Les désirs purs du Chevalier Bleu
Phobos

Intrigue ; Phobos réalise les vœux d'Alcide pour renforcer la connexion de sa créature des rêves avec Somnium.
RP liés ; L'inconnu qui t'est semblable ; La créature des rêves.

Fairytale - Gainsworth

Le Sylphe marchait au milieu de la cité des Rêves. A chaque pas, ses contours semblaient se remodeler. La ville était faite de la même matière que les songes : elle était vivante, se nourrissant de l'imagination de ses habitants. Elle était en évolution constante. C'est peut-être ce qui la rendait si ardue à arpenter pour le Génie. Il ne parvenait pas à se repérer entre les ruelles, les passages à ciel découvert ou les tunnels étroits, les bâtiments de brique puis de bois. Le tout s'enchainait de façon chaotique - peut-être parce que c'est ce qu'il était : un chaos, qui ne parvenait pas à se stabiliser. Parfois, quelques vues lui semblaient familières : mais ce n'était qu'un fragment du décor, une impression de déjà-vu au milieu d'un brouillard constant que formait sa mémoire. Il s'était demandé, une fois, si ces souvenirs-là appartenait à cette vie-ci ou bien à une autre, à son propre passé ou à celui d'un inconnu. « Tu ne la retrouveras pas ici, tu sais. » Phobos se retourna. Sous une arche, une silhouette féminine s'était postée pour l'observer errer. Nesloo le toisait, et le manieur de rêve sentit une vague étrange le traverser. Il dû attendre plusieurs secondes, à se sentir épié, observé, pour que sa conscience plongée dans un silence pesant finisse par former cette idée : il se sentait mis à nu. L'idée qu'un sentiment si humain pusse l'atteindre le déstabilisa. Durant tous ses rêves, chacun des vœux qu'il avait accordé, il avait appris des Songeurs, il s'était inspiré d'eux pour parfaire son rôle d'acteur. Il n'avait jamais songé que le masque pourrait autant lui coller à la peau, que son cinéma pourrait se confondre avec sa nature profonde.

« C'est ici que je l'ai vue. » C'était l'unique endroit où il l'avait rencontré, le seul où il avait pu se connecter à elle. Cette femme brune, dont il avait hanté les rêves. Mais désormais, il en était à se demander de savoir qui avait occupé l'esprit de l'autre. S'était-il imposé dans son subconscient, ou bien s'était-elle invitée en Maîtresse indésirable dans le sien ? « Peut-être. Mais elle ne reviendra pas. » Le Sylphe n'en avait pas encore conscience, mais la plus expérimenté avait remarqué la créature faite de Magie, qui renforçait les fondations de Somnium. Elle s'était mélangée aux autres, s'était fondue dans la cité des mirages. Nesloo l'avait reconnue. Peut-être que Phobos l'aurait également repérée, mais sa mentor s'était assurée d'éloigner la créature éthérée de son chemin. C'était une autre de ces apparitions qu'il se devait de suivre. « Comment le sais-tu ? » « Je le sais. » C'était ainsi. Ces paroles étaient absolues : Phobos n'eut même pas l'idée de les contredire, de se rebeller contre cet ordre muet de passer à autre chose. Bien qu'il s'en trouva contrarié, le Sylphe s'approcha de sa tutrice. Lorsqu'elle se manifestait devant lui, ce n'était jamais pour rien.

« Le reconnais-tu ? » Le duo s'était déplacé en silence, jusqu'à une cour intérieure, où avait fleuri un jardin abondant. Là, une luciole virevoltait. Ou bien un papillon ? Une créature d'éther, de Magie Bleue, d'une création toute particulière. « Alcide. » se souvint Lucette. En reconnaissant la Créature, Phobos avait reprit son identité passée - celle de cette gamine excitée, la pirate aventureuse, l'amie du magicien. « Il est encore faible. » reprit Nesloo. « Mais il est voué à devenir grand, et puissant. Redonner de la Vie à Somnium. A condition que tu saches t'en occuper correctement. » Lucette fronça les sourcils. « Comment dois-je faire ? » « Te comporter comme une Génie. » répliqua la femme. « Exhausser des vœux. Là-bas. » précisa la brune. Elle savait que son disciple avait formé un réseau onirique : il s'était fait connaître des adolescents de Basphel par ce biais. L'esprit des Rêves. Or, c'était hors de la Porte des Songes qu'il fallait tisser la trame de leur Lien, pour lui donner une véritable consistance, puiser en dehors ce qu'il y avait de meilleurs pour l'incorporer à l'intérieur également. « Combien de vœux ? » demanda l'ignorant. « Tous. Cet enfant deviendra ton Maître absolu. Tu l'exhausseras, le moindre désir, la moindre esquisse d'envie. C'est ainsi qu'il deviendra la source de ton Pouvoir. »

Message I - 746 mots

Les désirs purs du Chevalier Bleu
Phobos

Making water - Harry Gregson Williams

Phobos détestait le monde matériel. Il lui semblait que tout était toujours plus compliqué, là-bas. Ce n’était pas qu’une impression : hors de son habitacle –  où il avait la mainmise – et du monde des songes –  où sa volonté devenait maitresse – il n’était qu’un mirage faible. Il devait se faire violence pour ne pas incarner l’être de cauchemar qu’il était devenu, et accepter de jouer un rôle pour s’attirer la confiance de ses proies. Il n’était pas doué pour cette comédie qui ne lui était toujours pas naturelle. Nesloo le lui reprochait sans cesse, lui rappelant sans se lasser qu’il ne s’y habituerait jamais en se réfugiant dans le monde onirique plutôt qu’en venant s’entraîner ici. La génie avait raison, sans doute, mais cela ne facilitait pour autant pas la tâche au Sylphe.

Phobos inspira profondément. Ce rôle-ci, il l’avait déjà interprété. Il l’avait joué durant toute une après-midi : celle où leur lien s’était formé, où la Créature se Somnium s’était matérialisée. Sous les traits de Lucette, l’esprit des rêves s’ancra dans la réalité. Il atterrit dans une chambre. Cinq lits et autant de bureaux occupaient l’espace. Il y avait, ici et là, un peu de désordre, en proportions variées selon les occupants. La fillette s’approcha de l’un des bureaux, où une lettre traînait. Le curieux en lut quelques passages, avant de s’en désintéresser. Il avait senti quelque chose de bien plus intéressant, de plus important : là-bas, sur ce bureau, entre les pages d’un livre tel un marque-page, se tenait la carte de tarot qui lui servait d’habitacle.

Le magicien se tenait devant son bureau. Le dos courbé, il farfouillait dans ses affaires, soulevant puis reposant un cahier, déplaçant un papier ou un livre. L’être éthéré songea qu’il ressemblait à une minuscule tempête, avant de se raviser : même avec sa panique croissante, il continuait à ranger ses affaires derrière lui. Malgré son enthousiasme habituel, son visage dépeignait la contrariété. Phobos songea à le laisser dans sa détresse, à laisser croître son angoisse jusqu’à ce qu’il ne pût faire autrement qu’implorer son aide… Avec contrariété, il se souvint que leur relation ne pouvait plus fonctionner avec cette dynamique. Il ne devait plus être lui-même : il devait devenir la pirate, la joyeuse, l’étincelante Lucette, et son aura bienveillante qui mimait celle du blond.

« Alcide ! » fit l’adolescente en s’approchant de son camarade d’aventure. Son intervention avait fait sursauter le gamin, qui n’avait sans doute pas remarqué sa présence – comment aurait-il pu – et ne s’était pas attendu à ce que quelqu’un – d’autant plus une fille – vienne dans sa chambre. Après tout, les cours devaient avoir commencé à cette heure-ci. Cela rendait sa propre présence dans le dortoir étonnante. « Quelque chose ne va pas ? » demanda la fausse magicienne. Le garçon, après avoir repris ses esprits face à l’arrivée surprise de son amie, lui avoua avoir égaré un stylo qu’un camarade lui avait prêté et qu’il devait justement lui rendre dans la matinée. Malheureusement, le chevalier n’arrivait plus à remettre la main dessus depuis qu’il avait préparé son cartable. « Ne t’en fais pas, je suis certaine qu’on finira par le retrouver. A quoi ressemble-t-il ? » Le garçon lui décrivit l’objet qu’il avait égaré tout en recommençant son travail de recherche. Lucette s’accroupit et fit mine de commencer à le chercher par terre, tout en écoutant le garçon de l’Etain lui expliquer qu’il avait déjà regardé partout dans la chambre et qu’il ne l’avait vu nulle part, puis s’inquiéter que l’un de ses camarades l’ai embarqué par mégarde ou pire : qu’il l’ait perdu quelque part ailleurs dans Basphel. « Ça serait compliqué de le retrouver. L'école est tellement grande. » Le jeune magicien confia que là d’où il venait – Böraur, rappela-t-il - tout était plus simple : il n’avait qu’à demander à l’île et ses affaires réapparaissaient toujours, comme par magie. Le Sylphe trouva cette similitude avec ses propres capacités déstabilisante. S’agissait-il d’un autre endroit gouverné par son peuple ? Il n’en avait jamais entendu parler, en tout cas. Il se promit de penser à interroger Nesloo à ce sujet. « C’est drôle ça… Tu sais, je suis un peu comme Böraur. Je saurai mieux t’aider si tu me demandais de retrouver ton stylo. » répondit Lucette. Alcide sembla légèrement troublé mais finit par suivre le conseil : « Est-ce que l’on pourrait retrouver mon stylo, s’il te plait ? » La brune esquissa un sourire. Elle sentit sa magie s’activer, remonter tout au fond d’elle-même, vibrer jusqu’à le parcourir tout entier, puis déborder de lui-même. « Tu devrais regarder dans la poche de ton sac. » Le gentil obtempéra et, avec un cri de joie, sortit l’objet perdu. « On devrait se dépêcher, on va être en retard en classe ! »

Message II - 793 mots
Merci à Alvine de me prêter Alcide.

Les désirs purs du Chevalier Bleu
Phobos

Meet me on the Equinox - Death Cab For Cutie

Lucette se tenait sur le banc du stade. Elle regardait, sans comprendre, l’entrainement de Puffball. Il y avait les joueurs au centre du terrain, qui courraient, volaient et hurlaient tout en se jetant des choses à la figure que la spectatrice ne parvenait pas à identifier. Elle n’arrivait pas à savoir s’il y avait une logique derrière toutes ces gesticulations, ou s’il s’agissait juste d’un chaos ambiant qui s’était emparé de la foule. Il était censé s’agir d’un sport, d’un jeu physique, mais l’être immatériel ne se souvenait pas d’avoir déjà vu une telle chose. En déambulant dans les couloirs de Basphel – il se faisait violence pour y retourner régulièrement – le Sylphe avait entendu ce mot revenir à la bouche de plusieurs élèves. C’était une bonne chose d’enfin voir de quoi parlait tous ces gens. S’il voulait obtenir une bonne couverture et parvenir à se fondre dans la masse, à s’infiltrer dans les discussions, il fallait qu’il s’intéresse à ce qui animait les élèves. Ce sport était donc un bon point de départ. Sa liste s’était allongée, avec une histoire de Conte de Lieugro, de cartes des enchanteurs, et de bureau des cœurs. Mais chaque chose en son temps. A cet instant, Lucette devait se concentrer sur cette partie de Puffball.

« Bonjour. » Une jeune fille, discrète et à l’air timide, venait de s’installer aux côtés de la brune. Elle avait de longs cheveux roses qu’elle avait tressé, et se cachait derrière une grande paire de lunettes rondes. « Bonjour ! » répondit Lucette avec un entrain que l’on pouvait facilement attribuer au Chevalier bleu. « Tu es venue assister à l’entrainement pour encourager quelqu’un ? » La brune acquiesça. « Oui, Alcide m’a dit qu’il faisait partie d’une équipe mais… à vrai dire, je ne comprends rien… » L’inconnue haussa haut les sourcils, si bien qu’ils allèrent se cacher derrière la monture de ses lunettes. « Tu ne connais pas les règles ? » La concernée nia d’un signe de tête. « Je vais t’expliquer, alors. » La gentille entreprit de lui donner les clefs de compréhension qu’il lui manquait. Elle lui parla de l’objectif du jeu, des consignes pour ne pas se faire éliminer, de ce qu’il fallait faire pour gagner. « D’habitude, il y a aussi des Wëltpuff sur le terrain. Si un joueur parvient à en attraper un Dominant et à le ramener dans son camp, alors son équipe gagne. Mais ils ne les sortent pas pour l’entrainement. » La néophyte hocha de la tête pour indiquer qu’elle avait compris. « Et pourquoi ont-ils des… Ces choses par-dessus leurs vêtements ? » interrogea-t-elle. « Leur armure ? Oh, c’est pour que les balles en laines puissent s’accrocher à eux ! Et puis, pour protéger des coups aussi… » « Je croyais qu’on ne pouvait pas attaquer les autres sans être disqualifié ? » « Oui, en théorie… Mais ça n’empêche pas certaines de foncer droit sur le tas… » fit l’étudiante en portant un regard lugubre sur l’une des participantes. « Et ces filles, là-bas, qu’est ce qu’elles font ? » « Oh, ça ? Ce sont les puff-puff-gueurles ! Elles sont là pour danser et encourager les joueurs. Et puis, il y a les puff-puff-boïses aussi, mais ils sont beaucoup moins nombreux. C’est dommage. » « Mmh… D’accord. Merci beaucoup d'avor pris le temps de tout m'expliquer. » La rose esquissa un grand sourire. « Avec plaisir… Euh… Je suis désolée. Je ne sais pas comment tu t’appelles. » « Lucette ! Et toi ? » « Marie-Jane. » Les deux camarades échangèrent un sourire complice. « Alors Marie-Jane, tu es venue encourager quelqu’un, toi aussi ? » « Oh, mmh, oui ? Je suis là pour Zeryel. » avoua-t-elle à mesure que les pigmentations semblables à ceux de sa tignasse grignotaient son visage. « Ah ? Oui, Alcide m’a parlé de lui, mais je ne sais pas qui c’est. Tu pourrais me le montrer ? » « Ah, c’est ce garçon, là-bas, avec les cheveux roses… » La jeune fille rit un instant. « On est assortis, mais normalement, c’est il a les cheveux blonds. C’est une mauvaise farce de l’un de ses colocataires. » « Celui avec des ailes ? » « Oui, c’est ça ! C’est un Ange. »

Lucette se leva d’un coup, surprenant sa voisine. « ALLEZ ALCIDE ! » hurla-t-elle soudainement et à plein poumons, forçant la timide à porter une main à son oreille pour bloquer le cri quii menaçait de lui percer le tympan. Maintenant qu’elle avait compris qu’elles étaient les règles, sa mission lui paraissait beaucoup plus claire. Le sportif lui avait confié, avant de partir s’entrainer, désirer faire de belles passes… L’information avait paru nébuleuse à la brune, incapable de réaliser le vœu… Tout lui semblait plus limpide, désormais. « Merci, ça a été très instructif de discuter avec toi. » Et, à partir de cet instant, le garçon de l’étain devint particulièrement performant ce jour-là. Ses lancés furent applaudis à plusieurs reprises, notamment des passes complexes et des tirs qui trouvèrent leurs cibles, alors que personne n’y croyait véritablement.

Message III - 806 mots

Les désirs purs du Chevalier Bleu
Phobos

Only the begiinning of the adventure - Harry Gregson Williams

« Tu as encore perdu quelque chose ? » Lucette s’était matérialisée à proximité d’Alcide. Elle lui avait conseillé d’emporter son marque page de partout où il allait, l’air de rien, lui promettant qu’il s’agissait d’un porte chance – car c’était ce qu’il était amené à devenir, en quelques sortes. La clé du bonheur, capable de lui accorder tous ses désirs… C’était un peu présomptueux, de se présenter ainsi, Nesloo lui avait déconseiller de le dire à voix haute, mais cela ne l’empêchait pas de le penser. Et ce constat n’était pas pour lui plaire. Il avait cependant accepté son sort et décidé de se plier à sa tâche. Si ce n’était pas pour son petit maître, alors au moins pour lui-même.

Le mage bleu sourit en reconnaissant sa camarade, dont les visites étaient de plus en plus fréquentes. Il la salua, presque heureux de la retrouver, sembla-t-il à la concernée. « Non, je n’ai rien perdu aujourd’hui. » démentit-il. « Mais je cherche bien quelque chose. » Alcide entreprit d’expliquer son problème à l’oreille attentive que lui prêtait le Sylphe. Il cherchait un nouveau livre de conte à la bibliothèque, un qu’il n’aurait pas encore emprunté et dévoré entre les draps, avant d’aller se coucher. Le souci, c’est qu’il avait presque déjà tout lu, du moins, pour ce qui respectait ses critères et l’intéressait. Ce devait être un conte de chevalerie, de préférence le héro que l’on suivait ; l’histoire devait être joyeuse et, si possible, avoir un dénouement heureux ; et il devait évidement y avoir plein d’aventures, de péripéties qui le feraient voyager au travers des pages qu’il tournerait avec avidité. Lucette observa le blond parler avec passion de ce qu’il attendait, elle ne s’était pas attendue à ce que l’adolescent puisse être autant animé par quelques phrases sur du papier. « C’est drôle, c’est un peu toi aussi… Tu viens tout le temps en aide aux autres. Tu es un Chevalier. Le chevalier bleu ! » décréta la pirate.

« Tu sais comment les choses fonctionnent. » Le magicien énonça son vœu. Lucette claqua des doigts, après s’être assurée que le garçon avait bien avec lui son cartable, dans lequel se trouvait son habitacle. Aussitôt, ils quittèrent la bibliothèque de Basphel pour atterrir entre les hauts rayonnages d’une autre bibliothèque. « Bienvenue à Avalon ! » fit la pirate, tout en exécutant une courbette caricaturale. En se redressant, elle tenait un sablier dont les grains bleutés s’écoulaient rapidement. « Dès que le temps se serra écoulé, nous rentrerons à la maison. Fais vite, Chevalier, le temps s’échappe déjà. » Alcide fila à toute vitesse entre les rayonnages, laissant derrière lui la miraculeuse.

Lucette, au lieu de le suivre, tourna les talons. Il avait entendu parler de l’immense bibliothèque d’Avalon et de ses ressources infinies. Surtout, il avait entendu parler d’une carte magique, glissée entre les pages d’un livre enchanté. Une carte capable de retrouver tout le monde. L’apparence de la petite fille vacilla, se déformant puis se remodelant sans trouver de stabilité. Le Sylphe ne savait plus qu’elle identité il incarnait, tandis qu’il partait à la recherche de l’artéfact. Il voulait mettre la main sur elle. Sur Bellone. La retrouver et la faire sienne. Pour l’instant, elle ne lui appartenait pas, et c’était un problème. Il avait besoin d’apprendre où elle se trouvait pour la rejoindre, puisque le chemin des rêves lui avait été bloqué, sans qu’il n’en comprenne la cause. Restait également cet autre, cet alfar qui se l’était approprié à sa place. Cela n’allait pas. Sa présence l’incommodait. Cependant, il pouvait lui être utile, puisqu’il se trouvait aux côtés de l’Orine. Phobos pourrait la localiser à travers lui. Dès que cela serait fait, il pourrait aiguiller Alcide pour souhaiter se rendre là-bas, comme il l’avait fait avec la bibliothèque à Avalon. Ce premier voyage lui servait de test.

Phobos avança d’un pas supplémentaire, avant de s’arrêter violemment dans sa course. Il avait l’impression qu’on lui avait passé une corde autour du cou, et qu’on le tirait en arrière pour l’empêcher d’avancer. Troublé, le Sylphe mit un moment à comprendre ce qu’il était en train de lui arriver : Alcide s’était trop éloigné de lui, dans sa course aux romans. Et avec lui, c’était son habitacle qui s’enfuyait. Agacé, Phobos essaya de tirer sur ce lien invisible : même s’il n’avait pas de corps, il eu la sensation qu’une main venait s’appuyer sur sa gorge et l’empêchait de respirer. Vaincu, le génie soupira puis fit demi-tour. Il souhaita que le sable s’écoula plus vite encore.

Message IV - 745 mots

Les désirs purs du Chevalier Bleu
Phobos

Askjell, iris, AURORA - Sofia

« Bonjour, que puis-je vous servir pour vous faire plaisir ? » Lucette redressa la tête. Elle s’était précédemment penchée en avant pour observer la vitrine de pâtisseries que proposaient le salon de thé. Les goûters y avaient été exposés, comme un musée exhiberait ses toiles et sculptures les plus aguichantes. Dans ce cas précis, il s’agissait des viennoiseries et des gâteaux les plus alléchants que pouvaient proposer l’établissement pour leurs clients. Il n’y avait pas de doute possible sur le fait que toutes ces victuailles avaient de quoi ouvrir l’appétit : l’œil se nourrissait autant que l’estomac, et goûtait aux saveurs autant que les papilles. L’odorat n’était pas en reste, et les effluves émanant des cuisines tenaient en haleine les affamés qui entraient dans cet antre du délice. Tout, dans cet endroit, était destiné à pousser à la consommation de ces sucreries, à croire que l’endroit avait été monté et pensé par un Déchu de la Gourmandise, attirant tous les visiteurs dans sa décadence et les incitant à partager son pêcher. Si la brune avait été une élève parmi tant d’autre, une simple gamine de Basphel flânant dans les rues entre deux leçons, il aurait été à parier qu’elle se serait laissée tenter. Malheureusement pour les affaires du petit commerce, la Sylphe n’était pas soumise à ces plaisirs et y restait tout bonnement insensible. Là où les mortels anticipaient la douceur du sucre, l’onctuosité procurée par le beurre et l’enthousiasme donné par la cannelle, la framboise ou bien le citron, l’être immatériel ne s’attendait à rien. S’il avait été doté d’un corps, il aurait été incapable d’éprouver tout cela. Seul un goût de terre ou de centre se serait répandu sur sa langue, à moins qu’il ne puisse rien goûter du tout, que l’air du vent et la neutralité de l’eau.

« Je ne sais pas. » répondit Lucette face à la jeune vendeuse. Elle était blonde, avec un air un peu absent, ou bien était-ce de l’indifférence ? De la lassitude ? Phobos peinait encore à reconnaître les émotions sur les visages des autres, et cette fille ne lui facilitait pas la tâche. « Je dois rapporter un bon gâteau, meilleur que ceux que proposent ceux de la cafétéria de Basphel. » C’est ce que lui avait demandé Alcide. Il ne l’avait pas formulé ainsi, mais le Lien de soumission qui unissait le faiseur de rêve à son jeune maître lui permettait de mieux en mieux à lire entre les lignes de ses désirs, à comprendre ce qu’il souhaitait mieux que lui-même. « Ce n’est pas bien compliqué… » fit l’adolescente en haussant les épaules. « La cantine de Basphel est bonne, mais ce n’est pas comparable à ce qu’il se fait ici. » expliqua-t-elle platement. « Avez-vous des préférences ? Des saveurs que vous aimez ? » La pirate bleue croisa les bras sur sa poitrine, levant le visage en l’air pour donner l’air de réfléchir : elle avait observé des postures similaires chez des élèves et la reproduisait du mieux qu’elle pouvait. « Il lui faudrait quelque chose qui lui rappelle Böraur, et les chocolats chauds que lui préparait Nounou Bonbon, les soirées près du feu à se raconter des histoires en famille. » Le mage bleu avait souvent évoqué ces souvenirs d’enfance, si bien que Lucette avait fini par en avoir une idée très précise, presque comme s’il s’agissait désormais des siens… C’était peut-être une manière de combler le vide de sa propre mémoire. La blonde fit parcourir son regard sur les produits qu’elle avait à vendre. « Dans ce cas, je vous conseille celui-ci. »

Quelques minutes plus tard, Lucette était de retour dans la chambre du garçon. « Et voilà pour toi ! » pépia-t-elle joyeusement. « Un roulé pomme-noisette-cannelle ! » répéta-t-elle en désignant le gâteau qui s’était matérialisé en même temps qu’elle sur le bureau de l’élève de l’Etain – il était en train de faire ses devoirs, une rédaction pour son cours de langue étrangère. La gourmandise était un amas de pâte, avec une crème consistant en une compotée de pommes avec des éclats de noisettes, le tout re couverte d’une poudreuse de cannelle. Tout y était, le réconfort, la maison, le chaleureux, le gourmand. Ne manquait plus que quelqu’un avec qui partager tout ça. Lucette ne pouvait malheureusement pas être cette personne, mais d’un coup d’œil, elle réalisa que le dortoir n’était plus aussi vide qu’à son départ : deux des colocataires du petit Chevalier étaient arrivés. « Oh ! Il vous en faut aussi ? Pas de problème ! » Claquant des doigts, Lucette matérialisa suffisamment de gâteaux pour nourrir toute la chambrée, avec un assortiment de gâteaux à la cannelle et au chocolats.

Message V - 765 mots

Les désirs purs du Chevalier Bleu
Phobos

Askjell, iris, AURORA - Sofia

Le professeur observa le sablier s’écouler puis frappa dans ses mains. « Très bien, c’est terminé. Posez vos plumes, et faites passer vos copies jusqu’au premier rang. » ordonna-t-il. Des soupirs, autant soulagés qu’exaspérés, parcoururent la salle de classe, tandis que les cancres et les studieux rendaient leurs devoirs surveillés. On pouvait voir sur certains visages de l’anxiété – « Qu’est ce que tu as répondu à la question sept ? Et à la trente-sept ? » « Je crois que j’ai choisi toutes les bonnes réponses mais je ne suis pas certaine d’avoir su toutes les justifier… C’est bien que ses contrôles soient des questions à choix multiples, mais en demandant des explications à chaque fois, il ne nous laisse pas la chance de faire du hasard. » « J’aurais dû réviser plus, j’ai eu un trou de mémoire en plein pendant l’examen, je ne savais plus quelle réponse était la bonne… J’espère que je ne me suis pas trompé. » « Bon, j’ai répondu à presque toutes les questions, j’espère que j’aurais au moins la moyenne… » « Attends, je veux vérifier ce que j’ai dis pour la démonstration de la réponse quarante-quatre. » – là où d’autres n’exprimaient que la déception ou la lassitude – « Tu as un filet de bave au coin de la bouche, Jordan. » « Arrête de soupirer… C’était pas si catastrophique que ça si ? » « Je n’ai même pas eu le temps d’aller jusqu’à la question trente-deux… Je suis cuite, je vais devoir faire un devoir de rattrapage pour remonter ma moyenne… Comme si on n’avait pas déjà assez de devoirs comme ça. » « Quoi, tu n’as fait qu’entourer les réponses ? Mais, tu sais qu’avoir choisi la bonne réponse ne donne même pas la moitié des points ? » « Je crois qu’il se doute que j’ai utilisé une plume à mémoire d’encre… Je suis cuite. » « Oh noooon j’ai inversé les réponses, je me suis décalée de partout ! Monsieur, j’ai fait une bêtise ! ». L’animation avait regagné la salle, qui avait été si calme auparavant, le silence seulement coupé par le grattement des plumes sur les parchemins. « On reste calme, s’il vous plait. Siméon, je te vois, repose cette plume et Gaspar, ne lui donne pas la réponse si tu ne veux pas que je te déduise les points sur ta propre copie. »

Phobos était installé à l’arrière de la salle de contrôle. Il avait pris la place d’un étudiant qu’il avait vu dans les couloirs. Un certain Titouan, qui venait de quitter la salle après avoir rendu sa copie. Le Sylphe n’avait pas quitté sa chaise. Toute son attention était rivée sur une fille blonde aux deux ailes duveteuses flanquées de chaque côté de son dos, installée quelques rangées devant lui. Hélène Paiberym. Contrairement à beaucoup d’autres élèves, la fille des Cieux avait gardé son calme, exprimant une certaine confiance dans son devoir. Elle n’avait ni besoin de vérifier ses réponses, ni besoin de se concerter avec ses camarades pour se rassurer. Elle avait longuement étudié, comme à son habitude. Mais ce n’était pas tout. Sa réussite était également due à l’intervention du faiseur de miracles – ou plutôt, au vœu qu’avait formulé Alcide. Il désirait que son amie obtienne une bonne note. L’esclave des vœux s’était donc rendu dans la salle de classe, avec elle, pour que sa magie opère et que la blonde trouve toutes les réponses correctes, effaçant ses doutes et lui traçant une conviction sans faille. Ça avait été complexe. D’une part, parce que Phobos ne comprenait rien à rien. D’autre part, parce qu’il s’agissait d’une Humaine, et que son Ma’Ahid entrait en confrontation directe avec le Kan’Ghar de l’être de magie. Phobos avait beau tenter de performer des miracles, cette peste compliquait son travail. Comme beaucoup de monde, le génie détestait les Enfants de Sympans et ce qu’ils représentaient, il les détestait d’autant plus que leur simple existence était une menace pour sa survie personnelle. Il ne supportait d’être présent dans cette salle uniquement parce que la population magique bloquait les capacités de la blonde et l’empêchait de se désintégrer. C’était un sentiment de vulnérabilité fort désagréable, et se voir obligé de la côtoyer pour faire plaisir à Alcide avait rendu l’esprit des rêves ronchon. Il était déjà suffisamment déplaisant de se voir privé de puissance par la présence de Taj dans la chambre des garçons – combien de fois Phobos avait-il essayé de quitter son habitacle et s’était rendu compte qu’il ne pouvait pas, tout ça à cause de ce parasite - pour devoir en plus supporter celle de cette vermine également. Phobos soupira. Il devrait aider ce gamin à faire un tri dans ses fréquentations.

Hélène se retourna, dardant son regard sur Titouan. Ils s’observèrent mutuellement, se jaugeant presque. Un élève passa entre eux, brisant le charme. Phobos s’évapora, retournant dans la prison de son habitacle. C’était une maigre consolation de songer que là-bas, il était au moins protégé de la nuisance que représentait cette sous-race.

Message VI - 817 mots

Les désirs purs du Chevalier Bleu
Phobos

Askjell, iris, AURORA - Sofia

« Lucette ! » La brune se tourna vers la voix qui avait appelé son prénom. Marie-Jane, assise dans les gradins du stade, faisait de grands gestes pour attirer son attention. Son initiative fut un succès, et la Pirate Bleue se faufila au milieu de la rangé, passant devant d’autres spectateurs. Elle n’eut aucun mal à arriver aux côtés de la rose : c’était un avantage à ne pas être matérielle, de ne pas avoir véritablement besoin d’espace pour avancer. Elle était comme un fantôme, lui avait un jour dis Alcide, sauf qu’elle ne faisait pas peur et qu’elle était gentille – ce mot lui avait désagréablement écorché les oreilles et Phobos avait dû résister à l’envie de retourner tout droit dans son habitacle pour aller le terroriser dans un cauchemar. « Ça n’a pas été trop dur de venir ? » s’inquiéta la véritable gentille. « Non ! » Ca ne l’avait pas empêcher d’arriver en retard et de manquer le début du match. Même si, poussé par Nesloo, le Sylphe passait désormais beaucoup plus de temps dans le monde réel, cela ne l’empêchait pas de déambuler d’un rêve à l’autre dans le dédale onirique. La notion du temps était là-bas toute relative, et il s’y égarait parfois. Seule la connexion le liant à Alcide et le dernier vœu qu’il lui avait formulé lui avait rappelé son devoir et l’avait arraché au rêve qu’il avait tenté de modifier en cauchemar. « Qu’est-ce que j’ai raté ? » s’enquit la supportrice, ses yeux sondant la foule bouillonnante en contrebas, sur le terrain. Il lui fallut quelques secondes pour retrouver son jeune maître : le mage bleu était en train de courir aussi vite qu’il le pouvait, rendu empoté malgré lui par son armure. Une balle était déjà accrochée à son dos : c’était mauvais signe. Mais aujourd’hui, ce n’était pas le mage bleu qui intéressait le Sylphe : le dévoué avait souhaité que son ami Zeryel réussisse de beaux lancés, pour lui redonner le moral. En reparlant de l’Ange, Lucette s’était souvenue de Marie-Jane et elle l’avait retrouvée dans les couloirs pour lui proposer d’aller voir le match en sa compagnie… Un comportement étonnant : à croire que le caractère de l'amie imaginaire d'Alcide s’imprégnait un peu trop sur celui de Phobos, comme si la frontière entre le rôle et sa véritable personne s’effaçait, se floutait. C’était dangereux. « C’est le début, mais les frelons truqués ont déjà visé plusieurs membres… Titouan a déjà failli se faire éliminer trois fois… Je me demande si Susannah ne leur aurait pas demandé de se concentrer sur lui, le pauvre… » « Mmh… Ce n’est que le début... » répéta l'actrice, comme s'il c'était agit d'une réplique lui plaisant. « ... La situation peut encore s’inverser. »

« Oh, tu as un chouette maillot ! » C’était la voisine de Lucette qui avait dit ça. L’interpellée mit quelques secondes à reconnaître la vendeuse de gâteaux. « C’est le numéro de Zeryel, non ? » « Oui ! » confirma la brune. « Est-ce que vous voulez les mêmes ? » proposa la supportrice. « Pourquoi pas ! » « Oh oui, ce serait chouette, pour les prochains matchs ! » approuva la timide, avec un petit sourire discret. « Pas besoin d’attendre. » La faiseuse de miracle usa de sa magie, et voilà que ses deux voisines étaient vêtues de façon similaire à elle, arborant un vêtement pour soutenir l’Ange, comme s’il s’était agi d’un joueur renommé d’une grande équipe de Puffball. La rose tira sur son vêtement, surprise mais heureuse, tandis que la blonde se contenta d'un rictus rêveur tout en agitant bien haut la banderole qu'elle avait préparée elle-même - et qui arborait une faute d'orthographe, mais il était trop tard pour changer ça, expliquerait-elle à la fin du match.

Lucette reporta son attention sur le jeu. En contrebas, l’enfant de réprouvés pourchassait un membre de l’équipe adverse, le menaçant de l’une de ses balles. La Sylphe se concentra. Ce sera un bon tir, se répéta-t-elle en boucle. Cette pensée devint un mantra, une conviction, et bientôt, une réalité : l’être de magie sentit son pouvoir s’activer et le traverser tel un courant électrique. Le blond visa puis lança. La boule de laine fila droit sur son ennemi, et s’accrocha à son bouclier. La pirate imaginaire bondit de sa place pour se redresser, les bras en l’air. Se faisant, elle fit jaillir au-dessus de sa tête une gerbe d’étincelles colorées, de petits feux d’artifices éclatant tout autour d’elle tandis qu’elle sautillait pour célébrer avec enthousiasme la réussite de l’Ange. D’autres acclamations accompagnèrent la sienne, mais s’épuisèrent rapidement : les regards des personnes proches d’elles s’étaient rivés dans la contemplation de cette manifestation magique, comme obnubilées.

Message VII - 763 mots
Pouvoir utilisé : Splendide contemplation; Ce pouvoir permet au Génie de créer des feux d'artifice qui plongeront les Rêveurs dans une contemplation qui canalisera leur attention. Ils seront touchés par le Beau et oublieront le reste, dépendamment de la magie du Djinn.

Les désirs purs du Chevalier Bleu
Phobos

Nothing Else Matters - Phoebe Bridgers

Phobos ne mit pas longtemps à retrouver la créature. Sans grande surprise, il réalisa que Nesloo se tenait à proximité de la forme éthérée. « Il a changé, non ? » demanda le Sylphe en s’approchant à son tour. « Il est plus… Bleu qu’avant. » fit-il. Pour une fois, il prit le temps d’observer correctement la créature. Elle ressemblait à une luciole, à briller de cet éclat bleuté caractéristique de la magie qui régnait à Somnium. L’être onirique se demanda s’il s’agissait d’une résultante de sa propre magie, ou bien de l’influence d’Alcide et de sa nature de mage bénéfique. Si le garçon enjoué et gentil sombrait dans un pan plus obscur, sous l’influence de la rage et de la méchanceté, la créature en serait-elle impactée ? Se teinterait-elle de vermeille, ou conserverait-elle sa couleur originelle ? L’apprenti manipulateur songea que sa forme pourrait aussi être amenée à évoluer. Actuellement, elle ressemblait à un papillon fait de flammes intangibles, un feu-follet volant, avec ses deux ailes larges et ses antennes ressemblant à des fouets. Si le magicien se laissait corrompre en sorcier, la luciole deviendrait-elle un cafard ou un scolopendre ? Peut-être Phobos devrait-il expérimenter pour valider ses théories… « Ah oui ? Peut-être que tu t’es enfin rapproché de ton protéger. Ou bien tu n’avais simplement jamais porté attention au cadeau qu'il t'a fait. » conclut plutôt la mentor d’un air narquois.

« Alors ? Le monde réel ? Comment ça se passe ? » interrogea la fille de Pandore. « T’es-tu fais à la réalité ? » Phobos se renfrogna. S’il avait gardé une forme humanoïde, peut-être sa contrariété aurait-elle été en mesure de se manifester. En cet instant, pourtant, il n’était qu’une brume, un amas de fumé translucide informe : difficile d’interpréter les flux qui tournoyaient autour de son noyau. Cela n’empêcha pas Nesloo d’esquisser un rictus condescendant, comme si elle parvenait à deviner ce qu’allait rétorquer son disciple. « Je ne l’aime toujours pas. Je suis beaucoup plus puissant là-bas… » fit-il de sa voix désincarnée, songeant au domaine des rêves – « … plutôt que sur leur terre, à laquelle je n’appartiens pas. » « Tu as tort. » répliqua la femme. « Sur beaucoup de points. » La brume sembla vaciller, comme secouée par un élan de colère diffuse. « Tu prétends ne pas appartenir à leur monde, pourtant, une partie de toi-même est bel et bien tangible… Ce petit fragment de toi qu’Alcide trimballe de partout avec toi… » Phobos essaya de rester impassible tandis qu’il repensait à la carte de tarot, cette prison qui l’empêchait d’être invulnérable. « Mais ta plus grosse bêtise, c’est de te perdre toi-même dans la prison que nous tendons aux Dormeurs… Rester à jamais dans un songe, voici quelque chose de tentant, un vœu qui en a perdu plus d’un. » Comme souvent, les pensées du Sylphe dérivèrent jusqu’à l’Orine qui s’était retrouvée captive d’un rêve sans fin. « Pourtant, c’est toi qui t’y perds désormais, comme un démon sombrant dans son propre pêcher, ou un chasseur tombant dans son propre piège. » Le dédain était parfaitement perceptible dans le timbre de voix de la plus puissante. « Les Rêveurs et les Maîtres sont la source de notre pouvoir. Si le monde Onirique est notre terrain de jeu, celui dont nous sommes les maîtres absolus, il ne faut pas oublier que sa portée n’est que limitée. Au final, c’est dans le monde réel que nous pouvons exercer notre plein potentiel. Là-bas que notre puissance doit être entretenue et développée. Il est aisé, pour quelqu’un comme nous, de se croire tout puissant entre les strates d’Harabella ou Elzédor. Mais si l’on ne vaut rien en dehors de leur emprise, alors n’est rien. » Le Sylphe avait envie de s’en aller. Il n’aimait pas écouter les remontrances de sa mentor. Il se sentait déprécié : elle ne reconnaissait clairement pas à juste titre sa valeur.

Nesloo, percevant le désintérêt de son élève, retint un soupir. « Tu retourneras dans la monde réel. » prédit-elle d’une voix implacable, de celle qui ne laissait aucun choix à son disciple – à croire qu’elle tenait entre ses mains son Habitacle et le tenait en esclave par ses simples mots. « Tu y étudieras. Il y a plein de choses encore à apprendre pour toi, comme tu t’en es peut-être aperçu : la magie peut faire beaucoup, mais elle ne te sert à rien si tu n’es pas capable d’élargir tes horizons. Alors instruis-toi, nourris ta curiosité, entretiens-la. En comprenant mieux le monde que tu cherches à fuir, tu parviendras enfin à voir à côté de quels trésors tu es passé tout ce temps. »

Message VIII - 758 mots
FIN