Bienvenue à la boulangerie

Musique ;D

Tara se posa sur le rebord d’une fenêtre. Le vent fit voleter sa robe et ses cheveux bruns. Elle avait tenté de dompter leurs boucles sauvages le matin même mais avait dû abandonner. Elle avait fini par placer un bandeau dans ses cheveux, de façon qu’ils ne lui revinssent pas dans le visage. Des mèches rebelles s’étaient quand même faufilées, à la manière dont la nature finit toujours par reprendre ses droits sur les constructions humaines. En se contemplant dans son reflet, elle s’imagina avec des plantes sur la tête, à la place de ses cheveux, et cette image la fit rigoler. Puis, son attention fut détournée de sa chevelure par ce qu’il se passait sous son nez – derrière la silhouette terne de son corps dans la vitre. Elle sautilla pour mieux voir et se dirigea vers l’ouverture. Elle enjamba la jonction entre l’extérieur et l’intérieur et se cacha derrière un bocal en verre. Dedans, il y avait des pépites de chocolat. Elle les regarda avec envie. Il était tôt. Les fleurs ne s’étaient pas encore ouvertes et le calme régnait aux alentours. Elle avait été attirée ici justement parce qu’il y avait du bruit. Sa main se posa sur le bocal et elle passa la tête sur le côté pour observer. Un pinceau à la main, un homme était en train de dorer des viennoiseries. Il discutait avec une jeune fille, probablement son apprentie. « J’ai demandé qu’un gamin vienne nous aider. Avec la fête qui s’annonce, on n’aura pas trop de bras. Le marché d’abord puis la nocturne ensuite, il va nous falloir un grand nombre de chocolatines. » Le Lyrienn se déplaça vers le four et resta devant un instant, comme s’il ressentait la température. Les flammes dans l’âtre s’accentuèrent. « Saperlipopette, il va vraiment falloir que je règle cette histoire de cheminée. » marmonna-t-il dans sa moustache. « Tiens, est-ce que tu peux t’occuper des pains viennois ? Fais-en vingt natures, dix au chocolat et dix aux pralines. » Il se déplaça vers la porte et l’entrouvrit. Un courant d’air traversa le lieu. Les cheveux de Tara voletèrent. Plus elle observait les deux personnes et plus elle sentait la curiosité monter en elle. La situation lui semblait bien plus simple et saine que le Conte de Lieugro ou celui de Narfas. Les gens vivaient ici des instants qui lui semblaient magiques. « Je vais défourner. Attention à ne pas te prendre un coup de manche. » avertit-il son apprentie avant de se saisir de la pelle. Le bois glissa dans le four et en ressortit avec plusieurs pains ronds. Tara ouvrit la bouche, surprise. Elle plissa les yeux, un air résolu sur le visage. Elle venait de décider de devenir boulangère !  

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« Les cana ! » Ma main attrapa mon gilet. J’entrepris de l’enfiler sans avoir fini de mettre ma deuxième chaussette. « Je sais Carina mais pas maintenant ! Je suis en retard ! » « Mais les cana ! » J’interrompis ce que je faisais pour éviter de me casser la figure. Je m’assis, fourrai mon pied dans la chaussette, croquai un morceau de la pomme que j’avais gardée tant bien que mal dans ma bouche et terminai de m’habiller. Là, je croisai le regard courroucé de ma petite sœur. Ses bras, de la taille d’une courgette, étaient plaqués contre son buste. Ses sourcils froncés lui donnaient un air de chien patibulaire. Pas n’importe quelle espèce : celle de ceux qui avaient le nez écrasé. « Le travail c’est plus important que les canards tu sais ! » « Même pas vrai ! » « Je t’emmènerai en rentrant ! Il est trop tôt pour y aller. Ils dorment à cette heure-là ! » Peut-être pas mais j’avais besoin d’une fable à lui raconter pour qu’elle retournât au lit. Son amour pour les canards virait à l’obsession. Je me relevai, me dirigeai vers mon sac, pris l’une de ses bretelles dans ma main et le balançai sur mon dos. « J’y vais ! À ce soir ! Ne fais pas de bêtises et ne réveille pas maman ! » Si notre mère n’avait pas été tirée de ses draps après tout ce tapage, son sommeil était en or. « Oion ! Venir moi ! » l’entendis-je couiner de derrière la porte. J’inspirai et pris un air déterminé. Je ne craquerais pas.  

Je restai un instant devant la porte entrouverte de la boulangerie mobile. Maintenant que j’étais là, je n’étais plus sûr de mon idée. « Oion ! Faut entrer main-nant. » Je baissai les yeux vers ma sœur. Finalement, j’avais craqué. « Je dirai que je suis en retard à cause de toi. » « Pas vrai ! » « C’est quoi ce raffut ? » Un grand homme se présenta. Sa moustache me fit une drôle d’impression. Elle était tellement fournie et parfaitement taillée qu’elle en paraissait totalement irréelle. « Je m’excuse du retard ! » clamai-je. « Moi aussi je m’excu du retard ! » m’imita Carina. Le boulanger nous détailla, ma mine rougie par la honte et les yeux céruléens de ma sœur qui étaient bien plus occupés à scruter l’intérieur qu’à marquer le repentir. Finalement, il éclata de rire. « C’est pas bien grave ! Heureusement que vous êtes en renfort. Sinon, vous auriez fini dans le feu ! » Mes yeux s’écarquillèrent. La plaisanterie semblait bien trop sérieuse pour me laisser indifférent. C’était la première fois qu’on me menaçait de me transformer en rôti. Ce ne serait pas la dernière. « Ça ne se reproduira plus ! Promis ! » « Ne promets pas des choses que tu ne pourras pas tenir. Fais de ton mieux, ce sera suffisant. Va donc démouler les fondants au chocolat ! » m’indiqua-t-il. « Quant à toi, Pralinette, tu vas nous servir de goûteuse. » Le boulanger se tourna vers la fenêtre. « Je n’accepte pas les clandestins dans ma boulangerie. Si tu es ici, il faut travailler. » Il attendit deux secondes. « Allez, montre-toi. Tu seras chargée de faire les ballotins de pâtes d’amande quand tu nous auras donné ton nom. »

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