Le Deal du moment : -60%
Table basse rectangulaire LIFT – Plateau ...
Voir le deal
34.99 €

Partagez
 

 | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance |

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : Précédent  1, 2, 3 ... 9, 10, 11
AuteurMessage
Priam & Freyja
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 4098
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam & Freyja
Mer 05 Juin 2024, 08:54



Unknown

Les Portes – Chapitre V

En groupe | Dastan


Rôle :


Le poing serré sur la garde de son arme, Ludoric sentait trembler tout son bras. Cette fébrilité descendait le long de son aisselle, zigzaguait sur ses côtes et s’enroulait en étau autour de son cœur. Les spasmes qui l’agitaient ne provoquaient que douleur et détresse. Son regard sombre se planta sur Clémentin. « Il n’aurait pas voulu… Il aurait voulu qu’on le soigne ! » La colère exsudait de ses mots, de sa peau. Il n’existait aucune autre émotion qui pût lui permettre d’extérioriser ce qui le détruisait sans qu’il ne s’effondrât d’une seule pièce. Il avait entendu les paroles du médecin, mais il refusait de les accepter. Il ne le pouvait pas. Placide n’était pas mort. Il allait survivre. Ils allaient le soigner. Ils devaient juste mieux essayer. Plus fort. Avec plus d’assiduité et de conviction. Pourtant, face à l’affliction de Clémentin, son ire vacilla. Sa garde se rompit malgré lui et il réceptionna le corps du brun contre le sien telle une falaise le fait d’une vague. Imperceptiblement, le choc l’ébranla. Son regard se riva à l’enveloppe ensanglantée de Placide. Elle se gravait sur ses rétines pour que jamais il ne pût l’oublier. Elle s’inscrivait en lui à la manière d’un serment, un serment de peine et de désespoir. Rosette s’était rapprochée, mais ce qu’elle disait n’avait aucune importance. Il se fichait que ce fût un accident, qu’il eût couru, qu’un cheval l’eût bousculé. C’était désormais elle qu’il scrutait, mais tout ce qu’il entendait, c’était que le Prince était bel et bien mort et qu’il n’avait pas d’autre choix que de faire face à cette vérité. Placide n’était plus.

Les larmes dévalèrent les joues du soldat. Son épée chuta dans un tintement métallique et il entoura l’ex-palefrenier de ses bras. Ses iris fixaient le cadavre. Il était incapable d’articuler le moindre son, incapable comme il l’avait été après leur entrevue avec Balthazar, quand son amoureux lui avait annoncé vouloir partir avec Antoinette, quand il lui avait brisé le cœur avec une aisance déconcertante. Et s’il avait dit quelque chose ? S’il était resté, au lieu de fuir ce qui le secouait sous prétexte d’aller prévenir l’ancien Roi de leurs intentions ? S’il avait demandé à lui parler en privé, sans la fille ? S’il avait refusé de le laisser partir seul ? S’il avait insisté pour demeurer avec lui quoiqu’il arrivât ? S’il était resté avec lui quoiqu’il arrivât ? Il ne serait pas sorti seul. Ludoric l’aurait défendu de tous les dangers qui le guettaient, comme il s’efforçait de le faire depuis leur départ de Lieugro. Il n’y aurait pas eu d’accident. Il ne serait pas mort.

L’intonation de l’infirmière le poussa à se redresser. Ses iris dont le bronze rougissant semblait être chauffé par des braises se posèrent sur elle. Il serra les dents. Sa proposition éveillait en lui une violence qui n’avait pas lieu d’être. D’un geste brutal, il se dégagea de l’étreinte de Clémentin. « Vous croyez que ça va tout régler ? Une boisson chaude et on oublie tout ? » Un feu dévastateur flambait dans ses yeux. « Qu’est-ce que vous allez faire de lui ? Vous allez l’emmener ? Le jeter sur un tas de cadavres et l’oublier là ? Ne me regardez pas comme ça, je sais que vous nous haïssez ! Ça fait des semaines que je me démène pour qu’aucun d’entre vous ne tue Placide ! Je ne le laisserai pas tout seul ! » s’emporta-t-il. En quelques pas, il fut au chevet du blond. Il s’agenouilla et replia ses doigts autour de sa main. La chaleur qui s’en dégageait contrastait avec la réalité que l’on souhaitait lui imposer. « Je ne te laisserai pas tout seul. » répéta-t-il, plus bas, à peine audible, comme quand il le tenait dans ses bras et lui murmurait des promesses au creux de l’oreille. Il voulait en formuler mille ; il ne pourrait plus en sceller aucune. Ses phalanges se resserrèrent autour des siennes, puis il inclina son buste pour appuyer sa joue contre son torse. Là où il avait l’habitude d’entendre son cœur battre, le silence régnait. Ses larmes redoublèrent et de longs sanglots harcelèrent ses épaules. « Je suis désolé. Je suis tellement désolé. » Il aurait dû faire plus, faire mieux. Tout anticiper. Le secourir à chaque fois, même quand il n’en avait pas besoin. Parce que quand il protégeait Placide, c’était lui-même qu’il préservait. C’était leur amour, leurs espoirs, leurs rêves, leurs disputes, leurs déceptions, leurs cauchemars – tout ce qu’ils vivaient ou surmontaient ensemble. Qu’en restait-il, maintenant qu’il n’était plus ?



Message IX – 764 mots




les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 1628 :


les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t40510-priam-freyja-bele
Orphée Dasgrim
~ Orisha ~ Niveau I ~

~ Orisha ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 160
◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023
◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Orphée Dasgrim
Jeu 06 Juin 2024, 21:37



Unknown

Les Portes – Chapitre V

En groupe | Lazare


Rôle :


La silhouette d’Ivanhoë réduisit à néant toute notion de distance ; elle barra sa vue, haute et rousse, gainée et lancée à pleine vitesse. Elle percuta l’homme au cimeterre. La main du tueur déchira la gorge de l’assaillant. Le regard de Primaël bondit de coin en recoin ; il scruta la salle à la manière d’un rapace traqué. Partout où il allait, il veillait à avoir des solutions de repli. Vieille habitude conservée de ses années d’enfant des rues puis de semencier discret, il repérait toutes les portes, les lucarnes, les moindres renfoncements qui pussent faire office de sortie d’urgence. La salle du trône n’en était pas dépourvue. Au vu de sa position, les plus simples à atteindre étaient les fenêtres. Il continua pourtant à chercher, les iris brûlants et l’assassin dansant autour de lui. Où étaient ses hommes ? Le fer des soldates ricochait contre celui de l’armée d’inconnus ; où étaient ses soutiens, ceux qu’il avait positionné pour qu’ils pussent agir en cas de besoin et qui auraient dû se trouver aux côtés des femmes de Tamara ? Il y avait quelque chose, dans l’attitude de ces dernières… Son regard se rua dans celui d’Ivanhoë. « Je sais. » Ses doigts se refermèrent sur la lame qu’il lui tendait. Il ne bougea pourtant pas immédiatement, scrutant l’entrée. « Quelque chose ne va pas. » dit-il avant de se sentir poussé vers l’une des fenêtres. Ses talons butèrent contre le mur. Ses prunelles cisaillèrent la nuque du roux. Il prit une grande inspiration, lui tourna le dos et se hissa sur le rebord de l’huisserie. Il analysa rapidement les possibilités qui s’offraient à lui. Plusieurs mètres le séparaient du sol. S’il sautait, il avait autant de chances de s’en sortir indemne que de se briser les os. Un arbre tendait ses branches vers lui, mais il n’était pas certain de pouvoir l’atteindre d’un seul bond. Il lui aurait fallu de l’élan. Sous ses pieds, les pierres et le lierre grimpant offraient quelques maigres accroches. Sans la protection d’Ivanhoë, il n’aurait pas tenté, car un trait de flèche aurait suffi à le tuer. Primaël pivota sur le ventre puis se laissa glisser le long de l’ouverture, fixant ses mains à l’encadrement de bois. Ses pieds cherchèrent une première prise, et il entreprit de descendre, à tâtons, plantant parfois la dague dans les interstices. Ces dernières années lui avaient fait perdre en agilité, mais il parvint tout de même à se rapprocher suffisamment du sol pour sauter avec l’assurance de survivre à sa chute. La réception fut pourtant rude. Un choc remonta dans toute sa jambe gauche et lui fit lâcher un juron. Il leva les yeux vers la fenêtre. Le combat grondait tel un orage. Il ne s’attarda pas. Ses pieds battirent le sol et il courut, à couvert, pour s’éloigner.

« Pourquoi n’êtes-vous pas intervenus ? » tonna-t-il en poussant la porte de la salle secrète de l’auberge – l’une de celles où, des années durant, ses discours enflammés avaient attisé l’esprit des rebelles. « On a été trahis. » lui répondit un homme d’une quarantaine d’années, la barbe poivre et sel, le ventre proéminent. Un petit groupe de cinq autres insurgés l’entouraient – plus jeunes, plus vieux, hommes ou femmes. « Quoi ? Qui ? » - « Je ne sais pas. Mais certains hommes ont été drogués. » Les sourcils froncés, Primaël dévisagea son interlocuteur et ses acolytes. Il n’avait pas le temps pour ça. « À qui sont les hommes qui ont envahi le palais ? » Il y eut un silence. « Parle, dépêche-toi ! » - « Je suis sûr d’avoir vu Balthazar de Narfas dans l’Auberge des Deux Amis. » prononça-t-il avec une pointe d’incertitude. « Avec le fils de Tamara, le Prince Lieugrois, son garde du corps et une fille blonde. Il les a laissés sortir. J’en ai parlé à une soldate de Tamara et elle m’a confirmé qu’il s’était échappé de prison. Elle m’a aussi dit qu’elles cherchaient la Main et qu’elle soupçonnait Balthazar de l’être, et Gao d’avoir tenté de prendre sa place. Parmi ceux qui se rendaient au palais, j’ai cru reconnaître certains des hommes qui l’ont accompagné chez toi. Rien n’est sûr, ils ont peut-être changé d’allégeance, mais… » Le révolté pinça l’arête de son nez à l’aide de son index et de son majeur. Joints, il les fit remonter le long de son front que la concentration striait de rides. Il inspira bruyamment. « Le mot adressé à Ivanhoë. » souffla-t-il, avant de pivoter avec vivacité vers son informateur. « On n’a pas le temps de vérifier quoi que ce soit mais peu importe. » - « Il y a autre chose. » commença une femme. « Quoi ? » - « Les égouts sont en flammes. C’est Tamara et ses soldates. » Il plissa les yeux. Il n’y avait pas pensé, plus tôt. Il avait fait condamner la cité sans clore ses entrailles. « Tant mieux. Les portes de la ville sont bien fermées et gardées ? » Ils acquiescèrent. « Alors plus personne ne peut sortir. Trouvez-moi Balthazar et tuez-le. Ramenez-moi sa tête. Envoyez des hommes soutenir Tamara et son armée. Elle est sûrement quelque part dans les souterrains. Aidez-la. Elle est la priorité. » martela-t-il. « J’en veux aussi au palais. Si vous n’êtes pas assez nombreux, agitez encore plus le peuple, dites-lui que Narfas est menacée, qu’on a attenté à la vie de Tamara et à la mienne, dites ce que vous voulez mais faites-les prendre les armes. Secouez les soldats Lieugrois, dites-leur que leurs régents sont en danger. Ils aideront sans doute. » Il s’appuya contre le bar. Sa jambe le faisait souffrir. « Tuez Garance de Lieugro. » Il hésita une seconde, durant laquelle ils commencèrent à pivoter pour partir. « Et s’il est encore en vie, ramenez-moi Sextus. » Une autre attente perça l’urgence. « Cherchez aussi Ivanhoë. »



Message IX – 987 mots


Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t40008-orphee-dasgrim-ve
Zeryel
~ Ange ~ Niveau I ~

~ Ange ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 270
◈ YinYanisé(e) le : 25/01/2023
Zeryel
Ven 07 Juin 2024, 11:39

les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 O0px
Les Portes V ; Narfas
Zeryel, dans le rôle d'Adolphe


☙ Palaye Royale - Off With The Head
J'avais pas encore mis de Palaye Royale, tort réparé.

Rôle - Adolphe d'Epilut:

Adolphe balaya la désapprobation d'Herminiette d'un haussement d'épaule couplé à un petit sourire effronté. L'aigreur des femmes lui importait moins que découvrir avec les Lieugrois à quoi ressemblait la tête du défunt roi. Le vieux débris était passé entre plusieurs mains et avait fait son propre voyage pour atterrir ici, il n'osait imaginer son état de délabrement. Cerise sur le gâteau, il serait aussi aux premières loges pour la déconfiture de ses sujets. Il ne nourrissait pas d'animosité particulière pour les réfugiés, bien que la remarque de Garance de Lieugro à son encontre lui eut étrillé le poil, assez pour avoir envie de lui passer son épée dans la gorge plutôt qu'à l'informer aimablement sur ce qu'il savait de Placide et Ludoric. Mais l'heure n'était plus à la violence, et l'arrivée d'un autre intervenant l'arracha à regret de sa contemplation de ce qu'il restait de Montarville. Une certaine incrédulité se peignit sur ses traits à sa revendication immédiate suivie de sa confession. Pour énoncer aussi calmement son admiration pour Judas d'Uobmab face à ceux qui avaient souffert par sa faute, il ne fallait pas avoir froid aux yeux et posséder une solide dose de culot. Pas loin d'être épaté quand il ne s'arrêta pas là et, le plus naturellement du monde, offrit d'aider les réfugiés à récupérer leur territoire, l'adolescent se ressaisit quand le violet s'adressa directement à lui. Il s'accorda quelques secondes de réflexion, le temps d'organiser ses idées. Il avait souvent eu l'occasion d'y réfléchir, il adorait même y réfléchir. « À l'heure actuelle, ce sont des enfants qui gouvernent Lieugro, à supposer que Zébella a fuit pour y retourner et retrouver sa place. » Des adolescents qui devaient être à peine plus âgés que lui-même. Il se demandait à quoi ressemblait la progéniture d'un tel homme. On disait de Merlin qu'il était sadique et il avait eu l'occasion de constater la fougue de la sœur. « Bref, il ne devrait pas être très difficile de les en expulser, aussi uobmabiens soient-ils. Les armées conjointes de Lieugro et Narfas pourraient ensuite marcher sur Uobmab immédiatement dans la foulée. Bien sûr, Uobmab doit avoir des espions partout et nous n'aurions pas l'élément de surprise qui favoriserait nos chances dans l'entreprise, mais c'est mieux qu'attendre ici qu'il nous tombe dessus. Mais c'est sans doute trop tard pour ça, et nous serions perdants si nous levions nos forces face à son invasion dans une bataille traditionnelle. On ne gagnera pas comme ça, et nous sommes morts aussi si nous organisons simplement la défense de la capitale. On finira affamés dans le meilleur des cas. Nous n'avons donc pas d'autre choix que de ruser. » Il marqua une pause pour ménager son suspense. Adolphe passait beaucoup de temps à imaginer des stratégies, à planifier des enchaînements dans lesquels il tenait le beau rôle et où il détachait la tête du tyran de ses épaules pour la brandir, victorieux, face à Narfas en liesse. « Lui ouvrir les portes de Narfas. Lui faire croire que dans le but d'éviter des morts inutiles, nous lui abandonnons le territoire. Ne pas faire de vagues, lui faire baisser sa garde, et en profiter pour porter le coup fatal. » Il sourit, pas peu fier de lui.

Ses rêves, maquillés de gloire et d'une quantité adéquate de sang, assez pour creuser des rivières macabres et transformer les dunes en vagues cramoisies, vibraient au chant des clameurs, des grognements bestiaux quand l'acier embrassait les chairs pour les exposer, fumantes, à l'impitoyable soleil du désert, si bien qu'il ne réagit pas immédiatement au fait que ces sons déchiraient le voile de ses illusions pour s'ancrer dans la réalité immédiate. Quand les premiers hommes surgirent, il les fixa, pris de court et la bouche ouverte. Une soldate le bouscula en le dépassant pour se ruer à leur rencontre et lui remit les idées en place. Une singulière lueur succéda à l'hébétude dans ses prunelles et il tira son épée. Des fourmis coururent dans ses mains, le parcoururent tout entier et descendirent dans ses jambes. Il vit un individu, arrêté à quelques mètres, une lance levée au dessus de la tête, visant Luthgarde. Son pouls s'emballa d'un seul coup. Il s'élança dans sa direction et poussa un cri en enfonçant sa lame dans son torse. Les côtes résistèrent contre l'intrusion et Adolphe poussa pour forcer le passage, remerciant le fil de ses armes qu'il aiguisait à longueur de journée. Extirper son épée du corps roidissant de sa première victime fut plus délicat et il trébucha en arrière quand il y parvint. À ce moment, il vit un poing armé d'un poignard filer droit sur sa gorge. Le bras à qui il appartenait tomba soudainement au sol, tranché net et Adolphe fixa le moignon bêtement. « Adolphe, qu'est-ce que tu fous ?! » cracha une voix qu'il reconnut dans son oreille. Saline acheva son assaillant d'un revers de son épée et se retourna vers l'adolescent. Elle vacilla un peu dans le mouvement et cligna des yeux comme pour chasser une poussière. Il fronça les sourcils mais ne répondit pas. Il attrapa avec sa main la seconde épée qui barrait son dos et banda ses muscles. « Je vais tous les tuer. » gronda-t-il, le torse tout gonflé et frémissant d'excitation de gaver ses armes de sang. « Oh que non, je ne crois pas. » Il sentit une poigne se refermer sur son épaule et le tirer en arrière. Il en fut si surpris qu'il se laissa traîner à moitié sur quelques mètres, loin du nœud des combats. « Qu'est-ce que ! Mais arrête ! » rugit-il enfin alors qu'elle le lâchait pour ouvrir une porte à la volée. « La ferme, bon sang ! » Elle le poussa hors de la salle et referma la porte derrière eux, au nez de ceux qui avaient commencé à courir sur eux. Elle attrapa une lance suspendue au mur et la passa dans les poignées. Là, elle s'appuya contre la porte, le front contre le battant, comme prise de faiblesse. Adolphe se dressa sur ses ergots et lui décocha son regard le plus noir et vexé. « Je veux me battre ! Ouvre ! » Son exigence retomba sans conséquences sur l'attitude de Saline. Elle finit par se redresser et se passa une main sur le visage avant de secouer la tête comme pour se réveiller. « T'es blessée ? » « Non, je me sens... je ne sais pas. Mais ce n'est pas important. Adolphe, quitte le palais. Il y a un passage dans les murs dans le boudoir de la reine, il débouche dehors, à l'arrière du palais. Va-t'en. » Scandalisé, Adolphe ne bougea pas d'un millimètre et la regarda comme si elle venait de lui révéler qu'elle venait de la lune. « Quoi ? Absolument pas ! Pousse-toi de là, j'y retourne. » Elle jura et sans sommation, envoya le dos de sa main claquer sur la pommette de l'adolescent qui en vit trente-six chandelles. Il lâcha une exclamation de pinçon outré. « On n'a pas le temps pour ça, va-t'en ! » aboya-t-elle, les traits cernés de colère et d'épuisement. « Si tu restes ici, tu vas te faire tuer bêtement, ou tu vas nous traîner dans les pattes parce qu'on va devoir assurer ta sécurité. C'est déjà assez difficile comme ça, merde ! » Une main plaquée sur sa joue cuisante, Adolphe la dévisagea en se retenant de ne pas la perforer sur place pour l'avoir giflé. « Mais je ne suis pas un lâche, je ne vais pas fuir, tu as perdu la tête si tu crois que je - » « Adolphe, s'il le faut, je t'assomme et je te traîne hors d'ici comme un sac. » asséna-t-elle. Il cligna des yeux et laissa son regard hésitant sonder sa droite, puis sa gauche. Il n'aimait pas du tout ça. « Mais... mais ensuite je vais où ? » Saline leva les yeux au ciel. « Oh mais débrouille-toi ! » s'emporta-t-elle. Comme il restait planté là, à s'enraciner pendant que les coups s'acharnaient sur la porte, elle cracha une malédiction entre ses lèvres à propos de nounou et de bébé, puis elle l'attrapa par le bras. « On dégage, allez. »

Message IX | trop de mots
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t39916-zeryel-belegad
Ssyi'hæ
~ Eversha ~ Niveau I ~

~ Eversha ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 106
◈ YinYanisé(e) le : 21/08/2023
Ssyi'hæ
Ven 07 Juin 2024, 17:23


Image par Sai Teja Vuttaluru & Avatar par @st_hedge


Les Portes V ; Narfas
Jezeṃiās, dans le rôle de Sextus



Rôle - Sextus:

Sextus devait réviser son jugement sur Primaël. Savoir se remettre en question, réévaluer, tout cela était nécessaire pour savoir s'adapter dans un monde sans cesse en changement comme Narfas l'était. Il avait fallu aider les fidèles aussi à en faire autant. Pour certains, l'éclat de la rébellion avait éclipsé l'Illumination des dieux ; pour d'autres, encore nombreux, ils s'étaient raccroché à ce divin secours, à l'espérance d'entendre une voix dans la tempête qui saurait les guider. Sextus tâchait de suppléer au silence impassible de ceux qui ne daignaient pas prouver leur existence, ne requérant des fidèles rien de plus qu'une Foi aveugle. Le besoin permanent d'attention des fidèles était un paradoxe. Plus ou moins secrètement, chacun voulait, au fond, être celui qui saurait voir les signes, élu des dieux, entendre si pas un murmure, au moins une respiration qui les rassurerait sur l'avenir, qui saurait les sauver.

Il eut un petit sourire en coin. « Face aux menaces de meurtre, je compte davantage sur ma prudence et mon instinct. Si je devais m'en remettre à l'armée, je serais déjà mort. L'armée ne peut pas être partout. Et surtout, j'ignore comment leur faire véritablement confiance après ce qu'il s'est passé du côté des semenciers hier. J'espère que vous ne connaissiez personne parmi ces pauvres hommes. » dit-il d'un ton empreint de compassion. En vérité, il n'avait que faire des semenciers, mais il réprouvait la façon plutôt radicale qu'avait eu l'armée face à leurs protestations. Ce type d'initiative risquait de pousser le pays à son point de rupture, un point qu'ils avaient d'ailleurs presque atteint dans la nuit, sans quoi ils ne seraient sans doute pas ici aujourd'hui.

« Vous me voyez rassuré. J'ai aussi à cœur le bien-être des Narfasiens, le peuple comme les nobles. Nombreux sont ceux qui ont pu prier à mes côtés et je me sens aussi proche d'eux que s'ils étaient mes frères et sœurs de sang. Je ne souhaite que le meilleur pour nous tous. Nous avons déjà trop souffert, à cause de Luce, puis à cause de cette malédiction qui nous accable. Vous savez, beaucoup se sont tournés vers moi il y a un mois, au lendemain de la formidable nuit où tout a changé. Ils étaient inquiets, ou en colère, ils voulaient savoir pourquoi, ils voulaient savoir si tout ceci était la volonté des dieux. Il est rassurant de pouvoir remettre son sort dans les mains d'une entité supérieure. Nous ne sommes pas tous conçus ainsi, et je ne vous crois pas fait de ce bois, malgré votre participation aux messes étant petit, mais pour beaucoup, la religion est le pilier qui les aide à supporter un nouveau jour. Je vous crois plein de bonnes intentions, mais j'ai côtoyé la misère, comme vous l'avez peut-être connu, avant. J'ai vu, ce dernier mois, des hommes et des femmes qui n'avaient plus de foyer, j'ai vu des orphelins errer, affamés et perdus. Je ne suis pas un dieu, je ne suis qu'un de leurs serviteurs, mais j'ai cherché à apaiser leurs maux dans la mesure de mes capacités, je leur ai prodigué des soins quand je le pouvais, je les ai habillé aussi quand c'était possible, je leur ai ouvert mon Temple le temps qu'ils se reconstruisent, en eux-mêmes, qu'ils retrouvent la confiance et l'espoir. La bienveillance peut faire des miracles. Un simple geste peut sauver une vie. Vous le savez certainement mieux que moi. Alors quelle place j'estime pour la religion ? Je l'estime centrale, nécessaire même. Ce n'est pas l'opinion de Tamara d'Epilut, mais peut-être entendra-t-elle raison, plus tard, avec les bons mots, une fois que les sujets les plus épineux seront écartés. En fait, je pense que - » Sextus s'interrompit. Il venait d'entendre le son caractéristique, pour la deuxième fois en quelques heures, d'une petite troupe, armée, qui venait de l'extérieur. Comme le bruit prenait de l'ampleur, il révisa à la hausse le terme de "petite troupe". « Nous attendions d'autres invités ? Ils sont un peu en retard, ils ont manqué le discours. » Une pointe d'inquiétude perçait à travers sa plaisanterie. Le prêtre venait de noter que les soldates avaient tiré leurs lames au clair. Nerveusement, il joua avec le pli de sa toge et quand les portes claquèrent, il recula de quelques pas trébuchants. Blême, il contempla avec effroi la mêlée sanglante qui opposa rapidement les deux camps et quand Ivanhoë surgit de nulle part pour venir faire barrage entre Primaël et l'un des attaquants, Sextus se figea, les membres comme liquéfiés de stupeur. Partout autour de lui, le chaos régnait. Dans la salle à haut plafond, la cacophonie ne faisait qu'amplifier la peur mordante qui avait refermé ses mâchoires sur sa nuque et l'empêchait de bouger ne serait-ce qu'un muscle.

Quand il vit les deux rebelles se décaler sur le côté jusqu'à la fenêtre, il sortit avec retard de sa léthargie. Hésitant, il fit un premier pas vers eux pour s'immobiliser encore en voyant Ivanhoë se faire toucher par une lame plongée dans son flanc. Une sueur froide désagréable couvrit son derme et il jeta un coup d'œil de l'autre côté, craignant de devenir très prochainement la cible des assaillants. Quand il revint sur la fenêtre, il vit Ivanhoë qui lâchait le rebord de la fenêtre. La panique se rua dans son cœur et enfin, il se mit à se mouvoir. Il couru là où le roux avait disparu et se pencha pour voir sa silhouette s'éloigner lentement, une main plaquée sur le ventre et boîtant. De l'autre côté, un mouvement lui fit tourner les yeux vers un autre fuyard qui passait par une autre fenêtre. Il ouvrit de grands yeux en reconnaissant Herminiette qui chuta purement et simplement. « Bon... » Le son tremblant de sa voix lui mit du cœur au ventre. Il s'essuya les paumes de mains devenues moites sur son vêtement et commença à escalader le rebord de la fenêtre. Il craignait le vide, dehors, mais il craignait davantage de mourir. Sa profonde inspiration s'interrompit sur un hoquet silencieux. Il baissa les yeux pour découvrir avec une innocente surprise un fin manche en bois surmonté d'une longue pointe d'acier dépasser de son abdomen, le tout ruisselant de sang. Il cilla en comprenant qu'il s'agissait du sien, et fut étonné de ne sentir qu'une douleur secondaire, comme diffuse. Il ouvrit la bouche pour protester mais une bulle de sang éclata à la place de ses mots. Un pied frappa son dos et il sentit la lance faire son chemin de retour dans son corps pour s'en extraire lorsqu'il chuta.

Message IX | 1166 mots


les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 90xy
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t40133-ssyi-hae#757815
Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

~ Sorcier ~ Niveau VI ~
◈ Parchemins usagés : 4148
◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
◈ Activité : Professeur
Kaahl Paiberym
Sam 08 Juin 2024, 22:50



Les Portes


Mon crâne reposait contre le mur de la salle de pause depuis ce qui me semblait être une éternité. J’avais tenté de réconforter Rosette plus tôt et avais également fait plusieurs aller et retour jusqu’à Ludoric pour essayer de le détacher de Placide, jusqu’à tout abandonner pour m’asseoir sur une chaise et ne plus bouger. Le mensonge de la rousse me trottait dans la tête. Je savais qu’elle avait murmuré ces mots pour me protéger du soldat. En le faisant, elle avait enfermé la vérité à double tour. À présent, il me serait difficile de revenir sur ses dires. Le devais-je seulement ? Qu’importât la raison de la mort du Prince, la conséquence restait irréversible. Si j’avouais, je ne pourrais plus soutenir le rouquin. Si j’avouais, il essaierait de me tuer. Je soupirai et fermai les yeux, le cœur endolori de culpabilité. J’aurais dû avouer, ne pas laisser Rosette s’enfoncer dans cette histoire de cheval. Je décollai lentement ma tête de son support pour mieux l’y fourrer de nouveau. Que faire ? L’écho d’une voix répondit à mon interrogation. Je me redressai en entendant l’urgence des propos. « Des hommes armés se dirigent droit sur le palais ! » « Ton père est dans le palais ! » m’écriai-je à mon tour, en regardant Rosette. Une idée folle fit son chemin jusqu’à mon cerveau. Si j’avais pris la vie de Placide, je pouvais sauver d’autres vies. Je me précipitai hors de la salle pour trouver la source de l’alerte. « Qui sont ces hommes ? Des hommes de Judas ? » J’avais littéralement sauté au cou de la personne. Mes mains agrippées à son col lui firent le plus grand effet. Il hocha la tête négativement. « C’est qui alors ? » « Je… Je n’en sais rien… On dirait des malfrats. » Dans ses yeux, je lus clairement sa déconvenue. Qui étais-je ? Que lui voulais-je ? Étais-je avec eux ? Je le lâchai. Ça délia davantage sa langue. « Je ne sais pas qui ils sont mais c’est clair qu’ils vont attaquer. » « Ok… Réfléchissons… » Mes pensées fusaient à toute allure. Parmi mes idées, l’une d’elle alla vers Placide. Je lui promis de devenir meilleur pour réparer mes fautes. Il devait me haïr de là où il était mais je devais passer outre. Je ne pourrais pas vivre en sachant mes mains recouvertes de son sang. Je ne pourrais pas vivre ainsi, pas sans rien faire, pas sans agir pour des jours meilleurs. Pris dans des pas infinis, je m’arrêtai pour mieux rejoindre ma cible. « Est-ce qu’il y a une ferme dans les parages ? Un près ? Des animaux en nombre ? » « Euh… » « Répondez ! » ordonnai-je, avec toute l’autorité dont je disposais. « Il y a des chèvres à deux pâtés de maison. » L’infirmière ne me détailla pas le pourquoi du comment. En réalité, elle le savait pour deux raisons : la première c’est qu’elle aimait s’y rendre et la deuxième c’était parce que ces animaux avaient été exportés de l’étranger jusqu’à Narfas et que l’ancien propriétaire avait perdu un procès à cause des mauvais traitements qu’il leur infligeait alors. En effet, même si les chèvres supportaient plutôt bien la chaleur, l’ambitieux qui avait imposé l’odeur de ses boucs aux habitations voisines avait omis de leur construire un abri décent et ombragé. Les animaux avaient depuis été rachetés par quelqu’un de plus sensible à leur bien-être. « Des poules, des chiens, des lamas et des chameaux aussi, ainsi que quelques chevaux… » rajouta-t-elle. « D’accord, merci. » lui dis-je. Je me hâtai vers Ludoric. « Viens m’aider ! Il faut sauver les autres ! » lui assénai-je, avant de faire demi-tour. Je croisai Rosette. « Toi tu… » La raison aurait voulu que je tentasse de la convaincre de rester ici mais je n’arriverais à rien tout seul. « Ramène le maximum de gens possible jusqu’aux chèvres ! » Je fis un tour sur moi-même. « Trouvez-moi des pièces d'armurerie ou... ou du métal ! N'importe quoi qui pourra refléter la lumière du soleil ! » Il devait y en avoir dans l’hôpital et aux alentours.

Pris dans l’action, je ne me rendis pas compte tout de suite de son ampleur. Par le jeu du bouche à oreille, les choses allèrent vite. Les animaux et les volontaires furent affublés des pièces métalliques en provenance de plusieurs endoits. « Allons-y ! » clamai-je lorsque tout fut prêt. Mon idée, aussi tordue qu’elle pût paraître, fonctionna parfaitement grâce à l’aide de la propriétaire des lieux, de ses chiens et des volontaires qui ne cessèrent de se multiplier. Je pris la tête du cortège, juché sur un cheval. Les animaux devraient être tenus à bonne distance du château afin que personne ne se rendît compte de la supercherie. Le soleil qui éclairait Narfas depuis son levé se refléterait sur le métal et éblouirait ceux qui tenteraient d'y voir clair. Avec un jeu convainquant, ils penseraient à une armée. À ses abords, quelques personnes se détachèrent du groupe, dont moi. Arrivé proche des lieux où se déroulait le combat, je gonflai le torse et m’écriai : « Rendez-vous, vous êtes cernés ! » Je brandis l’épée émoussée que m’avait confiée la fermière en l’air, soutenu par des cris guerriers d'hommes et de femmes qui, comme moi, ne savaient probablement pas le fin mot de l'histoire mais qui s'étaient laissé prendre au jeu de la révolte. J’étais sûr que mon frère était avec moi. Et mon père aussi. Mes troupes ne tardèrent pas à se gonfler des hommes envoyés par Primaël qui, eux, attaquèrent réellement. Qu'importât que je ne comprisse rien à la situation : je voulais surtout sauver Lambert.

853 mots
Merci à la personne qui m'a raconté cette anecdote il y a quelques mois. Depuis je veux la placer. Je suis le premier à le faire, quoiqu'un peu modifiée, et j'en suis fier  les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 943930617
Ilias (Clémentin):

Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t38028-kaahl-paiberym-el
Aäron Taiji
~ Alfar ~ Niveau I ~

~ Alfar ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 89
◈ YinYanisé(e) le : 22/08/2022
Aäron Taiji
Dim 09 Juin 2024, 14:31


Image by Pavel Filimonov

Les Portes V
Balthazar



Zéphyr avança sa main vers les livres de comptes. Son index courut sur les listes de noms. Certains esclaves avaient depuis longtemps été vendus. Lorsque ça avait été le cas, un prix figurait à droite de leur nom. D’autres n’en avaient qu’un à gauche, lorsqu’il avait dû lui-même les acheter à des trafiquants tiers dans l'espoir d'en obtenir un meilleur prix par la suite. Balthazar était son deuxième grand rôle. Le premier était son plus cuisant échec, un échec qui avait failli coûter le Royaume de Cit. Il avait incarné d’autres personnalités dans sa jeunesse, plus petites, moins illustres. Son premier rôle de poids avait duré ce qui lui semblait être une éternité. Il avait eu le temps de voir l’homme évoluer, de partager ses idées et pas seulement. Dans sa contemplation, il se dit qu’il était à un tournant majeur. Il ne se fermait toujours aucune porte. Son entreprise pouvait réussir comme échouer. Dans le dernier cas, il devrait probablement abandonner les traits qui étaient les siens depuis des années maintenant. Tant de temps à observer Balthazar pour continuer de lui correspondre dans les moindres détails... Heureusement, le Monarque n’avait jamais pris de poids d’un coup. Il avait également été épargné des blessures que d’autres provoquaient sciemment ou subissaient par le jeu des circonstances. Le de Narfas avait toujours été un homme stable, malgré ses magouilles, sa consommation de drogue et ses moments d’égarement dans les bras de la Cheffe des Armées. Zéphyr soupira lentement, une expiration qui dura plusieurs secondes, profonde et soucieuse. Une fois qu’elle fut terminée il se leva pour s’admirer dans la glace de sa coiffeuse. C’était un meuble indispensable pour ceux de son espèce, bien qu’il ressemblât déjà notablement à Balthazar. Le plus gros du travail avait été de faire redresser son nez. Les ajustements quotidiens, quant à eux, étaient minimes et son maquillage invisible. C’était autre chose que de devoir casser ses os et touiller sa chair pour imiter des cicatrices et plaies. Après tout, certains individus avaient des traits caractéristiques, bien moins lisses que ceux du narfasien. Quand il se regardait dans le miroir, Zéphyr voyait ces autres hommes qu’il avait suppléé, soit pour se faire passer pour eux, soit pour d’autres raisons qui ne regardaient que les clients. Cit tenait grâce aux services que le Royaume rendait à des grands noms, à ceux qui avaient assez de pouvoir, d’argent et les connaissances nécessaires pour savoir ce qu’il s’y tramait.

« On nous informe que Tamara et ses soldates sont en train de mettre le feu aux égouts. » Il inspira. Tamara avait vraisemblablement trouvé sa cachette. Les erreurs qu’il avait commises depuis sa sortie de prison étaient importantes et sa visibilité sur ce qu’il se passait à la surface réduite depuis qu’il avait ordonné l’attaque. Il fixa son reflet. Balthazar devait vraisemblablement brûler pour ne laisser resplendir que la vérité. Zéphyr se dirigea vers un meuble dans lequel se trouvaient des parchemins roulés. Il s’agissait de cartes du monde. Il prit deux plans de Narfas : un de ses rues et un de ses égouts. Bien qu’il connût particulièrement bien les deux, avoir un support visuel aidait la réflexion à se matérialiser. « Dîtes-moi d’où vient la fumée. Si vous manquez d’informations, sortez vous renseigner. » Puis, il s’interrogea plus bas, les yeux sur les artères et les veines de la ville. « Qu’essayes-tu de faire, Tamara… ? » Elle était forcément partie du château puisqu’il savait de source sûre qu’elle s’y trouvait. Si elle l’avait voulu mort, elle aurait certainement condamné les bouches d’égout. En mettant le feu, c’était toute l’infrastructure de la ville qu’elle détériorait. Pourquoi ? Pour le faire sortir, vraisemblablement, si tant est que ce fût lui qu’elle cherchât. Qui d’autres ? Melchior, Gaspard et la jeune femme qui les accompagnait ? Peu probable, bien que le trafiquant eût œuvré contre elle. Elle n’avait jamais porté son frère dans son cœur et le sort de la femme semblait au Roi trop secondaire pour qu’elle prît des risques inconsidérés maintenant. « Les tunnels se rejoignent ici… Si elle allume des feux ici, ici et ici, il serait judicieux de boucher l’artère pour empêcher la fumée de se répandre… » continua-t-il tout bas. « Le problème sera de sortir… » C’était un double problème. Zéphyr savait que sa vie était en jeu. Premier problème. Le deuxième reposait sur le fait qu’il n’avait pas l’intention de renoncer au pouvoir qu’il détenait. Cependant, il était en mauvaise posture. Si Tamara condamnait toutes les sorties sauf une et l’attendait là-bas, le simple fait de devoir gravir une échelle le condamnerait. Le feu n’était pas un problème en lui-même. Ce qui était un problème était la fumée qu’il générait et qui l’étoufferait s’il s’obstinait à rester sous terre. Il n’avait que deux options : soit il devait sortir rapidement, d’une manière ou d’une autre, soit il devait la forcer à descendre. Ou alors… « Libérez les esclaves de manière à les faire courir vers les feux. S’ils veulent survivre, ils devront les éteindre. Donnez-leur de quoi se boucher le nez et la bouche ainsi que les seaux qui leur servent à déféquer pour qu’ils les utilisent à bon escient. Nous ne manquons pas d’eau. Quant à moi, je vais écrire un mot à l’attention de Tamara que je vous chargerai de lui remettre. » Zéphyr pensa qu’il devrait vraiment dire adieu à Balthazar. Il ne survivrait pas s’il gardait son apparence actuelle. Il sourit, l’amusement sur les lèvres malgré la situation. Il n’avait jamais voulu croire que la Cheffe des Armées était une femme intelligente, même quand son premier rôle le lui avait conté. À présent, il mesurait son erreur. Il fallait aller bien au-delà de l’aspect rustre et libéré de la rousse. Dans l'action, elle était douée.

Tamara,

Il se trouve que dans ma précédente lettre, je ne t’ai pas tout révélé. Balthazar de Narfas est vraisemblablement mort durant la révolte. Mon prénom est Zéphyr. Je viens de Cit, un Royaume qui prendrait très mal le fait que l’un de ses plus éminent ressortissant périsse dans les flammes. Mon rôle jusqu’ici était de doublé Balthazar de Narfas, autant dans son rôle de Roi que dans son rôle de Main. Je connais tout de sa vie et tout de ses secrets les plus intimes. Tu pourras vérifier auprès du Conseil de Cit. Eu égard à la situation, je te saurais gré de bien vouloir me rencontrer pour que nous puissions discuter et ainsi éviter à Narfas un ennemi redoutable supplémentaire. J’ai d’autres connaissances qui pourraient être utiles dans la guerre en approche contre Uobmab. Abandonne ton opération et retrouvons-nous demain soir là où nous avons fait l’amour pour la première fois.

Zéphyr.


1057 mots
Rôle:



les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 6dmr
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t39791-aaron-eorgor-taij
Adriæn Kælaria
~ Sirène ~ Niveau I ~

~ Sirène ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 445
◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021
Adriæn Kælaria
Dim 09 Juin 2024, 23:09

les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 Zwbn
Image par Kelogsloops
Les Portes V
Lambert



Lambert tentait de suivre les conversations mais il n’entendait qu’un vague brouhaha qui allait et venait à une intensité changeante. Lorsqu’il ouvrait les yeux, il lui arrivait de voir flou. Il se sentait mal, tantôt fiévreux, tantôt frigorifié. Il crut entendre des cris de douleur, plus loin. Il s’imagina un autre blessé mais ne le vit pas. La réponse de Garance à sa question tournait dans sa tête sans qu’il ne fût capable de s’en débarrasser. Malgré lui, tout se mélangeait et, pour la première fois depuis longtemps, il eut l’impression qu’il allait mourir. Ça lui était déjà arrivé par le passé, dans des moments difficiles, lorsqu’il était tombé malade ou lorsque l’anxiété avait écorché son calme habituel. Il aurait aimé pouvoir faire autre chose que se reposer – comme le lui avait conseillé la gérante – mais son corps n’était pas de son avis. La silhouette d’Adolphe ne fut qu’une ombre de plus dans son entourage immédiat. Il ne devina pas de quoi il en retournait, trop occupé à se demander si son état s’améliorerait avant la réunion. Il ne désirait pas que sa mort planât sur les cinq personnes désignées pour les garder en vie. Il crut déceler les mots « insolence » entre les lèvres de la blonde en réponse à des propos de l'une des deux brunes mais n’en fut pas si sûr. L’eau lui avait fait du bien au début mais ses effets étaient déjà derrière lui. Curieusement, il n’avait plus si mal ; juste l’impression de planer. Sa situation lui rappelait ses grasses matinées à la campagne, lorsqu’il écoutait sa femme et sa fille parler dans une pièce voisine sans entendre ce qu’elles disaient exactement, pris entre rêve et réalité. Ses oreilles captèrent ce qui lui sembla être une sorte de monologue, peut-être coupé de commentaires. Quelques mots se détachèrent, comme la mention du prénom de Merlin ou encore le nom du Royaume de Lieugro. Il pensa à Montarville et songea que l’avenir ne ferait probablement pas un Roi aussi bon pour sa population. Ils avaient cru trouver de l’aide en venant à Narfas mais la réalité qu’ils avaient rencontrée était si écœurante qu’il en était toujours abasourdi. Dans ses pensées, il se dit que Childéric avait peut-être bien fait de déserter. Il tenta de se raisonner. C’était un traître. Néanmoins, bien qu’il ne le portât pas dans son cœur, il savait aussi qu'avec lui, les choses auraient été plus aisées.

Il aurait continué à se morfondre d’idée en idée si l’environnement autour de lui n’avait pas drastiquement changé d’un coup. Il ne le comprit pas tout de suite. Son inconscient lui envoya des signaux mais sa conscience mit un temps considérable à faire émerger la possibilité d’un danger imminent. Les sons de voix n’étaient pourtant plus les mêmes. Plus pressants, plus stridents. Le bruit de fond avait lui aussi changé. Il se sentit tirer vers l’avant et retrouva une forme de lucidité vague, une lucidité dans laquelle la pièce autour de lui tangua dangereusement et disparut même totalement pendant quelques secondes, le temps pour son corps de s’habituer à la position debout. « Pardon ? Sauter ? » s’exclama-t-il, tout en voyant la fenêtre se rapprocher dangereusement. Il sentait toujours la poigne ferme de la femme sur son bras. « Garance ? » demanda-t-il, pour s’assurer qu’elle était bien avec lui. Il n’en était pas sûr. Il finit néanmoins par trouver son visage dans le flou qui l’inondait. La salle reprit de la netteté momentanément. Ses oreilles bourdonnaient mais il pouvait discerner les bruits des combats qui avaient lieu tout autour d’eux. Herminiette avait raison : sauter par la fenêtre constituait leur unique chance de salut. Il n’était pas en état de se battre. S’il l’avait été, il aurait protégé la blonde au péril de sa vie. Néanmoins, tenir une arme lui semblait actuellement chose impossible. Il n’y avait pas que la blessure. Il se sentait mou et lent. « Garance. » répéta-t-il en jetant un coup d’œil au vide. « On va monter ensemble sur le bord de la fenêtre… » Il se vit un instant l’enlacer pour mieux la protéger dans la chute mais il était certain que ça ne servirait à rien, pas plus que de faire chuter d’autres personnes pour leur servir d’amortisseur. Il n’était pas en état et n’aurait jamais procédé ainsi dans tous les cas. Si les lames ne les frôlaient pas, il aurait cherché un moyen de descendre plus sécurisé : en arrachant des tentures ou des rideaux. Ce n’était pourtant pas d’actualité. Il n’avait plus qu’à espérer que la végétation amortît leur chute. « Et on va tenter de descendre le plus possible avant de sauter pour de bon, d’accord ? Ça va aller. » Sa blessure se rouvrirait, c’était une certitude. Il fixa ses yeux bleu clair sur elle. « Je t’aime. » murmura-t-il, avant de lui sourire.

804 mots
Rôle:



les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 4p2e
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t38724-adriaen-kaelaria
Priam & Freyja
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 4098
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam & Freyja
Lun 10 Juin 2024, 09:12




Les Portes – Chapitre V

En groupe | Yngvild


Rôle :


Le crâne de Rosette reposait contre l’épaule de Clémentin. Ses doigts caressaient distraitement les siens ; leur mouvement tentait en vain d’occuper son esprit. Ses pensées oscillaient entre le cadavre de Placide englué de sang et la vision de son père enfermé dans le palais. Il s’agissait aussi d’un hôpital, en partie. Le reste, trop abimé par les affrontements et les incendies, ne servait pas. Pourquoi Tamara les avait-elle réunis en ce lieu ? Que voulait-elle ? Que risquait-il ? Son cœur lui commandait de courir jusque là-bas pour l’en sortir, tandis que sa raison lui martelait d’attendre son retour. Elle n’avait jamais interféré dans les réunions politiques auxquelles Lambert assistait. Tout au plus, elle avait écouté aux portes.

L’adolescente soupira, avant de se redresser et de se lever. Elle marcha jusqu’à la fenêtre la plus proche. Ses iris verts montèrent vers le ciel. Si ses oiseaux avaient pu parler, elle aurait pu en envoyer un épier le palais pour lui rapporter ce qui s’y tramait – mais seul leur chant savait ravir le silence. Ses doigts se posèrent contre ses lèvres. Elle en mordilla le bout des ongles avec anxiété. Les bras de Clémentin n’avaient pas calmé sa peur. Elle essayait de se raisonner mais n’arrêtait pas de visualiser la silhouette de son père à la place de celle de Placide, et quand elle pensait au Prince, une culpabilité sourde lui dévorait le cœur. Elle avait voulu l’écarter de la couronne lieugroise, mais pas de cette façon. Il ne méritait pas de mourir. Pas comme ça. Et Clémentin… Clémentin n’avait pas à vivre avec ça sur la conscience, avec cet accident terrible, cette faute du destin contre laquelle ils ne pouvaient rien. Tout cela lui donnait la nausée. Elle se tourna vers la porte, comme si à travers celle-ci elle pouvait discerner la silhouette de Ludoric penchée sur celle du Prince. Son cœur se serra, avant de bondir quand une voix pressée d’urgence retentit de l’autre côté du panneau de bois. Elle pivota vers Clémentin, livide, avant de se précipiter derrière lui.

« Il faut aller chercher mon père. » souffla la jeune fille, le palpitant affolé et les prunelles dilatées de crainte. Aussitôt, son cerveau se mit à réfléchir. De quels moyens disposaient-ils ? Les exilés avaient emmené peu de soldats avec eux, et la désertion de Childéric en avait fait partir plus d’un. Mais il en demeurait quelques-uns tout de même, alors peut-être fallait-il commencer par-là ? Elle jeta un coup d’œil à Ludoric. Pourrait-il exercer un semblant d’autorité sur ces hommes ? Il n’était pas aussi âgé et expérimenté que le précédent chef des armées, mais on lui avait confié la protection des trois adolescents Lieugrois et il connaissait les guerriers. « Des animaux ? » La suggestion de Clémentin interrompit net sa réflexion. De quoi parlait-il ? La question ne franchit pas ses lèvres ; il traversa la pièce jusqu’au roux, dont le visage quitta à grande peine le corps du Prince. Elle avança vers eux. « Il faut mobiliser les soldats. » lui dit-elle. « Je ne laisserai pas Placide. » Rosette sentit monter en elle une colère virulente, coupée par les propos de son amoureux. Elle ne comprenait pas où il voulait en venir, mais elle était prête à lui faire confiance, à suivre n’importe quel plan tant qu’il offrait des perspectives d’action et de l’espoir. Ils ne pouvaient simplement pas rester là à rien faire, à se morfondre sur un cadavre qui ne pouvait rien pour eux. À son ordre, elle acquiesça vivement. Dès qu’il eut tourné les talons, son regard retomba sur Ludoric, sourcils froncés. « Placide n’aurait pas voulu que tu abandonnes. Fais quelque chose, pour lui. Je te promets que le corps ne bougera pas d’ici. »

Rosette avait activé son réseau. En quelques minutes, un maximum des connaissances qu’elle s’était faite avait rejoint leur groupe et s’était affairé à répondre aux exigences de Clémentin. Ludoric s’était finalement relevé pour prévenir les soldats, mais quelqu’un les avait déjà avertis de la situation – un homme de Primaël Noyarc. Le trio d’adolescents, monté sur des chevaux, avançait vers le palais, secondé de nombreux volontaires et animaux déguisés de pièces d’armure sur lesquelles le soleil jetait ses feux. La botte de la rousse frôlait parfois celle du Prince bâtard – immanquablement, son cœur tambourinait. Malgré l’horreur de la situation – ou justement du fait de celle-ci –, elle le trouvait d’un courage admirable. Courageux, brillant, et un peu fou. Quand il brandit son épée, elle ne put retenir un sourire, qui ne s’effaça que lorsqu’elle vit une silhouette se jeter de l’une des fenêtres du château, puis une autre. Son sang se glaça. « Ils sautent. » C’était haut. Pas assez pour tuer à coup sûr, mais haut quand même. Et si son père… Elle bloqua sa respiration. Les hommes de Primaël se lancèrent à l’assaut du palais ; les soldats de Lieugros en firent autant, Ludoric avec eux. Elle pivota sur sa selle pour embrasser du regard les infirmiers et médecins qui avaient accepté de se joindre à eux. « Je veux que la moitié d’entre vous suive les soldats et soignent ceux qui doivent l’être. Les autres, sous les fenêtres. Il y a des gens qui sautent ! » cria-t-elle. « Faites-moi chercher si vous trouvez mon père. » Après un regard à Clémentin, elle poussa son cheval en direction de la tour de laquelle s’étaient jetés plusieurs individus.



Message IX – 900 mots




les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 1628 :


les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t40510-priam-freyja-bele
Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

~ Sorcier ~ Niveau VI ~
◈ Parchemins usagés : 4148
◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
◈ Activité : Professeur
Kaahl Paiberym
Lun 10 Juin 2024, 10:15



Les Portes



Le corps d’une soldate glissa sur le côté de son cheval. Elle se réceptionna avec agilité et arriva jusqu’à moi avec un mouvement parfaitement exécuté. « Des hommes armés ont attaqué le palais. » Je penchai la tête, les lèvres serrées mais pas assez pour retenir le juron qui éclata. « C’est pas tout. Certaines soldates semblent droguées. On est en train de perdre. » « Et Adolphe ? » « On s’est occupé de lui. » Je soupirai, un soupir empli d’une tension électrique. « Qui sont ces hommes ? » m’enquis-je. « Des criminels, c’est sûr. Que fait-on ? » Bonne question. Je fixai la plaque d’égout. Nous n’étions pas tant ici. Notre retour au palais ne changerait rien. En revanche, si nous attrapions la vermine qui se cachait dans les entrailles de Narfas et que Balthazar était bel et bien la Main, dans l’hypothèse où les attaquants lui obéissaient, la tension retomberait définitivement. « Repoussez-les du mieux que vous pourrez. Si nous perdons ce soir, ce ne sera que partie remise. » C’était cruel pour celles et ceux qui perdraient la vie mais je ne pouvais pas m’arrêter maintenant. J’avais appelé l’armée qui se tenait à l’ouest, bien plus conséquente que celle de la cité. D’ici quelques jours, qu’importât le résultat de ce soir, l’ordre serait rétabli pour de bon. « Où est Primaël ? » « Aucune idée. » Je levai les yeux vers Agnês, l’une de celles qui m’avaient accompagnées ici. « Prends son cheval et renseigne-toi. Relayez-vous avec d'autres soldats pour m'apporter des nouvelles le plus vite possible. » « À tes ordres. »

À partir de là, et alors que les feux dans les égouts se multipliaient, un flot d’informations ne cessa d’arriver de plusieurs sources. On m’annonça avoir vu Primaël s’enfuir par la fenêtre. On me révéla que certains avaient préféré sauter à son image plutôt que de combattre. L’estimation du nombre de morts ne fit qu’augmenter. La situation me sembla tout d’abord perdue mais se redressa, en même temps que les hommes de Primaël me rejoignaient. « Une armée a entouré le palais, cheffe. » « Une armée ? » « L’armée de l’ouest ? » « Impossible. » « Primaël nous a ordonné de vous prêter main-forte. » me précisa une femme, arrivée plus tôt. Je hochai la tête. « Nous avons réuni le plus de citadins possible et des soldats de Lieugro se sont joints à nous. » « Je vois. » dis-je. Ça ne justifiait pas la mention d’une armée. J'étais loin de me douter que ladite armée était en grande majorité composée de chèvres. « Tamara, des feux se sont éteints et des personnes sont sorties des égouts ! Nous en avons arrêté certaines mais leur nombre nous a surpris et plusieurs ont réussi à s’enfuir ! Ce sont des esclaves. Ils sont nus, effrayés, maigres et beaucoup ne parlent pas notre langue. » Si la situation du palais semblait en passe d’être sous contrôle, ce n’était pas le cas de celle des égouts. Un nouveau juron sortit d’entre mes lèvres. « Contrôlez le maximum de personnes. Balthazar peut se cacher parmi elles ! » C’est probablement ce que j’aurais fait, si j’avais été acculée… ou pas. C’est ce que j’aurais fait si j’avais été lâche. Un maximum ne suffirait pas. Je ne pouvais néanmoins pas faire exécuter des individus victimes de traite. « Arrêtez tout le monde. Il faudra qu’on contrôle ensuite. » Je tournai la tête vers la femme sous les ordres de Primaël. « Aidez-les. Réquisitionnez les logements aux alentours pour placer ces gens en détention provisoirement, le temps qu’on les interroge. »

Je continuai de donner des directives au fur et à mesure que les informations tombaient. Alors que j’étais informée qu’une équipe médicale se trouvait au palais, une altercation démarra entre une soldate et un homme au visage balafré qui tentait visiblement de me rejoindre envers et contre tout. Je m’avançai. Il me tendit un mot, l’œil mauvais. « Quoi ? T’as la haine parce que mes biceps sont plus gros que les tiens ? » lui demandai-je, avec insolence. Une pause récréative ne faisait jamais de mal, même dans le pire des moments. Je pris néanmoins le mot sans faire plus attention à lui. Ce que j’y lus me fit hausser un sourcil. « Y a pas que mes soldates qui sont droguées visiblement hein… » Pourtant, j’avais l’impression que les affirmations étaient trop grosses pour qu’elles fussent fausses. Alors quoi ? Balthazar et ce Zéphir auraient été deux tout ce temps ? Quelqu’un l’aurait remarqué, fatalement… Je pensai au Roi, à nos ébats, aux différences notables qui existaient parfois dans son comportement pendant l’amour. Je soupirai. Il n'y avait là aucune preuve. Mon instinct me dictait de le tuer sans chercher à comprendre. Néanmoins, si ce qu’il disait était vrai, le Royaume de Cit n’apprécierait pas l’assassinat. S’il s’agissait de la vérité, faire passer sa mort pour un accident ne marcherait peut-être pas. Si ces gens étaient capables de se fondre dans la masse, rien ne me garantissait qu’ils ne se tinssent pas parmi nous. Je râlai. « Toi, là ! » rappelai-je l’homme. « Va avertir ton chef que je veux le voir tout de suite et pas à la Saint-Glinglin. » « Ouais, c'est ça... » me répondit-il, l'air de dire que la Main refuserait. Il y alla pourtant. Je m’adressai ensuite à l’un des gens de Primaël. « Trouvez Primaël et donnez-lui ce mot. Il faut enquêter sur la potentielle mort du Roi. S’il est mort, le corps doit bien être quelque part… Quelqu’un doit forcément être au courant ! Il faut que nous contactions Cit également. Demandez-lui s’il sait quelque chose sur ce Royaume. » La situation était de nouveau propice à l'alliance. J'espérais qu'il serait à la hauteur cette fois.

Plusieurs longues minutes plus tard, l’homme missionné revint des égouts. « Je ne l’ai pas trouvé. » m’annonça-t-il, en tentant de se retenir de tousser à cause de la fumée de plus en plus dense malgré l'extinction de quelques feux. Une nouvelle insulte déforma mes lèvres. « Il doit forcément être quelque part ! » m’emportai-je en m’adressant à une soldate. Nous nous penchâmes une nouvelle fois sur le plan, à en oublier la présence, ou l’absence en l’occurrence, du balafré.

1041 mots
Eméliana - Tamara:

Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t38028-kaahl-paiberym-el
Kyra Lemingway
~ Déchu ~ Niveau III ~

~ Déchu ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 4875
◈ YinYanisé(e) le : 22/03/2016
◈ Activité : Tenancière (rang I) ; Négociatrice (rang I) ; Reine du monde des contes à mi-temps
Kyra Lemingway
Lun 10 Juin 2024, 12:37


Les Portes V


Le regard de Pénélope se posa sur Adolphe, boîte en main. Était-ce la tête de Montarville ? Surement. Savait-il ce que la boîte contenait ? Probablement, considérant son attitude. Mais s'il l'ignorait, quel pourrait être sa réaction en l'apprenant ? L'intention moins concentrée sur ses accusateurs, elle fut plus encline à détailler nouvellement la tête, et un haut-le-coeur que sa colère lui avait épargné la veille la saisit. Alors, plutôt que de s'attarder avec le quatuor, elle s'en écarta pour rejoindre une soldate, demeurant tout de même à distance de son épée. « Il nous faut un médecin pour Messire d'Eruxul. C'est urgent. Sans soins imminant, il risque d'y passer et ça ne semble pas être le souhait de Tamara. » déclara-t-elle en guise de plaidoyer avant de ramener son attention sur le groupe qu'elle venait de quitter en même temps que la soldate. Elle put ainsi voir Marcellin s'être mêlé au groupe. Ce qui était en train de se passer ici la dépassait. Elle n'était pas la plus douée dans le jeu politique, elle en avait conscience. De fait, elle ne s'y était que peu souvent impliquée. Elle savait s'approcher plus de l'opportuniste que du tacticien, et s'en était accommodée depuis longtemps maintenant. Elle s'adaptait aux situations pour sa survie, essayait de s'octroyer la confiance de ceux dont elle espérait pouvoir profiter, quitte à devoir constamment retourner sa veste. Ore, ici, c'était sur un échiquier politique taille réelle qu'ils avançaient, tous, elle comprit. Son intention se porta sur Luthgarde de l'autre côté de la pièce. Elle semblait aussi détachée qu'elle de l'intensité des événements, attendant plutôt qu'agissant.

Un événement étranger interféra alors avec le fil des pensées de la brune. Le chant glacé du choc du métal. Le brouhaha d'un sol martelé. Les éclats de voix qui prenaient le pas sur les murmures du palais. Pénélope eut un mouvement de recul lorsqu'un groupe d'hommes armés défonça la porte pour débouler autour d'eux. En une fraction de seconde, son cœur s'était mis à bombarder sous ses côtes et son esprit à analyser la situation qui semblait, malheureusement, en leur défaveur. Les nouveaux venus avaient pour eux l'effet de surprise et la sidération qu'elle entraînait. Si ce temps de réaction ne fut pas long, il demeura suffisant pour que quelques soldates soient incapables d'échapper aux lames pourfendeuses. Sans quitter l'affrontement qui venait d'exploser sous ses yeux, elle continua sa marche arrière jusqu'à rencontrer le mur dans son dos. Alors seulement elle détacha son regard de la foule. À quelques pas se trouvait une fenêtre. Puis une autre. Puis encore une autre. Quatre en tout. Quatre entre elle et la grande porte. Ses chances de survie devaient être égales si elle passait par la fenêtre ou tentait de passer par la seule entrée de la pièce. Quitte à mourir, autant que ce ne soit pas de façon ridicule en fuyant comme une voleuse. Laissant aux combattants le soin de repousser l'assaillant, elle longea à pas de loup la façade jusqu'à se dissimuler dans les draps des rideaux. Elle prit une inspiration, se baissa le temps de dépasser la fenêtre et ne pas attirer l'attention sur elle, puis continua sa marche. Elle réitéra ainsi avec la fenêtre suivante. Elle aurait presque pu réussir à ne pas attirer le regard des mercenaires si Herminiette ne s'était pas jetée par la fenêtre qu'elle venait juste de passer. « Merde. » siffla l'Eésnep en croisant le regard furibond de l'un des guerriers. D'une main elle s'empara du pan de sa robe et, sans attendre un instant de plus, prit les jambes à son cou pour échapper à l'homme et quitter cette pièce maudite.

Si elle réussit à fuir le tumulte de l'affrontement, ce ne fut cependant que pour se rendre compte que l'entièreté du château subissait les assauts de ces miliciens. « Court toujours ma jolie, ça servira à rien. » entendit-elle l'homme ricaner derrière elle tandis qu'elle prenait un énième virage. Il avait cessé de courir. Ou plutôt, il avait été contraint de cesser quand, dans sa course folle, Pénélope se précipita sur l'une des soldates de Tamara. L'épée au clair et teinte de carmin, la peau gravement entaillée par endroits, il était évident qu'elle quittait un combat pour se jeter dans un autre. Quand bien même la guerrière risquait d'y passer, à en voir son piètre état, l'enlevée fut absolument ravie de la croiser. Néanmoins, ce n'était pas comme si elle s'inquiétait de la survie de la guerrière, surtout considérant la façon dont elle avait été traitée par ses paires. Elle continua à galoper ainsi plusieurs longues minutes avant de ralentir son allure lorsqu'elle tomba sur un charnier que laissait derrière lui un duel à mort. Le souffle court et la gorge brulante, crachant à moitié ses poumons, elle s'empara d'une épée, encore imbibée du sang de son adversaire, avant de reprendre sa marche. Cela faisait longtemps qu'elle n'en avait pas tenu une et elle devait être un peu rouillée dans le maniement de l'arme, aussi espérait-elle que ce ne soit pas quelque chose qui s'oublie. Ou mieux encore : qu'elle n'ait pas besoin d'en faire usage. Comme elle avait tenté de s'échapper plus tôt, elle s'enfonça dans les couloirs en rasant les murs. Il lui fallait quitter le palais, mais ce n'était pas en se précipitant de façon aléatoire à travers ses artères qu'elle y arriverait. De fait, comme elle continuait son avancée, elle prit le temps d'analyser son nouvel environnement. A gauche, une porte grande ouverte. Le silence y régnait. Elle se glissa dans la pièce et constata rapidement que les assaillants étaient déjà passés par ici, à en juger la dizaine de corps gisant sans vies, les visages déformés par l'effroi. Il ne s'agissait pourtant que simples citoyens. Son palpitant accéléra à nouveau. Ce n'était pas simplement les personnalités influentes qui étaient visées en fait. Tous ceux qui avaient le malheur d'être présent pouvaient y passer. L'urgence de la nécessité de quitter les lieux la saisit de plus belle. Elle songea à Marcellin. Avait-il réussi à fuir ? Dans sa terreur, elle n'avait pas pris la peine d'aider qui que ce soit. Sauver sa peau avait été sa première priorité. L'idée de le perdre déjà l'attristait. Est-ce qu'elle s'en voulait de ne pas s'être inquiétée pour lui plus tôt pourtant ? Malheureusement pour lui, quand bien même elle éprouvait des sentiments à son endroit, ils n'étaient pas assez intenses et passionnés pour être prête à se sacrifier pour lui, ou demeurer à ses côtés dans la mort. Enjambant les cadavres, elle rejoint une fenêtre pour se situer. Elle plissa alors des yeux tandis que ce qui semblait être une armée se dessinait sous ses yeux, le soleil levant derrière eux projetant une ombre immense sur l'entrée du château. Elle déglutit, espérant simplement qu'il ne s'agisse pas de la réserve armée des mercenaires prêts à cueillir le moindre fugitif.
©gotheim pour epicode


Post VIII | Mots 1154
avatar : Astri-Lohne


La fête va enfin commencer, Sortez les bouteilles, fini les ennuis

Vive les pionniers, Les rebelles et les révoltés

 (:KYRA:)  :
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t34243-kyra-lemingway-la
Priam & Freyja
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 4098
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam & Freyja
Mar 11 Juin 2024, 09:15




Les Portes – Chapitre V

En groupe | Hélène


Rôle :


Le regard acéré de Garance se porta sur le nouvel arrivant. Aucun de ses traits ne plia pour trahir les pensées que lui inspiraient le discours de ce Marcellin. Elle se contenta de le jauger, dans l’attente de la chute à laquelle devait mener tous ses beaux mots. C’était un homme qui savait parler. Cette habileté suintait de sa posture, de ses mimiques, de sa façon d’ourler les syllabes, de sa capacité à maintenir l’attention de son auditoire, de sa volonté de rendre cohérent ce qui ne l’était pas, de sa tentative de perdre leurs esprits au détour d’une diatribe trop longue et nébuleuse. La Princesse connaissait ces hommes-là : si vous leur prêtiez l’oreille, ils finissaient par jurer de pouvoir posséder le monde en un claquement de doigts. Cet artiste-ci, le monde, il le désirait pour l’offrir à Judas. Car s’il l’aimait et l’admirait tant, pourquoi aurait-il voulu les aider à le contrer ? Il aurait pu lui accorder tout son soutien pour qu’il pût renverser Narfas sans difficulté aucune, et ensuite jouir de la paix établie par ce raz-de-marée. Tandis qu’il s’adressait à Adolphe, elle jeta un bref regard à Herminiette, qui demeurait impassible. Elle se souvenait néanmoins de ses propos : ils laissaient filtrer qu’elle ne tenait pas Marcellin en haute estime et que soit il aurait pu rendre la tête de Montarville à l’ennemi, soit il était l’ennemi.

Elle écouta l’adolescent. Lui aussi n’était qu’un enfant. Un enfant insolent et arrogant, qui bénéficiait de la farouche protection de sa mère. Il jouait les soldats mais ne savait pas comment en être un. Merlin et Zébella, eux, avaient été jetés dans la gueule du loup. Judas ne les avait jamais épargnés. Ils n’étaient pas véritablement les gamins qu’il décrivait. Garance inspira, lassée. Si qui que ce fût devait décider de la position à adopter vis-à-vis de Judas, c’était un gouvernement et son état-major, pas un adolescent et un poète. « Je vous remercie, messire Marcellin. Soyez sûr que si je connaissais le nom de mes ennemis, ils seraient déjà morts, et que je n’en ai donc aucun à vous donner. » répondit-elle. Elle coula un regard vers Lambert. « Quant à Lieugro, je pense que Merlin – et sans doute Zébella – seront suffisamment occupés par la tâche colossale que représente celle de régner – d’autant plus si vous demandez à vos amis de jouer les agitateurs – pour ne pas s’engager dans une nouvelle guerre. Ils ont besoin du soutien du peuple, et l’envoyer à l’abattoir ne me semble pas favoriser cela. » Elle sonda le violet. « Quant à Judas, on ne l’a jamais vu solliciter l’aide de qui que ce fût. Son armée est suffisamment puissante pour qu’il écrase Narfas à lui seul. Le temps de Luce est révolu et Uobmab a depuis largement prospéré. » Il devait le savoir, lui qui l’aimait tant. Elle tourna la tête vers l’oisillon toujours dans le nid et pourtant déjà enorgueilli d’illusions. « Et que ferez-vous après que Judas d’Uobmab et son armée auront pénétré Narfas ? Comment comptez-vous porter le coup fatal ? Existe-t-il quelqu’un qui puisse tuer ce Roi – et qui soit capable de le faire –, et cela sans que ses guerriers ne tentent de le protéger ? » Elle radoucit sa voix : « Je ne crois ni aux contes de Faes, ni aux chances inespérées. Mon frère a toujours misé dessus, et il en est mort. » Elle fit l’effort de ne pas baisser les yeux vers le coffret. « Je ne connais pas suffisamment les capacités militaires de Narfas et en tant qu’étrangère, il me faudra suivre l’avis des Narfasiens sur la question, mais je vous prie de ne pas vous laisser bercer par une douce folie. »

Judas n’était pas encore arrivé, et pourtant la situation leur échappa. Les portes de la grande salle s’ouvrirent à la volée. Des filets de sang se jetèrent à l’assaut des murs et du sol. Garance sentit une poigne se refermer autour de son bras et la tirer vers l’avant. La fenêtre. Elle pivota pour suivre Herminiette et l’aider à soutenir Lambert. « Je suis là. » répondit-elle. Malgré le tumulte, l’évidence lui apparut : il ne pouvait pas sauter. C’était trop haut. Il était trop amoindri par sa blessure. Elle quitta des yeux le vide en contrebas et planta son regard dans le sien. Et leur bébé ? Sa gorge se noua. La chute pourrait lui être fatale. Une pensée folle la traversa : elle préférait mourir elle aussi plutôt que de perdre son deuxième enfant. Elle lança un regard vers les portes, condamnées par les combats. Il y en avait d’autres. « On ne va pas… » Son aveu lui coupa le souffle. Elle le dévisagea, et elle eut la certitude que cette fois, c’était vrai. Ses mâchoires se contractèrent, tremblantes. Elle attrapa l’une de ses mains et la pressa entre les siennes. Ce n’était pas le moment de se laisser attendrir – depuis leur adolescence, il avait toujours su choisir les pires instants pour ce type de confessions. « Lambert. Je ne veux pas que tu meures et je ne veux pas perdre notre enfant. On ne va pas se jeter dans le vide. Il y a des portes. » Le plus difficile serait de se frayer un passage entre les combattants, mais c’était toujours moins risqué que d’essayer de descendre le long du mur puis de sauter. Elle jeta un regard circulaire à la salle. « Là-bas. » indiqua-t-elle. Elle s’apprêtait à l’entraîner à sa suite lorsqu’une clameur retentit depuis l’extérieur et, en quelques instants, troubla l’énergie des combats.



Message IX – 935 mots




les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 1628 :


les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t40510-priam-freyja-bele
Seiji Nao
~ Orine ~ Niveau I ~

~ Orine ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 270
◈ YinYanisé(e) le : 03/10/2022
◈ Âme(s) Soeur(s) : La poupée de Maman
Seiji Nao
Jeu 13 Juin 2024, 15:34





Comme un écolier buvant les paroles de son professeur, Marcellin écouta religieusement les idées d’Adolphe. Lorsque ce dernier mentionna les rejetons de Judas, balayant leur existence de son mépris, il opina du chef sans même y penser. Telles des mouches attirées par les ordures, ces derniers papillonnaient autour des os que le souverain leur jetait aux pieds, et s’en croyaient bêtement les légitimes propriétaires. Ils ne méritaient pas leur sang. Cependant, la méfiance hérissait les poils du poète : peu importe l’estime qu’on leur portait, sous-estimer ses adversaires ouvrait la porte à bien des erreurs, et parfois même, à la défaite. Des lèvres du jeune stratège coula ensuite un poison tout aussi pernicieux, celui de la fierté. Son regard remonta vers Pénélope qui, la mine soucieuse, demeurait au chevet de Lambert, dans l’attente d’un médecin. Il fallait penser froidement pour gagner.

« Vous voudriez prendre le roi à son propre jeu ? C’est audacieux. »

Le violet savait toutefois que la manœuvre ne suffirait pas à défaire les plans du monarque. Marquant une pause pour chercher ses mots _ se mettre l’adolescent dans la poche constituait sa priorité _, Garance lui damna le pion. Sa langue de vipère trouva le moyen de saluer sa proposition, tout en soulignant sa bêtise. Réprimant l’envie de poser ses mains autour de sa gorge de cygne, et de lui arracher le paquet qui lui revenait de droit, Marcellin demeura silencieux.

« Vous avez raison de parler de la puissance d’Uobmab. Compte tenu de la force de leur armée, éteindre leur vigilance, comme le suggère Adolphe, est ingénieux. Cela dit, je crains que cette proposition ne soit trop optimiste. Si la ville lui est offerte sur un plateau d’argent, Judas n’enverra pas le gros de ses troupes, et il lui sera... »

Ses réflexions s’éteignirent à l’instant où les portes s’ouvrirent. Dos à celles-ci, il ne prit pas tout de suite la mesure de ce qui arrivait. La peur sur le visage des autres souffla toute raison. Leurs traits pincés se figèrent d’abord ; puis, prenant son envol, la surprise fondit en un masque d’effroi. Chez certains, cela ne dura qu’un instant, le temps nécessaire aux tripes pour secouer le corps, et imprimer l’urgence si fort dans les cellules que le cerveau, même embourbé par la crainte, se réveilla. Lui-même demeurait immobile, au milieu du carnage. Existait-il quoi que ce fût en ce monde de plus beau que ce moment où la terreur dominait l’être entier, effaçant ses désirs et son identité, comme s'il n'avait jamais été ? Du bout des doigts, il traça des mots invisibles le long de sa cuisse.

Le parfum froid du sang s’insinua sous le nez du poète, le tirant de sa rêverie. Il battit des cils, peinant à reprendre contact avec la réalité. Avec son insensibilité coutumière, Herminiette se mit en quête d’une échappatoire, entraînant Garance et Lambert à sa suite. Sa silhouette disparut dans l’obscurité d’une fenêtre. Deuxième battement. Pénélope ne se trouvait plus à ses côtés, se frayant un chemin vers la porte telle une gazelle fuyant un lion. Regrettant de ne pas être celui qui lui courait après, il envisagea de s’élancer à sa suite. Une soldate le bouscula, lui criant quelque chose qu’il ne comprit pas. Un dernier battement, et il vit Sextus, si proche et pourtant si loin, une lance en travers de l’estomac. Avant que l’assassin ne l’envoyât six pieds plus bas, Marcellin lui adressa un clin d'œil.

L’acier frôla sa poitrine, découvrant ses pectoraux. Une furie se jeta à côté de lui, désarmant son agresseur. Ses prunelles avisèrent une bouteille, que la porte fracassée d’un buffet dévoilait. Il lui faudrait enjamber un ou deux cadavres pour y parvenir, mais il ne doutait pas de sa stratégie.

« J’ai une idée pour les repousser ! Protège-moi ! »

« Qu’est-ce que tu crois que je fous, connard ? »

Au prix d’une vilaine entaille à la gorge, et d’estafilades trop nombreuses pour être comptées, la jeune femme lui tailla un chemin jusqu’à sa cible. Sa coquetterie oubliée, Marcellin déchira un morceau de sa chemise et le trempa goulument dans le liquide. Satisfait, il se tourna vers l’assassin le plus proche. Sa seconde main tenait un petit chandelier qui pesait son poids.

« Laisse-moi passer, ou je te le balance en pleine poire. »

« T’oserais pas. Tu me feras pas de mal avec ça. »

« Tu veux parier ? Moi, je n’ai rien à perdre. Toi et tes potes, vous êtes des tueurs, pas des suicidaires. Je connais bien la différence. »

Une hésitation passa sur le visage du meurtrier, suffisamment profonde pour arracher à Marcellin un sourire. La flamme jetait des ombres sur ses traits. L’autre recula d’un pas, laissant à la soldate l’occasion de le pourfendre d’un coup d’épée dans l’abdomen. Marcellin parcourut la pièce tant bien que mal, avançant grâce à ses menaces et aux attaques de la brune auprès de lui. Un audacieux était parvenu à souffler l’une des bougies, mais ses consoeurs tenaient bon. Hélas, les vivants se faisaient rare aux alentours, et cette dernière haletait comme une bête sur le point de rendre l’âme. Ils ne parviendraient jamais à traverser le couloir, et encore moins à rallier une sortie. Ils n'étaient pas assez nombreux. Son plan ne mènerait à rien.

Alors qu’il retenait un juron, le regard de Marcellin se posa sur son précieux paquet. Si lui ne pouvait garder la tête de Montarville, personne ne la récupérerait. Tournant la tête, il observa les fenêtres brisées où Herminiette et les autres avaient disparu. Sauter était risqué, trop risqué _ mais quel choix restait-il ? Devant eux, les assassins se pressaient vers les portes, condamnant ses espoirs. Les pupilles de sa sauveuse se rempliraient bientôt de vide, et sa seule congénère encore debout venait de mettre genou à terre.

Compter sur les autres ne lui avait jamais réussi, et ce soir là ne fit pas exception. Une lame perça la défense de la brune. Marcellin sentit le froid lui déchirer l’épaule. Son propre sang lui éclaboussa les yeux, maquillant sa vision de rouge. D’un coup de pied dans le ventre, la soldate repoussa en arrière l’agresseur, et fut prise d'une quinte de toux si violente qu'elle s'accompagna de vomissements.

La douleur comme seule alliée, le poète rapprocha ses mains. La flamme effleura le tissu, et dans un geste qui manqua le faire s’évanouir, il lança son précieux cocktail en direction des assaillants. À son tour, il se jeta dans l’inconnu, entendant à peine le verre exploser et les hurlements de ses victimes.

1 097 mots | Post IX

Rôle:

Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t39755-seiji-nao-termine
Orenha
~ Eversha ~ Niveau I ~

~ Eversha ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 92
◈ YinYanisé(e) le : 02/04/2023
Orenha
Jeu 13 Juin 2024, 17:33


Images par wlop
Les Portes V
Orenha dans le rôle de Luthgarde


Rôle:
Tout s’était passé si vite. Les discussions enflammées qui avaient suivies la sortie de la d’Epilut avaient enflées jusqu’à exploser comme une bulle de savon. Ce fut les cris qui firent relever la tête à l’envoyée ; ceux des hommes, des femmes, désarticulés et vibrant de terreur, mêlés à ceux métalliques et chuintants des lames. Les soldates hurlaient des ordres, l’arme au poing. Ce n’était pas contre eux qu’elles la pointait, pourtant. Luthgarde se releva brusquement, une main toujours plaquée contre son ventre où elle sentait son cœur battre à tout rompre. Dans le chaos, elle finit par discerner leurs ennemis : des hommes armés qui se jetaient aussi bien sur les femmes de la Cheffe des Armées que sur les Lieugrois et les Narfasiens. Elle hoqueta, recula dans la pénombre toute relative que lui offrait un pilier à moitié brisé, mais ses pieds butèrent contre un débris et elle retomba lourdement sur les fesses. Elle n’eut pas le temps de se redresser qu’un éclat au-dessus d’elle accrocha son regard : un homme la visait de sa lance. Son hurlement resta coincé dans sa gorge. Aucune pensée cohérente ne parvenait à se former dans son esprit, envahi par une peur brute. Incapable de fermer les yeux, paralysée, elle ne comprit pas tout de suite ce qu’il se passait lorsque son bourreau se figea à son tour. Bousculée sur le côté, Luthgarde regarda comme hypnotisée l’épée écarlate qui venait de le transpercer de part et d’autre. Elle n’eut pas le temps de remercier son sauveur, ni même de l’identifier. Comme si un barrage avait cédé en elle, l’adrénaline l’avait libérée de son inertie et jaillissait furieusement dans ses veines. Attrapant au sol la lance qui la menaçait quelques secondes plus tôt, elle se jeta dans la bataille.
Il lui fallait sortir d’ici et elle ne pourrait pas le faire sans se battre. Malgré les idéaux pacifiques de son peuple, les Erréiliens n’envoyaient pas leurs étudiants au-delà de leurs frontières sans les former un minimum au combat.

Luthgarde resserra la main autour de l’arme et fit le vide dans son esprit. D’un geste du pied, elle se débarrassa de ses souliers. Ses yeux ne suivaient que le mouvement de ses ennemis, ses oreilles filtraient les hurlements des victimes pour se concentrer sur le sifflement des lames dans l’air.
Ainsi débuta sa danse macabre. Esquivant prestement les coups d’estocade, elle faisait tournoyer sa lance autour d’elle pour faire reculer ses assaillants, sans jamais chercher à la planter dans la chair ; elle n’aurait pas eu la force de l’en retirer. Les tissus vaporeux de sa robe qui flottaient autour d’elle se retrouvèrent bientôt à l’état de lambeaux. Son arme qui cognait contre le métal lui évoquait le tintement de ses bijoux de cérémonie. Elle se frayait lentement un chemin dans la grande salle, l’œil à l’affût de la moindre ouverture ; cette fois, elle laissa les cris la guider. Ses lèvres murmuraient des prières muettes. Elle se sentait comme au cœur d’un brasier, un brasier aux flammes poisseuses charriant l’odeur de la mort et du fer. Le sang tiède l’éclaboussait et collait à la plante de ses pieds, qu’elle faisait virevolter au-dessus du sol comme si elle marchait sur des braises ardentes. Lorsqu’une porte de sortie apparut dans son champ de vision, la panique la traversa comme une onde de choc. Où était Herminiette ? Sextus ? Lambert ? Et tous les autres ? Les corps avaient chu partout autour d’elle sans qu’elle ne prenne le temps de chercher à les identifier. Dans ses yeux secs, ses prunelles s’assombrirent davantage. Si ce n’avait été qu’elle… elle se serait jetée dans la mêlée pour les trouver. Mais elle n’était pas seule. Son enfant comptait sur elle pour le protéger, pour survivre aussi longtemps qu’il le faudrait jusqu’à ce qu’il puisse dispenser sa lumière au monde entier.

Trois évènements s’enchaînèrent alors presque simultanément. La voix d’Herminiette qui hurlait son nom. Luthgarde qui, se retournant, aperçut alors un homme qu’elle pensait ne plus jamais revoir. Une douleur aiguë et mordante qui la courba en deux.
« Pousse-toi ! » Une soldate la jeta sans ménagement sur le côté avant de repousser les assauts d’un homme agitant une épée sanguinolente. Luthgarde était aveuglée par des taches blanches qui obstruaient sa vision. Elle tituba, en proie à la douleur atroce, lancinante. Par réflexe, elle pressait de ses mains son abdomen. Du sang affluait entre ses doigts. L’horreur la frappa de plein fouet. Écartant les bras, elle vit la blessure qui lui déchirait le ventre sous les côtes. « Non ! » Pour la première fois depuis qu’elle avait empoignée la lance, des larmes affluèrent dans ses yeux et le désespoir l’engloutit en une seule bouchée. Ses cris ressemblaient aux mugissements d’une bête blessée. Ignorant les élancements vifs que cela provoquait, elle fourragea dans les chairs meurtries comme si elle y cherchait un trésor, recourbée sur elle-même. « Mon enfant… mon soleil… reste avec moi… tu es l’Enfant de la Lumière, tu ne peux pas... » Ses plaintes se muèrent en gargouillements et le sang lui macula le menton. Elle leva les yeux au ciel, suppliante. Les Omniscients l’avaient-elle abandonnée ? Ou était-ce elle qui avait échoué ? Où étaient les Voix, dans quelle impasse l’avaient-elle mené ? Au-dessus du tumulte de son cœur qui poussait furieusement le sang hors de son corps et de ses gémissements étranglés, il lui sembla alors les entendre. Faiblement, comme un murmure susurré au creux de l’oreille, des ongles qui s’enfoncent dans son épaule. « Absous-toi de tes péchés. Libère-toi. » L’air presque absent, Luthgarde opina lentement de la tête. Il n’y avait plus que ça à faire, n’est-ce pas ? Elle n’était plus qu’une coquille vide.
Le visage de l’homme qu’elle avait vu juste avant le coup fatal lui apparut alors. Non. Elle ne pouvait pas partir tout de suite. Il lui restait une dernière chose à accomplir.

Grappillant les dernières forces qu’il lui restait, elle rampa jusqu’à lui. Il était déjà étendu au sol mais ne semblait pas blessé. Affaibli, amaigri, il ne ressemblait plus qu’à l’ombre de celui qu’elle avait connu, malgré l’état déjà pitoyable dans lequel il se trouvait la dernière fois qu’elle l’avait vue. « Gaspard. » murmura-t-elle avec douceur. Sans la crinière de feu, l’aurait-elle reconnue ? Elle étudia ses traits, les nouvelles rides qui creusaient son visage, le bleu vitreux de ses yeux. Comme il était laid ; elle ne le réalisait que maintenant. Au cours des dernières semaines, l’image de celui qu’elle avait aimée et adulée s’était brisée en mille morceaux. Elle avait appris de la bouche de ses victimes les vices auxquels il s’était adonné durant toutes ces années, à l’abri derrière son statut de Grand Prêtre. Il l’avait abusée comme il avait abusé de tant d’enfants et de garçons, prétextant leur porter la parole divine. « J’ai failli à ma mission. La plus importante de toute. » Du bout des doigts, elle caressa les lèvres gercées de l’homme. « En portant notre enfant et en le mettant au monde, je pensais rétablir l’équilibre et garantir notre salut. » Du pire pouvait naître le meilleur ; ainsi raisonnaient souvent les Omniscients. « Sans cet enfant, ni vous ni moi n’avons le droit de rester en vie. » Elle se recula, fouilla dans ses vêtements. Puis elle se pencha de nouveau sur l’homme et l’embrassa. D’abord tendre, son baiser se fit plus vorace ; sa langue força l’entrée de ses lèvres ; elle immobilisa le visage du prêtre déchu et se pressa de tout son poids contre lui pour l’empêcher de bouger tandis que le poison coulait de sa bouche à la sienne. La fiole vide tinta en tombant au sol. « Adieu, Gaspard. »

Message VIII(XVIII) | 1290 mots

Spoiler:



les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 Aq2e

Avatar : "Chrysalis" de ameliaclairearts
Signature : Teagan White
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t40044-orenha-arkta-kahf
Siruu Belhades
~ Sorcier ~ Niveau III ~

~ Sorcier ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 2360
◈ YinYanisé(e) le : 06/12/2015
Siruu Belhades
Jeu 13 Juin 2024, 17:55


Le grand prêtre gisait sur le sol froid, ses habits sacrés souillés par la boue des égouts. Il était difficile de croire qu’il avait été une figure d’autorité, un homme de foi respecté et redouté. Les mois d’enfermement avaient fait vaciller ce qu’il restait de son esprit. Il n’avait plus peur. Une fumée noire et épaisse commençait à envahir l’espace autour de lui. Chaque inspiration était une lutte. Il aurait dû se laisser mourir, mais une idée folle avait germé dans son esprit tourmenté : ronger ses liens et trouver un moyen de remonter à la surface.

Ses prières semblaient vaines, mais il n’avait jamais cessé d’invoquer le divin. Ses mains tâtonnèrent dans l’obscurité jusqu’à trouver une échelle rouillée. Elle était proche de la source que Melchior avait empoisonnée, et devait donc très certainement mener au Palais. Il la gravissait avec la détermination que les paroissiens lui connaissaient. Il refusait de prendre de nouvelles inspirations, par peur de perdre connaissance. Son corps avait maigri, après des mois de maltraitance. Il était devenu faible. Enfin, il atteignit une trappe au sommet de l’échelle. Poussant de toutes ses forces, il l’ouvrit et fut aussitôt submergé par du bruit. Les cris des soldats, le crissement du fer et le fracas des armures résonnaient dans l’air.



Nous avions fui et pris refuge dans le grenier d’une des maisons environnantes. Un des agents qui m’accompagnait finit par m’informer que Pénélope était au Palais. J’avais également appris que cet hôpital était le point central d’une bataille entre les forces armées de Tamara et celles de La Main. Autrement dit, je faisais mieux de considérer ma sœur adoptive comme morte. Elle allait pouvoir rejoindre Gao dans l’au-delà. Dans la vie comme dans la mort, mon frère arrivait à me voler Pénélope sans même la désirer. Pourtant, cette fois-ci, je devais me considérer comme responsable.

Je me souviens encore du moment où j’ai contaminé la réserve d’eau du château. Je repense à ma main tremblante ; par inquiétude, sans doute, mais aussi par excitation. Je devrais avoir honte de l’admettre, mais oui, en effet, j’ai trouvé une joie perverse dans le fait d’empoisonner cet hôpital. Ne vous méprenez pas : je ne suis pas fier de la plupart de mes actions. Je ne me hérisse pas en exemple à suivre. Savez-vous pourquoi je vous raconte cette histoire, alors ? Parce que si vous ne prenez pas contrôle du récit, il prend contrôle de vous. Je ne veux pas être réduit au statut de pièce sur un échiquier politique. Je veux avoir l’opportunité de justifier mes choix à qui veut l’entendre.

Mais vient un moment où aucune excuse ne fonctionne. Attirer les bonnes grâces de Balthazar, faire tomber Tamara, ou même venger la mort de mon frère : quel que soit le motif invoqué pour me défendre, je dois accepter d’avoir drogué un lieu où les personnes vulnérables étaient entassées. Il se peut même que j’en aie tué. C’est une idée désagréable, comme lorsque je me retrouve à songer au nombre de clients morts à cause de ma marchandise. J’essaie de ne pas penser aux chiffres. Je me rassure en me disant que ceux qui choisissent de se droguer sont responsables de leur sort, et qu’on ne peut pas faire d’omelettes sans casser des œufs. Sauf qu’en l’occurrence, les patients du Palais n’ont pas choisi d’être empoisonnés, et mon œuvre ressemble plus à une bataille de poulailler. À quoi bon semer la misère ? Qu’ai-je accompli ?

Certains lecteurs vont penser que le commerce, Pénélope et tout ce que j’ai fait et désiré n’ont toujours été que des moyens pour me prouver à moi-même et au monde que je valais autant, sinon plus, que mon frère. Je pense qu’ils simplifient la chose. Soyons francs : oui, je l’ai regardé s’épanouir, recevoir éloges comme honneurs, et tirer des autres une admiration que je n’ai jamais pu susciter. Oui, je l’ai envié, mais à aucun moment je n’ai voulu devenir comme lui. J’étais déçu qu’il ait choisi une voie aussi déshonorante, qu’il ignore le commerce familial et ne prête jamais le moindre intérêt à mon existence. C’est tout. Il n’est pas à l’origine de mes décisions. Par exemple, je suis sûr qu’il aurait utilisé le Grand Prêtre dans les histoires de politique dans lesquelles il s’était récemment embourbé. Alors que moi ? J’ai laissé Gaspard dans les égouts. Après des semaines à ne savoir que faire de lui, je savais qu’il serait un fardeau si nous devions nous échapper. Oui, « nous », car j’entends bien emmener Lénora avec moi. J’ai des plans, à son sujet. J’espère pour elle qu’elle sera malléable, à commencer par son prénom. Je veux l’appeler Pénélope. Elle ne sera qu’un ersatz de la personne que fut ma sœur, mais ce sera suffisant.


Post ??? | 796 mots
Rôle - Melchior:


les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 Ukjx
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t38838-sirh-juuka-zeli-k
Mitsu
♚ Fondatrice ♔

◈ Parchemins usagés : 36435
◈ YinYanisé(e) le : 07/07/2005
Mitsu
Mar 30 Juil 2024, 13:38


Image par un artiste inconnu

Explications


Merci à tous de votre participation  les portes - | Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance | - Page 11 009

Note de fin :

« À mes très chers lecteurs,

Je suis ravie de vous offrir le nouveau volet des aventures de nos héros au cœur du Royaume de Narfas. Bien qu’autrice principale de votre conte favori, je tiens à remercier les personnes qui ont aidé à la réalisation de ce projet. L’écriture est une affaire de minutie et la réussite n’aurait pu être au rendez-vous sans l’investissement de bien des individus – dont la vôtre, vous qui lisez ces lignes. Aussi, j’espère que le succès sera de nouveau au rendez-vous aujourd'hui et ultérieurement. En effet, l’univers du récit est vaste et j’aimerais avoir l'occasion d'explorer bien des Royaumes qui n’ont été qu’évoqués jusqu’ici, à l’image du Royaume de Cit qui n’est pas sans lien avec ce qu’il se passe de nos jours chez les Magiciens, ou encore à l’image du Royaume d’Uobmab. Encore une fois, je vous remercie pour tout et vous souhaite une agréable lecture.

Thalie Uranie. »

Compte du nombre de messages


Du Royaume de Lieugro :
- Hélène (Garance) : XXVI
- Ikar (Placide) : VII
- Dastan (Ludoric) : XXVI
- Adriaen (Lambert) : X
- Yngvild (Rosette) : XXVI
- Erasme/Ilias (Clémentin) : X

Du Royaume de Narfas :
- Aäron (Balthazar) : VIII
- Jil (Anthonius) : XVI
- Eméliana (Tamara) : IX
- Zeryel (Adolphe) : XX => XII
- Lysium (Melchior) : XVII
- Sympan (Gao) : VII (mort)
- Oriane (Pénélope) : XVIII
- Lorcán (Ivanhoë) : XVII
- Lazare (Primaël) : XVII
- Orenha (Luthgarde) : XVI
- Jezeṃiās (Sextus) : IX
- Blu (Herminiette) : IX => I
- Seiji (Marcellin) : XVI

N'hésitez pas à déclarer vos gains de quête en donnant le lien de ce message pour que je puisse l'éditer avec le nouveau nombre de message, déduit de vos gains!

Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

| Les Portes V - Cette fois je ne fais pas l'erreur de donner un titre à l'avance |

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 11 sur 11Aller à la page : Précédent  1, 2, 3 ... 9, 10, 11

 Sujets similaires

-
» [Speed-dating] - C'est la dernière fois que je fais ça (Nel)
» [Q] - Fais pas ci, fais pas ça | Èibhlin
» [Q] - Donner, c'est la vie ! *O*
» Donner au suivant [Event Août - Mission 3]
» [Speed-dating] - Est-ce que tu pourrais me donner une claque ? (Kiara)
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Les Terres de Sympan :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Ouest :: Terres du Lac Bleu-