La porte du dortoir des chats s’ouvrit en grand. « Jasmin ! » Lazare entra en trombes, fila vers l’interpelé et lui colla un bout de papier tout froissé sous le nez. « Regarde ! » Hormis eux, le dortoir était vide. « J’ai pas le droit d’aller à Boraür ! » Le matin même, il avait reçu la réponse de ses parents, qui lui interdisaient formellement de participer au voyage scolaire organisé sur l’île en l’honneur des fêtes d’Ësse’Aellun. Ils prétextaient que ses résultats n’étaient pas à la hauteur de leurs attentes – ce qui ne pouvait qu’être vrai étant donné le peu d’efforts qu’il fournissait – et qu’ils recevaient trop d’échos négatifs de son comportement – ce qui était sans doute véridique aussi, puisqu’il s’attelait à être l’élève le moins discipliné de l’école. « Comment ils veulent que j’aie envie de rester ici si j’ai rien le droit de faire ? » Il lâcha la lettre qui retomba doucement sur le matelas du rouquin, et pivota vivement. Une tension reliait ses deux épaules. « Ils se foutent de moi ! Ils se targuent d’être de parfaits Magiciens, avec leurs bonnes manières et tout le tralala, mais au fond, ils n’ont juste pas de cœur ! » La colère suintait à ses tempes. Il marchait à travers la pièce, les jambes rendues fébriles par l’énervement qui le secouait tout entier. « Et puis pourquoi t’as fermé les rideaux ? Il y a un super soleil ! » En deux enjambées, il fut à la fenêtre, et il écarta brusquement les pans de tissus. « Faut qu’on organise un truc pour pouvoir partir d’ici et retourner aux Palais de Coelya. » Il fixait l’extérieur, le regard assombri par l’orage qui grondait en lui. « Non, tu sais quoi ? On ne va pas retourner aux Palais de Coelya. On va se casser, et vivre notre vie ailleurs. Parce que si on rentre, ils vont continuer à nous pourrir la vie. Je ne veux pas de ce qu’ils ont en tête pour moi. » Un métier qui fît honneur au nom des Halloy, une épouse, des enfants, une jolie maison fleurie, une routine à mourir d’ennui. « Je veux aller à Avalon. Là-bas, je pourrai monter une entreprise autour du jeu et de la fête. Je sais pas encore quoi, mais quelque chose dans ce domaine-là. » Une idée traversa soudainement son esprit. « Tu y vas, toi ? À Boraür. Ils t’ont donné l’autorisation ? » finit-il par demander en se tournant vers le chat.
Message I – 422 mots
Jasmin & César ~ Eversha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 35 ◈ YinYanisé(e) le : 20/10/2023
Je me réveillai en sursaut lorsque la porte claquait. Les yeux ouverts subitement, je cherchai à comprendre avec difficulté ce qui m’avait sorti de ma sieste. Dans la pénombre, où je voyais presque comme en plein jour, mes prunelles s’arrimèrent à la silhouette de mon frère, qui ne me laissa pas le temps de m’indigner pour commencer à déblatérer sur ses malheurs. Je ne cachais pas mon agacement et laissais un soupir las s’échapper de mes lèvres, avant de rouler sur le ventre pour essayer de replonger dans le sommeil. Peine perdue. Lazare en avait trop gros sur la patate et jacassait autant que notre tantine Josette. « Grmmh… Pff. » répondis-je aux malheurs de mon frère. Il s’indignait facilement, surtout lorsque ça concernait nos parents ou notre famille en général. Il se sentait l’âme d’un incompris. D’une certaine manière, nous étions semblables. Il désirait goûter à une liberté qui lui était refusée. M’imaginer privé de mon libre arbitre, soumis à des exigences telles que celles que l’on faisait peser sur lui me hérissa le poil. Oui, c’était une perspective peu engageante. A un autre moment, j’aurais peut-être compati à son sort. Mais là, il avait mis fin abruptement à mon moment de détente préférée, j’ai nommé, la sacro-sainte sieste du début d’après-midi.
« Je dors. » maugréai-je lorsqu’il s’offusqua de l’obscurité du dortoir. Et puis, contrairement à lui, je n’avais pas besoin de toute cette luminosité pour y voir clair. Retenant un énième soupir, je me mis à pétrir mon oreiller. J’envisageais sérieusement d’y glisser la tête en dessous, afin de calmer l’orage qu’était le Bleu. « Oui Lazare… Tu es un esprit libre. » approuvais-je lorsqu’il me parla de partir faire sa vie à Avalon. S’il y allait véritablement, je l’aurais peut-être bien suivi. Avalon semblait être une belle ville pour mener une vie de paresse comme celle à laquelle j’aspirai.
Je soupirai, comprenant que le magicien ne me laisserait pas dormir. « Les parents m’ont autorisé. » répondis-je en me levant. « Je n’y vais pas. » enchainai-je prestement, anticipant l’indignation du mage bleu. Pourquoi moi et pas lui ? Parce que je savais charmer mon monde, tout simplement. Je me mis à défaire les draps. Je tirai violement dessus, de sorte à ce que cela poussa légèrement mon frère. Je me lovais ensuite sous la couverture, que je rabattais par-dessus ma tête. Ce n’était pas très subtile. Je ne cherchais pas à l’être. Je voulais dormir, et Lazare me mettait des bâtons dans les roues.
Agité, Lazare bondit vers le chat. « Exactement ! Un esprit libre ! » s’exclama-t-il en le pointant du doigt. « Ils n’ont pas le droit de me forcer à quoi que ce soit ou de me priver de ma liberté ! J’ai pas la marque des Mayfair sur le cul ! » Il essaierait d’aller à Boraür. Et s’il n’y parvenait pas, lorsque tout le monde serait parti, il tenterait de s’échapper. Il en avait marre de cette école pourrie et de ses règles trop strictes, de ses parents débiles et de leurs interdictions mortifères.
« Alors ? » renouvela-t-il, comme Jasmin ne daignait pas lui répondre. Après un long soupir, la réponse tomba, crispant d’autant plus le jeune Magicien. « Qu- Attends, quoi ? Mais ! » Toute protestation mourut, décapitée par le tranchant de la surprise. Durant quelques secondes, il demeura coi, le visage défait. Puis, ses sourcils se froncèrent et il bondit sur le lit aux côtés de Jasmin. Évidemment, que les parents avaient dit oui. Sa mère avait toujours eu du mal à refuser quoi que ce fût à l’adopté de la famille, et elle savait parfaitement charmer leur père pour obtenir ce qu’elle désirait, que ce fût pour elle ou ses enfants. Fleuranne était plus maline qu’elle ne semblait l’être au premier abord. Femme au foyer, elle dirigeait la maisonnée avec une main de fer dans un gant de velours. À toutes les réceptions auxquelles son mari devait participer en raison de son métier, elle assistait avec son sourire avenant et ses mots flatteurs. En plus des affaires domestiques, elle le suppléait dans la gestion du domaine et des finances. Pourtant, de prime abord, elle avait tout l’air d’une femme typique de la noblesse, déraisonnement maladroite et outrageusement fleur bleue, rêveuse et fantasque. Apparemment née maternelle, elle aimait chacun de ses enfants avec l’ardeur d’une lionne, et elle veillait à ce que chacun pût s’épanouir dans le chemin qui lui avait été tracé. Lazare ne faisait pas exception, mais de toute la fratrie, il était sans aucun doute le plus compliqué. D’autres leur avaient causé ou leur causaient du fil à retordre, cependant, ils agissaient toujours moins frontalement.
« Donne-moi ton autorisation. » demanda le Magicien. « Comme ça, j’irai à ta place. » Lui aussi dépourvu de subtilité, il attrapa le haut de la couette et le tira pour dévoiler la figure de Jasmin. « On n’a qu’à faire ça, des fois. Échanger nos places. Comme ça, toi tu peux rester ronfler sous tes couvertures, et moi, je peux profiter de ma liberté. T’es d’accord ? » Ça n’était pas vraiment une question.
Message II – 440 mots
Jasmin & César ~ Eversha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 35 ◈ YinYanisé(e) le : 20/10/2023
On dit des chats qu'ils attrapent parfois la connerie. Que le temps d'un quart d'heure, nous serions soudainement pris d'une énergie débordante qui nous pousserait à ne faire que des bêtises, où toutes nos idées seraient plus saugrenues les unes que les autres... Ceux qui adhèrent à cette théorie n'ont jamais vu un Lazare pris d'un élan de rébellion - c'est à dire à peu près chaque fois qu'il recevait des nouvelles de la part de nos parents. Dans ces moments là, son penchant magicien semblait ressortir particulièrement. Il n'aimait pas la société dans laquelle il avait grandit, pourtant, il en avait hérité les codes et savait faire preuve d'un sens du drama tout à fait disproportionnel aux situations, comme en cet instant par exemple. Lui pensait subir la plus grande des injustices, sans réaliser ce qu'il m'infligeait : devoir écouter ses lamentations plutôt que de continuer ma sieste.
Je gardais les yeux résolument fermés, comme si mes paupières closes pouvaient me permettre de faire barrage à tous mes problèmes. Peut-être que si je l'ignorais suffisamment longtemps, il comprendrait et me laisserait enfin dormir en paix... Je connaissait cependant trop bien mon frère et son acharnement dans ce genre de situation pour y croire ne serait-ce qu'une seule seconde. Je ne perdait cependant rien à essayer et m'employait donc à ne pas bouger, roulé en boule sous la couverture.
« Eh ! » protestai-je lorsque le bleu ôta mon bouclier de chaleur. J'ouvris finalement les yeux pour mieux le fusiller du regard, essayant de lui faire comprendre qu'il commençait sérieusement à me courir sur le haricot. Ma queue battait l'air d'un mouvement irrité. L'ocre de mes pupille effectua un mouvement vertical tandis que je jaugeai le mécréant avec dédain. « D'accord. » lâchai-je. La manière la plus rapide de retrouver ma tranquillité était indéniablement d'aller dans son sens. « Tant qu'à faire, tu n'as qu'à prendre ma place pour aller en cours, aussi. » me moquai-je avec un sourire narquois. « Si tu veux récupérer l'autorisation, elle est là-bas. » lui indiquai-je en pointant mon index griffu sur la litière de la chambre. « Il me semble qu'Eden a fait pipi ce matin, et Milo un peu plus que ça même. Mais peut-être est-elle encore visible. » J'esquissai une moue exagérément déçue pour mimer une compassion que je n'éprouvais pas. « La prochaine fois, je te la garderai de côté, c'est promis. » chantonnai-je, avant d'agripper le drap que l'enquiquineur avait osé me voler, et tirai une nouvelle foi de toute mes forces pour me recacher sous son couvert.
Message II - 456 mots FIN
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Traité sur l’ingratitude des chats et des adolescents | Jasmin
La porte du dortoir des chats s’ouvrit en grand. « Jasmin ! » Lazare entra en trombes, fila vers l’interpelé et lui colla un bout de papier tout froissé sous le nez. « Regarde ! » Hormis eux, le dortoir était vide. « J’ai pas le droit d’aller à Boraür ! » Le matin même, il avait reçu la réponse de ses parents, qui lui interdisaient formellement de participer au voyage scolaire organisé sur l’île en l’honneur des fêtes d’Ësse’Aellun. Ils prétextaient que ses résultats n’étaient pas à la hauteur de leurs attentes – ce qui ne pouvait qu’être vrai étant donné le peu d’efforts qu’il fournissait – et qu’ils recevaient trop d’échos négatifs de son comportement – ce qui était sans doute véridique aussi, puisqu’il s’attelait à être l’élève le moins discipliné de l’école. « Comment ils veulent que j’aie envie de rester ici si j’ai rien le droit de faire ? » Il lâcha la lettre qui retomba doucement sur le matelas du rouquin, et pivota vivement. Une tension reliait ses deux épaules. « Ils se foutent de moi ! Ils se targuent d’être de parfaits Magiciens, avec leurs bonnes manières et tout le tralala, mais au fond, ils n’ont juste pas de cœur ! » La colère suintait à ses tempes. Il marchait à travers la pièce, les jambes rendues fébriles par l’énervement qui le secouait tout entier. « Et puis pourquoi t’as fermé les rideaux ? Il y a un super soleil ! » En deux enjambées, il fut à la fenêtre, et il écarta brusquement les pans de tissus. « Faut qu’on organise un truc pour pouvoir partir d’ici et retourner aux Palais de Coelya. » Il fixait l’extérieur, le regard assombri par l’orage qui grondait en lui. « Non, tu sais quoi ? On ne va pas retourner aux Palais de Coelya. On va se casser, et vivre notre vie ailleurs. Parce que si on rentre, ils vont continuer à nous pourrir la vie. Je ne veux pas de ce qu’ils ont en tête pour moi. » Un métier qui fît honneur au nom des Halloy, une épouse, des enfants, une jolie maison fleurie, une routine à mourir d’ennui. « Je veux aller à Avalon. Là-bas, je pourrai monter une entreprise autour du jeu et de la fête. Je sais pas encore quoi, mais quelque chose dans ce domaine-là. » Une idée traversa soudainement son esprit. « Tu y vas, toi ? À Boraür. Ils t’ont donné l’autorisation ? » finit-il par demander en se tournant vers le chat.
