Comme convenu lorsque nous nous sommes vus chez mes parents, lorsque j’étais avec l’école à Boraür, je me suis rendue chez vous. Ni ton père ni toi n’étiez présents, alors j’espère que tout va bien.
Ses frères et sœurs n’avaient pas su lui dire où il se trouvait. Elle ne s’était pas attardée. Sur l’île, cela n’avait eu aucune importance. Quand elle était rentrée à Basphel, cependant, mille scénari avaient envahi son crâne. Lui était-il arrivé quelque chose ? Ou lui avait-il sciemment posé un lapin ? Ses propres doutes au sujet de cette union rejaillissaient sur les actes et les manquements du Magicien. Elle ne savait pas quoi en penser. Elle ne savait pas quoi ressentir. Elle songeait souvent à Adriæn. Ils ne s’étaient pas reparlé depuis Juvaniel. Ses sentiments embrouillaient sa raison, et elle était incapable de démêler les uns des autres. Elle écrivit cependant :
J’espère que nous nous reverrons vite. Peut-être que je pourrais venir te voir aux prochaines vacances ? Ou toi si tu en as l’occasion. Je serai au Lac Bleu pour les tournois d’Ublys, mais c’est bientôt, alors je ne sais pas si tu recevras ma lettre à temps.
Bien à toi,
Kiara
La fausse Ondine posa sa plume dans un soupir. Ses iris naviguèrent sur son bureau. Sur les cahiers en tas desquels débordaient quelques feuilles, sur les dessins que Lana et elle avaient réalisés pour s’amuser durant leur dernier cours d’histoire, sur le jeu de tarot qu’elle avait ramené de chez ses parents, sur la pierre plate et réfléchissante qu’ils lui avaient donnée pour qu’elle s’entraînât à la divination et qu’elle avait placée sous la plante que lui avait offerte Zeryel. Les fleurs violettes tendaient leurs cœurs vers le soleil qui s’épanouissait à travers la fenêtre de son dortoir. À chaque fois qu’elle les regardait, elle pensait au rêve qu’elle avait fait à son sujet. De chauds frissons couraient immanquablement sur ses lombaires. Sa main glissa sur son ventre. Une boule noua son estomac. Elle se leva un peu précipitamment, attrapa le pot de fleurs et quitta la chambre.
Le club de jardinage organisait une journée portes ouvertes et elle comptait en profiter pour se renseigner sur la meilleure manière de s’occuper de sa plante. En quelques minutes, elle fut dans les jardins de l’école, et ce fut naturellement qu’elle se dirigea vers ce qui lui semblait être un élève appartenant au club, debout devant une petite table de présentation. « Bonjour. » Souriante, elle planta son regard dans le sien. Un électrochoc ondula de ses pieds à sa tête et elle lâcha brutalement, en déposant le pot sur la table : « Douce. Tu… » Un profond malaise lui étrangla la gorge. « Je, euh, je veux dire, la plante. Je l’ai appelée Douce. Parce que ses fleurs sont… douces. » Elle sourit nerveusement en baladant son index sur un pétale violacé, comme lui avait pu le faire sur les courbes de la blonde. Kiara venait de le voir sur elle, dans ce qui ressemblait à un placard à balai, éclairé par quelques bougies. La vision n’avait pas été très nette, mais suffisante pour ne pas lui laisser de doute quant à ce que les deux adolescents étaient en train de faire. Depuis Juvaniel, ses dons se manifestaient avec de plus en plus d’insistance et, régulièrement, lui échappaient – comme à cet instant. « En fait, je venais parce que je voulais savoir si vous pouviez me donner quelques conseils au sujet de cette plante, comment il faut la toucher, enfin s’en occuper, et euh, je… Je voulais en apprendre un peu plus sur le club. » bafouilla-t-elle, les joues cramoisies.
Message I – 612 mots
Dorian Lang ~ Vampire ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 298 ◈ YinYanisé(e) le : 22/08/2022
Eutropius promena un regard désintéressé sur les élèves qui ralentissaient devant sa table. Contrairement à ses congénères, il ne cherchait pas à avoir l'air amène et encore moins à agiter des prospectus sous leur nez comme il avait vu certains le faire. Qu'il ait déjà consenti à animer le stand sortait de l'ordinaire, et il n'avait accepté que parce que le président du club avait décidé d'office que chacun son tour, ils devaient y dédier une heure. Son avis n'était donc pas entré dans l'équation mais une heure, ce n'était pas grand chose et il ne s'était pas plaint. Placide, il se contentait d'attendre que le temps passe en espérant minimiser le nombre d'interactions par la seule force de son expression maussade. Sur la table, par dessus les tracts et les bulletins d'inscription reposait un livre ouvert sur un chapitre qu'il étudiait pour passer le temps. Il baissa les yeux sur l'introduction aux principes d'anti-magie. Il prenait un peu d'avance sur le programme mais l'étrangeté de son interaction avec Hélène quelques jours auparavant avait attisé sa curiosité. Persuadé d'avoir été victime d'un sortilège, il peinait à comprendre comment cela avait pu fonctionner avec l'anti-magie de l'Humaine et souhaitait mieux examiner les subtilités de cette horreur qui lui retournait l'estomac rien qu'à y repenser.
« Bonjour. » dit-il par réflexe avant de lever les yeux sur la fille et le pot de fleurs qu'elle venait de placer sur la table. Il la reconnu facilement. Kiara, une Sirène qui avait fait parler d'elle ces derniers mois, comme toutes les filles de cette espèce. Il n'y en avait pas une pour rattraper l'autre, elles étaient nées pour se faire remarquer. Son sourcil se haussa en constatant son trouble et la mention de son amie. Se connaissaient-elles ? Peut-être partageaient-elles le même dortoir ? Douce ne lui avait pourtant jamais parlé de la Sirène, sinon pour lui rapporter les rumeurs à son sujet. Il comprit son erreur ensuite et baissa les yeux sur les violettes. « C'est aussi le prénom de ma... camarade. Mais elle déteste son prénom. » Sa main se leva pour soupeser un pétale. « C'est curieux cette manière de vouloir nommer ses plantes. » commenta-t-il sans réellement attendre de réponse. « C'est peut-être une habitude prise aux Ygdraë. » songea-t-il à voix haute. Il releva les yeux sur Kiara. Ça n'expliquait pas son désarroi. « Qu'est-ce que tu veux savoir sur le club ? Pour les conseils, je ne suis pas spécialisé dans cette fleur. Je peux aller chercher quelqu'un du club qui pourra mieux te renseigner, je m'y connais davantage en herbes médicinales ou les plantes et fleurs qui ont des vertus. Vu ma nature, je n'ai pas vraiment la main verte et les fleurs ont tendance à faner quand je m'en occupe. Mais j'essaie d'apprendre, les autres sont souvent de bon conseil. J'imagine que l'arroser suffira, plus que lui donner un nom ou la toucher en tout cas. »
Message I | 530 mots
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 282 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Un sourire embarrassé affleura sur les lèvres de Kiara. « Ah oui ? C’est joli, pourtant. » s’entendit-elle répondre sans grande conviction. Elle baissa le nez sur la plante qui avait malencontreusement hérité de ce prénom. « Je… Je ne sais pas, je me suis dit que… » Il avait raison, ou en tout cas, elle aussi trouvait étrange de nommer un végétal, et n’avait pas vraiment d’explication à fournir pour justifier ce choix – Douce ne s’appelait Douce que par un malheureux concours de circonstances. Ça n’avait rien à voir avec les Ygdraë – de son côté, en tout cas. Elle ne connaissait que ceux qui résidaient à Basphel, et trop vaguement pour savoir s’ils prenaient le soin de donner un prénom à chacune de leurs plantes. « Oui, peut-être. » répondit-elle toutefois, en recalant une mèche rebelle derrière son oreille, gênée. Elle osait à peine relever les yeux vers Eutropius – il lui semblait que c’était son nom ? – tant elle craignait qu’une nouvelle vision trop intimiste ne l’envahît. Cette absence totale de contrôle la crispait. Ses parents lui avaient dit qu’il fallait accueillir l’information, la laisser couler en soi, ne pas chercher à la freiner ou à la repousser, mais c’était définitivement plus facile à dire qu’à faire. Parfois, elle songeait que les choses auraient été plus simples si, comme pour de nombreux enfants Rehlas, ils lui avaient dit dès son plus jeune âge qu’elle n’était pas une Ondine. Ils avaient voulu maintenir l’illusion, et désormais qu’elle était brisée, les flots de la nouveauté l’assaillaient de toutes parts. En un sens, elle avait hâte de retourner à Lua Eyael, car là-bas, sa vigilance pouvait diminuer. « Oui, c’est sûr… Merci. » bafouilla-t-elle à ses conseils. « Je voulais savoir… » Il lui fallut une fraction de seconde pour réfléchir. « Ce que vous aviez comme spécialités au sein du club, qui fait quoi, combien de fois vous vous réunissez par semaine ou par mois… » Son index dessina le contour de l’un des pétales violets. Elle releva les yeux vers le garçon. Sa nature… Elle n’avait pas besoin de demander, car au fond d’elle, elle savait qu’il était un Sorcier. C’était la même sensation de certitude qui l’avait saisie face à Johannês, à Juvaniel. Læn, Ondin. Elle n’en avait parlé à personne, pas même au principal concerné. « Tu es aussi au club de biologie, non ? Avec Adriæn. » L’information semblait avoir sauté sur sa langue : elle l’avait verbalisée avant même de la conscientiser. « C’est pour ça que tu t’intéresses aux herbes médicinales ? Tu veux être… médecin ? » Un Mage Noir, docteur ? Elle était moins certaine de son coup, mais elle préférait parler de lui plutôt que du trouble qu’elle ressentait. Ses iris noisette croisèrent les siens. Elle vit le visage d’une autre fille, endormie, et les mains d’Eutropius qui se promenaient sur son corps. Elle serra les dents, pâle comme la lune blanche. « Qui est spécialisé dans cette fleur, au club ? »
Message II – 501 mots
Dorian Lang ~ Vampire ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 298 ◈ YinYanisé(e) le : 22/08/2022
Eutropius aimait affûter son sens de l'observation. Ainsi, il s'exerçait parfois à observer une scène quelques secondes, puis à fermer les yeux pour la reconstituer mentalement dans ses moindres détails. Pour autant, même un aveugle aurait été capable de sentir la gêne qui émanait de l'Ondine. Il notait la fébrilité de ses gestes, l'instabilité de ses yeux, et songea que cette fille devait être une très mauvaise menteuse. Mais surtout, il ne comprenait pas l'origine de son comportement. Il était certain qu'ils ne se connaissaient pas, que c'était la première fois qu'ils s'adressaient la parole.
« Ce n'est pas un club très strict. Chacun vient quand il veut et à la fréquence qu'il veut. Il y a toujours des membres assidus qui sont là pour s'assurer que les végétaux ne dépérissent pas, et il y a toujours quelqu'un sur place vers qui se tourner pour avoir des explications ou de l'aide. » Eutropius faisait parfois appel à eux, mais la plupart du temps, il s'en remettait aux livres qu'il empruntait à la bibliothèque. Il avait également commencé à se composer son propre herbier avec toutes les plantes qui avaient de l'intérêt à ses yeux. Il ne mettait pas souvent les mains dans la terre, principalement parce que les seniors du club lui avaient demandé d'essayer de museler sa magie tant que possible s'il voulait s'y essayer, et de toujours être accompagné ce faisant. En d'autres termes, Eutropius ne s'embêtait pas et s'en tenait à la théorie et avait commencé à étudier les végétaux qui poussaient dans la forêt des murmures. Les Alfars étaient connus pour faire proliférer une flore moins avenante que celle de leurs cousins, et bien plus utile pour ce qui intéressait le Sorcier. « Il y a plusieurs serres, une par climat, et il est possible d'y trouver des plantes spécifiques à plusieurs peuples, sauf les plus rares bien sûr. Les plus dangereuses sont dans une serre qui n'est pas libre d'accès, il faut être accompagné. » Son regard sur elle se fit plus pénétrant. « Il y a de la sauge, notamment. » Sans commenter davantage, il posa ses mains en appui sur la table et pencha la tête. « En effet. » Cette question, purement anodine, fut suivie d'une autre qui attisa son scepticisme. « Médecin ? » D'autres auraient ri à cette réflexion, Eutropius se contenta de la fixer, un sourcil narquois légèrement relevé. Visiblement, elle n'avait pas compris ce qu'il était. Certains avaient besoin d'une démonstration. Il baissa les yeux sur ses fleurs. Douce. Il s'en saisit comme pour mieux l'examiner. « Ce sont des aster. » diagnostiqua-t-il. Sa magie glissa de ses doigts comme une coulure d'encre. À son contact, les pétales se flétrirent, noircirent puis tombèrent en cendres. Comme une maladie accélérée, des tâches noires couvrirent les feuilles, se propagèrent sur les autres fleurs. Il la relâcha. « Mmh. Désolé. Je ne contrôle pas bien ma magie. » Il repoussa le pot vers Kiara. « Je crois que Douce est morte. Tu n'as qu'à repasser un de ces jours au club pour la remplacer. »
Message II | 535 mots
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 282 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Jeu 27 Juin 2024, 21:33
Unknown
La douceur des belles plantes
En duo | Eutropius & Kiara
D’ordinaire, l’écoute de Kiara était plutôt assidue, que cela concernât ses discussions avec autrui ou les cours des professeurs. Il était rare que l’on puisse se plaindre de son inattention ; et pourtant, cette fois, les mots d’Eutropius coulaient sur elle comme de l’eau de pluie sur la roche. Surface à peine altérée, cœur parfaitement préservé. Elle revoyait en boucle les mains du garçon sur le corps de l’adolescente inerte. La mention de la sauge ne la fit même pas tiquer, et lorsqu’il releva sa proposition de métier, visiblement dubitatif, elle se contenta de hocher la tête sans grande conviction. « Des asters. » répéta-t-elle, en baissant les prunelles sur les fleurs dont la forme rappelait celle des marguerites. De leurs pétales parme se dégageaient une délicatesse qui aurait presque rendu évident le nom qu’elle leur avait attribué par maladresse. L’attention de Zeryel la touchait. L’ombre d’un sourire caressa ses lèvres, avant de disparaître aussi sec. « Qu- » Sous le coup de la stupeur, ses yeux s’écarquillèrent. Le mauve tendre se gorgea d’encre et avant qu’elle eût pu avoir la moindre réaction, la plante n’était plus qu’un amas de ténèbres coincées dans la terre. Kiara demeura muette quelques secondes. Comment allait-elle annoncer à Zeryel que son présent n’était plus qu’un souvenir fade ? La peur et la honte s’immiscèrent en elle, avant d’être violemment battues en brèche par une colère furieuse. Elle n’allait rien lui dire du tout. Destin ou pas, il était hors de question que les choses se terminassent ainsi. Sa respiration s’effila, tous les muscles de son visage se contractèrent et elle leva vers Eutropius un regard enflé d’ire, dont les pupilles étaient réduites à deux fentes qui semblaient prêtes à désosser sa figure morceau par morceau. « Tu l’as fait exprès. » trancha-t-elle avec une virulence qui l’étonna elle-même. Un sifflement perça au travers de ses cheveux, et une première tête de serpent apparut entre deux mèches blanches. D’autres s’enroulèrent autour des fils d’argent, jusqu’à les absorber dans leurs écailles nacrées. La main de la Sirène fila vers la joue du garçon, qu’elle gifla avec toute la force des émotions qui vibraient en elle – malaise, surprise, colère, injustice, douleur. « C’était un cadeau ! » Autour de sa tête, les reptiles crachèrent de mécontentement. « Tu vas tout de suite trouver quelqu’un pour ressusciter ma plante, sinon je te détruis. » exigea-t-elle, les pieds fermement plantés dans le sol, l’esprit embrumé par la rage.
Message III – 409 mots
Je crois que Coline commence à déteindre
Les Cheveux de Medusæ : Les Sirènes sont des créatures aussi enchanteresses et merveilleuses que carnassières et monstrueuses. Elles possèdent, en plus de leur apparence originelle et de leur forme terrestre, un troisième aspect [voir les Clefs de compréhension] qui est un simulacre de ce qu’elles ont, lorsqu’elles utilisent les Cheveux de Medusæ. Elles prennent une allure inquiétante et étrange, tout en conservant le charme et l’élégance propre à leur race. Lorsque le pouvoir est utilisé, les pupilles de la sirène sont verticales et sa longue chevelure se change peu à peu en longs serpents menaçants. Celui qui croise le regard de l’Ondine ou des serpents se pétrifie lentement. L’individu peut continuer à respirer, à bouger les yeux et demeure conscient mais il est condamné à rester immobile et muet jusqu’à ce que l’enchantement se rompe ou que la Sirène soit tuée. Les serpents sont dotés d’une volonté propre et peuvent s’en prendre aux personnes alentours, les mordre et répandre dans leur sang un poison qui les poussent à regarder la Sirène.
Je n'ai pas précisé s'il était bien pétrifié, je te laisse en juger. En tout cas, le sort se lève dès qu'elle lui demande de trouver quelqu'un pour ressusciter sa plante
Dorian Lang ~ Vampire ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 298 ◈ YinYanisé(e) le : 22/08/2022
À l'inverse de plusieurs de ses camarades, Eutropius ne jouait pas avec la corde sensible de chacun intentionnellement. L'insolence et la provocation étaient les nouveaux jouets des adolescents, mais il n'aimait pas particulièrement jouer, il préférait l'efficacité. Malgré tout, il se retrouvait assez fréquemment dans ces situations, sans jamais le faire exprès, sans chercher à les éviter non plus. Il l'attribuait sur sa nature. Après tout, personne n'aimait les Sorciers, et il ne faisait rien pour changer ce fait. L'appréciation d'autrui l'indifférait autant que leur hostilité. Il aimait à penser que ses intérêts se plaçaient au dessus de tout ça, et considérait la masse des autres avec condescendance. Pendant que chacun se débattait avec le désordre des amitiés et des amours, lui restait concentré sur ses objectifs. Il ne démentit pas l'accusation de Kiara. Pourquoi s'en défendre ? Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même pour s'être autant attachée à une misérable fleur qui aurait de toute façon fini par mourir.
Il surprit un mouvement dans les cheveux de l'Ondine. Le faciès de cette dernière s'était transfiguré, tout en arrêtes resculptées d'une fureur qui ne connaissait plus de maître. C'est en voulant ouvrir la bouche pour réagir qu'il se rendit compte que quelque chose clochait vraiment. Un vent de panique bouscula son détachement précédent quand, après un effort colossal, le plus qu'il parvint à bouger fut son petit doigt qui se leva de quelques millimètres. Sur la tête de Kiara, une masse grouillante sifflait son animosité. Il était en train de penser que cette fille exagérait un peu quand sa tête partit sur le côté. Il se retint de porter une main à sa joue et la considéra avec froideur. Il n'y avait rien qu'il exécrât plus que les femmes qui se laissaient dominer par leurs émotions. On disait de celle-ci qu'elle était grosse d'un enfant et tout le dégoûtait sur cette histoire. Dans une société comme la sienne, elle aurait périt de honte ou aurait été forcée de tuer le fœtus avant que quiconque puisse l'apprendre. Sans doute son état était-il aussi responsable de cette colère démesurée, mais Eutropius ne se sentait pas disposé à encaisser les humeurs des femelles pour une simple contrariété. Entre celles qui lui jetaient des pierres car elles ne supportaient pas d'entendre quelqu'un leur parler franchement et celles qui donnaient des noms ridicules à des fleurs inutiles, Eutropius commençait à en souper et regrettait Amestris où au moins, les femmes connaissaient leur place et avaient une vraie éducation et des manières.
Glacial, il fixa les serpents, s'interrogeant sur leur degré de dangerosité et si venin ils crachaient, quels en étaient les effets. Il aurait pu se laisser mordre, afin de l'extraire et de pouvoir l'étudier, mais ce n'était pas le moment. Peut-être une autre fois, les Sirènes étaient si faciles à énerver, c'est à peine si ça demandait un effort, il suffisait d'en regarder une de travers, comme la Dæloran qui mijotait dans un courroux permanent. Imperméable à sa menace, il rassembla ses affaires. « Je vais voir qui est disponible pour venir voir. Peut-être qu'un Ygdraë pourra la récupérer. » Puis il baissa les yeux sur le ventre de Kiara. « Il ne faut pas s'énerver autant, ce doit être mauvais pour le bébé. » estima-t-il. Il ne versait pas dans la provocation, mais il pouvait faire des exceptions parfois.
Message III | 596 mots
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 282 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Jeu 04 Juil 2024, 09:04
Unknown
La douceur des belles plantes
En duo | Eutropius & Kiara
L’Ondine n’était pas connue pour sa virulence, au contraire. Sa réputation s’auréolait de tendresse et la douceur avait la part belle dans ses mots comme dans ses yeux. Elle ne collait pas aux stéréotypes que l’on attribuait si aisément aux Sirènes. Peut-être parce que fondamentalement, elle n’en était pas une ? Pourtant, à cet instant précis, elle se sentait mue par la même agressivité que ses pairs, par la détermination dont Susannah ou Lana pouvaient faire preuve quand il s’agissait de se venger d’un Gælyan dont la présomption s’accordait à la violence. « J’espère bien pour toi. » claqua-t-elle. Au fond, quelle scène plus banale que celle-ci ? Depuis les histoires tortueuses qui avaient tantôt lié, tantôt opposé Vanille Deslyce et Niklaus Salvatore, depuis le raz-de-marée qui avait soufflé une partie des terres sorcières, les Mages Noirs et les Filles de l’Océan s’exécraient. On racontait qu’elles étaient venues achever les navires réprouvés sur invitation de la couronne d’Amestris, mais dans le choc et le chaos qui avaient succédé à la bataille, personne n’avait cherché à corroborer cette supposition ; elle n’eût, de toute façon, pas suffi à adoucir des siècles d’amertume. « Quoi ? » Les prunelles de Kiara vacillèrent. Elle serra les poings et les serpents sifflèrent. Le souvenir de son aveu, à Boraür, la hantait régulièrement. Elle regrettait d’avoir confessé son état – et confessé n’était même pas un verbe adapté, elle l’avait crié, exulté. Quand elle en avait parlé avec Lana, cette dernière lui avait dit que de toute manière, sa condition finirait par se voir, et qu’il valait mieux l’annoncer soi-même que de subir les coups d’une myriade de rumeurs. Elle savait qu’elle avait raison, et pourtant… Et pourtant quoi ? Qu’avaient-ils à en dire ? Quelle honte y avait-il à ressentir ? Elle n’était pas une Sorcière. Elle était libre. Balayant l’hésitation, ses sourcils se froncèrent et ses pupilles s’étrécirent. « Ce qui est mauvais pour le bébé, ce sont les gens contrariants comme toi. Ne me tente pas plus, je pourrais vouloir te faire disparaître. » Elle s’entendait parler comme si elle était hors d’elle-même. Une pensée pour Coline de Lieugro fleurit dans son esprit. Depuis la sortie du premier tome, les Basphéliens n’avaient de cesse d’établir une ressemblance physique entre elles deux. Dès la première lecture, pourtant, Kiara avait senti autre chose, l’impression qu’elles étaient liées au-delà des apparences. Et quand elle parlait, parfois, c’était elle qu’elle entendait. Certaines de ses réactions lui semblaient être les siennes. C’était déstabilisant, déstabilisant et grisant.
Elle attrapa la plante et la cala entre ses bras et sa poitrine, avant de tourner les talons pour suivre Eutropius. Il avait intérêt à trouver quelqu’un pour sauver Douce. Elle baissa les yeux sur le petit tas de cendres et de branches racornies qui avait remplacé la beauté délicate des fleurs, et elle eut envie de pleurer. Elle aimait bien Zeryel, elle appréciait son attention, elle ne voulait pas le blesser.
Message IV – 462 mots
Dorian Lang ~ Vampire ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 298 ◈ YinYanisé(e) le : 22/08/2022
« Je reviens. » Elia jeta un coup d'œil vaguement interrogateur à Eutropius auquel il ne répondit pas. L'Ygdraë tourna les talons pour aller fouiller dans la cabane où était entreposé tout le matériel. Cabane était un terme un peu faible pour désigner le bâtiment carré qui faisait le bonheur du club de jardinage. Déterminé à ne pas se réengager dans une discussion avec l'Ondine, le Sorcier patienta en regardant ailleurs, les bras cloués le long du corps. Il était doué à ce jeu. Les silences ne le dérangeaient pas, aussi pesants et hostiles soient-ils. Kiara avait menacé par deux fois de le tuer. La tendance dramatique des Sirènes le laissait de marbre, c'était dans leur nature d'être bruyantes, que ce soit en chantant ou dans leur comportement de façon générale. Des poules d'eau, voilà ce qu'elles étaient, à jacasser bien plus que nécessaire. Leur caractère dominant était un véritable irritant, qui n'aurait pas tenu dix secondes à Amestris. Il avait hâte que la sauge termine d'achever les derniers représentants de cette sous-race. Peut-être y avait-il moyen d'aider la plante aquatique à muter pour attaquer les Ondins à la surface ?
« Voilà ! » Sa queue de cheval flottant sous des mouvements aussi inutiles que polluants, Elia brandit victorieusement un petit pot sous leur nez. Une odeur de piment s'en dégageait. « Applique ça demain matin, sur le terreau tout autour de ta fleur, et ça devrait fonctionner. Si d'ici une semaine, ça n'a rien changé, reviens-nous voir et on verra ce qu'on peut faire pour la sauver, d'accord ? Vraiment désolée, c'est une si jolie fleur ! Ce n'est pas la première plante qui souffre entre les mains d'Eutropius. » Un rire nerveux lui échappa, avec des accents douloureux. Le Sorcier la regarda, impassible, et elle cessa de rire. « C'est un club difficile d'accès pour les Sorciers. » ajouta-t-elle, le plus délicatement possible et toujours avec ce ton faussement humoristique qui fatiguait Eutropius. Il savait pertinemment que sa présence au club dérangeait, mais sans réelle instruction de la part d'enseignants eux-mêmes, il n'avait pas l'intention de le quitter. Ce qu'il y apprenait était précieux, les livres ne pouvaient pas tout lui apprendre. « Je pense que ce n'est plus à mon tour d'aider au stand. J'y vais. » se contenta-t-il de dire avant de prendre congé.
Cher Lucius,
Eutropius promena un regard désintéressé sur les élèves qui ralentissaient devant sa table. Contrairement à ses congénères, il ne cherchait pas à avoir l'air amène et encore moins à agiter des prospectus sous leur nez comme il avait vu certains le faire. Qu'il ait déjà consenti à animer le stand sortait de l'ordinaire, et il n'avait accepté que parce que le président du club avait décidé d'office que chacun son tour, ils devaient y dédier une heure. Son avis n'était donc pas entré dans l'équation mais une heure, ce n'était pas grand chose et il ne s'était pas plaint. Placide, il se contentait d'attendre que le temps passe en espérant minimiser le nombre d'interactions par la seule force de son expression maussade. Sur la table, par dessus les tracts et les bulletins d'inscription reposait un livre ouvert sur un chapitre qu'il étudiait pour passer le temps. Il baissa les yeux sur l'introduction aux principes d'anti-magie. Il prenait un peu d'avance sur le programme mais l'étrangeté de son interaction avec Hélène quelques jours auparavant avait attisé sa curiosité. Persuadé d'avoir été victime d'un sortilège, il peinait à comprendre comment cela avait pu fonctionner avec l'anti-magie de l'Humaine et souhaitait mieux examiner les subtilités de cette horreur qui lui retournait l'estomac rien qu'à y repenser.
