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Autour d’eux, des bâtiments à l’apparence austère s’étaient érigés, semblables aux cathédrales d’Amestris. Elle n’aurait pas dû pouvoir faire une telle comparaison mais ses rêves avaient été mouvementés. Les vitraux qui recouvraient les façades étaient à la fois magnifiques et sombres. Edelwyn inspira. « Je n’aurais pas dû… » commença-t-elle. Le savait-il ? Savait-il ce qu’elle avait fait en son absence, dans le silence de la tente, lorsque tout le monde dormait ou faisait semblant d’être inconscient ? Depuis son réveil, elle le regardait différemment. Tout lui semblait l’être. « J’étais curieuse et… » se justifia-t-elle, avant que ses pas ne la conduisissent à l’intérieur de l’un des édifices. Peut-être cherchait-elle à le fuir à présent ? « Je crois que… » Elle sentait sa présence derrière elle. Elle s’avança entre les bancs, vers l’autel. La décoration y était somptueuse, comme les vêtements qu'ils portaient. « Je crois que je ne pourrai pas retourner chez moi avant un long moment. » La pression qui l’avait saisie au réveil ne l’avait plus quittée. Elle étouffait. Elle avait vu des choses. « Ce n’était pas qu’un rêve. » affirma-t-elle. Elle savait que ses propos pouvaient sembler n’avoir ni queue ni tête. Elle n’était pas habituée à la magie. La sienne n’en était qu’à ses balbutiements. Elle la savait grande mais encore inexploitée. Elle vivait dans un endroit impropre à son développement. « L’avez-vous fait, également ? » lui demanda-t-elle. Elle avait lu de nombreux livres sur le sujet. Là où Ezechyel voyageait physiquement, elle voyageait mentalement. Elle osa lever les yeux vers Kaahl mais les détourna rapidement. L’apercevoir la renvoyait à ses songes. « Vous… vous êtes l’Empereur Noir. » continua-t-elle. « Sous une autre apparence. Vous êtes l’Empereur Noir et vous et moi, nous… » Elle n’arriva pas à le dire. C’était insensé et terriblement gênant. « Dans le futur… vous et moi, nous… » Elle se mordit la lèvre et se détourna pour continuer sa route, comme si marcher aurait le pouvoir de calmer les émotions qui la parcouraient comme un cheval au galop malgré elle. Elle avait vu d’autres choses, des choses qui l’avaient dégoûtée. « Je ne sais pas comment l’enlever. » avoua-t-elle. Elle désigna sa tête. Rien n’y apparaissait mais elle la sentait, la Couronne. « Je n’aurais pas dû la mettre. » Elle n’aurait même pas dû pouvoir apercevoir son avenir. Néanmoins, le Monde des Rêves n’avait que faire des contraintes de la réalité. « Aidez-moi à la retirer. Je ne veux pas de tout ça. » Elle ne se reconnaissait plus. Les visions l’avaient changée, comme si son monde de stabilité venait de se fissurer. Elle s’immobilisa devant l’autel. Il y avait des inscriptions. L’épreuve des Portes avait débuté. Pourtant, elle ne l’intéressait pas le moins du monde. « Je ne veux pas que nous… »

466 mots

En levant les yeux sur les vitraux, je me demandai pour combien de temps encore je bénéficierais des faveurs d’Ethelba. Avais-je au moins eu ce privilège un jour ? L’envie de raser l’endroit après y avoir rassemblé ceux que j’aimais me prit, illustrée dans une vision que moi seul pus percevoir. Elle éclata lorsque la blonde prit la parole. J’avais noté l’état de son âme mais avais préféré ne pas m’y attarder jusqu’ici. Je n’étais pas Ezechyel, bien que des élans d’affection à son égard me prissent régulièrement et sans mon consentement. Cette femme était un problème. Pour lui. Pour moi. Pour nous deux. Je la détaillai, elle et ses traits affolés. La mère de Devaraj, la mère de Lucius et la mère d’Erza. Combien d’enfants avaient-elles eu au cours de son existence millénaire ? Et avec qui ? Mon esprit s’égara vers Freyja et cet enfant qui n’était à présent plus qu’une Fae. De qui Lagherta était-elle l’enfant avorté ? Où était mon enfant à présent ? Un lien nous unissait-il encore ? Le reconnaîtrais-je en le voyant ? Je soupçonnais les Faes d’être capables de l’introduire dans mon existence de la pire des manières. Le sort était doué pour le sarcasme et l’ironie. Mes pensées coulèrent vers Freyja. Je les recadrai immédiatement. Je n’avais aucune envie de songer à elle ou même de la consoler. Je n’en avais pas plus envie avec la blonde. La nuit avait effacé mes résolutions. Priam et Adam loin de moi, je me sentais sombrer dans mes travers. « Non. » J’avais très peu dormi et la nuit ne m’avait été d’aucune aide. Ma langue claqua sur mon palais lorsqu’elle m’annonça des vérités qui n’auraient pas dû être à sa portée. Je savais pourtant que la Couronne avait disparu de sa boite. La culpabilité se lisait sur son visage. Elle n’avait pas encore la maîtrise de ce dernier, ni même cette assurance agaçante. Elle n’était pas encore puissante. « Nous… ? » Que savait-elle ? Je la suivis, le regard sur les mouvements des drapés de sa robe. « Je ne sais pas comment la retirer. » mentis-je. Plus elle la garderait, moins je la porterais. Après tout, qui étais-je pour m’immiscer entre les volontés du Destin et cette femme ? Un sourire narquois voulut prendre son envol sur mes lèvres. Je le retins et rejoignis complètement Edelwyn. Ma magie l’enroba pour la forcer à se tourner vers moi. « Je ne sais pas ce que vous avez vu mais que vous le vouliez ou non et que je le veuille ou non, nos Destins sont déjà liés. Le fils que nous avons eu dans mon passé et dans votre avenir va bientôt se marier. » laissai-je filer, en guettant sa réaction. Peut-être que la tourmenter m’apaiserait.

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Il mentait, elle en était sûre. Ce n’était que pure logique. Edelwyn fronça les sourcils, un soupçon de colère enrobant son cœur doucement. L’affolement qu’elle ressentait à l’idée qu’elle et lui pussent… « Ah… » émit-elle, en sentant son corps cesser de lui obéir. Elle n’aima pas cette impression. Elle la vivait déjà au quotidien avec Ezechyel, à chaque fois qu’il agissait et que les conséquences de ses actes la privaient de libre-arbitre. Elle haïssait le Destin parce qu’il refusait de se laisser entrevoir par elle. Dès qu’elle l’avait compris, elle avait décidé qu’il paierait. Un jour, dans dix ans ou dans dix mille ans, il paierait. Pourtant, maintenant que ce même Destin lui avait délivré des clefs de compréhension du futur, maintenant qu’il lui avait donné la possibilité de voir, sa haine ne faisait que s’accroître. « Le… ? » Elle arrêta de parler avant de bafouiller. Elle avait envie de lui faire du mal. L’Eorgor percuta les iris du Duc des siens. « Quel fils ? » demanda-t-elle. « Lequel ? » rectifia-t-elle, à desseins. Le désir farouche de voir son assurance se briser la tenait. Jusqu’ici, leur relation avait été apaisée. Maintenant, elle ne voulait plus de tout ça. Elle voulait le combattre avec autant de force que l’irritation qu’il provoquait chez elle était élevée. « Vous saviez tout ça depuis le début ! » reprit-elle, avare en explications sur ses propres propos. « Vous saviez que vous et moi nous allions avoir un fils et vous ne m’avez rien dit ! Vous n’êtes qu’un tricheur ! » Un tricheur puissant duquel elle aurait dû se méfier. Cependant, elle avait été éduquée d’une manière bien particulière et son ego souffrait de la douce folie de ne pas apprécier d'être contrarié. Un jour, elle les dominerait tous et cette affirmation ne lui avait jamais paru aussi véridique que maintenant. « Vous saviez et… et vous avez fait comme si de rien n'était ! Je vous ai pris pour un joueur loyal mais depuis le début… Et quand je… Est-ce que ça vous amuse de me tourmenter ? » s’insurgea-t-elle, comme une Magicienne prise en défaut. En réalité, elle n’avait jamais été éprise de personne. Elle trouvait le corps d’autrui impropre. Néanmoins, lui était différent. Il était différent de ceux qu’elle côtoyait. Elle avait de l’attirance pour les qualités intellectuelles qu'il recelait. Sa morphologie ne venait qu’après mais si elle devait être honnête, elle le trouvait beau aussi. Vieux mais beau. Il la captivait et ça la blessait parce qu’elle doutait que l’inverse fût vrai. Il avait une vie, de laquelle elle ne faisait pas partie. C’est ce qu’elle avait cru. Tout ce temps, elle avait joué un jeu. Elle avait voulu faire de l’esprit tout en se montrant inatteignable ; juste pour lui renvoyer au nez ce qu’il était. Et maintenant… maintenant il lui avouait qu’elle et lui avaient un fils. Maintenant, elle avait vu que les choses allaient bien plus loin qu’un fils. Elle déglutit et le fixa méchamment. « Vous devriez vous préparer pour notre mariage, Elias. Je pense qu'il faudra en informer Freyja au plus tôt. » articula-t-elle, le cœur tambourinant d’un sentiment à la fois vengeur et mal assuré. Il l’impressionnait mais elle ne voulait pas qu’il le constatât, ce qui la faisait entrer dans un cercle vicieux. Et alors qu’elle se demandait quel était le sens de sa vie dans ce présent qu’elle ne connaissait pas et s’il allait la tuer pour son audace – ce qu’elle ne croyait pas, les vitraux qui les surplombaient explosèrent en milliard de particules de verre. La Porte s’impatientait.

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« Lequel ? » répétai-je, sans préciser qu’aux dernières nouvelles, nous n’avions qu’un seul enfant commun, information qui n’était, en plus, pas tout à fait exacte. Néanmoins, ce qu’elle laissait entendre dépassait mes prévisions. Combien en aurions-nous ? Dans quelles circonstances ? Pourquoi ? Surtout, la question de la version d’Edelwyn qui serait impliquée dans le processus ne pouvait être ignorée. Lucius était le fils de l’Oracle de la Lune Bleue mais la jeune femme, fille, que j’avais sous les yeux n’était pas cette Oracle et ne le serait probablement jamais, pas tout à fait. La blonde était multiple et comprendre la famille Eorgor avait tout du casse-tête insoluble. Je la regardai, en songeant à sa sœur, ma mère. Je n’avais jamais interrogé Jun sur la question mais il m’avait suffi de poser les yeux sur elle pour savoir que ma mère n’avait jamais été multiple. Elle avait traversé les Ères sans mourir jusqu’à ce que je la tuasse. « C’est ridicule. » lui répondis-je, inspiré par un profond dégoût au souvenir de la conception d’Érasme. Je soutins le regard qu’elle me lança. Elle me rappelait Eméliana en plusieurs aspects, bien que la rousse n’aurait jamais osé me tenir tête ainsi. Edelwyn semblait ne pas connaître ses limites, là où la Sorcière en avait parfaitement conscience. Je l’observai. Elle avait l’audace de la jeunesse, cette audace plus comique que piquante. Je n’avais aucun effort à fournir pour comprendre ce qu’elle tentait de faire : me blesser, parce qu’elle l’avait été elle-même. Elle ne maîtrisait pourtant pas encore l’art des mots. Elle s’améliorerait avec le temps. Cependant, si la forme m’était égale, le fond était préoccupant.

Je levai prestement les yeux vers les sommets de l’édifice. Ma magie s’activa afin de réduire en cendres les particules de verre. Elles tombèrent en pluie de poussières autour de nous. Cette fille respirait le chaos. Je m’approchai et lui saisis fermement le menton entre mon pouce et mon index. Je changeai de ton. « Je ne sais pas ce que tu as vu mais si je te surprends à tenter de réduire en miettes mes relations, tu le regretteras. Je ne suis pas ton frère, ne l’oublie jamais. » Je la lâchai, après avoir exercé une pression sur mes doigts pour la faire reculer. Sa faiblesse physique était réelle. « Quant à savoir si je suis un joueur loyal ou non, le peuple auquel j’appartiens parle pour moi. Maintenant… en admettant que nous ayons véritablement un avenir en commun, je te conseille de ne pas perdre ton temps à tenter de me confronter. Et si ça peut te rassurer, je ne couche pas avec des gamines. » plantai-je. En théorie, il ne me serait jamais venu non plus à l’idée de coucher avec ma propre mère. Je me gardai de faire mention de ce détail et me détournai. Mon corps se souleva jusqu’à ce que mes pieds foulassent l’autel. Je regardai le monument depuis ce dernier puis baissai les yeux sur l’énigme. « Puisque tu es si maline, tu n’as qu’à trouver l’artefact seule. » décrétai-je.

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Les doigts de l’homme sur elle lui semblèrent à la fois brûlants et glacés. La sensation aurait été autre si elle n’avait pas vu. La glace l’aurait emporté sans commune mesure sur tout ce qui aurait tenté de rivaliser avec elle. Le visage d’Edelwyn se teinta à la manière de l’eau du bain d’un suicidé. Elle aurait aimé être capable de rester de marbre. Face à cet échec, la honte l’envahit. Elle détestait qu’on pût la voir faible ; elle haïssait qu’il pût la voir faible. Elle honnissait qu’il lui parlât sur ce ton. L’envie foudroyante d’être capable de l’exécrer piqua son cœur. Elle le sentit s’emballer de crainte, de colère et de confusion. Elle aurait voulu répondre, avoir le talent nécessaire pour lui rabattre son caquet d’une seule tirade. Rien ne vint et son corps la trahit lorsqu’il céda à la pression exercée. La fureur noyait presque ses iris sous la pluie de ce qui avait été un jour magnifique mais qui n’était plus que cendres. Il avait réduit les vitraux en poussières et elle rêvait à présent de réduire sa vie en particules de la même espèce. Elle se vit marcher sur les ruines de ce qu’elle aurait annihilé d’un seul désir, par vengeance. Maintenant qu’il l’avait blessée, il ne pouvait plus continuer de vivre, pas tant qu’il lui parlerait ainsi, pas tant qu’il lui serait supérieur, pas tant qu’il ne plierait pas. Elle serra les dents, pour tenter d’empêcher les larmes de couler. La suite lui donna envie de hurler mais elle en fut incapable. Si elle avait commencé, elle n’aurait jamais fini. Elle l’aurait injurié dans toutes les langues qu’elle connaissait. Elle l’aurait frappé, qu’importât qu’il ne ressentît rien. Elle lui aurait crié qu’elle non plus ne serait pas loyale avec lui et qu’il se trompait, qu’elle n’était pas une gamine ; et ces simples derniers mots lui aurait donnés raison malgré elle. Elle aurait souhaité lui enfoncer des lames tranchantes dans le corps, lui certifier que jamais il ne se réconcilierait avec sa Freyja parce que le Destin ne le souhaitait pas. Elle aurait aimé instiller mille doutes en lui, pour que ses nuits fussent blanches et qu’il perdît la raison.

Remplie de vœux qui auraient ravi les Génies les plus puissants, ses pensées cessèrent lorsqu’il trancha le duo qu’ils formaient jusqu'alors. Elle déglutit. Peut-être préférait-elle encore qu’il l’insultât plutôt qu’il l’abandonnât. Piquée par les nouvelles règles du jeu imposées, elle se vit lui rétorquer qu’il était hors de question qu’elle cherchât quoi que ce fût seule. Elle s’imagina lui dire que ce faux défi n’était qu’un aveu de sa propre faiblesse à retrouver l’objet inconnu. Encore une fois, elle demeura muette ; muette et furieuse. Elle n’entrerait pas dans son manège. Il allait payer. « Très bien. » s’entendit-elle murmurer d’une voix enrouée. Elle tourna les talons et se dirigea vers la sortie. Quand elle passa la porte, elle inspira douloureusement et se mit à marcher. Elle le détestait. Elle ne reviendrait pas et il finirait fatalement par s’inquiéter et par partir à sa recherche – comme Ezechyel. Là, il lui demanderait pardon.

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Je soufflai par le nez après son départ et arrimai mon regard sur l’un des tableaux de la pièce. Ils représentaient tous des scènes semblant appartenir à une famille royale amoureuse de la mise en scène. Laquelle ? Je l’ignorais. Je ne m’étais pas attaché aux peintures jusqu’ici, simplement à des détails me permettant de trouver ce que je cherchais. Entre les caprices d’Edelwyn, j’avais repéré une accumulation anormale de poussières sur une toile. Mes soupçons s’étaient solidifiés. Je m’approchai pour détailler le dessin. Il y avait bien un objet au beau milieu de cette œuvre abîmée par le temps. Je passai mon index sur le rebord qui dépassait afin d’en retirer les morceaux de vitraux. Ils tombèrent silencieusement sur le sol. Mes doigts s’accrochèrent aux extrémités et tirèrent. Là où je m’attendais à de la résistance, je ne trouvai qu’une parfaite collaboration. Ce qui me parut rapidement être une boite glissa doucement jusqu’à devenir mienne. Je l’observai puis l’ouvris. Des objets tombèrent au sol mais y disparurent pour réapparaître sur le plateau reconstitué. Il s’agissait d’un jeu de l’oie. La surprise apparut sur mon visage lorsque je me rendis compte qu’il s’agissait en réalité d’une carte et que chaque pion désignait une personne. Nous n’étions pas seuls ici. Des noms connus ou anonymes se trouvaient dans les cases du puits et de la prison. L’arrivée était représentée par un château. À l’intérieur de celui-ci, il y avait Ârès et Aliénor. Je compris rapidement que Sorciers et Magiciens étaient représentés par des pièces d’échecs. Les autres pions venaient pour certains d’autres jeux ou étaient des représentations uniques. Roi de l’échiquier, j’étais actuellement sur la case de l’Artefact. Je repérai un groupement de pièces d’échecs importantes sur la case Campement, celle du départ. Deux pions étaient représentés en oie tenant un sceptre à la main, les seuls à n'être pas nominativement désignés. Ensemble, ils se tenaient sur la case Duo musical. En plus de ces pions uniques, d’autres plus globaux les regroupaient. Nous étions donc trois joueurs. Ârès et Aliénor, une majorité de Chanceliers et le groupe que nous formions. Les oies et les prisonniers semblaient hors-jeu. Deux éléments attirèrent mon attention. La case Dés et la case Maître du Jeu. Je souris. Il y avait fatalement un moyen de tricher ou de jouer avec les règles de façon à devenir les maîtres du jeu de l’oie… des oies, sans doute. Je posai de nouveau les yeux sur la case Duo musical puis les relevaient sur le tableau restauré. Un rire s’arracha à ma gorge mais je ne restai pas pour l’observer. Je devais retrouver l’originale.

Elle me vit arriver mais je l’immobilisai avant qu’elle ne cherchât à s’enfuir de nouveau. Je l’acculai contre un mur, mes deux mains se plaçant à plat de chaque côté de sa tête. Je baissai les yeux et déplaçai mon bras pour saisir de nouveau son menton avec mes doigts. En chemin pour la torturer de nouveau, je m’immobilisai pourtant quelques secondes. Pourquoi prenais-je tant de plaisir à la tourmenter ? Elle n’était qu’une jeune fille sans défenses. La bassesse de mon comportement n’était pas normale. Je soupirai. « Nos temporalités sont différentes. Tu sais qui mon cœur aime et je sais qui le tien a aimé. Je sais ce que tu seras, là où tu ne connais presque rien de moi. Bien sûr, il y a de multiples parties de ta vie qui me sont inconnues et je ne prétendrai jamais arriver à comprendre la complexité qui t’entoure. » Je me reculai pour m’adosser au mur, à côté d’elle. « J’aimerais être certain de ne jamais plus te toucher et de ne jamais t’aimer mais le Destin est le seul à avoir des certitudes. Freyja aime Ezechyel parce que le Monde des Rêves nous a fait devenir les deux faces d’une même pièce. Je connais ses sentiments à ton égard. J’imagine qu’ils ne viennent pas de nulle part, quand bien même il semblerait que dans la famille, nous ayons tendance à nous reproduire entre nous. » Je ne lui parlai pas du fait d’avoir parfois la sensation que mes sentiments pour l’Ange étaient factices, conséquences de ceux de mon père. Quand bien même aurais-je été dans le vrai, ça n’avait aucune importance. Je l’aimais. Je le savais. Qu’importât que cet amour lui appartînt ou m’appartinsse. « Pour le moment, je ne t’aime pas et je n’ai pas l’intention de te toucher. Néanmoins, si ce que tu as vu est vrai, ce moment viendra. Nous aviserons alors. » Je baissai les yeux vers les pavés qui couvraient la ruelle. « Pour enlever la Couronne, tu dois dire que tu mets fin à ton règne. Cela détruira l'une des sphères liée à cette dernière. Le Destin te confiera ensuite une mission, à moins que celle-ci ne réside dans ce que tu as vu. » Je souris, désolé pour elle. « Et j'ai trouvé l'artefact. »

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Edelwyn observait les bâtiments depuis qu’elle avait quitté Ârès. À la recherche du moindre élément pour éviter de penser à lui, elle tentait de se concentrer sur des détails parfois insignifiants. Pourtant, toujours, inlassablement, ses pensées revenaient vers le Sorcier et s’imprégnaient de ce qu’elle avait découvert sur lui, de ce qu’elle avait vu d’eux et de leur dernier échange. En l’espace de peu de temps, leur conversation avait été répétée en boucle dans sa tête. Elle modifiait des éléments, plaçant ce qu’elle aurait dû dire à la place de ce qu’elle avait dit, ce qu’elle aurait dû faire à la place de ce qu’elle avait fait. Cet homme la troublait si profondément qu’elle n’arrivait pas à l’ignorer, à le chasser de son esprit. Elle aurait souhaité qu’il fût insignifiant à ses yeux, qu’elle pût le balayer d’un revers de la main et ne plus jamais songer à lui, à son visage, aux expressions qui habillaient ce dernier et à ses mots. Elle était convaincue qu’il cachait bien des choses. Elle était convaincue qu’il était comme elle, en plus expérimenté. Si on lui avait demandé de choisir, elle aurait volontiers abandonné Ezechyel comme jumeau au profit d’Ârès. Néanmoins, pour l’heure, elle le détestait. Elle les détestait tous les deux.

Quand elle se rendit compte de la présence de l’homme non loin, elle voulut accélérer le pas pour lui échapper. Elle ne désirait pas le voir, pas maintenant. Elle devait d’abord retrouver ses esprits et son calme. Elle n’aimait pas qu’il la vît faible. Elle se sentait comme une proie blessée et, bientôt, elle fut une proie acculée. Sa bouche eut du mal à rester stoïque, à ne pas se déformer par la rage que la puissance qu’il possédait et qu’elle n’avait pas lui inspirait. Elle devrait devenir son égale, pour que jamais plus il ne pût prendre son menton en étau comme il le faisait actuellement. Pourtant, elle savait qu’il le referait. Elle l’avait vu. La tension qu’elle ressentait dans tout son corps était insupportable. Heureusement, il s’éloigna. Elle put de nouveau respirer. Elle l’écouta, ressentis parfois le besoin de poser des questions, d’autre fois l’envie de lui arracher le cœur. « Nous aviserons. » répéta-t-elle. Qui avait-elle aimé ? Elle aurait voulu le savoir. Quel genre d’homme ? Elle soupira, capitulant par la même occasion. Elle se sentait fatiguée. Lutter contre lui était exténuant. Il ne semblait même pas s’en rendre compte. « Je vais la garder, tout compte fait. À moins que tu n’en aies besoin ? Peut-être que mes prochains rêves contrediront les précédents. » Elle était certaine que non. Ils semblaient trop réels. « Montre-le moi. » murmura-t-elle, avant d’ajouter dans un souffle. « S’il te plaît. » Il n’y aurait plus de « vous » qui tinssent entre eux.

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