L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Partenaire - Solo
Intrigue - Suite à une soirée mouvementée - L'Orgie - Neah et Mancinia s'éveillent ensemble. La Marquise de Nylmord acquiert alors des informations susceptibles d'intéresser les Anges, appuyée par d'autres rumeurs. Elle décide de mener une expédition sur ses terres pour retrouver les éventuels coupables et les remettre aux mains de la Justice. Ou l'appliquer elle-même. Devant les éventuels dangers que cela peut représenter, Neah choisi de l'accompagner et de demander du renfort à la Compagnie de Yüerell. L'Humaine et l'Ange en profitent pour se rapprocher et d'approfondir leur Lien, ainsi que discuter de leur futur ensemble.

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Neah tournait la tête vers Mancinia, qui dormait paisiblement. Il était encore tôt, mais il avait bien dormi et ne souhaitait pas troubler son repos. Un sourire attendri se peignit sur son visage à mesure qu'il observait les traits détendus de l'Humaine. Elle semblait sereine à ses côtés. Il déposait un baiser aérien sur le sommet de son crâne, faisant attention à ne pas le réveiller, puis, n'étant plus capable de se rendormir, se contentait de se perdre dans ses pensées, alternant un regard vers le plafond et vers l'endormie. Il ne doutait pas être tous les deux matinaux, mais il était en avance sur son horaire habituel. Sans doute était-ce en raison des méthodes d'entraînements imposées par la Compagnie et qui avaient la vie dure, entre la méditation, les étirements, les entraînements militaires ou encore ses longues séances administratives, avec la gestion de la boutique familiale au cours de ses jours de repos. L'Ange avait une vie bien chargée. Levé tôt, couché tard, telle aurait pu être la devise devant ce forçat de l'exercice physique. Et encore, il s'adonnait à ses contraintes avec plaisir. Il avait appris à aimer ça et cela était devenu comme un besoin. Et il était loin d'être le plus enthousiaste. Être Soldat était sa vocation et la plus belle chose qu'il avait à protéger était allongée à ses côtés. La femme qu'il aimait. Sa compagne. Et il le savait très bien, sa future femme. Oh, ça oui. Il allait l'épouser. Ce n'était qu'une question de temps pour l'un ou l'autre. Ils avaient assez attendus. Il imaginait cela très bien, avec une petite accélération de sa respiration. Une célébration somptueuse. Elle serait sublime dans son ensemble, avec la cape et la couronne. Une vraie souveraine. Celle de son coeur.

Neah avait chaud. Il savait que ce n'était pas le petit rayon de soleil qui en était la cause, mais le corps bouillant à moitié allongé sur lui, l'étreignant dans son sommeil. Il avait su résister à la tentation de s'abandonner dans ses bras, parce qu'il avait appris à se dominer et que son esprit était bien moins inflexible qu'auparavant. Un sourire amusé éclairait ses traits. Elle était adorable. Heureusement qu'il était parvenu à lui tenir tête durant la nuit. Il ne craignait pas vraiment la déchéance, surtout avec un sentiment partagé et aussi fort, mais son éducation le freinait. Plus stricte que les moeurs humaines. Ceci dit, il ne l'avait jamais connue aussi entreprenante. Elle ne pouvait l'être qu'avec l'être qu'elle aimait. C'était ça qui lui réchauffait le coeur et rien ne saurait se mettre en travers de ça. Son sourire se figeait légèrement. Si, peut-être une seule chose. L'Ange avait conscience qu'il risquait fort de se faire remonter les bretelles pour avoir eu manquement à ses fonctions ce matin, mais tant pis. Il prétexterait une urgence, on ne pourrait pas vraiment le lui reprocher de prendre soin de sa Protégée. Surtout quand elle était aussi élevée dans une hiérarchie alliée. Peut-être devrait-il s'en aller ? Non. Jamais il ne fuirait comme un vulgaire voleur, mais il choisi de réfléchir aux bons mots, tout en sachant que sa Protégée ne le retiendrait pas. Il écartait légèrement les draps pour se libérer, tout en évitant de bouger de trop. Son regard se figeait sur le corps étendu. Du sang. Il y avait du sang. Son esprit se déconnectait totalement, son regard remontant vers le visage de l'endormie, elle dormait sereinement, sa poitrine se soulevait et se baissait au rythme de sa respiration, mais tout cela ne faisait pas sens.

— Mancinia... ?

Neah mit sa main sur son ventre pour la secouer légèrement, puis un peu plus fort, sans pour autant la bouger de leur étreinte de crainte d'empirer une éventuelle blessure.

— Mancinia !

L'Humaine ouvrit les yeux, surprise de ce réveil bien peu agréable après une aussi douce nuit.

— Quoi ? ...Qu'est-ce qu'il se passe ?

Elle avait lâchée cette phrase devant l'expression de son Gardien, se battant contre les brumes du sommeil pour prendre conscience des événements. Rien ne semblait grave aux alentours, alors qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Neah avait l'air paniqué. Affreusement. Sa voix était forte, avant de se briser totalement.

— Tu saignes ! Il y a du sang ! Il y a... !
— Ah, merde.

Mancinia venait de baisser son regard vers le bas de son ventre, regardant la tâche qui s'était répandue sur son vêtement. Cela ne semblait pas la surprendre outre mesure. L'Ange l'observait, sans comprendre. Il était convaincu que cette trace sanguinolente n'était pas là, hier soir. Il avait beau être venu au milieu de la nuit, la lueur de la chandelle aurait suffit à la montrer à sa vue, surtout qu'ils avaient été proches. Non, elle avait dû commencer bien après s'être endormis l'un contre l'autre, la preuve voulant qu'elle était rouge et non brune, comme ce serait le cas si le sang avait commencer à sécher. Sa Protégée se redressait sur le lit, relâchant un soupir contrarié. Ce dernier fit de même, visiblement, elle trouvait cela normal, mais pas lui.

— Ça explique pourquoi je n'étais pas bien.

La Marquise de Nylmord passait une main sur son visage, elle essayait d'enlever la sueur perlant sur son front, un frisson glacial parcourant son échine maintenant que la chaleur des draps et, surtout, celle de Neah, ne l'enveloppait plus. Une douleur lui vrillait doucement les entrailles. Elle tournait son visage vers son compagnon, le guerrier était encore sous l'effet de surprise malgré son soulagement, distinguant très bien le mal-être de sa Protégée, surtout en raison de la pâleur de son visage, pour peu que cela soit encore possible. Elle relâchait un petit rire.

— Respire voyons !
— C'est...
— Neah, c'est seulement mon sang menstruel.

Quand l'information parvint à son cerveau, il comprit que ce sang n'était pas le signe d'une blessure quelconque, il se mis à rire nerveusement en tapant la paume de sa main contre son front.

— Putain, mais quel con.

L'Anjonù était tellement habitué au sang qu'il pouvait voir suinter des blessures qu'il en avait oublié une base élémentaire, voire simpliste. Mancinia était une femme. Du sang, elle en perdait de manière naturelle, tous les mois. Une semaine environ, depuis le début de sa puberté et ce, jusqu'au début de sa vieillesse. C'était quelque chose qui leur était propre, signe de fertilité et célébrer assez souvent dans certaines coutumes, notamment les rites dédiés à Edel. En tant qu'homme, il ne connaissait pas ce mal-être mensuel que l'on disait assez douloureux, fatiguant. Il lui paraissait toujours incroyable que les femmes puissent continuer à faire comme si de rien était tout en perdant ce fluide vital. Lui, il se serait sûrement évanoui au bout de deux ou trois jours. Sa main tremblait alors que tout se mettait en place correctement, ce qui surprit la femme lorsqu'elle prenait conscience de son état.

— Tu as eu si peur que ça ?

Neah laissait descendre sa main, en la regardant au travers, souriant et relativement gêné.

— Tu découpes des membres, tu fais couler le sang ...

L'Humaine penchait sa tête sur le côté.

— Le sang de la vie t'effraie plus que le sang de la mort ?

Il soupirait, essayant de faire redescendre la pression.

— J'ai seulement paniqué sans raison.
— Tu es adorable.

Elle le gratifiait d'un bisou sur la trempe, avant de se mettre correctement sur le lit et de se lever, enlevant une partie des draps pour constater qu'ils étaient souillés également. Neah la vit lever les yeux au ciel, marmonnant une phrase inintelligible. Elle se dirigeait vers son secrétaire pour tirer sur une sorte de ficelle, certainement un dispositif Magicien assez discret pour appeler une servante. Ce n'était peut-être pas une bonne idée qu'il reste, mais en même temps, il ne souhaitait pas la quitter. Pas tout de suite, pas ainsi. Au moins rester et prendre quelque chose à manger en sa compagnie, si possible. Son regard se reportait sur le sang des draps, amusé dans un sens. Il ne lui avait pas prit sa virginité, mais elle avait tout de même saigner à ses côtés. Peut-être un signe des Dieux.

— Tu n'as rien pour collecter ton sang menstruel et protéger tes habits ? l'interrogea son Ange, curieux.
— Si, bien sûr. J'avais seulement oublié que c'était ma période. J'ai dû être distraite...

Ce n'était pas surprenant. Elle était très demandée, autant chez les Humains que chez les Magiciens, un oubli pouvait bien se produire.

— Heu, hum, pardon. Ce n'était pas un reproche. Juste que...
— Je ne vais pas m'offusquer pour si peu, Neah, sourit-elle. C'est normal pour un homme de ne rien y connaître, mais je suis surprise. Les femmes Anges n'ont rien de similaire ?
— Si, bien entendu ! Des morceaux de tissus maintenus par un bandeau noué autour de la taille, c'est ce qu'elles utilisent, les Humaines aussi, n'est-ce pas ?
— Oui, c'est ceci.

Elle tenait dans ses mains un appareil qu'elle venait de prendre dans sa commode. C'était une protection réalisée à la main, certainement avec un crochet. Mancinia devait se l'attacher autour du ventre avec des bandeaux qui lui parurent immédiatement très inconfortables. Elles étaient épaisses et peu pratiques, visiblement. Comment pouvait-elle faire comme si de rien n'était avec ce truc autour de la taille ?

— Par les Aetheri, qu'est-ce que c'est que cet instrument de torture ?
— Ce qui nous permet d'éviter de tâcher nos tenues et de camoufler l'odeur du sang, de quoi éviter d'attirer un Vampire sur dix kilomètres.

Neah était assez perplexe. Il imaginait cela plus fin, moins contraignant. Peu étonnant que des propos couraient sur d'autres moeurs, plus légères.

— Il y a bien des rumeurs qui disent que les Réprouvées mettent des tenues amples et laisse couler le sang librement, pour ensuite se laver les jambes. Je ne sais pas trop comment ça se passe ailleurs.
— Les Réprouvées, tout un mode de vie ! Seulement, chez eux, les tâches de sang sur les vêtements ne choquent pas les hommes et, au contraire, sont considérées comme une preuve de la fertilité des femmes.

Mancinia se retournait vers Neah, reposant sa protection sur son bureau, un sourire aux lèvres, presque rêveur.

— C'est la preuve que je peux te faire un enfant.
— Quand nous serions mariés, sourit Neah.
— C'est une demande ? demanda-t-elle en arquant un sourcil.
— Non.

La taquinerie entre eux aurait-elle donc désormais ce visage ? Ça lui plaisait assez. Au moins, elle ne dissimulait pas son envie d'être épouse. La sienne. Le Gardien se rapprochait de sa Protégée et la gratifiait d'une embrassade, sa manière de lui dire bonjour de manière plus courtoise que ce qu'il avait osé faire un peu plus tôt. Il s'en voulait presque.

— Soit patiente, souffla-t-il.
— Hum, hum. répondit-elle entre deux embrassades.

Neah scellait une promesse dans son esprit, celle de lui faire sa demande. Et d'ici quelques temps, ce domaine aurait quelques Leenhardt et Katzuta courir un peu partout. Ça lui arrachait un frisson de satisfaction. Mancinia entendit alors quelques coups légers à la porte. Elle se reculait de son partenaire, ne le quittant pas des yeux tout de suite, s'échangeant leurs sentiments durant une seconde, avant d'autoriser sa Camériste à rentrer.

Post I - 1855 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Monika nouait ses cheveux devant le miroir poli de sa chambre. Elle réagissait par automatisme que par réel entrain, essayant de se convaincre que tout irait bien malgré la fatigue certaine qui s'abattait sur ses épaules. Elle était épuisée de la veille, éprouvant une honte incommensurable après l'incroyable plaisir éprouvé dans les bras d'Esodie. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Qu'est-ce qu'ils leur avaient pris à toute les deux ? Ce n'était pas dans ses habitudes de se laisser aller ainsi. A dire vrai, cela ne lui était jamais arrivé auparavant. Le désir avait été si violent que ses mains en tremblaient encore. Jamais elle n'aurait cru connaître sa première expérience dans les bras d'une femme. Elle qui attendait de rencontrer un homme digne se sentait perdue. Est-ce qu'elle aimait les femmes ? Ou est-ce qu'elle aimait seulement Mancinia avec une telle force que cela trompait ses sens ? Ça n'avait ni sens ni mots. La Magicienne en éprouvait même un certain regret. Si elle était restée avec la Marquise de Nylmord, est-ce qu'elle aurait fini dans ses bras à la place ? Est-ce que cela n'aurait pas été déplacé ?  Ça aurait pu être tellement bien. Peut-être pouvait-elle se consoler avec ce rêve ? Cet instant onirique où la Marquise était collée contre elle et où elle pouvait l'embrasser et la toucher, mettant ses doigts dans ses longs cheveux tandis que Mancinia s'occupait d'elle. Ses deux mains claquèrent contre ses joues. Elle devait se ressaisir. C'en était ridicule. Jamais la femme qu'elle servait avec une fougue certaine ne se laisserait aller de la sorte ! Une sonnette se faisait entendre derrière elle, la ramenant à la réalité du travail avec un léger bond de surprise. Un appel. C'était rare. Peut-être y avait-il un problème ?

Monika sorti de sa chambre pour se rendre où on l'appelait. C'était une personne matinale de nature, entre les différents services de sa mère et son apprentissage chez d'autres nobles de Caelum, mais la Marquise était tellement particulière. Elle n'avait aucune habitude issue de la haute aristocratie ni issue du peuple Magicien. Elle était née roturière et la voie des armes était sans doute son quotidien. Elle ne relevait d'aucune autorité dans l'armée. La jeune femme eu un air interrogateur. Est-ce qu'il y avait une armée chez les Humains ? Tellement ignorante de leur condition. Seulement habituée à l'antimagie qui baignait presque l'ensemble de la demeure. Peut-être devrait-elle faire des efforts à son encontre ? Il lui était tellement de fois arriver qu'elle aille l'éveillée et que la Marquise soit absente de sa chambre, son lit impeccablement fait et qu'elle soit au travail dans son bureau, attendant le petit-déjeuner calmement. Quels étaient les membres de la noblesse à faire ça ? Elle n'en connaissait aucun. C'était original, au moins. Monika sourit. Elle portait une tenue violette qui lui allait assez bien et croisait quelques collègues qui se réveillaient et prenaient leur temps de travail, entre ouvrir les nombreux rideaux, le nettoyage des lieux et la préparation du déjeuner. Elle avait presque oubliée de manger quelque chose à la cuisine, mais les demandes de sa supérieure passaient avant. Elle prendrait quelque chose vite fait en cherchant le courrier du matin. Une fois devant la porte de la chambre, la Camériste en rougissait encore dans le couloir quelques instants avant de prendre une grande respiration, tandis qu'elle frappait à la porte.

— Entrez.

Cette dernière ouvrit instantanément pour laisser place à la Camériste qui s'inclinait en une révérence.

— Je vous souhaite un bon matin, Marquise.
— Bonjour, Monika.

Mancinia la gratifiait d'un sourire, ne relevant pas le fait que cette dernière était ancrée dans les bonnes convenances malgré ses multiples demandes à être traitée normalement. Elle était bien trop nauséeuse pour mener de nouveau ce combat de morale. Elle se relevait avec un sourire. C'est alors qu'elle le vit. Lui.

Neah sentait le regard scrutateur de la nouvelle venue. Il n'eut aucun mal à soutenir son regard, y lisant un milliers de questions, allant de l'étonnement aux idées les plus scabreuses. En quoi était-ce étonnant ? Mancinia était entrée dans cette chambre, seule et on la retrouvait au matin avec un homme qui était venu l'importuner au milieu de la nuit, autant dire qu'il y avait de quoi être surprit. Mais les rumeurs n'attendaient pas la véracité des choses et il était certain que son Humaine ne faisait pas cela par hasard. Elle usait et abusait de ces dernières. Ils étaient nombreux à colporter des rumeurs sur leur relation, au-delà du Lien qui les unissait. L'Ange avait même entendu d'autres rumeurs, celles où elle était mariée avec un Humain, ou encore celle où elle était enceinte, mais sans osé l'admettre. Ses menstrues attestaient du mensonge de cette grossesse présumé, mais encore une fois, il s'agissait d'une pression inhérente à un peuple qui avait une course à l'enfantement pour échapper aux affres de l'extinction. Les femmes devaient avoir des enfants, alors ils attendaient que Mancinia en est. Elle-même en voulait et n'attendait plus que lui. Quel casse-tête. De son côté, Monika essayait de ne rien laisser paraître, mais son trouble était perceptible. La Marquise avait eu un homme dans sa chambre. Et de toute évidence, dans son lit. Elle saignait. Avait-elle consommé une passion interdite ? Non, ce n'était pas son genre. Surtout qu'elle n'était pas stupide pour laisser cela à la vue de tous le lendemain matin, mais qui était cet homme ? Que faisait-il ici à une heure si matinale ? Qu'est-ce que cela pouvait-il bien vouloir dire ?

— Merci d'avoir été si rapide. J'aurai besoin d'un bain.

La Magicienne était à deux doigts de pleurer. Comment avait-elle pu ? ...

— Monika ?

Mancinia avait mis sa main sur l'épaule de sa Camériste, cette dernière eu un sursaut de lucidité.

— Je... ! Pardonnez-moi, Marquise ! J'ai craint pour votre santé !
— Juste les aléas mensuels d'une femme.

Monika inclinait la tête en souriant, prenant conscience que tout ce qu'elle s'était imaginé était faux. Évidemment que ça l'était. La Marquise n'irait pas avec le premier homme venu. Mancinia n'était pas dupe, elle devinait bien la raison de son trouble. Mieux valait éclaircir la situation immédiatement.

— Neah. Je te présente Monika Hautbourg, elle est ma Camériste lors de mes passages sur le marquisat.
— Oh ! C'est donc elle ! Mancinia m'a énormément parlé de vous et de votre travail.

Il marquait une pause, amusé. Son regard passant de la Camériste à la Marquise.

— Tu avais raison, elle est très mignonne.
— ...Il ne fallait pas lui dire ça.
— Tu es jalouse ?
— Tsss.

Monika était déroutée un instant de cet échange.

— Je suis Neah Katzuta, l'Ange Gardien de la Marquise. Enchanté.
— Monika Hautbourg. Moi de même, messire.

Neah Katzuta. Capitaine de l'Armée Angélique ... quelque chose du genre. Et un des représentants militaire de son peuple. Des histoires couraient sur ses exploits sur les champs de bataille de la précédente ère. La Magicienne le regardait avec des yeux hagards. Ils semblaient bien s'entendre. Cela lui fit un pincement au coeur. Peut-être ... Elle ne parvenait pas à chasser les images qui l'assaillaient.

— Sois gentil. J'ai de chance de l'avoir, tu sais ?
— Vos gentilles paroles me vont droit au coeur, Marquise.
— Ah, non Monika, arrête.

La jeune femme était éberluée, avait-elle fait quelque chose de mal ?

— Ça m'insupporte que l'on m'appelle Marquise à longueur de temps. Appelle-moi Mancinia.
— Mais...Je ne peux...
— Tu es ma Camériste entre ses murs et il est vrai que tu me dois un respect dû à mon rang, mais quand nous sommes seules, tu peux m'appeler par mon prénom.

Elle jetait un coup d'oeil au Capitaine. Mancinia le vit.

— Neah est une exception. C'est mon compagnon.
— Mancinia ?

L'Ange avait interrogé l'Humaine sur cette déclaration en penchant sa tête sur le côté. Il ne cherchait pas à démentir, n'étant pas en position de sauver sa réputation sur ce point. Cette dernière sourit.

— Elle est ma Camériste. J'ai confiance en elle. Évidemment, Monika, c'est une situation qui est ... secrète. Nous devons faire attention compte tenu de nos positions respectives.

Son compagnon. C'était la seule information qui résonnait dans son esprit. Ils étaient bel et bien ensemble. Sûrement en tout bien tout honneur. Jamais la Marquise ne se donnerait au premier bougre venu, tout prestigieux, fort et mignon soit-il. Cette relation de confiance qui liait les Anges aux Humains était comme un mythe lointain à ses yeux, mais probablement n'était-ce pas le cas pour tous. Ils s'aimaient. Quel chanceux. C'était injuste. Ce n'est lorsque du énième appel qu'elle réagit. Était-elle si transparente ?

— Oui, évidemment ! se reprit-elle en s'inclinant. Pardonnez-moi. J'ai quelques manquements ce matin. Je vais immédiatement préparer votre bain. Le souhaitez-vous avant ou après votre petit déjeuner ?
— Avant. Je n'apprécie guère manger ainsi salie.

Après une inclinaison respectueuse en prenant note de sa demande que la demoiselle quittait sa chambre. Dans le couloir, Monika eu du mal à ne pas se laisser aller. Elle devait tenir et ce ... Malgré cette jalousie qui lui tenaillait le coeur par rapport à cet homme. Il avait de la chance d'avoir un tel lien avec la Marquise. Une chance inouïe qui aurait rendu Envieux n'importe qui. De l'autre côté de la porte, Mancinia avait froncé les sourcils dès la porte refermée.

— Je ne sais pas ce qui lui prend ce matin.
— Ella a dû être surprise de me voir dans ta chambre.
— Ce n'est pas si anormal pour une femme d'avoir un amant ... Non. Il doit y avoir quelque chose d'autre.

Neah ne répondait rien à cette remarque. Il ne connaissait pas cette Magicienne. Elle avait l'air dans la fleur de l'âge. Mancinia l'estimait visiblement beaucoup pour ainsi lui confier un secret aussi important que leur amour. Personne n'était vraiment au courant. Elle ouvrit la porte de l'armoire et saisi ses affaires, tandis qu'ils discutaient de chose et d'autres avant que l'Humaine n'entre dans la salle d'eau attenante à sa chambre. Il y avait une entrée dissimulée pour que les domestiques entrent autrement et puissent s'assurer du bon déroulement de ce dernier. Monika était penchée sur l'eau pour s'assurer que ce soit assez chaud. Au goût de sa supérieure. Cette dernière mis sa main sur l'épaule de sa Camériste. Elle semblait assez blême ce matin.

— Toi qui est si fougueuse d'ordinaire.

Comme une amie de longue date, la Marquise mis une mèche derrière son oreille. Ce geste aurait fait d'ordinaire rougir la Camériste, mais elle n'y parvenait pas. Obnubilé par autre chose.

— J'espère que rien ne te tracasses. Tu peux m'en parler si tu en éprouves le besoin.
— Non ... Non, vraiment, Mar ... ncinia ! Tout va très bien, merci.
— ...Je n'insiste pas dans ce cas.

Résignée à ne pas la mettre dans une position délicate, elle la laissait poursuivre son travail avant que sa Camériste ne quitte la pièce, la laissant seule devant une masse d'eau qui n'attendait qu'à se répandre sur sa peau. Mancinia entreprit d'enlever sa tenue salie et la repliée pour la mettre dans le panier à linges. Elle regardait un instant ses cuisses rougies. C'était désolant, alors, elle prit son bain, comme si elle avait envie de noyer ses soucis dans l'eau chaude. Sa température rappelait le Désert, elle adorait ça. Fourbissant son bras avec son savon à base de suif et de cendres pour se nettoyer des impuretés, exaspérée par la simple présence de ses règles, ayant un long soupir agacé. Quelques minutes plus tard, elle émergeait de sa baignoire, fraîche et comblée de bonheur. Se hissant sur ses pieds à l'aide de ses bras exerçant pression contre les parois de bois, son corps nu émergea de l'eau. Pourvue de formes remarquables, Mancinia n'était pas à plaindre. Mais...Toutes ces cicatrices, la plupart remarquables la firent de nouveau soupirer jusqu'à ce qu'elle se saisisse d'un tissu duquel elle enroula son corps encore mouillé et sortit un pied agile du large bain de bois. Elle prit la ceinture entre ses mains. Un instrument de torture ... Ce n'était pas loin de la vérité.

Post II - 2000 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Neah patientait, assis sur la chaise du bureau. Il était un peu en train de s'enliser dans un souci épineux et son être entier était partager entre deux choses. Il ne pouvait pas déserter ses fonctions ainsi et il était clair que l'Imperator n'allait pas se contenter de lui tirer les oreilles, comme à un enfant ayant fait une bêtise. Il allait devoir sortir une excuse imparable et seule la complicité de la Marquise pouvait le sortir d'une fâcheuse posture. Ceci dit, il n'appréciait guère mentir ou usé de quelqu'un pour se sauver d'un bourbier dans lequel il s'était mis. Seul. L'Ange avait eu envie de voir son Humaine, c'est tout. Il n'avait pas été déçu. Le problème étant qu'il l'avait fait sans prévenir personne et au beau milieu de la nuit. Peut-être s'était-il trop laissé aller selon ses envies ? Mais était-ce vraiment mal lorsqu'on aimait quelqu'un ? S'il l'admettait, c'est Mancinia qui verrait sa réputation entachée. Peut-être devrait-il simplement l'épouser, là, tout de suite ? Il y avait bien un Prêtre dans un hameau environnant et le Domaine Qisar serait un très beau cadre pour une célébration. L'homme fermait les yeux, prenant une grande respiration pour remettre de l'ordre dans son esprit. Non. Il ne voulait pas presser les choses. Il voulait lui faire sa demande, même si elle devait s'y attendre, il espérait lire la surprise dans son regard. Ce moment ne serait rien qu'à eux. Respecter les traditions, c'était une volonté des deux êtres et, au moins, que leurs parents assistent au mariage. Neah se grattait l'arrière du crâne. C'était un vrai casse-tête.

Il avait été con et n'avait pas réfléchis en perdant le contrôle de ses émotions. Ils avaient été séparés si longtemps que son esprit avait choisi de réagir de manière disproportionné. Il sentait le regard accusateur de certains sur sa nuque. Mais que faire d'autre ? Cette Déchue qui s'était introduite dans la Caserne l'avait écoeuré avec son comportement répugnant, soulignant des fantasmes plus qu'aberrants auxquels il n'aurait jamais osé réfléchir tant le respect le liait à ses compagnons d'armes. Seulement, cela l'avait troublé, lançant un pavé dans ses songes écartelés. Une sorte de malédiction dont il voulait se défaire en étant dans les bras du seul être qui comptait vraiment. Mancinia avait été si ... indécente. Sa manière d'être la nuit dernière ne lui ressemblait pas, mais en même temps, il avait aimé ça. Sentir ses mains sur lui, la voir abandonner toute retenue ... Elle, il voulait l'allonger sur un lit et se perdre totalement dans ses bras, bien plus salement que la chaste étreinte à laquelle il l'avait contrainte. Ces femmes qui se dévoilaient à lui sans que cela ne l'intéresse et dont il se fichait éperdument, elles n'étaient pas comme elle. Dans son sa beauté naturelle, comme elle devait l'être en cet instant, derrière cette fichue porte. L'Ange abattit ses paumes contre ses joues. Nom d'un Sympan. Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Ses moindres faits et gestes le bouleversaient. Il ne cessait de l'éprouver. Et il savait d'où ça venait. Il était amoureux d'elle. Vraiment amoureux. Cette douleur exquise qui prenait possession de son coeur lorsqu'il pensait à elle ... Jamais il ne s'en lasserait. Son seul regret était peut-être qu'elle ne soit pas une Ange, mais est-ce que cela avait une quelconque importance ?

Neah voulait vivre et se consumer dans ses bras, mais comment choisir entre l'amour et le devoir, entre la raison et la douceur d'y croire ? Devait-il remettre sa démission à Yüerell, abandonner ses autres charges et être derrière Mancinia pour soutenir ses ambitions ? Le Capitaine eu un sourire. Elle le tuerait. S'il devait abandonner ce en quoi il s'était investi en son absence, elle le lui ferait payer. Et cette vie, en un sens, lui plaisait. Sa place était toute désignée. Il était vraiment tiraillé, mais n'était-ce pas là son devoir de ... De quoi ? De Gardien ? Est-ce qu'il en était encore un, maintenant que leurs sentiments étaient unis ? Est-ce qu'ils étaient devenus autre chose ? Un couple, des amoureux ... Mancinia n'avait pas besoin de lui pour se défendre ou s'illustrer. C'était naturel, chez elle, après tout. Un véritable éclat solaire. Au cliquetis d'ouverture de la porte, l'Ange détournait le regard du mur qui avait absorbé ses songes pour observer l'objet de ses pensées ... Pour le tourner immédiatement vers la droite, sur ce très beau tapis carmin.

— ...Tu aurais pu prendre tes vêtements.
— Tu es dans ma chambre. Si cela ne te plaît pas, tu peux sortir.

Mancinia était apparue de la salle d'eau, revêtue de sa ceinture protectrice et d'un pantalon. Elle avait mis une serviette sur ses épaules, qui recouvrait son dos et empêchait le liquide de sa chevelure se rependre sur sa peau, ainsi que l'avant, dissimulant très ... sensiblement ses épaules et sa poitrine entre le tissu et les cheveux. Elle tenait dans sa main la veste qui complétait le tout. Neah regardait le vêtement qui reposait à ses côtés, sur le bureau. Un oubli en raison de leur conversation. Il n'y avait guère prêté attention. Elle aurait pu simplement le lui demander.

— Tu ne vas pas me faire une scène pour une chemise oubliée ?
— ...Et puis merde, souffla-t-il entre ses dents.

Sa réaction surprit l'Humaine, qui le dévisageait avec stupeur tandis qu'il se redressait d'un mouvement, devant elle. Sa nudité ne semblait pas l'intimider, pas comme elle l'aurait cru. L'Ange ouvrit alors ses bras et l'enserrait, l'immobilisant. Ignorant totalement sa longue chevelure mouillée dans laquelle il enfoui son visage, s'empreignant de son parfum.

— Hum ... Ton odeur m'obsède.
— Oh ?
— A force d'être le nez dans la sueur des entraînements et le sang des batailles ... Tu me fais un peu tourner la tête.
— Tu es à la bonne taille pour apprécier ma poitrine, surtout.

Comme elle s'était amusée à le taquiner quelques temps plus tôt, il fit de même en secouant son visage qui s'était réfugié entre ses seins. Mancinia se crispait légèrement.

— Neah, la ... chose d'hier soir est encore présente dans les airs. Et ... Tu es tellement mignon dans cet uniforme ... Je ne vais pas résister.
— Je ne suis pas certain que les tenues de Yüerell soient recommandées pour ce genre d'activités physiques, Mademoiselle Leenhardt.
— J'en réaliserais une copie rien que pour en profiter personnellement.

Sa dernière phrase avait sifflé entre ses dents. Cette situation lui plaisait.

— ...Je ne suis pas dans mon état normal. Je ne vais pas résister à te repousser sur le lit si nous restons ainsi.
— Essaie pour voir, huh.

L'Ange avait relevé les yeux dans sa direction, tandis qu'elle les baissait légèrement. Leurs regards se percutaient sous sa provocation. Oh. Elle a le rose aux joues. Et ses yeux. Ils ont le don de le fasciner. Ils évoquent tour à tour l'océan où se reflète le soleil ou l'aube pâlissante. Une alliance parfaite entre force et calme. Il sourit et se mit en avant pour l'embrasser. Un long baiser langoureux. Comme si plus rien d'autre n'existait. Elle se reculait légèrement, résistant à la tentation alors que leurs souffles se mélangeaient, lui procurant un frisson exquis.

— ...Je ne voulais pas te mettre dans l'embarras. Excuse-moi.
— Ça ne me dérange pas.

Elle se reculait néanmoins, essayant de reprendre contenance, tout en remettant convenablement l'essuie et en se dirigeant vers son bureau pour prendre sa chemise.

— Peut-être parce que je t'aime, oui, c'est ça...

Neah sourit en lui tournant le dos pour la laisser se changer de manière plus intime. Il avait cruellement manqué de décence à son encontre, mais qui le saurait ? C'est à ce moment qu'il prit conscience que sa peau était enflammée et que son coeur battait à tout rompre. C'était lui qui franchissait les limites maintenant. S'amuser avec le feu pouvait être grisant, mais mieux valait prendre garde à ne pas se brûler les ailes ... à se les noircir. Ça le tuerait. Passant une main dans ses cheveux bruns en bataille, trempés d'eau, Mancinia tentait de les discipliner avec un peigne, avant d'abonner et de s'abaisser vers l'avant pour les étendre et les enrouler dans l'essuie. Son souffle s'arrêtait. Elle les rabattit dès l'instant où elle se rendit compte d'avoir oublié une chose essentielle. Juste une seule chose ... Heureusement, l'Ange n'avait rien vu.

— C'est quoi ces marques dans ton dos ?

Mancinia écarquillait les yeux à son reflet renvoyer par le miroir, son visage avait blêmit. Non. Non. Non. Elle ne voulait pas lui en parler. Tout, mais pas ça. Pas maintenant.

— Mancinia. Parle-moi.

Il avait avalé la distance entre eux rapidement et lui avait mis une main sur l'épaule. Elle serrait les dents et son contact, désormais, la dégoûtait, se dégageant vivement, tel un animal blessé.

— Ça ne te regarde pas.
— Ah ! rit-il avec une certaine fermeté dans la voix. Ça ne me regarde pas, hein ? Les choses ne vont pas comme elles t'arrangent et tu t'enfuis !

L'Anjonù lui saisit les épaules avec une telle force que celle-ci fût contrainte de le regarder, totalement éberluée.

— Tu ne peux pas demander aux autres de se confier si tu n'es pas capable de faire pareil !

Cette phrase la secouait terriblement. Elle se revoyait à la place de son Gardien, exigeant la même chose à quelqu'un d'autre. Tout aussi réticent et qui en avait perdu le contrôle sur l'instant. Quelqu'un qui, comme elle, ne pouvait pas en parler. L'Humaine l'avait bien senti, les sutures cédaient à sa carapace se fissurait ... Parce que Neah n'était plus seulement un partenaire. C'était l'homme qu'elle aimait. Et tout, toujours, finissait par se savoir dans ce genre de cas.

— Parle !
— ...Non.
— Mancinia, parle-moi !
— Lâche-moi ! Neah ! ...Lâche-moi.

Les larmes étaient sorties seule. L'Ange ne pouvait combattre et la contraindre ainsi de lui parler. Pas dans cet état. La Matasif Leenhardt, qui ne semblait craindre que les Aetheri, semblait désarmée devant les blessures du passé. En cela, il pouvait la comprendre. Certaines choses ... ne pouvaient être dites. Seulement, ce manque de confiance le blessait quelque peu. Il voulait tout savoir d'elle et l'accepter pleinement, peu importe ses actes passés. On vint doucement frapper à sa porte.

— Marquise. Votre repas est prêt.
— Merci, Daniella.

Mancinia avait répondu avec une voix forte et presque ravie. Elle maniait les apparences, désormais. La Marquise de Nylmord terminait de se préparer réalisant ce qu'elle voulait faire précédemment, avant d'enrouler sa poitrine dans un maintien fait de tissu et de remettre sa chemise par-dessus. Peignant sa chevelure tout en y chassant l'eau. Neah lui aurait bien proposé son aide, mais la connaissant, ce serait un refus. Cette tension entre eux depuis une dizaine de minutes ne lui plaisait guère. Il entrouvrit les lèvres pour reprendre une conversation sur un ton plus léger, tandis qu'elle essayait de se rendre présentable.

— J'avais onze ans...

L'Ange restait la bouche ouverte quelques instants avant de la refermer. Il ne désirait pas l'interrompre. Mancinia reprit une inspiration pour se donner le courage, mais pas encore celui de le regarder. C'était sa plaie intérieure. Personne ne le savait. Et doucement, elle reprit le fil de son récit...

Post III - 1855 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

— Comme tu le sais, ma mère a été enlevée par des Sorciers ... J'étais seule sur le route avec mon Père. Une existence délicate pour des Humains. Nous voulions simplement la retrouver. Nous avons parcouru les villes et les villages, certains continents même. Nous venions d'arriver à Bouton d'Or, mais tu connais le racisme des Réprouvés ... J'étais naïve. Je me suis laissé avoir. Certains jeunes m'avait prise en amitié ... C'était ce que je croyais. Ils m'ont un peu malmenée en découvrant que j'étais une Humaine.

Neah fronçait les sourcils. Il marquait clairement son mécontentement. Sa compagne ne le vit pas, observant ses mains de crainte d'affronter son regard. Elle ressentait néanmoins toutes les sensations qui la parcouraient. C'était délicat désormais de dissimuler ses sentiments, ses souvenirs ... Ils devaient tout partager au risque de ressentir des incompréhensions. Mancinia avait choisi de revenir sur ses paroles et de lui confier la vérité. Il savait que c'était un acte compliqué de mettre des mots sur des horreurs du passé et cela ne l'empêchait pourtant pas d'avoir ses propres sentiments par-dessus. Lui, il avait l'envie subite de brûler tout l'endroit. Comme ils avaient pu le faire autrefois à Stenfek, quand leur armée s'était percutée à celle des Démons. Mais au-delà de cette sourde Colère qui animait doucement son coeur, il y avait la sagesse qui lui disait que ce n'était que des enfants ... On est toujours méchant à cet âge. On ne mesurait pas la dangerosité de ses actes et de ses paroles ... Sans doute parce que leur éducation laissait à désirer...

— Je me suis ... enfuie en courant. Je me suis réfugié près de l'auberge où nous étions. Dans l'écurie. Je voulais sécher mes larmes avant que mon Père ne le voit. J'avais peur que ça tourne mal autrement. Un homme a surgit dans mon dos.

Le souffle de Neah s'était arrêté, Mancinia essayait de contrôler sa voix à ce souvenir terrifiant. Pourtant, elle avait affronté d'autres hommes du même acabit lors de ses voyages en s'en sortant plus ou moins bien ... Mais lui ...

— Il avait bu ... Il s'est jeté sur moi et à déchirer ma robe, il n'arrêtait pas de ... Avec sa langue ... C'était ... Répugnant. J'ai eu de la chance, cependant. Un des gamins m'avait suivie. Shon. Ce Réprouvé m'a sauvé la vie. Il l'a assommé, pas très content de ce qu'il voyait. Il m'a dit de m'en aller. Et vite. Et je suis retournée chez mon Père. Je ne lui en ai pas parlé. J'ai prétendue être tombé. Je crois qu'il savait que je mentais ... Surtout quand Shon l'a dénoncé aux autorités en prétextant avoir été témoin d'une agression ... Mais il a évité l'interpellation en se volatilisant dans la nature.

La main glaciale sur la gorge de l'Ange se dénouait durant ses explications, presque avec soulagement, sans qu'il n'ose le montrer pleinement. Pourtant, tous les éléments lui indiquaient que ça ne s'en était pas terminé là.

— Nous sommes repartis. J'ai voulu ... oublié cette mésaventure. Nous avons continué notre chemin, mais peu de temps après ... Je l'ai recroisé. Je ne l'avais pas oublié ... Et lui non plus. J'ai compris que ce n'était pas une bonne nouvelle. Je ne quittais pas mon Père. Ça n'a pas suffi. Il ... Il m'a attrapée par les cheveux un soir où la foule était trop dense. Kamiya m'avait perdu de vue. J'ai cru qu'il m'avait arraché le haut du crâne. Je n'ai pas su crier, aucun son ne sortait. Je me suis débattue par instinct, mais rien n'y a fait. Il m'a explosé le visage d'un coup de poing. Je me souviens de la douleur ... Et du noir.

Mancinia tremblait. L'Ange s'était approcher avec douceur et avait doucement mis ses mains sur ses épaules. Assise devant son miroir, elle semblait si fragile et si petite devant lui. Il ne pouvait qu'être là. Et cela lui donnait du courage.

— Je me suis retrouvée prisonnière ... Je ne suis pas certaine que le mot convienne. J'étais enchaînée à un arbre. Il était si grand. Et si large. Ils étaient plusieurs à ce moment-là. Il y avait même des femmes. J'ai vite compris que ce n'était pas des adultes très âgés, la vingtaine tout au plus. J'étais nue, l'avant du corps était collé contre l'écorce qui me rentrait dans les chairs. Je devais tourner la tête pour respirer, j'avais du sang qui sortait du nez et c'était difficile. J'avais l'impression de m'évanouir sans arrêt. Mes bras étaient tendus à l'extrême, la douleur aux épaules était ...

Mancinia se massait les bras en remontant vers ses épaules, avant de toucher les mains de son compagnon, presque soulagée. Quelle torture. Neah serrait les dents. Comment pouvait-on infligé cela à une si petite fille ? Peu importe sa nature, aucun d'entre eux ne méritait cela. Comment s'était-elle sentie, ainsi contorsionnée et souffrant de nombreuses crampes ?

— Ils me frappaient. Tout le temps. À tour de rôle. Une des filles encourageait les garçons à m'uriner dessus. J'étais privée de nourriture et ils voulaient voir si les excréments m'iraient mieux que le reste. Je n'osais pas dormir. J'étais tout le temps debout et au moindre signe de fatigue, une pluie de cailloux me tombait dessus. Ils m'ont détaché une fois pour m'allonger et me maintenir. Je n'avais plus de force. J'avais vraiment soif ... Ils m'ont bloqué le nez où s'était agglutiné du sang séché, leur appui m'a fait crier et l'un d'entre eux a utilisé ... Je ne sais pas quoi pour faire apparaître de l'eau et me faire boire. Boire, boire, boire. J'ai cru mourir noyée. J'avais si mal. Si peur ... J'étais obligé d'entendre leurs ébats sexuels derrière moi et ils n'arrêtaient pas de dire que c'était ce qui allait m'arriver ... avant de commenter mon état répugnant d'Humaine et l'inutilité que j'incarnais pour le sexe ... Ça a duré des jours et des jours ... Une éternité.

Sa tirade s'achevait en un souffle. Elle semblait être à bout d'énergie.

— Les choses n'ont cessées d'empirer. Lassés des coups et des cailloux ... Je ... me souviens encore de la morsure des coups de fouet. Ça n'arrêtait pas. Mon dos était en feu et lorsque ... Si je ne criais pas assez, alors ils passaient de l'eau salée sur mes plaies. Ça me brûlait tellement ... !

Sa voix s'était doucement rompue, comme si elle était à bout de souffle. Neah ressentait la puissance de sa terreur et malgré toute la maîtrise qu'il y mettait pour ne pas trembler et la décourager à poursuivre ce récit qu'elle désirait tant lui dissimuler, cela ne pouvait que contraindre ses sentiments à être empreint d'une sourde rancoeur. Ce qu'ils avaient réalisé était souvent le préliminaire de ce qui conduisait à la peine de mort. C'était ça qu'ils voulaient, mettre à mort une enfant ... par différence raciale ? L'Ange resserrait doucement sa prise sur les épaules de son Humaine. Ces marques alliant le blanc et le rouge dans son dos étaient donc des traces de ces lanières mordantes, accentuées sous l'effet du sel que rien n'aurait vraiment su altéré. Il n'y avait jamais prêté attention. Mancinia avait une longue chevelure qui dissimulait ses blessures dorsales et elle veillait à recouvrir son dos si elle la rehaussait. Peut-être même du maquillage, lorsqu'elle le pouvait. Des années de cachotteries ... Pour dissimuler sa honte. Leur Lien ne saurait mentir. La terreur, la haine, le regret et la honte.

— ...C'est une troupe Réprouvée qui nous a retrouvés. Je ne sais pas qui ils étaient. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus ... Je pense avoir été vengée. Ils avaient commis plusieurs méfaits et ... une autre gamine de la région avait été leur victime. Elle a eu moins de chance que moi. Ils avaient retrouvés son corps dans un tel état que ... J'en ai encore l'envie de vomir. J'ai été soignée, mais ... sommairement. Je garde les traces de cette semaine de cauchemars. J'ai eu ... Beaucoup de chance dans mon malheur. J'en suis consciente. J'ai seulement tellement ... tellement de haine ! Je n'avais rien fait ... Je n'avais rien fait !

Son ressentiment était palpable. Autant dans ses tremblements que dans le ton employé dans sa dernière phrase. Non. Elle n'avait rien fait. Ce n'était qu'une enfant de onze ans. C'est tout. Qu'elle ait été Humaine n'était qu'un prétexte, qu'elle soit née dans la mauvaise race n'était qu'un moyen de se dédouaner de leurs actes abjectes. Des malades. Atteints du Mal qu'il rêvait d'éradiquer pour que plus aucun enfant n'ait à souffrir de telles humiliations. De telles souffrances. Et une mort aussi atroce. Malgré sa rancoeur, des larmes coulaient sur ses joues, creusant des sillons silencieux.

— Je ne ... Je n'en ai pas parler ... Parce que ... Je ne veux pas perdre mon statut de guerrière à tes yeux. Je veux rester ce modèle aux yeux des miens, certainement ... à cause de ma fierté ... Je sais ne pas être une bonne personne pour mentir ainsi ... Je voulais seulement enterrer ce souvenir.

L'Anjonù se laissait aller en une longue étreinte, se collant contre son dos et l'embrassant dans le cou.

— Mancinia ... Mancinia, tu n'étais qu'une enfant. Ce crime commis contre toi n'est en rien de ta faute. Cela ... Ne changera rien à ma vision de celle que tu es maintenant. Tu as l'impression d'être salie de t'être ainsi confié, mais ... Regarde à quelle point tu es forte d'avoir pu surmonter cette horreur et d'être devenue la courageuse Matasif Leenhardt.

Neah la serrait un peu plus fort.

— Je regrette seulement ... de ne pas avoir été là. Je regrette tellement ...

Il ignorait à quel point ses paroles réchauffaient l'Humaine qui soufflait en riant doucement, reprenant le dessus sur sa tristesse et ses émotions négatives, contenant ses tremblements. Elle avait cru qu'une telle révélation casserait quelque chose, mais ce n'était qu'une appréhension. Que pouvait bien craindre son Gardien, de toute manière ?

— ...Ne sois pas idiot. Tu n'étais un gamin. Tu n'aurais rien su faire pour ...
— ...J'aurais été là ... Juste là ...

Elle aurait aimé avoir quelqu'un avec elle pour la protéger, parce qu'à ce moment-là, même les Aetheri semblaient sourds à ses supplications. Si la Justice s'était abattu sur eux, peut-être était-ce parce que Drejtësi l'avait prise en pitié. Durant quelques instants, ils demeuraient ainsi, tandis que quelques larmes s'égaraient une dernière fois sur son visage. Elle se sentait si mal ... Mais elle savait, intérieurement, que cela irait mieux à l'avenir. Dans ses bras.

— Rien que notre Lien aurait permis bien des choses. Plus que nos sentiments, il ...
— Quel Lien sur nos sentiments ? l'interrompit-elle en se retournant vers lui. J'ai eu le coup de foudre ... Je n'aurais voulu que toi. Avec ou sans. Je me sens ... Tellement en sécurité avec toi.

Cette phrase le soufflait complètement. Un coup de foudre ? C'était bien la première fois qu'elle le mentionnait. Il se mit à rire doucement. Nerveusement. Mancinia s'était relevée et lui faisait face. Peut-être était-ce le moment de remettre toutes les choses à plat ?

— Et Isley ?

La surprise marquait les traits de l'Humaine. L'Angle relâchait un soupir au même titre que ses paroles.

— Je ne suis pas stupide. Tu me demandes souvent de ses nouvelles malgré le départ récent des Expéditions. Tu parles souvent de lui. Et ton état ... après la Coupe des Nations. Et le sien quand il t'a conduit à moi. Quelque chose s'est passé entre vous ... Tu ne m'en a jamais soufflé mot. Est-ce parce que...

Il relevait son regard vers elle. Il voulait savoir.

— Mancinia, est-ce que tu aimes Isley ?

Post IV - 1950 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Son regard se voulait pénétrant. Mancinia ne pouvait, de toute manière, pas lui mentir. Il abusait de sa position, clairement dominante à la sienne, fragilisé depuis cet instant où elle avait admis son passé. Celui qu'il ne connaissait. Il voulait une réponse sincère, peu importe à quel point il était égoïste. Ses révélations devaient se poursuivre si cela était le cas. Neah ne prenait même pas conscience que son visage était si sérieux et si peiné, cela causait un pincement au coeur de sa partenaire. A quoi pensait-il en lui posant cette question ? Avait-il réellement envie de savoir ? Peut-être pas. Que se passerait-il si celle-ci était positive ? Il ne pourrait pas la contraindre à n'aimer que lui, ce n'était pas ainsi qu'on aimait quelqu'un. S'il devait l'obliger, la menacer ou l'enchaîner, cela ne valait pas la peine ... Il l'aimait pour ce qu'elle était, pas pour ce qu'il s'imaginait.

— J'aime Isley, reprit-elle pour casser ce silence pensant. Je l'aime comme un frère d'armes. Je l'aime parce qu'il m'a paru si gentil lorsque l'on s'est rencontré. Et parce qu'il n'a pas peur ... de me dire en face que ce que je fais est mal ... Seulement ...

Contrairement à ceux qui réalisait des courbettes devant elle, avant de converser dans son dos. Peu importait ses efforts, ses exploits, il y avait toujours une part dans cette politique qui la dérangeait. C'est sans doute pour cette raison qu'elle se sentait plus à l'aise avec des militaires. L'Humaine vint se mettre devant son Gardien, prenant son menton entre ses doigts, relevant son visage pour le contraindre à la regarder dans les yeux.

— Vous êtes mon seul véritable amour, Neah Katzuta.

Un frisson parcouru l'échine de l'Ange, loin d'être désagréable. Il eu un léger sourire avant de détourner les yeux, alors qu'elle le relâchait.

— Je le sais ... Je sais que tu m'aimes. Il y a des gestes et des mots qui ne trompent pas. Notre Lien lui-même. Seulement ... Les Humains ont une conception de l'amour qui est ... Différente et ... C'est une question légitime pour moi.

L'Anjonù était conscient que le peuple de sa bien-aimée concevait l'idée d'avoir plusieurs partenaires au cours de leur vie et ce, malgré les liens du mariage. Ce n'était pas rares qu'ils s'unissent par amour et aient ensuite plusieurs amants, de passage ou non, ou qu'ils se marient par intérêt et ont un amoureux hors du cadre légal. Il savait que la fidélité pour eux se résumait à ne rien se cacher plutôt qu'à rester dans les bras d'un seul être.

— Oh, Neah ... Il faut arrêter d'avoir peur de dire "Je t'aime" a un simple ami sous prétexte que ... Quoi ? On ne va pas changer la signification de ce mot pour si peu, pas vrai ?
— Tu as raison. C'est seulement ... J'avais besoin de savoir, tu comprends ?
— Tu doutais à ce point ? Tu avais une ombre dans le coeur à cause de cela ?.
— La Jalousie ou l'Envie sont des sentiments vains devant le Lien qui nous unis, mais ... Oui. J'ai vraiment été ... Jaloux d'Isley quand il t'a ramenée, tu sais ? A la Coupe des Nations. C'était comme si tu avais été ... Je ne sais pas exactement. Je n'étais sûr de rien à ce moment-là, cela a peut-être influé ... Je ...

Le coeur de Mancinia battait à tout allure dans sa poitrine quand elle ouvrit la bouche. Elle devait lui expliquer, maintenant, ou alors ce serait pire.

— J'ai discuté avec Isley après ma prestation ... Disons que ... Ça ne s'est pas bien passé. Je voulais savoir ce qui le tourmentait et ... J'ai été indélicate. Je l'ai blessé avec mes maladresses. Cette situation est uniquement de mon fait et non du sien. Ne lui reproche pas mes erreurs.

Elle baissait les yeux.

— Tu m'avais confier tes craintes quant à ... son état général, tu te souviens ?

Neah soufflait, entre le soulagement et l'agacement.

— Donc ... Je me suis imaginé des choses en pensant que tu voulais être avec lui et que tu n'osais pas à cause de notre Lien. Ou que tu avais rejeté ses sentiments, ou encore que j'étais un remplacement parce que c'était l'inverse. Je suis un Ange pitoyable ...
— Un Ange très ... Humain.

Elle caressa sa joue de l'arrière de sa main, il savourait ce contact.

— Pardonne-moi, Mancinia. Tu me confie une chose délicate ... Et mes états d'âme ... Tu te sens mieux ? Je me doute que ... Cela n'a pas été facile à admettre.
— J'avais peur ... de ta réaction.
— J'ai envie de tous les voir brûler, oui. Ça alimenterait les feux de la réconciliation.

Ils se souriaient timidement.

— J'ai bien fait de te parler aussi. Ça aurait fini par ...
— Exploser ?

Surtout qu'elle s'était moquée gentiment de lui à ce propos la veille au soir. Elle ne s'en était pas rendu compte que ses taquineries blessaient son partenaire. Décidément, elle était en dessous de tout au niveau de ses relations...

— Et si nous allions manger, Neah ? Allons ... Célébrer notre renouveau ensemble.

Ce dernier l'observait avant de tendre les mains en sa direction et de prendre son visage dans celles-ci, Mancinia avait une telle confiance en lui que ses paupières étaient retombées sur ses yeux. Elle était ... Bien. Les pouces du Capitaine parcouraient la ligne de ses yeux, enlevant les traces humides qui s'y trouvaient. Il la sentait encore ... Prête à pleurer, mais elle se contenait en prenant contrôle de sa respiration. Alors, il l'embrassa. Doucement. Juste comme ça, chastement.

— Ne pleure plus, mon amour. Je suis là.
— ... Je te promet que si je devais aimer quelqu'un d'autre ... Je te le dirais. Je ne pense pas que cela arrivera, mais ... Sois rassurer sur ce point.
— Très bien, sourit-il. Je te fais confiance.

Remis de leurs émotions et dans un sourire complice, le couple quittait la chambre de la Marquise pour se rendre dans une pièce situé non loin, sur le même étage. Mancinia avait ses habitudes et elle prenait souvent son déjeuner, seule, dans un lieu assez exsangue pour avoir de l'intimité. Un canapé de velours vert bouteille, une table de bois lustrée, basse et assez longue pour travailler et manger et quelques ouvrages en cours de lecture. On pouvait voir le parc du domaine d'ici, mais les fenêtres étaient dissimulées par des arbres. Un endroit reposant. Ses subalternes avaient préparer un repas ... Pour un régiment, en fait. Charcuterie, fromage et pain constituent l'essentiel, ainsi que du beurre et de confiture pour agrémenter le tout. Sans parler des croissants, des pains au chocolat, des pains aux raisins, pain au lait, brioche … Vive les viennoiseries ! Le tout accompagner de café, ainsi que du thé. Décidément, il pourrait bien s'entraîner pour évacuer tout cela ! Sa compagne s'était installée et beurrait ... un pain au chocolat ? Décidément, les goûts des Humains étaient différents. A moins qu'elle n'aime le beurre sur tout ? Ce dernier vint s'asseoir à sa gauche, la regardant en souriant.

— ...C'est recommandé dans tes manuels de médecine ?
— Non. Seulement, sous mes recommandations personnelles, je me suis prescrit un régime spécial qui s'intitule ... Je fais ce que je veux !

Un éclat de rire mêlant leurs voix se fit entendre, Mancinia saisi cette opportunité pour lui enfourner un croissant dans la bouche. Son compagnon mordait dedans, avant de le réceptionner dans sa main. Un vrai délice. Un léger silence s'installait, chacun ayant besoin de calme pour se remettre de ses émotions.

— Mancinia ?
— Oui ? sursauta-t-elle à l'entende de son nom.

La surprise marquait les traits de l'Ange devant sa réaction.

— J'espère que ... Tu n'as pas mal prit notre échange ?
— Non ! Non ... J'étais perdue dans mes pensées. Manger me fait du bien, mais j'ai presque envie de me rouler en boule dans mon lit ... C'est bête.
— Non, ce n'est pas bête. Ce n'est pas facile de se confier comme tu l'a fait et ... J'éprouve vraiment du mépris pour ces gens. Surtout que j'ai manquer moi-même de délicatesse.
— Un peu, mais ... Tes questions étaient légitimes.
— Je prendrais soin de toi. Je te le promets.
— Merci, Neah.

Ce dernier eu un immense sourire, si rayonnant qu'elle en perdu un peu la notion de cohérence. Il était vraiment beau, sous la lumière de l'astre solaire. Elle voulait graver cette image dans son esprit, tandis que son Ange reprenait la conversation sur un ton léger.

— Surtout que ... Je me disais que c'était étrange que tu n'es d'yeux que pour Isley ! C'est Isiode qui croule sous les demandes diverses et variées, en général !
— Sans blague ? rit-elle alors. Le Prince de Caelum aurait-il des admiratrices secrètes ?

Elle le savait rien qu'a la mine, à chemin entre la désolation et l'amusement, qu'avait son partenaire, avant de poursuivre. Parler des Jumeaux l'amusait beaucoup.

— Franchement ... J'aime bien Isiode ! C'est un militaire dans l'âme, dévoué à son peuple, c'est vraiment honorable de vivre ainsi et ce n'est pas à la portée de n'importe qui. Isley ... Il est plus doux, le contact est plus simple, mais ils sont tous deux méritants. Ce n'est pas pour rien qu'ils sont à Yüerell, après tout.
— Tout à fait. C'est dommage que ces dames ne voient que l'uniforme et le prestige d'un titre, sans se soucier de ce qu'il ressent, lui.

Parce que malgré toute cette carapace et ce contrôle qu'il voulait se donner, Neah était convaincu qu'une partenaire ignorante et maladroite ne lui conviendrait pas.

— ... Ah ah ... Isiode. Il subit la même chose que moi après ma nomination en tant que Marquise. J'ai eu de la chance, ceci dit ... Ma nature d'Humaine m'a préservée de pas mal de choses. Je suis une aberration aux yeux des gens.
— Tu n'es pas une aberration ! s'exclama Neah en claquant sa langue contre son palais. Tu es une meneuse, une des meilleures combattantes de notre temps ! Regarde ce que tu as accomplis cette année ! Il n'y a que peu d'Humains qui se sont illustrer comme tu l'a fais et en si peu de temps !

L'Ange croisait les bras contre sa poitrine, les sourcils froncés. Qu'il la défende ainsi étirait ses lèvres en un sourire ravi.

— ...Maintenant, il est évident qu'il n'y a pas plus honorable que lui. C'est vraiment un homme courageux. Rien ne saurait entaché sa détermination et sa droiture. Il a une telle prestance qu'on le suivrait en Enfer, même sans s'en rendre compte ... le talent ne touche pas tout le monde, après tout.

Mancinia avait tourner son visage vers lui, le penchant légèrement vers la droite.

— Qui, Isiode ?
— Hein ? ... Non ! Rien ! dit-il en agitant presque les bras, se rendant compte qu'il avait parler à voix haute. Oublie ce que je viens de dire !
— Tu ne veux pas admettre que tu l'admires, c'est ça ?
— Ne dis pas ça sur ce ton ! On dirait que j'ai fait un truc horrible !

L'Humaine eu un éclat de rire qui clairsemait du rouge sur la peau de l'Ange.

Post V - 1860 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Comment ne pas se sentir gêné dans une telle situation ? Neah portait sa main sur son visage en soufflant et se maudissant intérieurement. Il n'aurait pas cru parler ainsi à voix haute, sans doute était-ce le Lien qui l'unissait à sa partenaire qui emportait toute prudence. Mancinia reprit son souffle, toujours souriante.

— Pourquoi cet air embarrassé ? lui demanda-t-elle. Il n'est pas rare d'avoir des modèles à suivre en ce monde et il n'y a aucun mal à cela. Ce n'est pas comme la Reine Violette ou le Commandant Elay, qui ne sont plus depuis longtemps, mais c'est comme ... Admirer Raeden, notre légendaire Bûche Sauvage ! Ce n'est pas parce qu'il est discret ces derniers temps qu'il a démérité autrefois. C'est pareil, tu vois ? On ne doit pas ignorer ce qu'il s'est passé sous prétexte que la personne est en vie, pas vrai ? Et je n'ai rien rien à craindre ... Je sais que tu n'aurais pas une liaison avec Isiode ! ... Quoique ...
— Non.

Mancinia mis son poing devant sa bouche pour éviter de rire à nouveau, alors que l'Ange eu un sourire sur les commissures de ses lèvres. Qu'est-ce qu'elles avaient toutes à vouloir le voir en couple avec lui ? Ce serait embarrassant si une telle rumeur venait réellement à naître. Et il savait comment elles naissaient. Certaines femmes, voire certains hommes, rédigeaient de leurs plumes des histoires sur des liaisons fictives, alimentant de plus belles l'imaginaire des lecteurs. Il en avait lu une, une fois, par curiosité ... Plus jamais. Cette histoire de liaison entre sa Protégé et un Magicien allait décidément un peu loin. C'était dégradant sur certains points. En même temps ... Elle était censée être enceinte de lui. Neah imaginait très bien ce genre d'histoire du subalterne malmené par son Capitaine. Oui, non. Il se figeait légèrement au souvenir de cette ... chose aux ailes sombres, dans ses bras, qui voulait ... Non. Il but une gorgée de thé pour se remettre d'aplomb.

— ... Tu as raison. Il y a plein d'Anges émérites aux Jardins de Jhēn. Brethil Lemingway, par exemple. Elle a remporté une épreuve de la Coupe des Nations. Celle qui a lancé les autres, d'ailleurs. Elle a également servi durant la Guerre, elle était dans l'Edelweiss Enneigée ... Avec vous.
— Mais ... Brethil ! s'exclama subitement Mancinia. Mais oui ! Elle m'a ... pas mal aidée lors de la bataille ! Je me souviens d'elle ! Elle a donc survécu ... C'est génial !
— Et oui. De mémoire ... Elle est Prêtresse d'Edel, maintenant.
— Je ne savais pas ... Alors, c'est Lemingway son nom. Je n'avais pas fait le rapprochement ...
— Oh, si tu savais, attends voir !

L'Ange se mis à lui raconter les aventures de certains de ses semblables, durant cette dernière décennie. Des noms qu'elles ne connaissaient pas, d'autres vaguement, il en parlait avec gaieté, ainsi que les arrivants des terres Réprouvées. Elle le vit clairement en parler avec plus de dureté, mais essayait de souligner l'incroyable progression de ces derniers dans leur intégration, des espoirs qu'ils incarnaient pour l'avenir. Mancinia était soufflée.

— C'est incroyable, Neah. Tu connais énormément de monde.
— J'essaie. Je veux être ... Un bon chef ... Un bon Capitaine.

Son regard s'était détourné d'elle, son enthousiasme s'en retrouvait ébranlé.

— Pourquoi en doutes-tu ? Pourquoi penses-tu que les autres seraient mieux à cette place qui est tienne et que tu as mérité ?
— Je ... C'est compliqué.
— Tu ne peux pas m'expliquer avec tes mots ?
— ... Tu ne connais pas totalement l'histoire de la Compagnie, mais ... Ce sont de valeureux soldats.
— Je n'ai pas besoin de connaître Yüerell pour le savoir.
— ... Je les admire tous. Ils ont tant fait, tant réaliser pour le Bien, pour le Peuple. Je me sens un peu ridicule et ignare en comparaison. J'ai l'impression ... d'usurpé la place d'un autre.

Son Gardien avait le visage baissé, semblant contempler un point invisible dans le liquide de sa tasse. Mancinia était interloquée devant ses propos, sa bouche s'était entre ouverte, mais aucun son n'était sorti. Elle avait envie de le secouer, mais aussi ... C'était une chose difficile. Neah était une personne humble, bien trop pour avoir un tel poste à responsabilités, mais l'Humaine savait que jamais ses supérieurs ne l'aurait nommé à cette place s'il n'en avait pas été digne.

— Tu n'es ni ridicule, ni ignare, Neah. C'est parce que tu le crois que tu es à ton poste. On ne nomme pas des chefs de guerre imbus d'eux-mêmes, incapables d'écouter les conseils ou de se remettre en question ... Ce serait envoyer son unité de combat vers la mort. On ne nomme pas des Capitaines qui ne sont pas capables de comprendre que chaque personne évoluent différemment et à des rythmes différents. Je pourrais continuer à énumérer ces évidences, ou simplement reprendre un à un tes exploits.

L'Ange avait relevé son visage vers elle, surprit. Il ne s'en vantait jamais, préférant écouter ceux de la femme à ses côtés, tellement plus méritante à ses yeux. Elle reprit, toujours sur le même ton, mélangeant autorité et agacement.

— Je suis au courant. Je sais que tu es devenu Soldat de Yüerell après l'attaque sur la Terre Blanche pour avoir sauvé de nombreux civils, tu n'étais encore qu'une Recrue, mais devant l'urgence de la situation, tu as pris cette décision seul. Vous n'avez pas eu le temps de vous organiser, c'était la fuite ou la mort. Cela démontre un sang-froid évident et une bonne connaissance des routes de secours !
— Mais nous avons tous fait cela, Mancinia. Nous avons eu des Soldats qui sont resté en arrière et qui sont morts là-bas, dans la débâcle de la première vague, pendant les évacuations. Pourquoi eux ... Et pas moi ? J'étais une Recrue et je n'avais rien d'exceptionnel. Je voulais seulement sauver mes parents, mes voisins, mes amis ... N'est-ce pas une raison égoïste ?
— Comme si tous ces soldats courageux n'avaient pas été égoïstes en faisant la même chose ! Ceux qui ont pu le faire l'on fait, ceux qui sont allé au combat y sont allé pour les mêmes raisons, pour sauver les leurs ! Parce que, hé, grande nouvelle, ta famille fait aussi partie du peuple des Anges ! Ce peuple que tu as juré de défendre ! Comment défendre une Nation si tu ne défends pas les tiens ?

C'était une argumentation contre laquelle il avait bien du mal à répondre.

— ... Si tu es autant reconnaissant envers tous ceux qui ne sont plus là ... Si tu veux leur rendre hommage à ta manière, c'est très simple. Surpasse tout le monde.

L'esprit de l'Ange était dans l'incompréhension devant ses propos.

— Que ce soit clair. Je ne te demande pas de les écraser sur ton chemin, seulement de te maintenir plus haut que leur niveau. Qu'ils aient envie de se surpasser à leur tour pour t'atteindre. Il n'y a que comme cela que vous vous entraiderez mutuellement à défendre votre peuple et à faire gagner du terrain au Bien.

Mancinia rabaissait à son tour son visage sur la table, attrapant un énième morceau de baguette qu'elle beurrait goulûment.

— Enfin, c'est ma vision des choses.
— ...Parce que de nombreux Humains reprennent foi et suivent tes traces, ma chère Iskandar ?
— Oui, répondit-elle en le regardant dans les yeux. Et avant moi, il y en a eu d'autres. Ils sont les éclats dans l'obscurité que nous avons suivis.
— Je vois cela, tu es ma lumière depuis le début. Tu réussis plutôt bien à inspirer les autres !
— Je ... Je plaisantais, tu sais ? Ma manière de dire est tellement arrogante, en plus. Et je suis une casse-pieds.
— C'est bien vrai, mais cela sonnait comme le discours d'une future Reine.

Neah la regardait droit dans les yeux. Il n'était pas ignorant. Elle avait toujours été humble, oeuvrant dans le but d'améliorer les conditions des Humains. Seulement, les décisions de sa hiérarchie fracturaient peu à peu la confiance qu'elle avait en ses régents. Et si elle n'était plus d'accord ... Pourquoi ne pas prendre possession d'un territoire et le réaliser selon ses souhaits ?

— Tu as raison. Ce serait mentir de dire que ... Je veux devenir un éclat pour les miens, moi aussi. Je veux devenir un exemple et laisser à ceux qui suivront un chemin pavé de succès. Je suis encore loin de mériter ce titre, mais pas à pas ... Il se pourrait que tu sois le Gardien d'une nouvelle Régente.
— Je ferais tout pour que tu le sois.

Son coeur manquait d'exploser, mais elle se contentait de sourire, tremblante doucement. Revenant de sa surprise, tranquillement, elle installait ses coudes sur ses genoux, posant son menton contre le dos de sa main.

— Mais avant cela ... Il va falloir qu'on discute de ce qu'il s'est passé hier soir. Parce que la personne responsable de ce problème risque fort bien de récidiver.

Mancinia était songeuse. Elle avait subi les affres de la magie, elle savait que celle des Aetheri était d'autant plus effrayante, mais de là à ensorceler des territoires entiers sous une vague de luxure. Un silence s'abattit à nouveau entre eux, quelqu'un se chargeait de le faire cesser en frappant à la porte. Un homme entrait.

— Marquise. Votre courrier.
— Merci, Alan.

Elle lui tendit un présentoir où reposait plusieurs missives, qu'elle prit entre ses mains avant que son Majordome ne s'incline respectueusement et s'en retourne à ses occupations. Mancinia parcouru rapidement ces envois, mais une attirait son attention en particulier, elle entreprit de déchirer l'enveloppe pour en lire le contenu. Neah était occupé à leur resservir à boire qu'il voyait son expression changer.

— Il y a des Démons sur mon marquisat, lâcha-t-elle.

L'Ange eu un éclat de stupéfaction devant cette annonce, tandis que sa main se refermait violemment sur sa tasse.

— Le Duc m'avertit ici que des Démons auraient été signaler par les habitants, ce serait eux, la cause de ce remue-ménage. Il me demande d'avoir l'oeil vigilant au cas où ils auraient la main plus lourde ... Je vais monter une expédition rapidement. Il est absolument hors de question de les laisser faire, ordres ou non !
— Tu as besoin d'un coup de main ? demanda alors son compagnon.
— Ça ne te dérange pas ? ...Et la Compagnie ?
— Je peux demander du soutien. Après tout, les Magiciens sont également nos alliés.
— Dis-moi, tu n'essaierais pas de dissimuler ton escapade, hum ? répliqua-t-elle avec un sourire aux lèvres.
— Oh, cela ne sert à rien. L'Imperator va me tuer et le Consul regardera en ricanant.
— C'est dommage ... Je devrais les tuer ensuite.

Un sourire et un ton ironique qui lui allait si bien. Neah retint soupirait en riant. Il était convaincu qu'elle serait capable de le faire malgré l'immense respect qu'elle avait pour la figure militaire de Yüerell. Quant au Consul, lui, il s'en moquait éperdument. Il l'insupportait. Il avait ce quelque chose de dérangeant, sans qu'il ne mette le doigt dessus.

— ...Autant essayer de t'aider, c'est le plus important pour moi.
— J'accepte l'aide que tu me propose, dit-elle en se redressant. Je doute que les Magiciens aient envie d'une Humaine qui les commandent. Ils sont trop polis pour le dire ouvertement, mais j'aimerais éviter les regards désapprobateurs ... Je vais rédiger une lettre de demande officielle en leur expliquant que tu es venu m'aider en urgence.

Ce n'était pas très bien de mentir, mais cela lui éviterait cependant quelques déconvenues.

— Complice dans le Mal, hein ? sourit Neah.
— Et nous le faisons si Bien, répliqua-t-elle avec des traits insolents.

Post VI - 1920 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Mancinia avait rédigé une longue missive. Neah l'avait regardé faire avec effarement. Elle ne doutait absolument pas des mots qu'elle couchait sur papier avec l'aisance d'un grand auteur. Elle expliquait avoir ouvertement usé du Lien qui les unissait pour l'appeler à l'aide et qu'elle l'avait dupé sur ce point, s'en excusant devant l'urgence de la situation sur le Duché de Nylmord. Le Duc l'avait avertie de la présence d'êtres démoniaques sur son territoire et elle avait besoin de soutien dans cette tâche. Elle demandait donc, consciencieusement, à ce que le Capitaine Katzuta reste auprès d'elle et qu'on lui envoie quelques-uns de ses hommes pour l'épauler. Lui-même avait compléter la demande avec les informations en sa possession. Leurs missives avaient été envoyées par pigeon voyageur vers le hameau voisin. Où elles seraient délivrées avec la rapidité d'une téléportation. Son Antimagie empêchait correctement ce genre de départs avec l'aide des Magiciens, évidemment, mais elle avait appris à combler cette lacune avec la participation des personnes placées sous sa protection. Son Gardien savait que malgré les appréhensions, les habitants du territoire avaient confiance en ses capacités et la gestion du domaine suivait le même essor que sous l'égide du précédent Nylmord. Dans un sens, cela l'entraînait. Si elle désirait viser les sommets de sa race, ce serait son quotidien. Elle réalisait ses tâches avec une telle habilité qu'il se disait que ce serait un plaisir de suivre cette évolution. Lorsque ce premier travail fût conclu, elle convoquait ses partenaires partis en exploration aux alentours. Humains et Anges allaient collaborer pour cette mission, à l'égard du Lien qui les unissait, cela avait une signification bien particulière.

Mancinia avait veillé à lui fournir toutes les indications géographiques et climatiques de son territoire. De par sa proximité avec un cratère condensant du Feu Bleu, la chaleur était relativement élevée et nécessitait une hydratation plus importante, ainsi que des pauses plus courantes. Elle lui avait indiquée sur une carte les frontières avec les autres marquisats, où ils ne pourraient pas avoir le droit de faire ce que bon leur semblait, du moins, pas sans autorisation. De ce qu'il comprenait, elle avait des relations tendues avec un autres marquis, plus au sud, mais elle ne souhaitait pas entrer dans les détails malgré son air interrogateur. Les Comtés sous son autorité, les emplacements des Baronnies, les Chevaliers qui travaillaient en ces lieux ainsi que leurs demeures, les recoins déserts, les routes empruntées quotidiennement ou celles encore, plus discrètes, les cours d'eau, les sens qu'ils empruntaient, le nom des hameaux et des personnes de confiance dans chacun d'eux. Autant dire qu'elle n'avait pas lésiné pour lui donner toutes les cartes en main. Lui qui connaissait les habitudes de ces Démons, leur manière d'opérer en tant que groupe, peut-être militaire, bien plus que l'Humaine. Ils essayaient de se compléter l'un et l'autre, avec un assez bon résultat. Après tout, pourquoi répandre la Luxure si ce n'était pour détourner les yeux de leurs objectifs ? Peut-être désiraient-ils des renseignements, mais sur qui ? Sur quoi ? Voulaient-ils faire un état des lieux de l'île de Caelum ? Ce n'était peut-être trois fois rien, certains circulaient librement en temps normal, lorsqu'ils ne faisaient pas de grabuge ... Comme ça pouvait être terrible.

Peu importait à la Marquise de Nylmord. Ses règles étaient claires, aucun Démon n'était tolérer sur son territoire. Une alerte avait été donnée, une mission était à remplir, celle d'éloigner ces Engeances. Elle veillerait à les chasser et elle en capturait un ... Elle aviserait. Évidemment, elle dépendait des ordres du Nylmord, mais un incident était ... si vite arrivé. L'estomac noué, les sourcils froncés, Mancinia n'avait pas l'intention de les laisser comme bon leur semblait sur son marquisat. Pour son Gardien, comme pour elle, il était évident que ce dernier n'en réchapperait pas en vie. Leur haine commune était viscérale. Essayant néanmoins de ne pas sombrer dans les travers, elle se raccrochait aux règles promulguées par la Royauté, ainsi que son devoir hiérarchique envers le Duc, mais cela n'empêchait pas le reste de prendre le dessus. Peut-être était-ce qu'on attendait d'elle ? La matinée avait été chargée de ce contretemps, elle avait ensuite consacrer son temps de midi à d'autres tâches importantes, avec l'aide de Monika, qui ne cessait d'être mal à l'aise en présence de l'Ange, même durant le temps où elle n'avait fait que servir leur repas en suivant les ordres de Mancinia quant à la préparation des chambres de ses invités. Neah avait d'ailleurs mesuré à quel point le travail de bureau et de mémorisation pouvaient être harassants à bien des égards. Il n'était plus réellement habitué à découvrir de nouveaux terrains, officiant souvent sur le territoire du Lac Bleu et sur la Terre Blanche. Peut-être connaissait-il aisément les configurations du Continent Naturel, pour l'avoir exploré dans le passé, mais c'était tout. Franchement, ce Lien le contraignait à repousser ses limites et, d'une certaine manière, il aimait ça.

La fin d'après-midi était un moment censée être calme et reposant. Mais non. Rien de tout cela. La concentration était de mise entre les deux partenaires, surtout qu'il avait accepté sans ciller. Il était hors de question, aux yeux, de l'Ange que ces Vils envahissent impunément les recoins pour frapper dans l'ombre. Hors-de-question de laisser passer cela et c'est pour cette raison qu'il avait pris contact avec la Compagnie, sinon, il serait simplement retourné chez les siens pour avoir la sanction. En attendant une réponse éventuelle, la Marquise était retournée dans sa chambre pour préparer le nécessaire de cette mission à venir, ses subordonnés convoqués seraient au domaine dans la matinée, l'heure était d'établir une stratégie. Éparpillé sur ce vaste territoire, elle n'était pas certaine de pouvoir capturer ses cibles, mais assurer la sécurité de ses administrés faisait partie de ses fonctions. Les Démons ne semblaient pas avoir ... des intentions agressives. Ils n'oseraient pas déclencher un conflit avec les Magiciens. Quoique. Tout était possible. Ils étaient les représentants du Bien, désormais. S'ils entraient en guerre et qu'ils l'emportaient. Ils étaient en train d'établir quelle patrouille réaliserait tel passage quand l'Ange se redressait d'un bond sur sa chaise.

— Tout va bien, Neah ? demanda Mancinia avec étonnement devant sa réaction.
— J'entends des bruissements d'ailes ... Et je reconnaîtrais ces voix entre mille ! Ils sont là !

Un sourire ravi étirait ses lèvres. L'Humaine était d'autant plus surprise ... Elle l'avait rarement vu aussi heureux. Il s'était détourné d'elle pour vérifier ses propos dans le couloir, devant l'une des larges fenêtres permettant d'avoir une vue étendue. Elle restait impressionnée quant à la finesse de son ouïe. C'était impressionnant. Est-ce que la Magie permettait ce genre d'exploit ? Probablement, après tout, elle n'y connaissait pas grand-chose là-dedans. Elle-même se redressait de son bureau et l'accompagnait à l'entrée, demandant à sa Camériste, au passage, si ses ordres avaient bien été suivis. Elle n'en doutait pas, ce n'était qu'une question pour la forme. Alan ouvrit la porte et tandis que Neah descendait les marches, elle restait en retrait en hauteur. Ils étaient huit à repliés leurs ailes. Le reste était certainement resté aux Jardins de Jhēn pour assurer la défense. Il faut dire que le plus gros des troupes était partit désormais.

— Vous avez fait vite ! les complimenta-t-il tandis qu'ils le saluait.
— Le trajet était censé durer encore quelques heures, mais nous étions impatients ... Je présume.

Les Soldats de la Compagnie se tournaient ensuite vers elle pour la saluer correctement, à son tour. Elle leur répondit par un signe de tête respectueux.

— Soyez les bienvenus, les salua-t-elle à son tour. Vous devez être épuisés après un aussi long voyage. Allez donc vous rafraîchir, vos chambres sont prêtes.
— ...On va dormir sur le domaine ? chuchotait l'un.
— Incroyable, murmura l'autre.
— La Marquise est la maîtresse de ce territoire, reprit Neah. Je compte sur vous pour la servir avec honneur et loyauté.
— Oui, Capitaine.

Ces personnes étaient devenues de véritables compagnons pour son Gardien, Mancinia espérait que tout se passerait bien. Une sorte de trouble s'était emparé de son esprit. Elle avait réellement envie de se faire accepter par eux. Cela n'aurait pas dû être aussi important en temps normal. C'était seulement pour ... Lui.

— Mancinia, permet-moi de te présenter mes Compagnons. Il y a les Jumeaux, Filip et Finlan, ce sont des archers hors pairs. Élinor, qui manie l'épée et le fouet comme personne. Quant à Tricia, Kain et Shin, ils sont spécialisés en combat rapproché. Fiekce est notre petit dernier, il nous vient de chez les Réprouvés. Et bien sûr ... Tu connais Chÿsam.
— Mes hommages, Ma Dame. Merci de votre hospitalité.
— Merci à vous d'être venus nous aider dans notre enquête sur la vérité des événements de ces derniers jours, votre aide nous sera précieuse. Pour l'instant, reposez-vous. Ma Camériste, Monika, vous montrera vos chambres. Le repas sera servi un peu plus tard et la salle commune est à votre disposition. Maintenant ... si vous voulez bien m'excuser, j'ai encore des choses à préparer ici-même.

C'était la première fois de sa vie qu'un discours lui avait paru aussi stressant. Anxieuse pour des raisons qui lui échappaient, elle mourrait presque de faim et de fatigue. Sincèrement, qu'est-ce qu'elle pouvait détester cette période du mois. Et ce serait pire si elle tombait enceinte ? Mon Dieu, était-ce seulement possible ? Autant se préparer psychologiquement maintenant. Surtout que depuis l'accouchement de Simin, elle avait l'appréhension de cette douleur et de tous les risques qui accompagnaient la future mère. La gynécologie qu'elle étudiait avait même tendance à l'écoeurer, mais pourtant, les enfants de Neah, elle les voulait vraiment ... Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi son avis avait changé d'un coup. Depuis qu'elle raisonnait au fait qu'ils étaient un couple ... Cette question était revenue naturellement et elle s'était dit pourquoi pas ? ... Elle devait en avoir de toute manière. On avait été clair sur cette question, au sein de son entourage. Elle devait véhiculer son nom, surtout qu'elle était ... âgée maintenant. L'Humaine aurait dû avoir plusieurs enfants. On lui avait laissé le temps de se remettre de son Éveil, maintenant ... La main de Neah sur son épaule la ramenait à la réalité.

— Tout va bien ? Tu regardais par la fenêtre avec un air si triste.
— Quelques petites interrogations féminines, répondit-elle pour ne pas l'inquiéter d'avantage.
— Les bavardages vont bon train, reprit-il en changeant de sujet, tandis qu'ils reprenaient leur marche.
— J'en ai conscience. Cela ne m'intéresse pas.
— Tu en es certaine ? C'est ... Ta hiérarchie et la mienne vont exiger ...
— Oh !

Mancinia venait de s'arrêter au milieu du couloir, imiter presque instantanément par son Gardien, étonné. Avait-elle oublié quelque chose d'important pour leur expédition de demain ?

— ...Oui ? l'encouragea-t-il.
— Je viens de me rappeler que je n'en avais rien à faire.
— Voilà qui ne me surprend guère, au final !
— Je t'aime. C'est un fait que personne ne peut nier.
— Je t'aime aussi, souffla-t-il. Tu veux entretenir les rumeurs, détourner les attentions ?

L'Humaine acquiesçait, cela l'amusait autant que cela l'épuisait. Autant entretenir les mystères. Son corps lui appartenait, elle le donnerait à qui elle le désirait. Neah était un grand tendre malgré ses maladresses, cela lui convenait. Son amour inconditionnel lui donnait des ailes, elle qui n'en avaient pas. Et, en effet, dans les méandres de la demeure, les conversations allaient bon train...

Post VII - 1890 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Dans la salle commune mise à leur disposition, les membres de la Troupe Boadicea s'étaient réunis pour profiter du calme de la soirée. Ils reposaient leurs membres après le long trajet les ayant conduits sur le marquisat. L'Humaine qui avait hérité du titre et de la propriété leur avait fait forte impression. Si Chÿsam l'avait côtoyé plusieurs fois, d'autres ne l'avait vu que de loin, sans omettre sa réputation ou son statut de Protégée de leur Capitaine, évidemment. Suite à cette rencontre, la douce Monika leur avait montré l'étage adéquat, ainsi que les chambres qui seraient les leurs cette nuit. La Marquise de Nylmord avait veillée à séparer les hommes des femmes, de ce fait, Élinor et Tricia bénéficiaient d'une large chambre à elles deux, certainement un luxe incommensurable. Filip, Finlan et Kain partageaient la seconde et la dernière était occupée par Shin, Fiekce et Chÿsam, qui tenait à garder Fiekce à l'oeil. Ce dernier venait de Stenfek et avait intégrer la Compagnie quelques mois après son arrivée. Il s'était correctement intégrer parmi les Anges, mais ... Il avait un franc parlé qui avait de quoi dérouter. Ce dernier mesurait à peine la portée de ses paroles, parfois. Cela aurait de quoi provoquer des problèmes en mission. Ils laissaient libre cours à leurs bavardages après avoir échanger au cours du repas, engloutis dans la salle de réception. Quelque chose de simple et qui les changeait de la nourriture de la Caserne. Mancinia Leenhardt n'avait pas dîné avec eux, par contre, sans doute par souci d'étiquette. Leur Capitaine, si, mais il s'était rapidement absenté pour aller la voir. Ils s'étaient tous regarder sans rien dire, mais ils n'en pensaient pas moins...

— Il est aux petits soins avec la Marquise, non ? s'amusait Filip.
— C'est son Gardien, je te rappelle ! renchérit son frère. Ils se connaissent depuis longtemps !
— Vous pensez comme moi qu'il y a plus que ça, hein ? ricana Kain.
— Ça se voit comme le nez au milieu de la figure !
— Il est mordu, c'est clair !
— Lui qui découpe des ennemis d'habitude...
— C'est une bonne chose, non ? Cet amour semble ... Réciproque, à l'instar des plus anciennes paires.

À entendre la voix de Tricia dans leur conversation, les hommes approuvaient d'un signe de tête. Celle-ci baissait ensuite les yeux vers le livre qu'elle avait emprunté dans la bibliothèque derrière eux, ne le lisant pas vraiment. Au fond de son regard, le trouble était perceptible. Cette relation entre les Anges et les Humains d'autrefois, entre le Capitaine et la Marquise surtout, semblait être profonde et douce. Ça la rendait un peu ... Jalouse ? Elle ne devait pas tomber dans les travers de l'Envie, mais elle aurait aimée avoir une telle relation de confiance. Elle-même était une Ange Gardienne, après tout. Seulement, son rôle se bornait à contrecarrer la Malédiction de Sympan de son Protégé. Là où son supérieur et sa Liée avait choisi cela en toute connaissance de cause. Ce n'était pas problématique vu que beaucoup de paires ne l'étaient que pour cela, mais est-ce que cela rendait-il réellement les choses autant différentes ?

— Elle a subi la Malédiction de Sympan. Dix ans dans les affres d'un coma magique, brrr, je ne sais pas ce que j'aurais fait.
— Ouais, bah ... Le Capitaine a décroché le gros lot ! lâcha Shin en ricanant. Elle a tout ce qu'il faut là où il faut pour combler un homme !
— Oooooh, oui !
— Attention, les gars, les avertit Chÿsam. Vous êtes en train de parler de la Marquise.
— Oui, bon, ça va ! C'est une belle femme ! On ne va quand même pas dire qu'elle est moche pour faire plaisir ou respecter l'étiquette.
— Comme quoi, les meilleurs guerriers ont tous un petit coeur sensible sous leur cuirasse.
— Pas tous, non.

Ils se lancèrent quelques oeillades entendues. Ils n'avaient pas besoin de dire ouvertement le nom des concernés pour comprendre qui ils étaient.

— Ce ne serait pas une mésalliance pour elle de choisir quelqu'un aux origines modestes ?
— Je te rappelle qu'elle n'est pas née noble. C'est une femme qui a connu une ascension fulgurante, au contraire !
— En plus, tu as vu comment elle nous traite ? Une vraie crème !
— Et si le Capitaine se marie, il va quitter la Compagnie, vous croyez ?
— Impossible !
— Ben, peut-être que si !
— Je te dis que non !
— Une place serait libre...

Quelques regards se tournaient vers leur frère d'armes. Celui-ci les écoutait, sans prendre part à leurs élucubrations, mais cela lui fit froncer les sourcils.

— ... Tu en dis quoi, Chÿsam ?
— J'en dis que vous devriez arrêter de parler sur le dos de votre supérieur.
— Rooooh, allez, ce n'est pas bien méchant ! On est simplement curieux !
— Comment faites-vous pour être aussi content pour lui ?

La voix d'Élinor venait de s'élever dans les airs. Elle était assise dans un des fauteuils de la pièce, presque étendue, songeuse, regardant les flammes depuis un moment. Ses camarades se regardèrent à nouveau, ne semblant pas comprendre le sens de ses paroles. Elle claquait sa langue contre son palais, visiblement agacée.

— C'est une Humaine.
— Et alors ?
— Les Humains devraient rester avec les Humains ... Et le Capitaine devrait épouser une Ange.
— Quoi, t'es jalouse ? le taquina Filip.
— Dis pas de conneries, répliqua-t-elle sur un ton aussi sec. C'est seulement de la logique !
— Je suis d'accord. On m'a toujours appris que les Humains étaient des nuisibles et qu'ils valaient mieux les exterminer pour terminer le travail.

Fiekce venait de parler, d'un air totalement détendu sur la question. Les Jumeaux posaient leur main contre leur front dans un geste presque synchronisé en maugréant.

— C'est la manière des Réprouvés de traiter les étrangers, reprit Chÿsam. Les Humains sont nos alliés. Et certainement les plus anciens. C'est ce qui doit agacer, sans doute.
— Les Humains nous ont abandonnés, Chÿsam.
— Pas tous les Humains, Élinor. N'oublie pas que certains ont combattus à nos côtés. Nombreux étaient-ils dans le combat incertain de l'Edelweiss Enneigée, dont la femme qui vient de nous demander de l'aide et qui nous à accueilli sous son toit, que tu t'évertues à dénigrer. Ils ont été victimes de la Malédiction de Sympan avant le Czírnúma. Et même si nos relations sont tendues, n'oublions pas le courage de ceux qui ont braver les dangers.
— ... C'est vrai, tu marques un point.

L'Ange sourit, voyant bien que sa soeur d'armes avait du respect pour l'Humaine. Outre sa notoriété étincelante depuis son retour, il y avait ce Lien qui l'unissait au Capitaine Katzuta. La paire qu'ils formaient était ... Spéciale. Leur Lien était intact malgré les ans, malgré leur évolution respective. Ils étaient des guerriers, s'appuyant sur les forces de l'un, comblant les faiblesses de l'autre. Le caractère de l'Humaine semblait fort, là où celui de leur Capitaine était posé. Ils étaient des personnes de Bien, réalisant des prouesses pour leur race respective. Cela ne pouvait être qu'une relation qui les poussait vers le haut. Personne ne pourrait dire le contraire, à moins d'être d'une mauvaise foi redoutable, qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Et si aucun sentiment d'amour ne les unissait, cela ne changeait rien au constat. Ils étaient peu nombreux à en détenir un engagement similaire depuis le Czírnúma.

— Je suis curieuse, reprit-elle après un court silence.
— Curieuse de quoi ?
— Commandante Honorifique de l'Armée Humaine, Chevalière du Duché d'Arkas, Marquise de Nylmord. Mancinia Leenhardt n'est pas n'importe qui ... Pourquoi aurait-elle besoin de la Compagnie ?

Il y eu un léger silence. Chacun se demandait bien pourquoi ils étaient là ... Jusqu'à ce que le regard de Tricia se pose sur les traits de son supérieur.

— Parce que la Marquise estime que nous sommes les meilleurs pour résoudre ce problème, dit-il en réponse.

Ce n'était pas tout à fait la vérité de ce qu'il s'était produit, mais cela ne changeait rien à la sincérité de ses propos. Mancinia voyait la Compagnie de Yüerell comme une unité militaire d'élite, rappelant à bien des Humains l'excellence d'une ancienne formation nommée Spartiates. C'était tellement honorable de voir ces derniers les considérer ainsi et ce, malgré les messes basses de certains Royaumes. Neah eu un sourire en voyant sa subordonnée prendre conscience de sa présence, celle-ci manquant de s'étrangler devant la surprise qu'il lui avait procurée, se redressant précipitamment après avoir refermé son livre. Plus sous la surprise qu'autre chose, ce qui alertait les autres sur sa présence. Sans doute se posaient-ils tous la même question. Depuis quand était-il là ? Si on devait lui reconnaître une qualité indéniable, c'était sa discrétion. Et elle n'était pas uniquement en raison de à sa petite taille, trahie par ses cheveux roux. Élinor avait un visage cramoisi en se relevant à son tour, s'inclinant doucement devant lui, sans relever la tête en sa direction.

— Je vous prie de pardonner mes propos, Capitaine. Ils étaient déplacés et ... !
— Ça ira pour cette fois. Soyez cependant attentifs à ce que vous dites. Si quelqu'un manque de respect à la Marquise, je lui trancherai moi-même la langue, compris ?
— ... Compris !

Neah passait en revue ses troupes du regard, un léger sourire aux lèvres. Son apparition avait eu l'effet escompté. Il comprenait les interrogations de tous, mais en même temps, le Gardien ne tolérait pas les mauvaises langues envers sa Protégée. Surtout pas après tous les sacrifices qu'elle avait fait.

— Puisque tout le monde est là ... Nous allons nous mettre au travail.

Chÿsam devait certainement se dire que l'ambiance était excellente pour ce genre de mise au point, à la veille du départ, mais il n'en soufflait mot. C'était compréhensible. Se redressant avec le reste de la milice pour se rassembler autour d'une des plus larges tables de la pièce, Tricia en profitant pour ranger l'ouvrage à sa place le plus rapidement et discrètement possible. Neah y disposait les cartes que Mancinia lui avait remises, elle reprenait les informations nécessaires à des gardes aux alentours du territoire. Ils ne pouvaient se rendre au-delà, dans tous les cas. Face à eux, il ressemblait à un adolescent et pourtant ...

— Soyez attentifs. Je vais vous expliquez la répartition des tâches, en ce qui nous concerne. Kain prendra les Jumeaux avec lui pour surveiller la forêt, au nord. Tu seras accompagné par trois membres de la milice établie par la Marquise, vous vous séparerez ici et surveillerez les alentours. Je vous conseille de multiplier les rondes pour éviter toutes les mauvaises surprises.

Accompagnant les paroles aux gestes, il établit de son doigt la route et la portion qu'ils auraient à charge. C'était un sacré morceau, mais ils auraient l'appui du Comte gérant cet endroit.

— Tricia, tu feras équipe avec Fiekce, vous serez en tandem avec des Humains et surveillerez les points d'eau dans cette même région, si les Démons sont résistants, ils en ont besoin, comme tout le monde. Vous resterez en communication entre vous pour intervenir en cas de problème. Quant à toi, Chÿsam, tu feras équipe avec Élinor et Shin, il y aura un Humain avec vous pour vous guider. Vous réaliserez plusieurs surveillances avec les Chevaliers officiants actuellement présents.

Il marquait une légère pause, reprenant une inspiration.

— Quant à moi, j'irai avec la Marquise Leenhardt vers l'ouest.

Post VIII - 1880 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

— Seuls, Capitaine ? s'étonna Chÿsam.
— Oui, il y a des cavités creusées près d'une montagne. C'est une cachette éventuelle pour quiconque souhaiterait se faire discret, nous irons simplement les vérifiées avant de revenir vers vous. Je vous rappelle que nous ... ne devons pas tuer les Démons sur ce territoire, seulement les capturer, ou les chasser.

Rien que l'idée de les épargner lui retournait l'estomac. Devoir donner un tel ordre à sa cohorte, également. Mancinia était également contre l'envie de simplement les reconduire, estimant qu'un bon Démon était un Démon qui nourrissait les vers. Son honnêteté haineuse n'était qu'en sa présence, elle avait d'ailleurs été clair, s'ils devaient en croiser, la Matasif en elle les tuerait, au mépris de ses fonctions de Marquise. Elle voulait être certaine que, si c'était le cas, il n'y ait aucun témoin. Dans cette aventure périlleuse, son Gardien la suivait les yeux fermés, bien ravi de la voir suivre son cheminement de pensée.

— Cependant ... Je vous ordonne de défendre vos vies et celles des civils si ces Démons essaient de s'en prendre à vous. Quoi qu'il advienne, ce sera de ma responsabilité. Essayez de les interroger sur leurs motivations si vous en capturer un. C'est bien clair ?

Ils les regardaient approuver d'un signe de tête, observant ceux qui rechignait. Cela ne lui échappait pas. Le Capitaine voyait bien qu'Élinor était tiraillé entre son devoir et de devoir s'abaisser à réaliser un tandem avec les Humains présents sur le marquisat. Ce n'était pas qu'elle les haïssait, elle estimait seulement que leur trahison n'avait pas été correctement sanctionnée. Neah ne voyait pas comment la convaincre autrement qu'en réalisant des missions en leur compagnie. Sans doute que son coeur s'adoucirait avec le temps. C'était pour cette raison qu'il l'avait demandé, conscient qu'elle accomplirait ce qu'elle devait faire. Certains semblaient relativement serein, d'autres enjoués, à part peut-être...

— ...Est-ce bien nécessaire, Capitaine ? demanda Fiekce, comme il s'y était attendu.
— Comprendre la mission de l'ennemi permet de connaître sa prochaine action.
— Oui, mais ce n'est pas notre mission que de protéger cet endroit.
— C'est une demande de la Marquise de Nylmord, suite à un avertissement de l'Archimage quant à la sécurité des Duchés sous sa protection. Les Magiciens sont autant nos alliés que les Humains.
— Nous ne devrions pas prendre les demandes d'une...

Le Fils de Réprouvé fit une grimace, ignorant le regard écarquillé de son compagnon qu'il sentait brûler sur sa nuque.

— ...Ní Anàkir.
— Fiekce ! s'insurgea Chÿsam devant son inconscience.
— Pardonnez ma franchise, Capitaine, répliqua-t-il en ignorant le Soldat. Mais ce n'est pas à elle de nous donner des ordres.
— Tu prends tes ordres de moi.
— Et qui vous donne les vôtres ?

Chÿsam tapa la paume de sa main contre son front, les autres regardaient ailleurs, très mal à l'aise. Élinor n'en pensait pas moins, ceci dit. Elle remerciait intérieurement l'inconscience de Fiekce de lui évité de grincer les dents. Le Capitaine Katzuta prit alors une lettre qui se trouvait dans une poche de sa veste, pour presque la glisser devant leurs yeux.

— L'Imperator.

Le Fils de Réprouvé paru interloqué.

— Chÿsam m'a remis ce pli en arrivant. Celui-ci contient nos ordres de mission, qui sont de mener à bien ce travail d'entraide et de le faire de manière conjointe avec les Humains.

Il s'était avancé si près de la Recrue durant son explication que, pendant un instant, Fiekce crut qu'il allait le cogner. Un frisson parcouru son échine. Qu'est-ce qui lui donnait cette odieuse sensation glaciale ?

— N'oubliez pas que vous êtes libre de faire des choix si mes ordres ne vous conviennent pas, Recrue Juur'vyon.
— Non, ça ira, merci ... Capitaine.

Malgré l'assurance qu'il voulait se donner, l'Ange sentait ses membres trembler. Lorsqu'il avait intégré cette troupe, une question lui avait longuement rongé l'esprit en voyant le Capitaine Katzuta. Comment est-ce qu'un être aussi petit pouvait lui donner des ordres, alors qu'il faisait trois têtes de plus que lui ? C'était une blague, avait-il pensé. Après avoir vécu auprès des Réprouvés, une telle personne lui faisait office de brindille à écraser. Seulement, c'était il y a quelques mois, les choses avaient drastiquement changées. Tout en lui démontrait à quel point il ne fallait pas sous-estimer un adversaire. Au sein de Yüerell, cela avait été ... sa première leçon. Tous ici étaient conscients que le Capitaine Katzuta était une personne agréable et compréhensive, il avait toujours un encouragement aux lèvres, il haussait à peine le ton, mais c'était aussi quelqu'un qui savait être ferme durant les entraînements, ou durant ses prises de position, mais ce regard-là, avec ce sourire en coin, ils préféraient tous le voir l'avoir contre les Démons ... pas contre eux. La Canine Blanche les broierait si cela s'avérait nécessaire. Pour Yüerell. Pour le Bien. Ce dernier sourit néanmoins, plus sincèrement.

— Vous m'en voyez ravi. Nous avons besoin de personnes pour défendre notre peuple. Essayez de vous en montrer digne.
— Oui, Capitaine.
— Bien, ce sera tout. Allez vous reposer à présent, une longue mission nous attends.

Sa troupe le salua respectueusement, avant de quitter la pièce dans un silence relativement lourd. L'Ange, seul, voyait son sourire se teindre de tristesse. Il détestait ça. C'était un aspect de son métier qu'il n'appréciait guère, préférant encore faire de la paperasserie. Seulement, il devait avoir son autorité sur ses subordonnés, ou cela serait un manque flagrant de maîtrise. En tant que Capitaine, ses sentiments ne comptaient pas. Rien n'était plus important que leur mission, c'était ce qu'il devait conserver à l'esprit. Son travail se résumait à s'assurer que tout se passe au mieux et que sa troupe rentre chez eux, saine et sauve. Prendre en bien, en mal, en frustration ou en agacement les propos des uns et des autres risquait de l'entraîner dans une spirale d'où il ne reviendrait pas. Cela lui avait paru tellement délicat lorsqu'on l'avait nommé à ce poste. Lui qui avait toujours été celui qui en recevait devait maintenant prendre des responsabilités, mais il ne s'en était jamais trouvé digne. C'était comme ça. Désormais, c'était devenu une habitude. Il aimait son travail. Il voulait seulement ... que les choses se passent bien. Fiekce n'était pas sa première Recrue et ne serait pas la dernière non plus. Quant à Élinor, si rien ne s'arrangeait, une bonne conversation s'imposerait. Ou il l'enverrait à Haute-Terre, mais elle vivrait cela comme une punition. Il ne le souhaitait pas. Chÿsam allait certainement passé un savon monstre à leur petit dernier, maintenant qu'ils étaient seuls. Lui, s'il continuait sur cette voie-là, il devrait sévir avec plus de dureté. Le regard de Neah se dirigeait ensuite vers la porte à sa gauche.

— Je sais que tu es là.
— Je voulais te laisser terminer.

Mancinia avait ouvert celle-ci à l'entende de sa voix. Elle avait voulu le laisser seul quelques instants de plus, mais leur Lien l'avait probablement trahie ... depuis le départ. Le sourire de son Gardien ne mentait pas. Elle l'avait suivi et s'était glissé dans la pièce d'à-côté. Elle avait entendu les conversations à son encontre, mais elles lui paraissaient légitimes. Les militaires de cette Compagnie étaient plus méritants que sa personne au sein de leur hiérarchie. Bien entendu, l'Humaine n'était pas intervenue. Elle ne souhaitait pas mettre son autorité au-dessus de la sienne. Jamais. On n'ingérait pas dans le travail d'un autre. Ça l'aurait rendue furieuse, à l'inverse, elle observait Neah. Son regard trahissait ses pensées moroses.

— Que se passe-t-il ?
— Ne trouves-tu pas que ... J'essaie d'être proche d'eux, de convenir à ce qu'ils attendent de moi ?
— En quoi est-ce un problème ? Est-ce que c'est la froideur et l'indifférence qui feraient de toi un bon meneur ? Beaucoup de chefs militaires sont craints, mais l'Histoire se rappelle aussi de ceux qui étaient proches et ont évolué avec leurs hommes. Tu es un bon Capitaine en étant toi-même, Neah.
— Hum.

La Marquise secouait la tête. Il semblait si peu sûr de lui en sa présence, cette situation lui avait ronger l'esprit toute la journée.

— Ne t'en fais pas pour lui. Il restera.
— Je le sais. Sinon ... Il traversera la route et trouvera un nouvel emploi, répondit-il en souriant.

Mancinia eu un air surprit, avant qu'ils n'éclatent de rire ensemble. Cela lui faisait du bien. Être avec elle lui procurait tellement de bonheur. Il remarquait à quel point ces dix années, loin d'une réelle complice, lui avait causé du tort. Et maintenant qu'ils s'aimaient, c'était comme si tout était à la bonne place. Son Humaine l'avertit que ses compagnons n'allaient pas tarder, mais lui admit être épuisée et, effectivement, la fatigue marquait ses traits. Ils réaliseraient des équipes, conformément à ce qu'elle avait pu voir avec son Gardien, dans la matinée.

— Nous partirons ensemble demain, reprit-il en l'invitant à quitter la pièce, après avoir récupérer les cartes. Cette mission devrait être rapide vu la manière dont tu t'es échiné.
— J'ai hâte de te montrer les environs. Non, ne me regarde pas ainsi. Je suis très sérieuse en mission. Et c'est bien pour cette raison que rien ne m'inquiète.

Ils échangèrent un léger sourire dans le couloir.

— Bonne nuit, Marquise.
— Bonne nuit, Capitaine.

D'un mouvement presque copié, ils se tournèrent le dos pour rejoindre leur chambre respective. Mancinia n'avait guère loin à se rendre, mais elle sentait s'abattre le poids du relâchement. Cette sensation méprisable. Avoir ses menstrues lui donnait des douleurs, de la fatigue, heureusement qu'elle avait passé ce premier jour au sein de la demeure, mais demain, ce serait une autre paire de manches, elle allait devoir s'organiser au mieux. En ouvrant les portes, appréciant la chaleur de la pièce, la Marquise entreprit de se déshabiller, tout en prenant conscience que la journée avait été éprouvante. Neah avait vu ses blessures et ... Elle avait été bête. Pourquoi avait-elle tant craint sa réaction ? Cet homme ... Parfait. Son Gardien savait. Il voulait la soutenir. Elle voulait ouvrir cette porte, aller dans ses bras et ne plus les quitter pendant quelques temps. Son comportement était un peu enfantin, elle espérait que cela se calmerait avec le temps. Elle dénouait ses cheveux quand quelqu'un vint frapper à sa porte, la surprenant quelque peu.

— Oui ?
— Marquise, puis-je vous déranger un instant ?

Monika. Il était rare qu'elle vienne aussi tardivement, s'était-il passé quelque chose ? Mancinia lui ouvrit.

— Je suis désolée de venir si tard ... Je remettais les choses en ordre et ... Je me suis dit qu'un mélange de quelques herbes vous aiderait à dormir. Ça ... Ça m'aide quand les miennes sont là.

Sa voix était un murmure léger sur la conclusion. Le regard de l'Humaine se baissait vers un bol encore fumant, ce dernier embaumait la pièce d'une odeur agréable, un mélange de gingembre et d'hamamélis.

— Tu es un amour, Monika, dit Mancinia en prenant ce dernier dans ses mains.
— Ce n'est pas grand-chose !
— C'est beaucoup pour moi, merci.
— Je vous en prie, Mar ... ncinia. Je vous souhaite la bonne nuit.
— Bonne nuit à toi.

Mancinia refermait la porte, la chaleur du bol lui procurait d'avance un bien fou, elle avait d'être de la chance d'être si bien entourer. Neah avait aussi cette chance, il le savait. Ce dernier s'était presque jeter sur son lit après s'être débarrassé de son uniforme. Il était vraiment douillet. Il se retournait dans tous les sens en cherchant la bonne position, avant de renoncer dans un soupire et d'observer le plafond.

— Hum. Comment vais-je lui demander sa main ?

Post IX - 1900 mots
Ní Anàkir - Une Humaine

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Au lendemain de ces nuits agitées, Neah était en train de s'assurer d'avoir tout le matériel nécessaire. Sa partenaire s'était assuré que rien ne soit manquant, après son départ précipité de sa Caserne, avec seulement son épée, autant dire que le Capitaine n'avait pas grand-chose pour assurer sa protection. Il s'émerveillait assez de la qualité des pièces d'armure, à croire qu'elle avait tout le nécessaire sous la main, mais qui dirait non à une Marquise, même lors d'une demande urgente ? Mancinia lui avait également confié d'autres armes, éventuellement nécessaire à leurs pérégrinations, comme une double paire de dagues. Pour le reste, il compenserait avec sa magie. Il n'était pas impuissant là-dessus, dans tous les cas. Rassuré, d'une certaine manière, il sortit de sa chambre ... Pour tomber nez à nez avec Monika, qui, surprise, suspendit son geste de toquer contre le bois.

— Bon matin, Capitaine, fût-il salué après qu'elle se soit reprise.
— Bonjour, Monika. Tu venais me voir ?
— La Marquise voulait savoir si vous étiez réveillé.
— Oh ? s'étonna-t-l de cette attention. ... Merci. Je vais aller à sa rencontre pour la rassurer à ce propos. Tu saurais où elle est ?
— Elle se trouve dans les Jardins, présentement.
— Je te remercie.
— ...Si vous voulez bien m'excuser.

La Magicienne s'inclinait de nouveau avant de reprendre sa route, Neah posait son regard quelques secondes sur le noeud blanc de ses longs cheveux, avant de tourner le regard vers la poignée de sa porte et de refermer l'accès à sa chambre, marchant dans le couloir pour aller rejoindre celle pour qui battait son coeur. L'Ange ressentait le regard brûlant de la domestique sur sa nuque, mais il faisait comme si ce n'était rien. Elle avait l'air assez sensible sur sa relation avec Mancinia, sans doute était-il une excellente amie et voulait-elle s'assurer que tout se passait bien, entre eux. En le voyant disparaître au détour du couloir, la Camériste eu un soupir de soulagement. Il était bien présent dans son lit, cette nuit. Hier soir, elle avait prétexté cette course avec une boisson chaude pour aller vérifier, dans la chambre de la Marquise, s'ils étaient encore ensemble. Ça n'avait pas été le cas. Monika avait un peu honte, mais cela lui avait permis de voir Mancinia avant de s'endormir et de lui apporter plus de réconfort. Elle avait été plus utile que lui. Une certaine jalousie s'était emparée d'elle. Il arrivait donc aux hommes d'être convenable malgré tout, mais elle craignait que les rumeurs n'entachent la réputation de celle pour qui elle travaillait. Ou bien était-ce autre chose ? ...

— Eh bien alors, on s'entraîne de bon matin ?

La voix d'Élinor avait raisonné à ses oreilles, Fiekce lui accordait un regard après avoir repris son arme en main. Une lance. Il avait énormément de mal à la manipuler, à l'inverse de son espadon, qui correspondait plus à sa carrure. Il avait choisi de s'entraîner un peu avant le petit déjeuner, quelque chose qui n'était guère recommander en règle général, mais la Recrue avait passé une sale nuit et il avait besoin de passer sa frustration sur quelque chose, autant que ce soit sur cet arme de malheur qui refusait de filer droit vers ce tronc d'arbre, un peu plus loin. Chÿsam avait voulu que la Soldate vienne à sa rencontre pour lui signifier qu'il faudrait mieux cesser, mais elle prendrait le temps de discuter un peu avec lui. C'était peut-être plus utile.

— C'est galère, répondit-il à sa question.
— Je vois ça, sourit-elle sans aucune once de moquerie. Je t'avoue que ce n'est pas mon arme de prédilection ... Je serais bien incapable de t'aider, autrement qu'en te conseillant de persévérer.
— J'aime pas abandonner de toute façon ! J'aimerais seulement comprendre ce qui ne va pas avec cette saloperie !
— Vous tenez mal votre lance.

Les deux Anges eurent un léger sursaut en entendant la voix féminine dans leur dos, avant de se retourner vivement vers sa source. Elle était aussi silencieuse que leur Capitaine, si ce n'est plus. On pouvait désormais la voir, à l'ombre des arbres, son éclat était certain et ils s'interrogeaient sur leurs capacités à distinguer correctement les choses. Ils devaient la saluer proprement.

— Marquise ! Salutations à vous !
— Bonjour, sourit-elle, avant de poursuivre. Je vous observe depuis un moment. Vous placez votre main trop près de la hampe, ce qui a tendance à l'incliner vers le bas. Il ne faut pas avoir peur de rapprocher vos membres l'un de l'autre.

Elle avait dit cela en se rapprochant d'eux, tendant ensuite sa main vers Fiekce, sans animosité.

— Permettez ?

Ce dernier n'eut aucune hésitation à lui tendre, intérieurement, cela la surprenait. Pas aussi nuisible que cela, après tout. Mancinia eu néanmoins un regard vers la lance, d'excellente qualité, certes, mais une raison la saisissait plus que son prix.

— Oh ? ... Elle est plus légère que la mienne. Elle devrait au moins aller dix mètres plus loin, facilement. Et elle ne m'a pas l'air adapté pour un combat.
— Mais oui ! s'exclama l'Ange. Je n'arrête pas de le dire que ça a l'air d'un cure-dent !
— ...Parce que cette lance n'est que provisoire, elle n'est pas taillée pour les grandes mêlées.
— D'accord, c'est effectivement plus pratique que d'apprendre avec un bâton.

La femme acquiesçait pendant que son compagnon levait les yeux au ciel, cela ne semblait pas lui plaire. Une forte tête. Neah devait s'amuser. Sans plus attendre, l'Imprévisible se mis en position, de sorte qu'il puisse voir comment elle s'y prenait. Une lancière ne pouvait que connaître son arme. Le regard de Fiecke, cependant, était rivé sur ses jambes. L'arme filait droit dès l'instant où elle l'envoya dans les airs, jusqu'à sa cible, avant de s'y fiché complètement. Mancinia avait cru un instant qu'elle se briserait à l'impact, mais visiblement, elle était toujours en un seul morceau.

— Wow ! s'exclama l'Enfant de Stenfek en tapant dans ses mains. Impressionnant ! Je n'aurais pas cru que les Humains savaient réaliser ce genre de choses !
— Nous aussi, répondit-elle avant que sa collègue n'intervienne. ... Nous aussi, nous avons un héritage militaire. Bien que ... Je n'ai pas suivi mon service, ayant grandi en dehors des murs du Royaume.
— Ah, vous aussi, vous avez vécu loin de votre peuple ?
— Et oui. C'est pour cette raison que tu ne dois pas être si dur envers toi-même et envers ton arme. Tout cela demande du temps, mais je ne doute absolument pas que tu en sois capable, Fiekce.
— Triss sil kest, maugréa-t-il, tandis qu'elle allait récupérer son arme.
— Sil aald Zul'Dov, rek ni vermullen, lui dit doucement Élinor.
— Io aald Zul'Dov.

L'Ange manquait de s'étrangler à l'entendre.

— Mon accent est tout de même un peu dégueulasse, rit-elle dans une grimace. Je n'ai pas l'opportunité de pratiquer souvent.

La Marquise de Nylmord lui tendit ensuite sa lance.

— Maintenant, essayez. Suivez exactement les mouvements que je vous ai montrés.

Le guerrier reprit son arme, tandis qu'elle reculait pour lui laisser sa place. Fiekce prit une grande inspiration avant de se mettre en position. Mancinia vit immédiatement qu'il avait retenu son conseil et observer le positionnement de ses jambes. Il savait se servir de sa tête, ce n'était guère étonnant pour un Réprouvé de Stenfek, un de Bouton d'or aurait certainement brisé sa lance en deux en tapant dans un caillou de frustration. La patience n'était pas une vertu, chez eux. Sans l'once d'une hésitation, confiant, ce dernier appliquait ce qu'il venait de voir. Avec succès.

— Oh ! s'exclama-t-il. C'est vachement mieux !
— Tu plaisantes, ce tir était parfait ! s'exclama Élinor, avant de se reprendre. ... Ah heu !
— Joli tir, en effet.

La manière de combattre des Humains semblait plus correspondre à son style, mais cela, Fiekce le découvrirait de lui-même lorsqu'il choisirait de découvrir d'autres techniques de combat. Ce dernier se retournait vivement vers elle, visiblement satisfait.

— Merci en tout cas ! Vous n'avez pas été élevée dans la soie, au moins !
— J'ai pris l'habitude de vivre des arts militaires avec les dernières guerres.
— Ah ouais ? Tu es trop bien partout, en fait !
— Ton langage, Fiekce, souffla Élinor.
— ...Oups. Pardonnez-moi !
— Non, il n'y a rien de mal. Je ne me formalise pas trop du manquement d'étiquette en dehors de mes prérogatives officielles. Allons manger avant que votre Capitaine ne vous surprenne à vous entraîner sans rien dans le ventre.

Au bout de quelques pas silencieux néanmoins, le Fils de Réprouvé reprit la conversation.

— Dites, Marquise, vous aimez le Capitaine Katzuta ?
— Bien sûr que je l'aime, dit-elle comme une évidence, sans la moindre once d'hésitation. Il est mon Gardien, après tout.
— Ouais, mais non, reprit Fiekce, un peu surprit. Je parlais comme une femme doit aimer un homme, m'voyez ? Genre, vous ne voulez pas lui faire des bébés ?
— Mais ... Fiekce, qu'est-ce que tu demandes à la Marquise ?
— Je ne pense pas que certains Anges apprécieraient que nous soyons ensemble.

Élinor s'était crispée, n'osant regarder le dos de la femme devant eux. Elle repensait à ses paroles de la veille. Est-ce que par hasard, le Capitaine lui en aurait parlé ? Est-ce qu'elle allait le lui faire payer ? Jamais l'Ange ne le saurait, ils furent interrompus au milieu de leur avancée.

— Nos respects, Matasif ! s'exclamèrent plusieurs voix.
— Ah ! Bonjour les amis ! Vous alliez déjeuner ?
— Oui ! répondit une femme à l'avant. Pouvons-nous y allez avec vous ? Oh, vous êtes occupée peut-être ? Nous ...

Fiekce paru relativement désappointé.

— Zut ! Elle n'a pas répondu à ma question !
— ...T'es vraiment idiot.
— Hey ! Je suis curieux aussi figure-toi !

Fiekce s'était élancé à la poursuite de sa collègue pour aller saluer les Humains qui allaient travailler avec eux, sans un regard en arrière. Sans doute aurait-il vu son Capitaine ayant tout suivi de la scène. Finalement, les choses s'arrangeraient peut-être d'une autre manière que prévue. Cela arrachait un sourire à Neah qui profitait de la petite agitation pour se faufiler discrètement, de sorte à ce que personne n'y fasse réellement attention. Attendant patiemment qu'ils soient entrés pour les suivre dans la salle à manger.

— Bonjour ! ... Restez assis !

Ce dernier ordre était à l'intention de ses subordonnés, ces derniers allaient se relever, à peine assis, pour le saluer, mais ils ne bougèrent pas sous ses injonctions. Se contentant d'un salut respectueux. Il manquait de rire en voyant Kain presque effondrer sur sa chaise. Il ne s'habituerait donc jamais aux levés matinaux ? Son cas était désespéré. Neah prit place là où il y en avait, à ses côtés se trouvait un Humain qui se tournait vers lui.

— Bonjour, Capitaine Katzuta ! Je suis le Capitaine Alexandre Shrasta. Je travaille pour l'Armée Humaine, j'étais de passage et...
— Et donc, Taena, tu es née à Haute-Terre, c'est ça ?
— En effet ! Ce n'est pas très loin des Jardins, j'y viens parfois ! Le coin est tellement bien !
— C'est vrai que c'est joli !
— Et le Lac Bleu, tellement grand qu'on piquerait bien une tête dedans !
— Si seulement tu savais nager, ah ah !

Neah regardait le visage de Mancinia en écoutant au vol quelques conversations, celle-ci souriait aussi doucement que lui en buvant sa tasse de thé. Il était presque certain d'avoir vu un clin d'oeil en sa direction. Tout se passerait bien.

Post X - 1880 mots

Triss sil kest - Si tu le dis.
Sil aald Zul'Dov, rek ni vermullen - Ne parle pas Zul'Dov, elle ne va pas comprendre.
Io aald Zul'Dov - Je parle Zul'Dov.

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Lorsque vint la conclusion du déjeuner qui semblait s'être déroulé sans accrocs entre les deux races, le Capitaine et la Marquise accordèrent une heure à leurs subordonnés concernant les derniers préparatifs. Fiekce était parti avec Alexandre pour seller les chevaux. Visiblement, Chÿsam avait assez tiré l'oreille de leur Recrue pour qu'il s'intéresse aux Humains ... A moins que ce ne soit la prestation de Mancinia ? Dans tous les cas, Neah trouvait que cet intérêt était engagent pour la suite. Tricia avait noués ses cheveux en une longue tresse, avant de rabattre sa capuche sur sa tête. Elle semblait distraite. Ces derniers temps, elle avait des réflexions assez déstabilisantes lorsqu'ils discutaient, seuls. Il avait la vague impression d'avoir rater quelque chose. Un problème de coeur, peut-être ? Cela demeurait étrange de voir ses subalternes avec le visage à moitié camouflé. Devant la menace et la discrétion qui devait être de mise, Neah avait ordonné à sa troupe de dissimuler au mieux sa nature angélique en dehors de la demeure. Cela serait plus utile pour traquer leurs proies et éviter ainsi tout conflit. Il en ferait de même, mais son visage et son nom étaient connus, ce qui serait plus délicat dans son cas, mais aux côtés de la Marquise de Nylmord, personne n'y verrait rien à redire. Ils verraient l'Ange et l'Humaine, pas la mission de reconnaissance qu'il y avait derrière. Lorsque tout fût prêt, ils s'étaient réunis dans la cours pour les derniers usages.

— ... Nous réaliserons donc cette mission durant un moment pour nous assurer que le marquisat ne court aucun danger. N'hésitez pas à nous mettre au courant de vos avancées, le Capitaine Katzuta étant mon porte-parole devant mon absence de Magie. Je vous fais confiance. Un dernier mot, Capitaine ?

Un frisson parcourut l'homme quand elle s'adressa à lui. Sa voix était douce, avec le timbre agréable d'autrefois. Avec une voix si radieuse, Mancinia n'avait aucun mal à se faire entendre parmi les autres. Neah revint sur la terre ferme pour écouter attentivement ses paroles et de la prendre à son tour, lorsqu'elle lui posait la question.

— Non, Marquise. Toutefois ... Soyez prudents. Les Démons sont retors. Pensez à assurer vos arrières peu importe que tout vous semble normal, d'accord ?
— Oui ! reprirent-ils ensemble.

Sur un hochement de tête et sur des paroles de bonne chance, ils se séparèrent selon les groupes qui avaient été établis. Lorsqu'ils eurent salués Sarah et Chÿsam, ce fût à leur tour de s'en aller. Mancinia eu une appréhension à monter sur son cheval, alors qu'il l'attendait. Son Gardien vit distinctement qu'elle manquait de s'arracher les lèvres en se positionnant, ainsi qu'aux premiers pas. Qu'est-ce qui lui prenait ? C'était une habituée des montures pourtant. Il réfléchit à une éventuelle blessure dont elle ne lui aurait pas parlé, avant de rougir légèrement. Il avait oublié. Ses menstruations. Ça devait faire mal en bas de son ventre, mine de rien. Ou c'était des nausées ? La perte de sang pouvait avoir des effets indésirables, c'était normal. Il voulait la rassurer, mais il n'osait pas vraiment aborder le sujet. Certaines femmes aimaient leur intimité. Neah serait prudent concernant son état, il n'avait guère envie de la savoir affaiblie devant de redoutables adversaires. Sur la route menant vers l'ouest, l'Humaine prit quelques minutes pour définir un trajet, attrapant dans son sac une carte emportée de la région, l'examinant attentivement. Il y avait un hameau non loin, ces sales engeances avaient certainement dû y faire une halte au nez et à la vue de ses résidents, sans qu'ils ne prennent conscience des risques. Ils commenceraient par là. Ce n'était pas si loin. Elle observait son partenaire du coin de l'oeil. Il avait l'air si bien dans sa tenue et sur ce cheval, qui avait l'air de l'apprécier autant. Franchement ... Quel homme. Elle en avait des frissons depuis son arrivée. Que ressentait-elle exactement ? Était-ce de l'excitation ou de la peur ? Était-ce une bouffée d'adrénaline qui la faisait avancer ou bien le doute de l'inconnu ?

Les émotions sont quelque chose de mystérieux. Surtout pour elle d'ailleurs, elle passait beaucoup de temps à essayer d'analyser ses propres sentiments, comme si c'était des choses que l'on pouvait attraper et observer avec de la distance, mais ce n'est que très rarement le cas. Neah avait le don de l'apaiser et de totalement ... lui faire lâcher prise. Jamais elle ne s'autoriserait de parler ou d'avoir des gestes aussi intimes avec d'autres hommes. Ses cicatrices, ses pensées ou même son corps ... Il n'y avait que lui et elle ne pouvait que le regarder, totalement captivée. Ses yeux sont concentrés pour repérer les dangers potentiels. De la branche d'arbre qui bloque le passage, aux éventuels bandits qui rodent sur les routes - on ne sait jamais ce qu'il peut arriver, après tout. Elle le voyait si concentré, habitué à cette observation. Yüerell avait fait de lui un véritable Soldat et cela lui allait à ravir. Comme une épée allait à son fourreau. L'Ange avait été volontaire concernant cette mission. Pour elle, évidemment, mais certainement pas que pour ça. Il avait quelque chose qui tâchait son esprit. Sans doute une envie de revanche. Celle d'exterminer les ennemis de sa Nation. Un ou deux, pas à pas. Sur ce point, elle était d'accord. Aucun Démon ne sortirait vivant d'ici. Son Gardien candide et plein de douceur n'avait pas été effacé pour autant par des années d'entraînements et de rigueur militaire, car Neah ne changeait pas en sa compagnie. Elle était la seule à le connaître sous cet angle. C'était vraiment une privilégiée. Sans doute était-ce la même chose de son côté, la concernant.

— Tout va bien, Mancinia ? ... Tu n'arrêtes pas de me fixer.
— ... J'en avais envie, admit-elle.
— De me regarder ?

L'Humaine hochait la tête, elle sentait un léger feu sur ses joues, comme si elle était une enfant prise en flagrant délit.

— Si ce n'est que ça, sourit Neah en bombant le torse. Il est vrai qu'on dit de moi que je suis très beau !
— Ce que tu es bête !

Son rire à ses oreilles la rendait heureuse. Pourquoi tout lui paraissait plus puissant qu'auparavant ? Parce que les choses étaient dites ? Que le soulagement et la légitimité d'être à ses côtés relâchaient sa vigilance et sa retenue ? Elle écoutait son corps, essayant de ne pas brusquer les choses, de dépenser son énergie inutilement qui ne menait pas à grand-chose. C'était Neah qui provoquait toutes ces sensations. Par les Aetheri ... Qu'est-ce qu'elle l'aimait. Ce Lien était une bonne chose. Ils pouvaient s'aider mutuellement, s'élever ensemble. Franchement, pouvait-on rêver meilleure relation ? ... Au bout d'une demi-heure de trajet, l'Ange et sa Protégée étaient parvenus au hameau. Les résidents n'étaient pas surprit de la voir arrivée et la saluèrent chaleureusement. Ils ne comptaient pas rester longtemps et devait simplement parler à la personne en charge de l'endroit. Elle lui exposait la situation de vive voix, devant ses administrés. Elle avait besoin de savoir s'ils avaient vu ou entendu des choses particulières ces derniers temps. Des Démons circulaient sur le marquisat et le Duc l'avait avertie, désireux de s'assurer qu'aucun tort ne serait fait à l'une ou l'autre des parties.

— Des Démons ? s'étonna le gestionnaire, perdu devant sa déclaration. Non. Jamais nous ne les aurions accueillis ! Bien que ... Nous avons eu des voyageurs assez étranges récemment.
— Dites-moi en plus.
— C'était un homme et une femme, Marquise. Je pense que c'était un couple.
— La femme avait des cheveux de feu, oui !
— Et le gars était fort, pfiou, comme un taureau !
— Ils étaient encore là hier soir. Vous les avez vraiment ratés de peu !
— Est-ce que vous savez vers où ils sont repartis ? l'interrogea Neah. Nous pourrions peut-être les rattraper.
— Vers l'ouest.

L'Ange plissait les yeux. Exactement comme ils le pensaient. Étaient-ils si prévisibles ?

— Par contre, Marquise ... Ils étaient étranges, mais ils n'ont rien fait de mal. Rien qui ne mérite vraiment qu'on s'y attarde, en tout cas.

Faire mal à un Magicien aurait attiré les soupçons. S'ils sont en mission pour réaliser quelque chose, elle devait absolument savoir de quoi il en retournait avant qu'ils ne fuient. Elle ne saurait jamais autrement et les risques étaient grands. Un empoissonnement de source, un meurtre non encore découvert, de l'espionnage dans l'éventualité d'un assassinat, voire d'une attaque, quoi que ce soit ! Elle eut un sourire qui se voulait rassurant, même si son coeur se clairsemait de noirceur à leur égard.

— Oui, ne vous en faites pas. Nous voulons seulement les interroger. Soyez toutefois prudents ! Je sais que les Magiciens ne sont pas en guerre avec les Démons ... Mais vous êtes sur le marquisat d'une Humaine.
— Pour nous, c'est un détail. Nous vous faisons confiance.
— Oui, vous faites honneur à l'ancien Nylmord.
— Il a bien su vous cerner malgré nos appréhensions.

Ces remarques illuminèrent son coeur. C'était tellement rare d'avoir des compliments aussi sincères venant d'autres races que la sienne. C'était un honneur. Elle n'était sans doute pas une si mauvaise administratrice territoriale. Neah eu un sourire dans son dos. Cette crainte de mal faire était certainement la preuve de son réel investissement. Donner le meilleur d'elle-même pour que tout soit réglé comme du papier à musique et que tous puissent savourer une vie paisible. Il ne doutait absolument pas que c'était un test ... pour nourrir ses plus grandes ambitions de manière exponentielle. Après avoir remercié les habitants et obtenus leurs bonnes chances, les deux enquêteurs improvisés se remirent en route. Ils étaient désormais convaincus qu'ils se cachaient dans les cavités de l'ouest du territoire. Soit ils y resteraient le temps que les choses se calment, soient ils s'enfuiraient à leur approche, soit ... Le Capitaine restait vague sur ces recherches. Il ne souhaitait pas que ses hommes le rejoignent et continuent de sécuriser les alentours. Dans ses contacts télépathiques, il ne mentionnait que d'éventuels voyageurs étranges, mais rien de très probant, ils suivaient néanmoins cette piste par acquis de conscience. Ils essayaient de suivre la route, rencontrant des voyageurs sur le chemin. Tout semblait paisible. Il avait l'impression de retrouver l'ambiance des Jardins de Jhēn, mais cela n'avait rien de réellement étonnant. Le Capitaine regardait Mancinia, penchée sur sa carte. C'était même mieux que les Terres du Lac Bleu.

Ils avaient réalisés une courte halte pour abreuver et nourrir leurs chevaux, ainsi que se restaurer eux-mêmes. Les choses se passaient plutôt bien et la piste était bonne, surtout après avoir croiser un homme relativement amoché qui avait pesté contre un autre, visiblement bien bâti. Ils ne trahissaient pas leur nature démoniaque, mais leurs actes laissaient présager qu'ils étaient plus excités par les événements. Ça n'augurait rien de bon. Pourtant, ils approchaient. Cela demanderait probablement encore un peu de temps. Ils s'engagèrent sur un sentir bien entretenu au travers d'un forêt, ils allaient couper pour se rendre vers la naissance des hauteurs. Ils allaient gagner du temps. C'est ce qu'ils pensaient avant de se retrouver devant une crevasse, large de plusieurs mètres, qui semblait profonde et laissait voir un cours d'eau léger en contrebas, que les siècles avaient permis de creuser la roche. Impossible de traverser. Ce serait trop dangereux, Mancinia ne prendrait pas ce risque.

— Aaaah, soupira-t-elle avec agacement. Il semblerait que nous devions contourner.

Post XI - 1912 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Mancinia était agacée devant le constat qui se montrait à elle. Faire un détour leur ferait perdre un temps considérable, alors qu'ils étaient proches du but. Rien ne saurait être plus frustrant. Si les Démons quittaient son marquisat, jamais elle n'aurait les réponses à ses interrogations. Ça resterait une tâche dans son esprit quant à la gestion de son administration. Elle détestait s'avouer vaincue à cause du rebord d'une falaise, mais à moins de prendre son élan et de sauter dans le vide pour tel une pierre et se fracasser en contrebas, elle n'avait pas le choix.  Quant à rester là à ruminer ... Ce n'était en rien utile non plus. Ils devaient y aller.

— On devrait pouvoir passer vers l'Est. Je ne sais pas combien de temps ça nous demandera et ...
— Je vois que tu as oublié une chose importante, Mancinia, l'interrompit son partenaire.

Elle se retournait vers lui, sa tête légèrement sur le côté, ne comprenant pas où il voulait en venir.

— Je te rappelles que je suis un Ange, sourit-il.
— C'est que ...

Sa réponse n'avait été qu'un murmure suivant ses yeux ronds. Cette réaction ne le surprenait pas vraiment. Mancinia détestait perdre le contrôle et remettre l'intégralité de son intégrité entre ses mains altérait son souffle.

— Je t'assures que tu ne crains rien. Cela ne prendra que quelques secondes pour traverser. Nous prendrons le nécessaire et ce sont de bons chevaux ... ils retrouveront leur chemin vers le village.

L'Ange tapotait l'encolure de sa monture. Ce qu'il disait n'était pas dénué de sens, c'était même complètement logique. C'était évident qu'ils iraient plus rapidement à pieds au travers de l'épaisse forêt. En coupant au travers et en délaissant les sentiers, ils auraient une chance de rattraper la troupe sur ce terrain qu'eux ne connaissaient pas. Mancinia descendait de son cheval avec une appréhension au creux du ventre, ravalant sa salive et en se tournant doucement vers lui.

— ... Si tu promets de ne pas m'attacher, sourit-elle, mal à l'aise.
— Je ne peux rien te garantir.

Cette remarque était à nouveau un mécanisme, preuve de sa spontanéité en la présence d'un être aussi cher à son coeur. Un souvenir. Aucun des deux n'avait oublié. Ce dernier descendit à son tour et se rapprochait de sa partenaire, prenant sa main dans la sienne avant de l'attirer vers lui. Étrangement, ce geste l'apaisait et elle se sentait en confiance.

— Tout va bien. Je ne te lâcherais pas.

L'Ange pliait légèrement les genoux tout en passant un bras derrière ses cuisses, la contraignant à s'abandonner totalement à lui. S'il avait eu envie de la balancer dans le vide, elle n'aurait rien su faire. Et cette idée la terrorisait un peu. Malgré son bon vouloir de se prêter à l'exercice, son Gardien ressentait toute l'anxiété dans son esprit. Elle savait ne pas avoir le choix et Neah la laissait reprendre son souffle. Il y avait aussi de la gêne.

— Je ne suis ... pas trop lourde ?
— Je suis bien trop fort pour me plaindre de quelques kilos, surtout les tiens. Allez, sers-moi fort dans tes bras.

Mancinia arquait un sourcil. N'essayait-il pas de profiter de la situation, un peu ? Vu sous cet angle, il était terriblement beau. Être dans ses bras était si bien. Elle passait son bras derrière sa nuque pour mieux se mettre, essayant de ne pas le blesser. Mine de rien ... elle aussi avait de la poigne. Elle craignait de ne pas maîtriser sa force et de l'étrangler par mégarde.

— C'est tout ? rit-il. Tu peux me serrer plus fort. Je ne suis pas en sucre.
— Non, ça i-iiih !

Sans même la prévenir, l'Ange avait ainsi déployé ses ailes et prit une impulsion aussi rapide qu'imprévisible. L'Humaine se cramponnait à lui encore plus, dans un sursaut de surprise. Elle n'eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu'ils étaient arrivés de l'autre côté. Il reposait ses pieds sur le sol. Elle sentait ses mains moites, mais c'est tout, son corps semblait s'être adapté plus vite que son esprit.

— C'était bien ce petit baptême aérien ?
— Tu aurais pu me prévenir !
— Je prends ça pour un oui ! ... Ne bouge pas. Je vais chercher nos affaires.

Mancinia grommelait. En même temps ... Cette expérience avait été grisante. Elle n'avait pas eu le réflexe de fermer les yeux et se voir voler ainsi était ... se sentir libre dans les airs était une sensation si douce et apaisante. Les Anges avaient de la chance. Son regard se retournait vers son partenaire. Il parlementait avec les chevaux après les avoir déchargés de leurs besaces, ceux-ci faisaient aller leurs oreilles comme s'ils écoutaient sérieusement. Ils comprenaient certainement. Quel homme doux. Et quelles ailes. Si elle avait pris l'habitude de les voir avec une étrange lueur dorée, l'Humaine avait bien conscience que cette particularité était propre à son Gardien. Ce n'était pas une nouveauté suite à la Chute des Dieux, encore moins une malédiction ... Elle ne savait pas. Renvoyant leurs alliés vers la civilisation, Neah revint vers elle sans la moindre contrainte. Ce n'était plus le petit être fatigué au bout d'un kilomètre de marche. Ce n'était plus rien de tout ceci. C'était devenu un homme et c'était lui qu'elle voulait.

— Et voilà !
— Neah ... Tes ailes sont ...

L'Humaine avait tendu son bras, arrêtant néanmoins à quelques centimètres des plumes, craignant de le blesser si elle ne les touchât.

— Je ne t'ai jamais demander comment ...

Elle ravalait sa salive, comme si sa question était taboue. Comme si elle ressentait ce qui remuait ses tripes à chaque fois qu'on lui mentionnait. À chaque fois qu'ils les voyaient. À chaque fois que ... Il fermait les yeux.

— C'est ... normal ?
— Non, répondit-il. C'était une mission ... sans l'être vraiment. C'était près de la Citadelle Blanche, nous ... Nous étions partis sur base d'une rumeur et ...

Sa voix tremblait. Elle ne savait pas si c'était de douleur, ou aux souvenirs des émotions vives de ce qu'il avait ressentis là-bas. Elle regrettait d'avoir été si intrusive.

— J'ai eu une sorte de Bénédiction. Certains ont obtenus une certaine forme de puissance, mais quelques-uns d'entre nous avons eu vus nos ailes se teindre d'or sur les extrémités. Elles m'apportent des avantages au combat. Comme si c'était écrit ... et s'il advient que ... Que j'en perdent par blessure ou autre, cette Bénédiction demeure.
— Et tes amis ?

Il se retournait, comme si la regarder était trop douloureux. C'était trop dur d'en parler. Il secouait la tête négativement. Pendant un court instant, elle crut qu'il allait pleurer.

— Je suis le dernier.
— Oh ... Neah ... Je ...

L'Ange sentit ses mains contre ses épaules, elle venait se coller contre lui dans une douce étreindre. En silence. Quelques minutes s'écoulèrent dans la paix. Le temps de se reprendre. Neah relevait son visage vers les cieux.

— La nuit tombe, Mancinia. Continuons un peu pour trouver un endroit où prendre du repos.

Sa partenaire se dégageait et eu un froncement de sourcils désapprobateur lorsqu'il se retournait avec un sourire.

— Je sais que tu veux poursuivre, mais nous prendrons des risques inconsidérés.

Elle soupirait. Neah était conscient qu'elle était une personne déterminé, un trait de caractère aussi intéressant qu'instable. Elle ne savait pas vraiment abandonner et lui aussi, à sa manière, était têtu lorsqu'il s'agissait de Mancinia.

— Écoute ton Capitaine.

Son petit ton était loin d'être autoritaire. Ils se regardaient intensément.

— ... Il y a une rivière, pas loin.

Elle ne savait pas dire non à un sourire aussi mignon. Et elle n'avait pas envie de lui prendre la tête maintenant. Pas après ça. Cette rivière dont elle parlait était à peine à une quinzaine de minutes de marche, elle traversait contre la terre et les branches. Marcher lui fit le plus grand bien après une journée passée presque en selle. Sous les arbres feuillus, la visibilité se réduisait encore plus rapidement. Son Ange n'avait pas eu tort. L'écoulement des eaux non loin lui disait qu'ils allaient prendre une pause bien mérité. Ce n'était pas plus mal. Il essayait de trouver un coin assez dégagé pour pouvoir allumer un feu sans incendier toute la verdure environnante. Mancinia parvint sans mal à embraser quelques branches mortes, avant de vérifier leur nourriture et de se dire qu'elle avait soif. Elle se mit à genoux remis de l'eau dans sa gourde, tout en donnant un coup d'épaule à son partenaire, qui faisait de même à côté d'elle.

— Si tu veux te laver. Dis-le, hein ... Je me retournerais.

Mancinia se pinça l'intérieur de la joue, affichant une moue amusée, écho de ses yeux pétillants de malice. Neah aimait par-dessus tout l'air que cela donnait à son Humaine, au visage d'ordinaire de marbre ciselé. Ses traits pouvaient ressembler à des arêtes coupantes et saillantes de la plus dure des pierres taillées. Elle était belle, c'était indéniable, mais bien plus que cela, elle était impressionnante.

— Je t'en prie. Toi d'abord.
— Ah ah ! Tu me taquines, mais tu ne me feras rien.
— En effet. Je resterais chaste quel qu'en soit les circonstances.
— Et mettre ton visage dans ma poitrine, c'est de la chasteté ? dit-elle en arquant un sourcil.
— Je n'y peux rien si tu n'es pas de pudeur devant ma pureté.
— C'est trop facile de se dédouaner sur l'Humaine !
— L'Humaine à un corps trop sensuel pour qu'on ne s'y attarde pas.

Neah vit le rougissement sur le visage de sa partenaire devant ce compliment. Elle n'y était pas insensible, lui-même ne l'était pas. Plus il la regardait, plus il la trouvait attirante. Il y avait une telle harmonie entre son allure guerrière et sa beauté délicate que l'Ange se demandait si cela était bien réel. Difficile de lui enlever les images qui lui défilaient au travers de l'esprit, des souvenirs, des pensées, ou même l'idée d'un avenir en sa compagnie. Son sourire lui faisait du bien. Son regard s'attardait ensuite sur sa main. Sur cette marque à l'encre blanche. Il savait la vérité. Il la lui prit délicatement.

— J'aimerais en savoir plus sur ... Tu sais ? ... Ton pouvoir.

Ils en étaient revenus, dix ans plus tôt, à peine remise des événements de Cael et de sa pluie sanguinolente, l'Humaine avait dû répondre à la myriade de questions de Neah. Sans parler d'apaiser son esprit pour ce qu'il considérait comme une trahison.

— Si tu ne veux pas en parler ...
— Je ne sais rien d'autre que tu ne saches déjà.
— ... Tu l'utilises ?

Elle acquiesça.

— Je ne t'apprends rien, mais ... C'est dangereux pour toi.
— Je t'assures que je suis très prudente. Je veux seulement ... sauver des vies. J'ai même entamé des études de médecine pour mieux le comprendre et l'utiliser. Et ainsi le dissimuler.
— On ne voit pas l'évidence, huh ?

L'Ange sourit. Subitement, sans en comprendre pourquoi, l'Humaine ressenti un souffle glacial lui retomber sur la nuque. Était-ce la nuit ? Était-ce le vent ? Était-ce ses regrets, ses peurs et la trahison qu'elle avait faite ?

— Neah ... Tu me détestes ?
— Tu crois qu'un petit tour de magie me répugne ? dit-il avec un clin d'oeil.

Cette question subite déroutait son Gardien. Il préférait néanmoins la tourner en dérision pour lui éviter des inquiétudes inutiles. Il n'avait pas compris où elle voulait en venir, alors elle choisit d'être plus précise.

— Sans moi ... Sans ce pouvoir ... Il n'y aurait peut-être pas eu le Czírnúma.

Post XII - 1900 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Neah ressenti une main glacée lui saisir la gorge, se retrouvant dans l'incapacité à répondre devant la manière d'en discuter de son aimée. Croyait-elle réellement que tout ceci était son oeuvre ? Malgré l'immense maîtrise qu'elle avait sur son corps, tous ses sentiments venaient d'imploser et leur proximité, relier par leur Lien ... Tout. Il ressentait tout avec une si grande netteté. Sa culpabilité suintait réellement dans chacun de ses battements de coeur, cette remarque avait dû rester scellée dans l'espoir de ne jamais la revoir. Ils savaient. Ils avaient envie de le dissimiler et de ne pas en discuter ... mais c'était un fait.

— ... C'est vrai que tu as certainement ta part de responsabilité, mais rien ne garantit qu'Azmog serait mort de sa blessure. Rien ne peut t'assurer que ça l'aurait arrêté. Tu as cru qu'il nous aiderait à vaincre les fidèles de Sympan, mais ce Vil à évidemment retourner sa veste au dernier moment. Tu savais que ce serait vain de vouloir changer un Démon, mais tu as tout de même voulu voir ses promesses sur la durée, donner une chance à notre camp. Ce n'était pas une si mauvaise idée ... S'il n'avait pas trahi, nous aurions peut-être remporter la victoire et les Aetheri ne nous auraient pas ...

Maudits. Ils avaient pris dix années de vie à certains Humains, d'autres avaient vu la vieillesse les rattraper si rapidement qu'ils avaient dû unir leur existence à des Gardiens. Quant aux Anges, ils avaient été privés de leur capacité à procréer des Ailés ... Privés de tout.

— Peut-être que ton geste l'a convaincu de ne pas écraser les Humains. Peut-être qu'il voulait se montrer reconnaissant, à sa manière ...
— J'aurais sauvé mon peuple ... au détriment du tien ?

Cette idée n'était pas incohérente. Sans les Anges pour prendre leur défense, les Humains étaient soumis à la haine des autres races. Si le temps depuis la Chute d'Al'Asl avait permis à ce qu'ils soient tolérés, cela ne changeait rien que les Maléfiques auraient pu, définitivement, les exterminer. Des larmes coulaient sur ses joues, Mancinia mis ses deux mains devant son visage, des sanglots étranglaient sa voix.

— C'est trop cruel !
— Ce sont les Dieux qui sont cruels.
— Je le tuerais ... Je le jure que ...

Neah mis sa main sur l'épaule de son Humaine, l'attirant à lui pour la prendre dans ses bras.

— Je suis vraiment un boulet, sur tout ! Tout ! Je t'ai repoussé égoïstement, parce que je me croyais invulnérable ! Je n'ai pas vu mes sentiments en face au Bal d'Encens, nous sommes partis en guerre et ... et ! Tout ça ! Je me suis réveillée et j'ai de nouveau chamboulé ta vie ! Tu n'es pas parti aux Explorations à cause de moi ! Sans notre Lien, tu serais partit à Iyora et tu aurais brillé comme tu l'as toujours fait en mon absence ! Tu es resté uniquement parce que je ne t'avais pas dit que je t'aimais ! Si je l'avais fait, tu ...

Elle le repoussait, doucement, comme si elle n'avait plus la moindre force.

— Pourquoi tu te restreins à cause de moi ? ... Ou c'est moi qui fait mal les choses ? Je ne sais pas ... Je ne sais plus.
— Aaah, mais quel petit être sensible !
— Ce n'est pas drôle, Neah !
— Si, ça l'est.

C'est alors qu'il mis sa main sur son visage, refermant ses doigts pour pincer sa joue.

— Tu n'es pas la source de tous les malheurs du monde, certains en ont tellement créer que ce n'est plus la peine de ressasser ... Ils tellement fait pire que toi. En ce qui me concerne, tu es plutôt la source de mes bonheurs, ça oui. Je voulais vraiment m'en aller, Mancinia, c'est certain ... Cependant, si cela avait été le cas, ces mois que nous passons l'un à côté de l'autre n'auraient pas exister et puis ... Je n'avais pas envie de partir à Iyora.
— Pourquoi ? Si ce n'est pas pour moi ... Pourquoi ?

L'Ange saisi son visage entre ses mains, écrasant de ses pouces les larmes naissantes à ses yeux, son sourire la faisait tellement chavirer qu'elle en oublierait presque de respirer.

— J'aimerais créer un territoire qui nous soit propre. Un endroit où nous pourrions être, de manière totalement égoïste, ensemble. Sans nous soucier de la distance qui nous sépare, sans me soucier du fait que je dois assurer mes fonctions et ne te voir que sommairement, sans que toi, tu n'es à te soucier de cela et te consacrer à tes ambitions ... Sans que nos enfants aient à grandir entre deux parents dont la distance les broient ... Iyora ne me l'aurait pas permis. Je veux ... Créer un territoire entre les Anges et les Humains.

L'Humaine eu le geste de mettre sa main sur son ventre. Des enfants ... A eux. Ensemble. Là où ils n'auraient pas à être séparés chez l'un et l'autre, avoir le sentiment d'être abandonné comme elle en avait souffert au départ de l'un ou l'autre de ses parents, comme s'ils ne pouvaient pas être unis.

— Sans doute trouves-tu cela un peu pitoyable et égoïste.
— Un ... Un tel amour pour nos deux races ... Nous ne sommes pas les uniques paires de nos peuples, alors ... Je trouve ça ... tellement beau.
— Et si on le construisais ensemble ? Si tu as le sentiment de devoir te racheter, essaie de ... Construire des choses.
— Oh ... Je le voudrais tellement.

Dans un élan passionné, tandis que la nuit mettait sur eux son plus profond voile sombre, Neah l'embrassait, tandis que les bras de Mancinia se nouaient autour de son cou. Ils restèrent là durant quelques minutes, front contre front. L'Humaine passait ensuite sa main sur ses yeux pour balayer sa tristesse.

— Je me sens mieux, merci.
— J'essaie de me dire que la balance se rééquilibrera. Les Démons paieront pour tous les crimes qu'ils ont commis.

Mancinia acquiesçait, un léger sourire aux lèvres. Se redressant, elle revenait près de leur feu de camp, suivie par son Gardien. Cette chaleur était bien froide comparer à la tempête dans son esprit. Si elle pouvait seulement le sentir tout contre elle cette nuit, comme auparavant.

— Je prendrais le premier tour de garde, reprit-elle pour rompre le silence.
— Ce n'est pas nécessaire. J'ai pris quelque chose qui devrait nous permettre de nous reposer.

Intriguée, l'Humaine le vit extraire de sa poche une sorte de pierre translucide où reposait, figée dans sa prison de roche, une fleur de cerisier comparable à celles que l'on retrouvait sur les Terres d'Émeraude. Mancinia n'avait jamais vu ce matériau auparavant, cela l'intriguait assez. Elle s'attendait à voir quelque chose, mais seule une lumière blanche à peine détectable semblait émaner de ce dernier. L'Ange eu un tressaillement et même s'il ne dit rien, son visage devenait blême progressivement. Sans doute que cela exigeait un haut niveau magique ? Elle choisit de ne rien dire et de regarder les alentours. Rien n'avait changé.

— Bien, dit Neah. Personne ne devrait pouvoir franchir cette barrière.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.
— On surnomme cet objet La Pétale du Souvenir. Il se dit qu'autrefois, un Humain délivrât une Orisha. Ils tombèrent amoureux l'un de l'autre, décidant de rester ensemble, mais lorsque cette dernière perdit la vie, il emprisonna son dernier souffle de vie dans cet artefact. Dès lors, lorsque le possesseur le souhaite, la fleur contenue à l'intérieur permet de protéger une zone de quelques mètres autour de ce dernier.
— Les Humains ne peuvent pas se servir de la magie, notait Mancinia.
— Redis ça, pour rire.

S'amusant du secret qu'il détenait, Neah remis l'objet dans sa sacoche. Malgré la chaleur de ses propos, il sentait sa gorge glacée et des picotements dans tout son corps. Son énergie se désagrégeait progressivement, mais mieux valait ne pas inquiéter sa partenaire. Surtout que pour expérimenter des magies qui annihilaient la sienne, l'Ange prenait progressivement l'habitude de ces sensations désagréables. Tout n'était qu'une question d'habitudes et d'envie de ne pas céder à la facilité que conférait leur Magie. S'il comprenait les personnes détestant par-dessus tout qu'on leur prive de leur essence, les Humains n'étaient pas si dérangeants. Juste qu'ils avaient peur. Et cette peur engendrait la haine. Et la haine ... Des êtres brisés. Neah relâchait un soupir en revenant se mettre à ses côtés. Les flammes étaient agréables et en scrutant le visage de Mancinia, il y vit de l'apaisement, tandis qu'elle retournait doucement la viande qu'elle avait emportée. Elle dormirait, paisiblement, ce soir, dans cette zone de protection. Évidemment, c'était un moyen pour qu'elle reste tranquille, car il sentait clairement ses faiblesses et sa fatigue. Est-ce que les règles affaiblissaient autant les femmes que les rumeurs le disaient ? Si c'était le cas, une moitié de nuit perdue serait nuisible. Autant qu'il assure leur protection lui-même, c'était son rôle, après tout.

— Est-ce que tout va bien, Neah. Je te sens ... agité.

L'Ange tressaillit. Leur Lien, leur proximité, leurs habitudes ... Elle ne pouvait rien lui cacher, mais l'inverse était tout aussi vrai. S'il ne lui disait pas la vérité, elle s'inquiéterait ou fomenterait soixante possibilités.

— Il y a un autre effet dans cet endroit que tu ne peux pas ressentir ...

Sa voix était anxieuse, mine de rien, mais il sourit en se voulant rassurant.

— J'ai perdu ma magie.

Mancinia écarquillait les yeux de stupéfaction, comprenant bien vite que l'artefact s'en nourrissait probablement, très vite, un sourire rassurant et amusé germait sur les commissures de ses lèvres.

— Aaah ... Ça me fait étrange de ne pas être seule ce soir. Dans tous les sens du terme.

Sans aucune maîtrise de ses sentiments, Neah se lassa aller en posant sa main contre la joue de sa Protégée, dégageant au passage une mèche rebelle. Son pouce caressa délicatement cette peau qu'il trouvait un peu rêche.

— Tu n'es plus seule, Mancinia, dit-il avec douceur et chaleur.
— Oui, tu es comme moi, maintenant, dit-elle avec un sourire taquin.

L'Ange rit spontanément sous sa remarque. Comme s'il était Humain. Comme s'il n'avait plus besoin de la quitter. Il l'embrassait à nouveau en se laissant totalement submerger par le bonheur de sa proximité. Sans comprendre la raison qui l'avait conduit là, Neah était au-dessus d'elle, rien que de sentir le poids de son corps sur le sien faisait naître une chaleur dans son ventre. Mancinia mit ses mains à l'entoure de son cou, un léger sourire aux lèvres, l'attirant vers lui pour l'embrasser à nouveau. Leurs lèvres se scellèrent quelques instants. Le Capitaine se sentait détendu et confiant. Il descendit ensuite vers son menton, puis vers sa gorge. Le coeur de la Marquise s'était emballé et son souffle en devenait court. Il se redressait en contemplant ses joues roses. Adorable. Il avait envie de la dévorer. Vraiment ... Déballer ce précieux cadeau et de la dévorer.

— Si tu en as envie ... On peut ...

Cette phrase murmurée était comme un cri qui le ramenait à la réalité. Il observait son Humaine, le souffle court. Elle était magnifique. Elle se languissait de ce moment où ils ne formeraient qu'un. Et lui ... Il ne voulait pas. Il ne pouvait pas. Son regard trahi son grand trouble et toutes les sensations qui se battaient en lui, avant qu'il ne morde sa lèvre inférieure avec violence et ne se redresse en tremblant, la laissant allongée au sol, alors qu'il allait près de la rivière pour s'éloigner de tout ceci. Ils ne pouvaient pas.

Post XIII - 1920 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

Mancinia était restée un instant à contempler les cieux, les étoiles brillaient vraiment. Sa température corporelle était redescendue et elle ressentait à présent un immense vide glacial malgré la présence du feu à ses côtés. Sa respiration était revenue à la normale et son visage se tournait vers le dos de son compagnon, reparti près de la rivière pour apaiser ses tourments, visiblement encore sous l'effet de ce qui venait de se produire. Se redressant doucement, l'Humaine remarquait que la viande était prête et l'ôtait pour ne pas qu'elle brûle, gâchant encore plus cet occasion manqué. Elle se sentait responsable. Jamais n'arriverait-elle à faire quelque chose de correct dans son couple ? Se mordant la lèvre inférieure de colère et de frustration, essayant de continuer à cuisiner vainement. C'était trop dur. Toujours ... Toujours le besoin d'être rassurée. C'était tellement énervant. Et c'était contre elle que ses sentiments étaient orientés. Se redressant tout en se rapprochant de lui, elle le vit s'asperger à nouveau de l'eau sur le visage. Encore. Parce que ce geste ne le quittait pas.

— ... Neah ? l'appela-t-elle doucement.
— Je suis désolé, répondit-il de but en blanc. J'ai perdu le contrôle ... Je ne voulais pas te faire ça.

Ses mains tremblaient doucement. Quel que soit ses efforts, il ne parvenait pas à oublier des songes plus inavouables. Le Lien entre eux était si profond qu'il les attirait irrémédiablement l'un vers l'autre. Ce n'était pas une simple passade. Pour Neah, Mancinia était beaucoup plus que ça. Une présence de chaque instant. Dès qu'il entre dans une pièce, elle s'incruste dans sa rétine. Son sourire est renversant. Ses gestes lui paraissent tous si gracieux. Il voulait simplement s'enfermer dans une pièce en sa compagnie et ne jamais en sortir. Jamais. Juste être ensemble, éternellement. Sans doute que l'Amour rendait sacrément aveugle, mais il en avait très envie ... Ce n'était pas comme s'il était une victime, sinon, il n'aurait pas répondu par l'affirmative à ses sentiments, pas vrai ? L'Humaine prit place à ses côtés. Rester sur ce moment risquait de générer des colères inutiles s'ils n'en discutaient pas.

— Ce serait mal si ... c'était moi ?
— Non. Seuls les sentiments comptent, mais cette envie n'est pas naturelle.
— ... Oh.

Neah voulut sa taper sa main contre le front. Il n'était pas avec un subalterne et devait faire preuve de plus de délicatesse, même si la situation le frustrait autant qu'elle. Que les sentiments étaient fragiles.

— Je voulais dire que tout empeste une magie qui me contraint à avoir des pensées que je n'aurais pas en temps normal. Ça allait encore au domaine, mais ce soir ... Je n'aurais pas dû.
— J'y pense de temps en temps, moi, alors ça ne me dérange pas que tu l'imagines. C'est même rassurant que ...

Neah s'était retourné dans sa direction, la surprise marquant ses traits, le regard de Mancinia dérivait vers ailleurs.

— Ben oui ..., reprit-elle avec gêne en passant sa main dans son cou. J'ai même rêvé qu'on ... Enfin. Je l'ai déjà bien imaginer !

L'Ange était muet. Ce n'était pas ce qu'elle lui avait dit quand ils avaient dormis ensemble ! Non, une seconde. Elle lui avait juste dit qu'elle aimait bien les femmes et qu'elle ne s'était jamais touchée en pensant à lui. Les rêves ne se contrôlaient pas. Alors, Mancinia l'avait déjà imaginé en train de ... ? Remarque que ...

— Moi aussi, admit-il à demi-mot, embarrassé. J'ai eu quelques rêves, parfois. Rien de bien désobligeant ! Ceci dit ... Oui. J'ai très envie de toi, Mancinia. Mais ici ou chez toi, même si on le désire vraiment, j'ai l'impression qu'on nous contraint et tu dois comprendre que la Luxure n'est pas ...
— C'est ce que je suis à tes yeux ? De la Luxure ?
— ... Oui, finit-il par admettre. Ça me frustre autant d'être avec toi et de ne rien faire que ... que d'être avec toi et juste ... être à tes côtés me rend heureux. Tout me convient. Je veux seulement être marié pour avancer, je ...
— Je sais, dit-elle en apposant un doigt sur sa bouche. Je serais patiente. Excuse-moi. C'est ma faute.

Elle lui rendit la parole, mais il ne la reprit pas. Il voulait lui dire que ce n'était pas sa faute, mais aucun son ne sortit de sa bouche. En effet, elle avait raison ... C'était plus simple de se dédouaner sur l'Humaine que de simplement laisser parler ses sentiments.

— Est-ce que ... Je peux au moins être dans tes bras ?

Son petit air suppliant le faisait fondre. Comme toute réponse, l'Ange passa son bras derrière son dos, sa main reposant sur son épaule opposé pour l'attirer à lui, tandis qu'elle se blottissait contre son torse.

— J'étais comment dans ton rêve ? relâchait-il subitement.
— Curieux ? rit-elle. Eh bien ... Nous étions de sortie et tu étais entreprenant toute la soirée. Tu n'hésitais pas à m'enlacer et m'embrasser. Tu as eu des gestes que tu n'aurais pas en public. C'était étrange. Et quand nous sommes rentrés tu m'as repousser sur le lit et ... Woah.

À l'entendre, le moment avait était d'une rare passion. Neah fit la moue.

— C'était si bien que ça ?
— Oooh, oui. J'espère que ... Hihihi. Et moi alors ? Je faisais quoi ?

Normal d'être intriguée. À quoi pouvait bien rêver son petit Ange pur et chaste ?

— Tu ..., commençait-il en se grattant l'arrière de la nuque, nerveusement. J'étais en train de me changer et impossible de retrouver mes vêtements. Ça m'agaçait et tu es arrivée. Tu avais ... mon uniforme sur toi. Comme si le rêve l'avait adapté à ta taille. Je savais qu'il était à moi, mais tu disais que tu ne me le rendrais jamais et en voulant reprendre la veste, nous sommes tombés sur mon lit et ... Je t'ai littéralement arraché mon uniforme du corps. Il était en miettes. Nus dans un lit, ensemble, vraiment ... Je n'étais pas moi-même après.
— Alors les Anges font des rêves érotiques, eux aussi, nota Mancinia, songeuse.
— Pourquoi n'en ferions-nous pas ? soupirait Neah devant ses préjugés.
— Je ne sais pas. Vous dégager une impression de pureté tellement évidente que ...
— Nous ne sommes tout cela que lorsqu'il s'agit d'Amour. Je t'aime, alors oui ... Je rêve de t'arracher les vêtements et d'aller plus loin, mais parce que tu es ma seule partenaire.
— Je vois ... Il faut vraiment que je me procure un uniforme de Yüerell.
— Non, mais non !

Mancinia se mit doucement à rire tandis qu'il protestait. Entendre son coeur battre un peu plus vite, alors que son oreille était mise sur son torse, lui donnait raison.

— Pour les Anges, le mariage est vraiment un engagement sérieux, hein ?
— Bien sûr que c'est sérieux ! protesta Neah encore plus vivement. Crois-tu que nous serions prêts à mettre notre vie dans les mains de l'autre s'il en était autrement ?
— D'accord. D'où la demande de pureté des deux partenaires, hum.
— Non, tu ... Je ne peux pas coucher avec quelqu'un d'autre que toi. Je dois aimer pour m'offrir. Si toi tu as d'autres préférences tu ... Tu peux. Ce n'est pas grave si tu n'es plus vierge, je ... Enfin.
— Parce que je ne peux pas être Déchue, c'est ça ?

Approuvant d'un mouvement de tête, l'Ange n'en dit pas plus. Une telle rupture provoquée par la Déchéance causerait la fin de leur couple. En se redressant un peu, Mancinia vit dans ses yeux la douleur à l'idée d'une attirance ailleurs. Elle aimait bien ses proches masculins, mais pas à ce point ...

— Je veux que tu n'aimes que moi. Aussi égoïste soit ma demande ... N'aime que moi, Mancinia.
— Je n'aime que toi. Si mes sentiments changent, tu le sauras. Et ce n'est pas le cas ... Je n'aime que toi. Je serais patiente pour toi ... Je serais seulement encore plus frustrée ! Je crois qu'il est probable que je te défie en duel pour passer mes nerfs, Canine Blanche !

Elle avait dit cela en rapprochant son visage du sien pour l'embrasser. Elle sentit le sourire de Neah sous ses lèvres, avant de se blottir à nouveau contre lui. L'eau de la rivière était si paisible, éclairer par la faible lueur derrière eux. Ils n'avaient plus vraiment faim. Ni de la nourriture ... ni de l'autre.

— Je ... C'est que ... Je veux aussi que ce soit ... plus romantique.
— Comment ça ?
— Je ne sais pas. Des bougies, des fleurs ... Un lit pour commencer.

Mancinia eu un rire franc.

— Mais Neah, quand on est ensemble, c'est surfait, tu ne crois pas ?
— Je veux que tu sois à l'aise. On m'a dit ... Enfin ... Je sais que la première fois est assez stressant pour les femmes. Enfin ... Je crois ! Et ... Je n'en sais rien pour toi, mais moi, ça me stresse !

Il s'était mis à bégayer. Lui aussi éprouvait un peu de gêne d'en discuter.

— Tu es stresser de coucher avec moi ?
— Oui !
— Mais ... Pourquoi donc ?
— J'ai peur de te faire mal.
— J'étais plutôt en train d'aimer ça quand tu me touchais.
— C'est stimulant, mais ... Le reste ... Non ?
— Je n'en sais rien. Je suis aussi vierge que toi, figure-toi !

Son sourire se figeait.

— Nom d'un Sympan, Neah, tu n'es pas vierge ?!
— Bien sûr que si !

Mancinia ne savait pas si cette pensée la dérangeait ou non. Pas vraiment, mais ... C'était agréable de savoir que l'autre se préservait pour soi, en vérité.

— ... Est-ce qu'on est réellement en train de parler de ça ?
— C'est toi qui as abordé le sujet.
— Je me sens tellement con. J'en perds mes moyens.
— Cela me rassure que qu'on se parle. On est à deux pour cette aventure-là de toute manière !
— Les Aventures de Mancinia Leenhardt et Neah Katzuta, confrontez-vous à la crainte de votre première fois ! Ah ah ah ! Je me demande si des gens seraient capables de lire une bêtise pareille !
— Il y a toujours des voyeurs intéressés, rit Mancinia.
— Et si ... Nous allions manger ? ... Et dormir ! Une longue journée nous attends demain.

L'Humaine se dégageait de son étreinte, avant de se redresser en même temps que lui. Ils riaient. Ils se sentaient soulagés. C'était mieux que de se faire la tête. Mancinia remis réchauffer la viande quelques instants, avant de lui mettre dans une écuelle et de lui tendre. Elle vint s'asseoir à ses côtés pour manger avec un appétit retrouvé. Ils se voyaient si peu que ce serait du gâchis de demeurer silencieux.

— Parle-moi un peu de la Compagnie, de tes collègues ... Je suis curieuse. J'aimerais bien savoir si la Canine Blanche est amie avec le Démon Blanc, par exemple.

Neah ouvrit les yeux, observant les flammes un instant sans comprendre.

— Le Démon Blanc ?
— Oui ... Hayden Endeover ... C'est ça ?
— Ce n'est pas celui-là son surnom.
— C'est comme ça qu'on le nomme chez les Humains.
— Par Ahena, soupira Neah en riant. Alors, non, laisse-moi t'expliquer ...

... Mancinia s'était endormie contre son épaule. Paisible et en confiance. Il l'observait ainsi sereine, avant d'embrasser son front.

— Bon sang ... Je t'aime comme un dingue. Je vais en perdre la tête.

Et plus s'il ne prenait pas attention.

Post XIV - 1870 mots

L'Indésirable du Marquisat
de Nylmord

Ambiance

C'est un petit éclat lumineux sur ses yeux qui éveillait le Gardien de sa nuit, il entrouvrit l'oeil pour le refermer aussi tôt. C'était désagréable d'être aveuglé au saut de couverture. Il tournait son visage sur le côté avant de les ouvrir à nouveau et de voir la silhouette de Mancinia à quelques pas de lui. Elle était en train de faire quelque chose, mais il ne savait pas quoi exactement. Ses longs cheveux étaient relevés en une queue de cheval dont les mèches étaient bercées par le vent. Une vision pure et agréable. Il restait quelques instants à l'espionner, le temps de se réveiller complètement. L'Humaine n'avait rien dit durant quelques instants, mais savait très bien que son regard parcourait son dos.

— Tu as bien dormi ? demanda-t-elle en se retournant vers lui.
— On ne peut mieux et toi ? l'interrogea-t-il en se redressant.
— Ça me manquait de dormir à la belle étoile.
— Toi aussi ?

Il rit. C'est vrai qu'ils s'étaient habitués à deux modes de vie bien distincts, mais une grande partie de leur existence s'était faite sur les routes. Évidemment, cela laissait quelques courbatures, alors Neah veillait à bien détendre ses muscles. Mancinia se redressait pour venir s'agenouiller près de lui et lui montrer une sorte de chemin sur la carte.

— J'ai un peu fait le tour des environs, ce matin. J'ai découvert des traces d'un passage récent à quelques minutes de marche à peine.
— Ils sont bien là, alors ... Mais pourquoi restent-ils ?
— Nous leur demanderons quand nous les trouverons et s'ils ne répondent pas ...

Mancinia haussait les épaules. Il se rendait compte que, plus le temps passait, plus elle était moins encline à vouloir les laisser repartir en bonne santé. Du haut de cet endroit dissimulé, personne n'entendrait crier un être à l'agonie. Ce n'était que Justice que d'abattre les Vils. Elle-même ne comprenait pas non plus la raison qui pousserait des Démons à s'attarder sur le marquisat détenue par une Humaine. Les deux races se détestaient ouvertement et, même s'ils n'étaient pas en guerre, il était évident qu'ils voulaient la narguer ouvertement par leur présence.

— Je n'ai pas l'intention de les laisser repartir en vie.
— Ça tombe bien ... Moi non plus.

---

— Tenez qui voilà ! La Marquise de Nylmord !

Mancinia se dirigeait vers eux sans l'once d'une hésitation, arme en main. Son Ma'Ahid devait empester à des lieues, mais dissimuler dans une grotte au creux de cet amas rocheux, ils devaient l'attendre volontairement, confiants. Si elle s'était attendu à une embuscade ou à un piège, elle se rendait vite compte que sa présence avait interrompu une tout autre activité, pour peu que certains fussent couverts lors des ébats. Ils étaient quatre, dont trois à se vautrer sur le sol, le dernier debout, en train de boire à la gourde.

— Bonjour, Madame la Marquise !

Le Démon s'inclinait à la manière d'une femme, désignant autant son mépris que son arrogance. Il y avait de l'électricité dans l'air et ce dernier se mit à ricaner devant sa mine glaciale.

— Vous êtes sur mon territoire ... et vous n'êtes pas les bienvenus,
— Nous allons donc repartir, Marquise. Laissez-nous au moins terminé nos affaires, hé hé.
— Non.

Son ton ne semblait guère plaire à ses interlocuteurs, mais ils se contentaient de sourire, l'air mauvais. Ils semblaient fiers de leur méfait.

— Je veux savoir ce que vous avez fait aux habitants de mes terres.
— Nous ? dit-il en mettant sa main sur son torse, l'air faussement innocent. Pourtant, ils ne souffrent d'aucun maux ! Nous n'avons rien donner d'autre que tu plaisir à vos gens, ne voudriez-vous pas être reconnaissante ?
— Comment auriez-vous pu leur être agréable ?

Le Démon haussait les épaules, elle relâchait un soupir.

— Aaah ... Merci de votre réponse, maintenant ...

Elle pointait Nibelungen dans leur direction.

— Je vais prendre vos têtes.
— Hop hop ! reprit-il avec un ton amusé. Nous n'avons rien fait. Nous nous sommes juste venus nous profiter de la vie, ici. Cet endroit est fort agréable, après tout. L'hospitalité des Humains est légendaire, alors pourquoi montrer vos crocs ? Amenez-vous et montrez-nous autre chose. A moins que vous préfériez qu'on ne vienne vous prendre ?

Dévoilant sa dentition, tandis que ses compagnons se redressaient aussi, comme des fauves prêts à bondir, cet être à la carrure impressionnante esquissait un pas en sa direction,

— Ne bouge pas.
— Tenez qui voilà ! Le Toutou Blanc !

Son air n'était que peu surprit, indiquant qu'il l'attendait. Ce n'était pas un secret, leur paire était revenue sur le devant de la scène. Bien évidemment, l'Ange ne se voulait pas discret non plus. Il avait attendu sur le côté, désireux de savoir la raison de leur présence, mais quelques paroles avaient suffit. Ils étaient responsables. Sans doute avaient-ils reçus des ordres, ou réaliser un Pacte, mais ils l'avaient admis. Visiblement, la présence de l'Ailé crispait l'un des Démons, qui se redressait vivement. De ce qu'elle savait, Neah était un adversaire craint chez les Vils. Par ailleurs, ces derniers étaient privés de leur magie en sa présence, mais pas la Canine Blanche. A quatre sur une Humaine, peut-être auraient-ils eu une chance, maintenant ...

— Vous ne voulez pas vous amusez avec nous, hum ?

Neah ricanait devant ses propos.

— Nah. J'en profiterais seul sur vos cadavres.

Cette idée amusait Mancinia. Ce devait être sauvage de massacrer ses ennemis et de se laisser aller ensuite dans une passion dévorante. Peut-être ... un jour. Ses yeux, plus brillants que jamais, luisaient du danger qu'il devait craindre, se plantant dans le regard de son ennemi. Ce n'était plus le moment de dialoguer. Il était l'heure de faire danser les armes.

---

Sa poitrine se soulevait suite à ses efforts, elle essayait de reculer vers la paroi en traînant son dos au sol tout en s'aidant de ses coudes, sa mâchoire se crispait tandis que sa main tenait son côté droit pour essayer d'endiguer l'écoulement de sang. C'était la dernière. Elle était blessée. Ils ne s'attendaient pas à l'emporter sans quelques blessures, mais de là à se faire tuer par un Emplumé et sa pute, c'était vraiment rageant.

— Eh bien. Je me suis bien amusée avec ce Magicien, au moins ... Aaah ... Je te dis un secret si tu me libères, Marquise.
— Non.
— Tu veux pas savoir ce que cet abruti d'Harluk voulait te dire ?
— Vous attaquiez des innocents. Vous avez maintenant perdus.
— C'est la guerre, ma petite ! Et quand c'est comme ça, on extermine les bâtards de l'ennemi ! Mais que pourrais-tu comprendre ?! Personne ne gagne à affronter des limaces et c'est un honneur à ton encontre, salope !

Mancinia regardait Neah, chacun avec une expression glacée, mais il lui fit un sourire en coin, dévoilant une canine affûté.

— Termine le travail, ma chérie.

L'Humaine le lui rendit. C'est alors qu'il vit, ce main arrachant quelque chose à la ceinture. L'Ange eu un mouvement net. Prévenir Mancinia n'aurait servi à rien, il a alors tendu le bras. L'objet s'était fracassé contre sa pièce d'armure, le produit qu'il contenait aspergeant les vêtements de sa Protégée, mais également les siens, une traînée atterrissant contre sa joue, près de sa bouche. Il avait veillé à ne pas en avaler, mais le liquide noir semblait lui brûler la peau. Il sentit un courant électrique dans tout son corps, provoquant un spasme qui l'expédiait à genoux au sol, il essayait de se maintenir en prenant appuis sur ses mains sans s'effondrer totalement.

— Neah ! Qu'est-ce que ... ?
— Ça me brûle le visage ... !

Ses bras tremblaient violemment, peinant à soutenir son poids, ne pouvant même pas enlever cette crasse qui semblait ronger sa chair. Paralysé. Mancinia mis un genou pour se mettre à ses côtés, sa main sur son épaule, en geste vain pour le soutenir. Un rire parvint à leurs oreilles. Elle se retournait vers elle en grinçant des dents. Saleté ! La Démone la regardait avec amusement et mépris, même aux portes de la Mort, elle ne comptait pas renoncée.

— Comment vous trouvez ? Plutôt pas mal, hein ?

Elle avait du mal à soutenir le regard incendiaire de l'Humaine, mais elle était sa seule porte de sortie.

— J'ai l'antidote, sourit-elle. Laissez-moi partir et il est à vous.
— Ja ... mais !

Neah avait toute les peines du monde à parler, mais il était hors de question que sa vie repose sur le bon vouloir d'un Démon. Plutôt mourir. Le regard de sa Protégée retombait sur lui, tandis qu'elle usait d'un morceau de tissu arraché pour nettoyer la trace sombre. La respiration de son compagnon se fit sifflante.

— Rien ne pourra le soigner autrement.

L'Humaine ne réagissait pas, elle était songeuse, mais également sereine depuis que la surprise c'était amoindrie. Cette confiance en ses capacités était étrange. La Démone grinçait des dents d'agacement.

— Vous laisseriez mourir votre Ange Gardien, Humaine ?! N'y a-t-il pas un Lien qui vous unis ?!

Sans doute une pointe de panique l'avait saisie, car si l'Ange mourrait, elle le suivrait dans la tombe. Elle ne s'était pas attendue qu'on soit prêt à ce genre de sacrifice. D'autres se seraient laissés aller à l'Espoir de ses propos, pourtant ...

— Neah ... Je ne peux pas te soigner de manière naturelle ... Est-ce que tu me fais confiance ?
— T ... Tou ... Toujours, sourit-il.

Alors, elle tendit la main pour toucher sa joue, tout en mettant ses convictions en Sympan. Car il était le seul, malgré sa Foie égarée, qui ne l'avait jamais abandonnée. Les traits d'encre blanc irradièrent d'une douce lumière nacrée, les traits crispés de douleur de son Gardien s'estompèrent au bout de quelques longues secondes. Mancinia, essoufflée sous l'effort du combat, était d'autant plus perlée de sueur. Neah se remis en tailleur, l'observant avec un regard surprit. Cette sensation avait été si incroyable, comme si le mal était arraché de son corps.

— C'était donc ça ...
— C'est ... !

L'exclamation de surprise étouffée surgit de la gorge de la troisième personne. La Démone se mis à reculer d'autant plus vite, essayant de dominer sa douleur. Elle avait peur. Mancinia la regardait, son regard était las. Il lui était désormais impossible de la laisser repartir. Cette ennemie en savait trop. Elle se redressait alors, reprenant son arme, pour s'avancer vers son corps meurtri.

— Et oui, ma chérie. Je suis une Humaine capable de me servir de la Magie.
— Qu'est-ce que ... Qu'est-ce que vous êtes, putain ?
— Je suis l'Élue de Sympan.

Elle mit la pointe de sa lance contre sa gorge. Le regard de son ennemie était indéchiffrable.

— Et toi, tu es morte.

La Démone eu un sursaut au moment où sa gorge était percée, avant qu'elle n'ouvre la bouche dans une dernière confession, mais seul le sang émergeait. L'instant d'après, le silence glacial de la mort se répandait dans la grotte quand son corps retombait définitivement sur le sol.

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