne. Une sensation aussi grisante que captivante enfla dans sa poitrine. Elle la laissa flotter en elle puis, précautionneusement, l’Ange referma les vannes de son enchantement. Ses mains glissèrent contre le cou de Kaahl, sur son torse puis jusqu’à elle. Elle le regarda. Elle se sentait ici et ailleurs à la fois, comme si elle avait laissé une part d’elle-même dans cet échange. Ça ressemblait à ce qu’elle pouvait ressentir quand elle volait trop haut et que ses poumons peinaient à capter l’oxygène. Un étourdissement, un flottement, une perte de contrôle qui n’avait rien de terrifiant. Toute son angoisse semblait s’être évaporée. Néanmoins, elle savait qu’il fallait redescendre, atterrir. Elle cligna des yeux, puis fut comme définitivement ramenée à la réalité par sa demande d’excuse. Ses iris verts détaillèrent les émotions qui marquaient ses traits. Son regard fuyant, la pulsation sur sa tempe, le pli de ses lèvres, la tension entre ses dents. La gêne, la déception. Freyja comprenait qu’il était sincèrement désolé. C’était aussi soulageant que peu rassurant. Parce que ce regret-là, ce regret qui portait sur une action qui ne l’avait pas empêché de dormir, sur une décision qui avait été sourde à ses cris et aux présupposés de leur relation, ce regret-là signifiait qu’il n’avait pas vraiment été lui-même. Tant mieux, parce qu’elle aurait détesté devoir le haïr encore, le haïr un peu plus ; mais s’il s’échappait à nouveau, s’il se détachait une nouvelle fois de ses sentiments, qu’adviendrait-il ? Recommencerait-il ? Ferait-il pire ? Elle savait, désormais, qu’elle devait aller le chercher au fond de lui-même. Mais serait-elle toujours en mesure de le faire ? Serait-elle assez calme pour utiliser sa magie ? Serait-elle assez puissante pour lutter contre lui, s’il se débattait ? Pour une fois, elle n’avait pas hâte de trouver réponse à ses questions.

L’Ange baissa la tête et s’humecta les lèvres, songeuse, avant de relever le nez vers lui. Son œil l’observait. Il était revenu, vraiment, il était là, juste lui. Cette pensée parut ramener son palpitant à la vie : il quitta son battement lent et profond pour virevolter gaiement. Elle lui rendit son regard à mi-chemin entre le sérieux et l’espièglerie. « Franchement ? » Son buste s’inclina vers le sien. Ses cheveux tombèrent devant ses épaules. « Tu mériterais que je réponde non. » La jeune femme remonta une main dans sa nuque et fit glisser ses ongles contre sa peau. « Mais je suis magnanime. Et je préfère les procès équitables et les jugements justes, alors… » Elle sourit. « Je te laisse l’occasion de te défendre. Sois convaincant, parce qu’il n’y a pas de cour d’appel. » Elle se pencha encore, laissa ses lèvres effleurer les siennes, comme si ce n’était qu’un geste de passage, un égarement non calculé, puis sourit encore et l’embrassa, tandis que ses doigts crochetaient sa ceinture. Au fond d’elle, l’impression que demain n’existerait pas s’ancrait profondément. Elle avait juste envie de le sentir en elle, vivant, de se fondre en lui et d’oublier le monde.



Freyja inspira. La chambre de Kaahl, dans le manoir de la famille Paiberym, lui semblait désormais oppressante. Des instincts primaires l’animaient et lui hurlaient de s’enfuir. Elle restait. Ils étaient revenus ici, parce que c’était là que les gardes censés la conduire au procès viendraient la chercher. Elle avait pu dormir un peu, pourtant, elle avait l’impression d’être en éveil depuis toujours. Assise en tailleur sur le lit, elle ferma les yeux et se concentra. Sa magie s’enroula autour de son cœur et de son cerveau. Elle chassa, verrouilla, apaisa. Il faudrait qu’elle fût capable de faire la même chose lors du procès. Ce serait autrement plus difficile et elle en avait parfaitement conscience. Elle devrait réussir à ignorer le regard de dizaines – de centaines ? – de personnes et confronter ceux des Archimages et de Cyrius. Aucun d’entre eux ne lui voudrait du bien ; pire, ils lui seraient tous hostiles. Ils l’observeraient comme les prédateurs fixent une proie blessée, avec ce mélange de voracité, d’impatience et d’excitation. Ils regarderaient Elias, aussi, et ils haïraient qu’il la défendît. Cyrius savait ; mais aux yeux des autres, elle devrait avoir l’air de l’exécrer. Elle souffla. Il était parti quelques minutes plus tôt. Elle l’avait serré dans ses bras, elle lui avait dit qu’elle l’aimait et qu’elle avait confiance en lui, puis elle l’avait regardé s’en aller, en se promettant qu’elle le verrait encore.

L’Ange déplia ses jambes et quitta le lit. Du plat de la main, elle lissa les plis de la longue robe noire qu’ils avaient décidé qu’elle mettrait. Elle était d’un inconfort criant : son tissu lui comprimait la gorge, le thorax et la taille. En l’enfilant, elle avait songé que tout était fait, ici, pour que les femmes se tussent, et elle avait repensé à ce qu’elle avait dit à la princesse Eméliana. Néanmoins, il était sans doute plus prudent de ressembler à une mauvaise imitation de Sorcière qu’à une Ange ou, pire encore, une fille de Réprouvés. D’un pas mesuré, elle sortit de la chambre. Elle passa devant un miroir et jeta un coup d’œil à ce reflet qui ne lui ressemblait pas. La jeune esclave avait remonté tous ses cheveux. Ils tenaient à l’aide de quelques pinces, cependant, les plus rebelles avaient déjà abandonné la coiffure. Un sourire flotta un instant sur ses lèvres, puis elle descendit les escaliers. Les frères de Kaahl étaient là : elle leur décocha un regard indifférent, avant de s’asseoir sur le canapé. La mésaventure de l’un devait les avoir calmés tous les deux et, surtout, il aurait été très mal vu de s’en prendre à une accusée juste avant son procès – un procès d’une telle ampleur, en tout cas.

Lorsque les gardes arrivèrent, elle les rejoignit et les suivit sans broncher. Du manoir, ils la conduisirent jusqu’au tribunal. Ils la firent évidemment passer par les rues, à découvert, là où la haine et la malveillance pouvaient s’exprimer dans tout ce qu’elles avaient de plus cru. Malgré les précautions qu’elle avait prises, l’inquiétude lui broyait l’estomac, mais aussi la colère, motivée par un sentiment d’injustice. Il aurait fallu être fou pour croire que son procès serait équitable ou juste. Le jugement n’avait pas pour but de respecter de grands principes moraux et des valeurs édifiantes. Quelle qu’en soit l’issue, ce serait une condamnation. S’ils l’avaient pu, ils l’auraient fait exécuter. Ils auraient manifesté à son égard la même hargne que ce peuple qui criait et proférait des insultes. Par moment et malgré eux, ils étaient aussi sauvages que des Réprouvés. Cette pensée la fit sourire, aussi amèrement que moqueusement.

En pénétrant dans le tribunal, la brune fut saisie par le silence qui y régnait et l’ampleur du volume de l’entrée. Elle leva les yeux vers le plafond. « Avancez. » siffla l’un des gardes, avant de la guider jusqu’à une double porte. Ils attendirent quelques secondes, puis celle-ci s’ouvrit et Freyja se sentit presque propulsée à l’intérieur de la salle. La respiration suspendue, elle demeura figée une fraction de seconde, tandis que des murmures s’élevaient. La pièce était comble. Au fond, Val’Aimé et Cyrius la fixaient. La présence des Archimages ne lui échappa pas non plus. Tout était fait pour l’intimider. Ça fonctionnait, mais il ne fallait pas qu’elle se démontât. D’une démarche mesurée, elle avança jusqu’au banc des accusés. Elias tenait déjà sa place. Elle ne le regarda pas. Elle afficha une expression fermée et s’assit comme on le lui indiquait.



Message XXXXII – 1276 mots

Ah oui j'avais pas pensé à ce détail-là... Mais j'avais déjà sélectionné quelques musiques pour le procès [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 1628




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Lun 13 Juin 2022, 21:01



Que l'Ombre dévore


Mon doigt se posa sur une saleté. Celle-ci y resta collée. Un petit sourire mutin se dessina sur mes lèvres lorsque la poussière disparut. Puis, comme retrouvant le sens des réalités, je relevai le visage vers cette abominable femme. Je penchai la tête sur le côté, croisai les doigts et posai le menton sur ces derniers, en la détaillant, dans cette horrible tenue de Sorcière. J’expirai ma haine lentement, avec la tête d’un pantin désarticulé. Je la voyais depuis le haut de mon office de juge. Cette petite chose au cœur si découvert. Et si je m’infiltrais en elle… Et si je faisais teinter les cordes de son être, jusqu’à ce qu’elle m’appartînt… Et si je la brisais, os par os… « Empereur Noir. » Mon regard courut de l’accusée à Val’Aimé, qui tenait son rang de Procureur et attendait que je parlasse pour pouvoir nous régaler de ses réquisitions. Mes yeux se déplacèrent jusqu’à Lhéasse, mon esprit soudainement inspiré par leur histoire d’amour impossible. Impossible parce qu’il s’agissait de deux hommes, bien évidemment, mais surtout parce que l’un aimait l’autre à sens unique. Pathétique. Ce serait une tragédie, une parmi tant d’autres de ma création.

Je pris une inspiration et me levai, habillé des vêtements d’usage. Je toisai l’Ange un instant, l’air aussi sévère que dérangé. Elle évitait de poser les yeux sur lui et il lui rendait à la perfection. S’ils pensaient s’en sortir si facilement… Je me fichais de sa plaidoirie. Je me fichais de ce qu’il dirait. Cette femme était une maladie, elle nécrosait ses organes, se multipliait à l’intérieur de lui comme un cancer pour le pourrir de l’intérieur. Et, au-delà du reste, c’était une bien piètre musicienne, manquant de rigueur et de pratique. Ce qu’il lui trouvait relevait de l’absurde. L’envie de lui arracher les cordes vocales me caressa doucement l’esprit. Je pourrais la sublimer, en faire une œuvre d’art, la sortir de sa médiocrité de vivante. Elle ne le méritait pas. Elle essayait mais ce n’était pas suffisant. Ça ne le serait jamais, car personne ne pouvait perdurer entre lui et moi. J’en ferais de la bouillie. « Hum. » Le silence qui régnait fit résonner le raclement de gorge de Val’Aimé. Je serrai les dents, avant de parler. « Bien. Il semblerait que chaque partie soit présente. Monsieur le Procureur, je vous prie de bien vouloir porter l’accusation. » Je me rassis et commençai à jouer avec une enveloppe. Mes doigts la parcoururent. À l’intérieur de celle-ci, se trouvait la décision des Mayfair. Je ne quittai pas l’Ange des yeux, écoutant d’une oreille distraite les dires de l’Elzagan qui reprenait les faits. Il portait à la connaissance de tous les manœuvres de l’accusée, dans l’objectif de porter atteinte à la vie du Roi et des Chanceliers des Ténèbres. Sa voix, monotone, trahissait son manque d’appétence pour l’exercice. Si les choses n’avaient tenu qu’à lui, il l’aurait décapitée sans procès. Je le rejoignais sur cette position et ce fut d’autant plus le cas lorsque, à force de fouiller les entrailles de la mélodie de la vile créature, quelque chose attira mon attention. Quelque chose de faible mais d’existant. Je penchai encore une fois la tête sur le côté. Mes lèvres tremblèrent imperceptiblement. Non. Mon regard se posa sur Elias. Une contrariété intense naquit en moi. Ma peau commença à me démanger. « C’est pourquoi, en tant que représentant de la société sorcière, je vous enjoins, Monsieur le Juge, de déclarer l’accusée coupable des crimes qui lui sont reprochés… » Sale garce. Sale trainée. Je n’écoutais plus, ni le cas où l’esclave était déjà appropriée, ni le cas où elle ne l’était pas. Des mots ressortaient, dénués de signification. « … de procéder à la stérilisation… » « … le supplice de Lux in Tenebris… » « … dans une pièce seule, avec chacun des Archimages qui pourront venger la tentative d’assassinat par quelque moyen que ce soit… » « … qu’il appartiendra à son Maître de… » Ma haine n’arrivait pourtant pas à être entière, parce qu’il y avait ce morceau de lui, ce morceau qu'il me fallait. Elle était la seule fautive. Elle voulait me le prendre, l’arracher à moi, par tous les moyens.

Le silence dura, jusqu’à ce que Val’Aimé se raclât de nouveau la gorge. Je déglutis. « Merci, Monsieur le Procureur. » J’allais l’éviscérer. Mon regard la quitta, pour se porter sur les hauteurs de la salle. Des Sorciers et des Sorcières se trouvaient là, comme un chœur de moqueries et de sournoiseries. Ils fixaient l’accusée de haut, bien plus impressionnants que le public qui se tenait à son niveau. « À présent, que la foule s’exprime. » articulai-je. Que la foule la détruise.

775 mots
Bon courage  [A] - Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore | Réprouvés & Sorciers - Page 6 2289842337

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Mar 14 Juin 2022, 16:25



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et que l’Ombre dévore

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Le silence s’enroba autour de l’écho des mots de l’Empereur noir. Puis, progressivement, une rumeur enfla dans les rangs des Sorciers. Le regard de Freyja, qui s’était relevée lorsque les prises de parole avaient débuté, glissa sur la salle. Il ne s’accrocha à rien : il passait sur elle comme un ruisseau sur les rochers les plus acérés, avec l’indifférence exaltante éprouvée par celui qui est souplesse face à celui qui est roc. Ça ne durerait qu’un temps, elle le savait. Le cours d’eau gèlerait et avec lui, son stoïcisme. Bientôt, leurs paroles la tailleraient comme des pics peuvent le faire d’un glacier, et l’avalanche l’engloutirait, de son sommet à ses pieds, sans épargner ni ses flancs ni ses crevasses les plus intimes. L’essentiel, c’était de tenir le plus longtemps possible, le mieux possible. Elle inspira. Son pouls était régulier, tempéré, mesuré. Il battait presque le rythme du sommeil. Rapidement, il lui sembla se fondre dans le brouhaha d’insultes, puis quand celui-ci s’estompa, elle ne l’entendit plus du tout. Il n’y avait que le silence. Ses yeux verts s’arrêtèrent sur Val’Aimé Taiji et Cyrius Windsor. Malgré l’ennui apparent de l’un et l’air distrait de l’autre, elle devinait qu’ils jouissaient tous les deux de la scène. Val’Aimé parce qu’elle était une Ange, une fille de Réprouvés, une vulgaire proie à condamner – et qu’il aurait toutefois été plus simple de détruire comme il l’avait fait de Shezira. Un sentiment d’ironie lui gratta la poitrine : si on remontait la longue chaîne d’événements qui les avait menés jusqu’ici, elle en était plus ou moins à l’origine. C’était un peu plus profond que ça. Quant à Cyrius, il devait s’amuser des mêmes éléments, et d’autres considérations plus intimes. Pour lui, ce procès, c’était une façon de condamner sa relation avec Kaahl.

Dans les tribunes du haut, quelqu’un se leva. « Alors, voici l’Aile d’Acier. Je dois dire que je suis un peu déçu. » Quelques ricanements étouffés pourchassèrent ces mots. La concernée tourna le regard vers celui qui avait pris la parole. Toujours regarder celui ou celle qui vous parle, à moins de posséder un rang supérieur au sien. Elle n’était rien. Cet homme-là, avec ses longs cheveux noirs ramenés en queue de cheval basse par un ruban pourpre, son regard vif éclairé de malice et sa tenue si soignée, avait tout d’une personne de noble extraction. Sa bouche s’articulait dans des mouvements propres et bien définis, tandis que sa gestuelle révélait un aplomb et une maîtrise de soi certain. « On nous a vendu vos nombreuses qualités, pourtant, quand je vous regarde… je ne vois qu’une femme comme une autre. » Ce qui aurait pu être qu’un rappel à l’humilité claqua dans sa bouche comme une insulte. « Et peut-être moins encore, puisque vous êtes une esclave, et au-delà de ça, à peine l’ombre de ce que vous devriez être. Les vertus, semblerait-il, vous font défaut. » Il sourit. Son regard vert sombre ne quittait pas le sien. Ses efforts pour rester calme la soutenaient formidablement, mais l’exercice restait difficile. Elle avait toujours eu du mal à rester à sa place. « Quitte à être une Ange, autant l’être correctement, vous ne croyez pas ? Malheureusement, je ne vois là qu’une déjection réprouvée. Une sorte de sujet abâtardi, qui ne mérite même pas que les Bipolaires s’y intéressent. C’est pour cette raison que vous êtes partie, non ? » Un frisson d’excitation parcourut l’assemblée. Ils étaient comme des lions muselés face à une proie. Ils bavaient d’envie de la massacrer, tout en sachant que rien ne les autorisait à en jouir pleinement. Freyja appliqua l’ultime commandement que Kaahl lui avait donné : ne surtout pas répondre, à moins qu’on lui en donnât l’autorisation explicite. Elle se contenta donc de le fixer, avec toute la placidité qu’elle pouvait conserver. Elle essayait de songer à autre chose, de se raccrocher à des pensées positives.

Il y eut un nouveau silence, très bref, avant qu’une femme ne se levât. Ses cheveux blonds, rigidement tenus par une coiffure sophistiquée, ne bougèrent pas d’un souffle. Elle lissa discrètement et gracieusement les plis de sa robe rubis. « Vous êtes si décevante que c’est à se demander comment le Marquis Paiberym, tout Magicien qu’il est, puisse éprouver une once de désir ou d’amour pour vous. Il n’y a aucun doute sur le fait que vous l’ayez corrompu plus qu’il ne l’était déjà. Ceci dit, entre traîtres… » Elle sourit, triomphante. « Oh, chassez le naturel et il revient au galop, très chère. » Une autre femme s’était redressée. Elle arborait un rictus moqueur sur ses lèvres minces. « Dois-je vous rappeler que la Marquise Mirabelle Vaughan est enceinte, et ce depuis de longs mois maintenant ? Si ce n’est pas une preuve de préférence… » Une giclée de rires nobles – calculés, retenus, cinglants – éclaboussa Freyja. La vision de la blonde en compagnie de Kaahl la frappa, mais elle la chassa. Elle savait que cet enfant n’était pas de lui. Il le lui avait dit, et elle le croyait. Il l’avait repoussée. Cette femme avait sa place parmi tous ces gens. « Ce ne serait pas surprenant. » Un nouvel homme s’était levé. Les cheveux grisonnants, la barbe taillée court et le col de sa chemise remonté jusqu’au menton, il s’appuyait sur une canne. Les ravages de la magie noire se lisaient sur son visage. « C’est peut-être pour cela que vous avez décidé de vous lier à un Déchu de la Luxure ? Peu importe à quoi vous ressemblez, ces choses-là ne sont pas regardantes. Il voudra toujours de vous, même après ce procès, même après la belle œuvre de Lux in Tenebris, même infertile. » Malgré sa bonne volonté, une pensée insidieuse trancha la poitrine de l’Ange. Si jamais elle était incapable d’enfanter, Kaahl voudrait-il toujours d’elle ? On n’aimait pas quelqu’un pour sa capacité à procréer, mais si jamais… Elle serra les dents. Elle n’avait aucune raison d’être infertile. La magie résolvait bien des problèmes. Et s’ils décidaient de la stériliser, Elias ferait tout pour les en empêcher. Pour se rassurer, elle eut envie de le regarder, mais se fit violence pour ne pas bouger. « Je ne serais pas surpris, d’ailleurs, que l’on apprenne d’ici quelques mois que l’enfant que vous portez n’est pas du Marquis, mais de lui. Il serait amusant qu’une Ange accouche d’un Déchu. Je suis convaincu que votre peuple serait ravi. En fait, il me semble que nous rendrions un grand service aux Anges en vous éliminant. C’est un de nos points communs, après tout, de n’apprécier ni les traînées ni les traîtres. Il est d’ailleurs surprenant qu’une femme telle que vous ait bénéficié de telles conditions de détention et fasse l’objet d’une si bonne défense. Mais peut-être que l’Archimage Salvatore vous trouve des qualités que nous, qui n’avons jamais présidé de Coupe des Nations, nous ne voyons pas. » Il joignit les mains sur le haut de sa canne, et ses yeux bleus filèrent vers le Vautour. Ils ne s’y attardèrent guère, et elle fit une fois de plus son possible pour ne pas se tourner vers Elias. Elle avait peur qu’en le regardant, elle eût plus de mal encore à tenir son rôle. Rapidement, le Sorcier ramena ses iris sur elle. Comme il relevait légèrement le menton, il la jaugea. « Je me demande ce que pense votre famille de toute cette situation, si tant est qu’un Réprouvé puisse penser. » - « Si je puis me permettre, la question se pose même de savoir s’il reste encore des Réprouvés pour penser. » Une nouvelle vague de rires jubilatoires ricocha d’un bout à l’autre de la salle, du sol au plafond. Les échos métalliques et craquants de la bataille semblaient résonner dans leurs éclats d’euphorie. Ils se répercutaient sur la carapace de l’Ange et la fissuraient. Elle la sentait se fendiller et laisser passer leurs méchancetés, qui se ruaient sur son cœur comme des bêtes affamées. Tu ne dois rien croire, tu ne dois rien écouter, tu ne dois rien retenir, avait dit Kaahl. Rien. Elle essayait. « Qu’est-ce que ça fait, de se retrouver jugée pour un acte parfaitement idiot et désespéré, tout en sachant que votre sacrifice n’a servi à rien ? Votre famille et vos amis sont morts. Ce champ de cadavres… Je sais qu’on peut le voir, depuis la prison, mais vous avez manqué une part formidable du spectacle. » - « Et comment. Si elle était restée un peu plus longtemps, elle aurait pu profiter des cris d’agonie de sa mère. » L’Ange retint sa respiration. L’homme planta ses prunelles sombres sur elle. « Elle ressemblait à un cochon. Elle criait comme un cochon. » Il passa sa langue sur ses lèvres. « La gamme de sons que peut produire l’être humain en fonction des zones que l’on déchire est édifiante. Je ne saurais pas vous dire quel cri j’ai préféré, entre celui qu’elle a poussé quand je lui ai enfoncé sa propre hache dans le vagin et celui qu’elle a poussé quand je lui ai arraché les yeux. Après, j’ai été obligé de les lui enfoncer dans la bouche pour la faire taire. Les Réprouvés ont cette horrible tendance à toujours gâcher le spectacle. Mais vous auriez vu comme elle se tordait… On aurait presque dit qu’elle y prenait du plaisir. » Un sourire sadique tordit sa bouche. Son intervention avait jeté un blanc glacé dans la salle, entre l’appétence et le dégoût. La fille de Bipolaires, pétrifiée, repassait en boucle sa conversation avec Kaahl. Ils n’hésiteront pas à mentir. « Hum. Vous auriez sans doute été plus efficace si vous aviez su rester à votre place. Peut-être auriez-vous réussi à sauver votre mère, vous qu’on dit si douée pour le combat. » Il capta son regard, puis la toisa de haut en bas. Ils voulaient qu’elle se sentît coupable, et elle sentait la culpabilité gratter à la porte de son cœur. Elle déglutit. Ils mentaient. Si sa mère était morte, Kaahl le lui aurait dit. Et les autres… les autres… Il ne fallait pas qu’elle y pensât.

Quelqu’un d’autre se leva, de l’autre côté de la salle. Elle tourna la tête et, au passage, aperçut à la fois l’Ashiril, dont l’aura contrastait avec celle des Mages Noirs, et Jun. Ses yeux verts se fixèrent un instant sur lui, débordant d’une surprise qui lui fit presque oublier la douleur des maux que les Sorciers plantaient en elle. « Je me demande comment elle fait pour ne pas être à l’Agbara. Délaisser son peuple pour combattre avec des sauvages… Et après toutes ces frasques… Cet orgueil, aussi, de croire qu’elle pourrait attenter à la vie des Archimages et de l’Empereur Noir ! » Freyja releva vivement la tête vers le haut des tribunes. La femme qui s’exprimait ne la regardait pas. Elle parlait d’elle comme si elle n’existait pas. « Ce penchant pour la Luxure, aussi. Ce Déchu, et cet enfant avant un mariage… » Dans sa voix, le dégoût tintait, aiguë et mordant. Elle ferma les yeux et se détourna tout à fait, comme si la vision de l’accusée lui était parfaitement insupportable. Lorsqu’elle les rouvrit, ses yeux bruns jetaient des feux sur son visage constellé de taches de rousseur. « Elle est aussi connue pour ses états d’âme et ses colères. Où sont la force et la tempérance dont se targuent tant ceux de « son » peuple ? Où sont la droiture et l’honnêteté, quand on tente, comme elle, de prendre son ennemi en traître ? Où sont le respect et la charité quand, généreusement hébergé par la famille de son amant, elle démontre son mépris de la tradition et des usages ? Je vous rejoins, Marquis : je ne vois là qu’une chose abâtardie. Ni Ange, ni Réprouvée, ni femme, ni putain, tout juste une esclave et rien de plus qu’une erreur de la nature. » Quelques applaudissements saluèrent sa tirade, en même temps qu’un murmure d’approbation générale. Quelques insultes fusèrent, puis quelqu’un d’autre prit la parole, encore, pour poursuivre cette grande œuvre qu’ils semblaient avoir orchestré tous ensemble. Leurs discours sonnaient comme les pas consécutifs d’un vaste ballet mortel.



Message XXXXIII – 2029 mots

Merci, j'espère avoir été une Sorcière digne de ce nom, parce que c'était pas parfaitement aisé comme baptême XD Sens-toi libre d'en rajouter une couche si ça te fait plaisir hein, on n'est plus à ça prêt /sbaf




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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Mer 15 Juin 2022, 21:29



Que l'Ombre dévore


Alors que le flot de cruauté se déversait, je fixais Cyrius sans discontinuer. Je ne devais aucune attention particulière à l’assistance et les mots de chacun se heurtaient à mon indifférence. Je ne glissai aucun regard en direction de l’Ange. Elle devait résister, seule. Je restai donc immobile, bien plus préoccupé par ce qui se tramait dans l’esprit de l’Empereur Noir à propos de Freyja que par les dires de l’assistance. J’avais grandi dans ce monde. Je savais ce qu’il était. J’avais régné sur ce peuple et régnerais de nouveau sur lui. Lux in Tenebris se réjouissait du mal ambiant. Le sadisme nourrissait l’ombre en moi, lui donnant la capacité de dévorer le monde. Je sentais cette férocité croître à l’intérieur de ma poitrine. Les paroles de la foule ne m’atteignaient pas mais elles créaient un climat de méchanceté qui gonflait ma magie et nourrissait ma puissance. Comme des centaines de conducteurs, j’avais l’impression que les Mages Noirs me léguaient leur pouvoir, leur énergie. Par la parole, ils se déchargeaient des atrocités qui hantaient leur esprit. L’impression d’être destinataire d’un présent s’intensifia. Celle de leur être supérieur à tous lui succéda, comme si leurs mots les enchainaient à moi, comme s’ils me rendaient dépositaires de leur volonté, de leur existence… de leur vie. Seul Cyrius m’importait, lui qui restait silencieux. Ses pensées m’étaient cachées. Je désirais qu’il parlât, pour le tenir, lui-aussi. « Il semblerait que son Altesse El… » Je tournai lentement les yeux vers l’homme qui articulait ses répliques assassines. Il se tut dès que mes yeux croisèrent les siens. Moi qui ne souriais jamais lorsque j’étais Elias fis une exception. Mes lèvres s’étirèrent, doucement. Je levai le menton et toisai l’individu qui se trouvait pourtant physiquement au-dessus de ma silhouette, avant de balayer l’assistance des yeux. La salle fut plongée dans le silence. Je les sentis fébriles. Sur ma peau, les stries noirâtres de Lux in Tenebris dépassaient ceux qui siégeaient sur le visage de Val’Aimé. Je fermai un instant les yeux, la foule s’imprimant en moi. J’étais la foule. Je la sentais. Je l’éprouvais. « D’autres interventions ? » demanda Cyrius. Non. Le néant lui répondit. « Bien. » Il gesticula sur son siège. Cela n’avait rien d’étonnant mais je devinai son trouble. Nos yeux se croisèrent délicieusement. Mon regard se fit plus intense, comme pour le pousser dans ses retranchements, comme pour le contraindre à se soumettre. Il résista mais sa nervosité passa dans mes veines. Il avança sa main vers moi. « Je vous en prie. »

Je penchai la tête légèrement sur le côté, mon sourire réapparaissant. Mes doigts se joignirent devant moi, ma robe les suivant dans un mouvement fluide. Je fis un pas en avant, puis un autre, avant de m’immobiliser. « C’est étonnant. » dis-je. « Les Mages Noirs ici présents semblent trouver à l’accusée de bien horribles défauts. Je me demande donc comment expliquer l’engouement des puissants quant à la possibilité de l’acquérir en tant qu’esclave. Qui désirerait une esclave dénuée de la moindre qualité ? » Je laissai durer le silence et repris. « Je ne m’attarderai pas sur mon rôle dans cette affaire. Si je défends l’accusée aujourd’hui, c’est avant tout dans mon intérêt personnel puisque je me suis porté candidat acquéreur de celle-ci. Néanmoins, si j’en crois l’enveloppe qui se trouve devant vous, Monsieur le Juge, il semblerait que les dés soient d’ores et déjà jetés. » Je m’avançai de nouveau et m’immobilisai. « J’ai, bien sûr, entendu le Procureur en ses réquisitions. Néanmoins, si je m’en réfère à la jurisprudence, votre Tribunal doit se déclarer incompétent pour juger l’accusée. » J’utilisai ma magie pour amener à moi le dossier qui se trouvait précédemment sur la table. « Vous le constaterez aisément en étudiant les pièces que j’ai versées au dossier et qui évoquent un cas similaire en tous points à celui qui nous occupe aujourd’hui. D’après celui-ci, toute condamnation de l’accusée entrainerait inévitablement une atteinte au droit de propriété du candidat choisi par les Mayfair. Tout propriétaire possède, en effet, l’usus, le fructus et l’abusus sur son bien, soit la capacité d’user, de jouir et de disposer de ce dernier. En condamnant directement le bien en question, vous outrepasseriez vos compétences puisque vous priveriez le maître non seulement de la pleine jouissance de son droit de propriété mais également de son droit fondamental à défendre cette dernière. » Je marquai un temps. « Le bien ayant commis les actes qui lui sont reprochés en dehors de toute appropriation, selon l’affaire Naseph livrée au dossier, lesdits actes ne sauraient grever le droit de propriété du propriétaire présent ou futur sans lui porter une atteinte disproportionnée. C’est pourquoi, dans l’affaire Naseph, le juge a accepté l’exception d’incompétence soulevée par l’avocat de l’esclave non encore appropriée au moment des faits mais en voie de l’être au moment de son procès. » Le dossier se souleva vers Cyrius. « Et quand bien même votre juridiction désirerez traduire devant elle le propriétaire présent ou futur, elle serait de nouveau incompétente, eu égard à l’application de la loi dans le temps, puisque ce dernier ne pourrait être jugé responsable de faits perpétrés avant d’être entré en possession dudit bien. » La pochette se posa sur la chaire. « Enfin, pour renforcer l’exception d’incompétence que je soulève in limine litis, selon la jurisprudence Syrkell plus récente livrée au dossier, un bien étant dénué de personnalité juridique, il ne saurait répondre de ses actes devant la Cour. Le droit sorcier étant clair sur le fait que le statut d’esclave apposé sur un individu le prive du statut d’être vivant doué de personnalité juridique de façon rétroactive depuis sa conception, il devient évident qu'au moment des faits, l’accusée était, par conséquent, déjà considérée par le droit comme un bien et non comme une personne. » Deux secondes passèrent. « C’est pourquoi, Monsieur le Juge, je vous demande de vous déclarer incompétent dans cette affaire qui ne nécessite pas d’étude approfondie du fond selon les jurisprudences sérieuses, eu égard aux familles dont elles portent le nom, portées au dossier. Dans le cas où il vous plairait, Monsieur le Juge, d’écarter l’exception d’incompétence soulevée, il conviendrait de renvoyer l’affaire à une date ultérieure afin de respecter le droit de recours qui bénéficierait à la défense selon l’article 23678-24 du quatrième Code de Procédures dévolues à la cité d’Amestris. » Je me tus, constatant avec une malice certaine le mécontentement provoqué par ma tirade sur le visage de Val’Aimé et la confusion régnant dans l’esprit de Cyrius, particulièrement inculte sur les questions juridiques.

Après un long silence où il étudia les pièces, l’Empereur Noir fixa de nouveau Freyja. « La chose a-t-elle quelque chose à déclarer ? » questionna-t-il, sans donner la parole à l’Archimage Ashiril.

1121 mots
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Ven 24 Juin 2022, 18:51




Que la Lumière rayonne
et que l’Ombre dévore

En duo | Kaahl & co



Rien. Elle inspira. Ne rien retenir, ne rien ressentir. C’était difficile, parce que l’indifférence n’avait jamais fait partie de sa nature. Même quand elle choisissait d’ignorer, elle bouillait intérieurement. Toute la froideur qu’elle pouvait décider d’employer n’était qu’une façade pour cacher le feu qui la ravageait toute entière. Elle était faite d’une matière fluctuante, poreuse et instable. L’Aile d’Acier ; titre presque ironique. Tout son corps pouvait se recouvrir de ce métal ; son cœur demeurait ce petit animal vibrant, palpitant, foisonnant, cette créature de sensations et d’émotions, qui irriguait son âme de sentiments impitoyables. Elle n’avait pas la carrure de Kaahl, qui pouvait encaisser sans broncher, sans s’énerver, sans se révolter. Elle était en révolution permanente ; elle tournait sur elle-même, se déployait autour de cet axe central, si puissant et si fragile à la fois, cette bête sensible et féroce. C’était là sa force, peut-être ; chaque mot dur frappait un tambour qui réveillait sa colère. La sauvage endormie s’éveillait toujours de mauvaise humeur. Noire, elle s’extirpait de sa cavité et perçait son chemin à travers les autres ressentis. Elle les chassait tous, elle endossait sa couronne, et elle devenait maîtresse suprême. Elle s’enroulait autour d’elle et la protégeait de sa cage de rage. Dans chacune de ses veines, elle battait son rythme guerrier. Au Diable la Tempérance, et si sa Force venait de sa Colère, alors tant pis. Certains ne méritaient aucune Tempérance, aucune patience, aucune compassion. Aucune pitié. La Colère, tant qu’elle n’était pas folie, ne constituait pas un péché. Elle avait le droit d’être en colère. Elle n’aurait pas pu ressentir une émotion plus légitime que celle-là, quand ils proféraient tous ces mensonges, quand ils l’accusaient à tort, quand ils critiquaient ses choix ou moquaient ses failles, quand ils voulaient l’humilier et la tuer pour ce qu’elle représentait. Ils étaient d’une hypocrisie crasse, tous ces gens qui lui crachaient à la figure alors que leurs maîtres s’arrachaient l’esclave qu’elle était devenue. Privée de sa magie, elle se sentait à peine démunie, tant l’ire occupait tout l’espace laissé libre. Sa seule Charité serait de leur arracher la tête. De rayer de la surface du monde ces engeances qui se délectaient de la souffrance des autres. Elle les surpasserait et, un à un, elle les éliminerait. Les poings et les dents serrées, elle parcourut l’assemblée du regard, prenant le temps d’imprégner son esprit des visages honnis. Elle rendrait la Justice là où la vilenie régnait sans merci. C’était une promesse ; de celles qu’il fallait faire pour les rendre réelles. Là où l’Ombre dévorait, elle ferait régner la Lumière.

Dès qu’Elias commença à parler, elle planta ses iris verts sur Val’Aimé et Cyrius. Elle scruta leurs réactions durant quelques instants, puis laissa ses pupilles s’arracher à leur horrible contemplation. Ses yeux s’arrêtèrent une nouvelle fois sur la silhouette de Jun, aussi impassible que son fils savait l’être. Elle regarda la Magicienne. L’Empereur Noir ne la lui donnerait pas la parole, elle le sentait. C’eût été trop facile. Elle ne parlerait ni de Kaahl, ni des Magiciens, ni des Anges, ni de l’enfant. Distraite, l’Aile Blanche laissa glisser une main sur son ventre. Ce mensonge l’angoissait toujours. Sous la colère, c’était plus diffus. Une part d’elle en voulait au Mage d’avoir inventé cette histoire sans son consentement. Elle savait que c’était pour la sauver de sa situation, pour l’aider, mais c’était terrible. Elle allait devoir faire semblant de perdre un enfant. C’était cruel, de bien des façons. Ça l’était d’autant plus qu’ils auraient peut-être pu faire autrement, plus intelligemment, puisqu’apparemment, l’argument ne servirait pas. Elle leva les yeux vers lui. Des stries noires déchiraient sa peau. Freyja inspira et déglutit, en relevant légèrement le menton. Même sans magie, son essence toute entière réagissait à la sienne. Elle alimentait sa colère ; elle alimentait sa colère contre lui. Il aurait pu l’envoyer n’importe où ailleurs. Il l’avait coincée à Amestris et avait donné l’ordre de lui apposer la marque des Mayfair. Il avait voulu la punir : c’était une décision aussi stupide qu’elle était mesquine. Sa petite vengeance pouvait – aurait pu ? – la conduire à la mort. Il avait immédiatement regretté cette impulsivité, évidemment ; elle l’avait vu dans ses larmes et senti dans sa peur. Mais il l’avait fait. Il l’avait voulu. Peu importait en quoi son artefact le changeait : elle laissait vivre en lui ce qu’il avait de plus sombre. Elle l’alimentait. Et si l’Ailée le détruisait ? Si elle contraignait le brun à demeurer un Magicien ? Ce n’était politiquement pas viable. Pour lui, il y avait la politique, puis le reste. Si elle annihilait l’artefact, c’était lui qu’elle briserait. Et peut-être que l’Ombre l’engloutirait, alors qu’elle n’avait souhaité répandre que la Lumière. Elle ne pouvait pas faire ça. Non. S’il le fallait, elle le ramènerait à l’amour, toujours. Elle plongerait en lui ; elle découperait sa peau, écarterait ses côtes et fouillerait jusqu’à son cœur. Elle soufflerait dessus pour en chasser la mort et y ranimer la vie, comme elle l’avait fait dans cette bibliothèque. Elle résisterait, inlassablement, et elle lui prouverait. Elle écraserait chacun de ses doutes, elle lui prouverait tout ; peu importait ce que cela signifiait.

Quand Elias acheva son discours, elle reporta son attention sur ses deux principaux bourreaux. L’air pincé de Val’Aimé Taiji en disait long sur son mécontentement, tandis que la figure du Grand Chaos exprimait mieux son désarroi que ses mots n’auraient pu le faire. Elle les observa quelques secondes, assez peu pour ne pas sembler les défier, bien qu’elle en crevât d’envie. Elle ravala le sourire qui souhaitait affleurer sur ses lèvres. Son cœur battait à tout rompre. À quel point leur justice était-elle factice ? À quel point pouvaient-ils exiger une peine, après l’argumentaire d’Elias ? Les prunelles rivées sur le bois du pupitre du Mage Noir, elle attendait la sentence. Lorsque Cyrius prit la parole, ses mâchoires se contractèrent. La chose. Elle le détestait, pour ça et pour tout le reste. Néanmoins, elle savait que son langage et son comportement étaient en grande partie dus à son intense jalousie. Peut-être que sa relation avec Kaahl le rendait intouchable, mais il en était de même pour elle. S’il la tuait, il paierait. Peut-être qu’il continuerait à pouvoir le côtoyer, mais l’homme qu’il connaissait ne serait plus le même – elle se rappelait des mots d’Adam, qui avaient cette fois-ci la chaleur du réconfort. Finalement, elle releva la tête et planta ses yeux dans les siens. Elle avait une immensité de choses à déclarer, une étendue d’insultes à proférer, une colère infinie à répandre. Cependant, elle avait conscience que la moindre parole de travers pourrait renverser le jugement. « Non, votre Majesté. » répondit-elle, désireuse de se monter aussi calme que possible. Intérieurement, elle brûlait.



Message XXXXIV – 1128 mots

Je suis de plus en plus convaincue que ça va être un carnage XDD
Moi je vais aller marcher pour me défouler, je me suis énervée avec elle /sbaf (c'était bien Top Chef ? 8D)




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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Sam 25 Juin 2022, 13:36



Que l'Ombre dévore


« Non ? » À l’intérieur d’elle, je sentais vibrer des cordes aux allures dramatiques. La colère venait gonfler sa mélodie. Elle devenait plus grave, plus vive, plus impétueuse. Je posai mes coudes sur la chaire et mon menton vint rejoindre mes mains liées. Mon corps tremblait d’un accès de rage mal contenue duquel mon esprit, pourtant, ne semblait plus se soucier. J’étais dans un autre univers, dans une forme de dissonance ou de dédoublement. Je lisais en elle la partition de son tempérament, de son existence. L’opération ne dura que quelques secondes, avant que la rage ne reprît le dessus, inondant mes pensées d’une haine aux frontières inexistantes. Aucun châtiment légalement atteignable ne serait assez cruel pour elle. Mon regard dévia sur Elias. M’aurait-il protégé, si j’avais été à la place de la traînée ? « Très bien. » Je me levai et il fut annoncé que le juge allait délibérer. Délibérer avec moi-même, avec ce corps maladroit mais qui resta digne le temps de disparaître de la salle.

Le dossier d’Elias s’abattit sur le sol dès que j’entrai dans la pièce dévolue au juge, une pièce protégée par une magie puissante aux fins de maintenir le secret du délibéré. Debout, les poings serrés, ma respiration emplit l’espace de ses saccades. Mon absence de connaissance du domaine juridique ne m’empêchait pas de comprendre la nature de ce qu’il venait de m’imposer. « Comment ? » murmurai-je. Comment avait-il pu être au fait des textes juridiques en si peu de temps ? À moins qu’il sût depuis longtemps ? Qu’il me l’eût caché ? Et elle ? Elle… Savait-elle ? S’étaient-ils moqués de moi durant ces quelques jours ? L’anxiété que j’avais lu chez lui était-elle factice ? Me mentait-il depuis le début ? Non. « Non. » Je connaissais sa musique. Il ne pouvait pas me mentir. Je le tenais. Mais cette femme… cette femme restait un poison pour lui. Avec ses petites pattes d’araignée, elle avait creusé sa chair pour y installer ses œufs, pour dévorer son potentiel, pour dévorer son futur. Cette vipère se croyait au-dessus d’Ethelba, elle pensait pouvoir le garder, le museler, le faire se tourner vers la Lumière. Mais elle n’y arriverait pas. Chaque Élu du Chaos devait accomplir un funeste projet et dévaster le monde. Elle allait payer. Je ne laisserais pas leur bonheur s’étendre. Je l’écraserais de la même façon que les Mages Noirs venaient d’écraser les Réprouvés. Et cet enfant… cet enfant… Il serait la première pierre de la tour à s’effondrer. Jamais leur union ne deviendrait fertile. Jamais il ne serait à elle et si je devais massacrer un à un tous les proches de cette Ange de malheur pour obtenir le résultat escompté, alors je le ferais. Pour lui. Pour nous. Pour le Chaos. Jusqu’à ce que sa vie fût trop affreuse pour qu’elle pût rester à ses côtés. Jusqu’à ce qu’il la fît souffrir au point de rendre sa simple présence insupportable. Il deviendrait l’artisan de son cauchemar, la cause de sa souffrance. Et cette sale femelle cesserait de l’aimer. Et si elle ne cessait pas, alors je la tuerais.

« L’honorable juge. » annonça-t-on. Je m’assis et fixai un instant l’immensité de la salle avant de tourner la tête vers Val’Aimé. « Monsieur le Procureur. » dis-je, avant de replacer mes yeux devant moi. « Chanceliers, Sorciers, Sorcières, Maître… » Je ne mentionnai pas l’accusée. « En vue des éléments qui ont été apportés à la Cour et de la jurisprudence de ceux qui m’ont précédé concernant des cas similaires, je juge le tribunal incompétent pour connaître de cette affaire. » Plus loin, le greffier me regarda. Me sentence était bien trop brève. Il m’aurait fallu expliquer les tenants et les aboutissants, reprendre les textes et développer, chose que je ne fis pas plus en sentant le poids de sa présence. Il ferait comme d’autres avant lui : il enroberait, afin de rendre cette décision magistrale d’éloquence. Mon jugement deviendrait célèbre. Je le savais. Je savais que, d’ici quelques minutes, en plus de la guerre, les journalistes relateraient les faits. « À présent… » articulai-je, pour faire comprendre à l’assistance que l’audience n’était pas levée. « Comme soulevé précédemment, les Mayfair m’ont, en effet, fait parvenir leur décision. » Mes yeux se plantèrent dans ceux d’Elias. « Nous allons enfin connaître le fin mot de cette histoire. Avez-vous protégé votre propriété ou celle d’un autre ? » demandai-je. Quelques ricannements se firent entendre des gradins. J’espérais que le résultat n’irait pas en sa faveur mais, à vrai dire, s’il l’était, jamais je ne lirais son nom. J’étais le Roi. Personne ne me traiterait de menteur. Les Mayfair sauraient mais se tairaient, dans l’unique objectif de tirer avantage de la situation.

Le papier bruissa sous le jeu de mes doigts. Je déchirai l’enveloppe et en sortis une feuille de papier pliée en deux. Je la dépliai et lu le nom, avant de le cacher de nouveau. Je levai la tête et fixai l’Ange d’un air neutre. Au fond d’elle, il y avait cet air de musique diffus, vacillant, une corde encore fragile. « Les Mayfair ont étudié chaque offre qui leur a été présentée dans les délais impartis quant à l’acquisition du bien. Leur choix s’est porté sur… » La mélodie était belle, faible mais belle, jusqu’à ce que la corde se brisât à l’intérieur du ventre de Laëth. Il n’y aurait plus de mélodie. Un fin sourire étira mes lèvres. « … son Altesse Jun Taiji. » assénai-je. Je laissai quelques secondes s’écouler, mesurant l’état d’Elias avec agacement. Rien ne se voyait sur son visage mais sa musique interne grouillait de colère. Je me levai. « La séance est levée. » annonça-t-on. Je marchai d’un pas mesuré et disparu sous l’arche. Je la détruirais.

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