-64%
Le deal à ne pas rater :
-64% sur le Lot de 2 Enceintes bibliothèques Jamo S17F (gris ou bleu)
199 € 549 €
Voir le deal

Partagez
 

 [Q] - Un pas vers l’avant | Edwina

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1068
◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016
◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Jeu 26 Nov 2020, 02:08



~ La scène se passe après le RP Ōlseaga ~

Partenaire : Edwina Nilsson.
Intrigue/Objectif : Isley et Ren, envoyés par Isiode sur le continent pour retrouver les gains obtenus au cours du Lux In Caelum, vont se rendre sur les terres magiciennes pour évaluer le prix des deux artéfacts. En chemin, ils croiseront la route d’Edwina.


Aux Jardins de Jhēn.

« J’ai l’impression que cela fait des lustres que je ne suis pas entré dans cette caserne… » Fis-je remarquer en portant mon regard sur les murs externes du bâtiment, frayant notre chemin jusqu’aux portes de celui-ci.

À l’entrée, deux gardes nous aperçurent et nous sourirent aimablement. Nous nous connaissions. J’avais passé des années à vivre entre les murs de cette infrastructure, après tout, à partager leur poste aussi, de temps en temps, lorsque d’autres tâches ne m'étaient pas assignées.

« Vraiment? Vous avez vécu ici depuis le Czírnúma? (le Génocide?) S’exclama la jeune femme à mes côtés, ses cheveux roux ayant été attachés en une haute queue-de-cheval pour libérer sa nuque.

- Oui, admis-je en gratifiant Ren d’un sourire, la guidant du même fait au cœur des couloirs du grand édifice. Nous nous sommes partagés une chambre pendant toutes ces années. Je ne sais pas du tout comment nous avons fait, sachant qu’à ce moment-là, nous n’étions pas en très bons termes… »

J’étais en train de dépérir à cause de notre défaite, à cause de l’état de notre peuple, de la disparition d’Araya… Tout cela, accumulé, avait été trop lourd à supporter pour mes épaules. Quant à lui, mon frère cherchait, à sa manière, de me tirer vers le haut. Malheureusement, je n’avais fait que m’enfoncer davantage dans la fange de ma dépression, la boue m’attirant inlassablement vers le bas pour me plonger, m’immerger, me noyer dans les profondeurs de cette rivière dans laquelle je n'avais osé m'extirper. Je relâchais une courte expiration tout en secouant la tête. Ce n’était plus le moment de penser à cela. J’avais tourné la page. J’étais prêt à reprendre mon chemin vers la Lumière, vers les miens, avec ou sans Araya. Le penser me tordait toujours autant l’estomac, mais au moins, les larmes avaient cessé d’inonder mon visage, de marquer mes joues et de rougir mon regard. Araya n’était plus là – certes, physiquement – avec moi, mais je pouvais sentir sa présence à mes côtés… Comment était le monde de l’Erāhael? Je me le demandais quelques fois, regrettant amèrement la réflexion.

« Et vous n’avez jamais pensé à acheter une maison ou un appartement?

- Hum… Je réfléchissais une poignée de secondes à la question. Non, jamais. Enfin, cela ne semblait pas nécessaire, malgré nos différends. Après tout, nous avons toujours vécu ensemble. Pour tout t’avouer, je pense que ces explorations ont été la séparation la plus longue que nous avons expérimenté jusqu’à présent, lui et moi.

- Sérieusement? »

J’acquiesçais d’un hochement de la tête, l’Orine clignant des yeux un instant, visiblement surprise par la révélation.

« Je… ne pensais pas.

- N’est-ce pas? Pourtant, nous faisions pratiquement tout ensemble, auparavant. Nous avons grandi ensemble, fait l’armée ensemble, rit, pleuré, chamaillé ensemble », énumérais-je en arborant un air soudainement nostalgique.

Parce que malgré la douleur d’avoir perdu Mère, l’éducation stricte et rigide de Père, Isiode et moi avions toujours tout affronté main dans la main. Il avait été ma bouée dans les moments les plus gris et tumultueux. Nous étions là l’un pour l’autre; nous étions un tout, mis côte à côte. Nous comblions nos faiblesses par la force de l’autre et nous progressions ensemble, à l'image d'une symbiose. Mais cela, c’était avant de connaître la vérité sur mon frère; c’était avant de comprendre que j’avais été le seul à avoir été sauvé, ces années-là, de la tristesse et de la douleur; de la solitude et du malheur. Isiode… avait tout enfoui en lui pour le bien de Père et de moi-même. Il avait préféré étouffer ses émotions pour que ces derniers n’éclatent pas et s’additionnent à notre propre désespoir et chagrin. Plutôt, il avait refoulé ses larmes, les avaient taris au fond de sa gorge et s’était armé de sa pauvre expérience d’enfant pour nous remonter le moral, pour nous insuffler cette étincelle de Vie que nous peinions à embraser par nous-mêmes. Il avait appris à sourire par automatisme pour nous le communiquer; il avait appris à modeler sa voix pour qu’elle ne tremble pas afin de nous la rendre chaleureuse et heureuse; il avait appris à ne pas pleurer lorsqu’il voyait nos propres larmes noyer nos visages; il avait appris à nous consoler sans demander d’étreinte en retour pour nous sauver…

Je baissais lentement le visage vers le sol, une pointe de culpabilité transperçant mon cœur, troublant mon esprit. Isiode, pendant toutes ces années, nous avait offert une attention et un amour incommensurables, mais en retour, nous ne lui avions donné que des raisons de plus de se refermer sur lui-même, de tout rejeter de ce qui était de la sensibilité et de l’amour. Parce qu’il les avait vu nous ronger, nous consumer, et qu’il avait été celui à jeter l’eau sur les flammes pour nous éviter d’embraser. Jour après jour, il avait péniblement tenté d’éteindre les brasiers dans lequel nous nous laissions lentement périr. Il s’était brûlé à maintes reprises; il avait certainement eu peur de nous perdre et de nous retrouver au milieu de l’incendie, tas de cendres tout gris qui se perdraient dans la brise. Nous avons été négligents… Constatais-je tristement, un haut-le-cœur me prenant la gorge en considérant notre égoïsme passé, notre aveuglement.

« … »

Muramasa avait cessé de parler et me fixait simplement du coin de l’œil. Elle avait bien ressenti ce regret silencieux qui tambourinait au fond de ma poitrine, mais ce qui la retenait d’intervenir était le fait que, même en nous blâmant, Père et moi, je ne me morfondais pas. Je faisais face à la réalité, faisais face aux conséquences : je prenais, petit à petit, conscience de mes erreurs. Peut-être pour mieux les comprendre et tenter de les changer avec ma propre Force?

« Eh, m'interpella-t-elle néanmoins. Est-ce la chambre? »

Brusquement, je m’arrêtais, mon regard se détachant du sol pour venir observer la plaque de métal sur laquelle figurait le numéro de la pièce.

« Ah! Oui, oui, nous y sommes. »

Mes soucis, je les repoussais doucement jusqu’à un coin de mon esprit, préférant ne pas y songer sur l’instant. Le mal avait été fait. Isiode était devenu ce qu’il était. Toutefois, je croyais en mon jumeau, en celui qu’il enfouissait au plus profond de lui-même. Je savais que mon frère existait encore, quelque part, sous cette carapace de glace, parce que je savais que tout ce que nous avions vécu n’était pas qu’une mascarade, un rôle qu’il s’était contenté de jouer afin de préserver les masques qu’il s’était mis à porter pour falsifier sa sanité. Fouillant dans l’une de mes poches, je finis par soulever la clé de la chambre, l’insérant dans la serrure avant que le mécanisme ne s’active dans un cliquetis familier.

« Voici notre ancien foyer, Muramasa, lui présentais-je en écartant l’un de mes bras, notant immédiatement quelque désordre dans la disposition de certains mobiliers. Oh… C’est vrai, on m’avait averti que quelques-unes de nos affaires avaient été déplacées et nettoyées durant notre absence. C’est gentil de leur part de s’être assuré de la propreté des lieux. »

On ne m’avait surtout pas informé des détails les plus troublants, comme quoi une Déchue de la Luxure serait entrée par infraction pour assouvir ses… besoins, éperdue et délirante dans les fantasmes qu'elle s'était inventée dans les bras imaginaires de mon frère. Et si Isiode en avait entendu parlé, il s’était bien abstenu de m’en faire part, certainement conscient que cela allait profondément me dégoûter.

« Nous devrions nous y mettre rapidement, proposa Ren en s’avançant jusqu’aux pieds de l’ancien lit de l'Anjonù, balayant la pièce des yeux, curieuse et un brin fascinée. Comme ça, nous pourrons nous rendre plus tôt à Vervallée, à l'adresse qu'Isiode nous a donné. »

Je lui donnais aussitôt raison, refermant la porte de la chambre dans mon dos.

« Nous ne devrions pas avoir beaucoup de difficulté à retrouver cette fève et cette couronne, n’empêche.

- Hahaha! Pas faux. Les seuls objets qui brillent habituellement chez vous sont vos armes et votre vaisselle. »

J’émis un rire. C'est vrai que nous n'avions jamais été très portés sur les bijoux et autres excentricités de la sorte. Ne perdant pas plus de temps, je commençais tout de suite la fouille en m’attaquant aux tiroirs de l'une de nos anciennes tables de nuit. Quelques lettres et enveloppes y reposaient ainsi qu’une grande clé en or sertie de tanzanite. En l’extirpant de là, un éclair me traversa. Isiode avait ramené cette clé à la suite de sa disparition jusqu’aux confins de la Mer Maudite. Aux dernières nouvelles, il ne savait toujours pas ce que cette clé lui permettait d’ouvrir, ni pourquoi elle lui avait été envoyée. Cependant, elle était finement ouvragée, l’or dans laquelle elle avait été fabriqué éclatant avec toujours autant d'éclats mordorées. Et c’était sans compter la pierre qui était incrustée dans le manche de la clé, renvoyant sur mon visage quelques doux reflets bleutés. Hum… Pourquoi pas?

D’un signe, je montrais l’objet trouvée à la Sœrei, qui était en train d’examiner la seconde table de nuit, et qui acquiesça à cette découverte : cette clé aussi, nous pourrions l’amener avec nous pour l’évaluation. Isiode n'en avait, après tout, pas besoin.


1 538 mots | Post I | Tu me diras quel format de quête (4x720 mots ou 8x400 mots) t’arrange le mieux ^^



It's a little price to pay for salvation
Thème I | Thème II | Thème III | Thème IV | Thème V

[Q] - Un pas vers l’avant | Edwina Signat20
Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t34283-isiode-isley-entr
Invité
Invité

avatar
Lun 30 Nov 2020, 21:06


Image par Inawong

Un pas vers l'avant


« Bonjour. » Edwina releva les yeux vers Jun. « Encore vous. » murmura-t-elle. « Toujours moi. » rectifia-t-il, avec un sourire en coin. « Que voulez-vous cette fois ? » Elle était à l’intérieur d’une cavité. Les recherches lui paraissaient enfin donner quelque chose. Après des heures, dans le froid glacial, à essayer de se frayer un chemin dans des passages qui n’auraient pas été conseillés à un claustrophobe, elle venait de déboucher dans un vaste espace. Elle n’en était pas sûre mais il lui semblait que des dessins avaient été tracés sur les murs, il y a des millénaires. « Vous accorder une récréation. » « Non merci. » Elle était toujours agacée de la dernière fois, lorsqu’il lui avait retiré Isiode alors même qu’ils s’apprêtaient à partir en exploration. Ce jour-là, le ciel était devenu tempête et des habitations avaient été arrachées, apportant chaos, désolation et mort. « Je vous ai déjà dit que je n’y étais pour rien. » Elle arrêta de marcher. « Vous m’énervez. Vous me rejoignez pour m’avertir que je dois devenir Æther. Conclusion : le Passeur ne vient pas à ce qui devait être mon test. Vous ne cessez de me jouer des tours, que cela soit avec Isiode ou en me faisant apparaître au beau milieu de je ne sais quelle mer sur le navire de son frère et… Et quoi ? Vous créez une tempête pour nous empêcher de partir en exploration ? » « Je n’y suis pour rien. » murmura-t-il, encore. « Il se trouve que ce sera plus compliqué que prévu. » « Pourquoi donc ? » « Vous ne faites pas l’unanimité. Enfin… Disons qu’un Dieu ne vous juge pas apte. » « Alors laissez-moi, si je ne suis pas apte. » « Non. » « Pourquoi ? » « Parce que vous devez devenir Hel’Dra. » « Selon qui ? » « Selon moi. » Il semblait très sérieux. « Je… » « Vous serez une Déesse, une Reine, et vous concilierez les peuples, pour faire face au futur. » « Quel futur ? » Il soupira. « Vous savez, il y a des choses plus importantes que les conflits diplomatiques entre races. Je ne dis pas que ça ne l’est pas mais il y a des fléaux plus grands que la Lune Noire ou que les Purges démoniaques. » « Vous voulez dire, plus qu’une invasion mondiale de Sans-Âmes ? Plus qu’un abruti qui s’amuse à essayer de devenir le Sympan ? » Elle semblait courroucée. Leur relation n’avait jamais été très claire. « Je n’ai pas fait qu’essayer. » rectifia-t-il. « Comment pouvez-vous l’avoir été sans l’être encore ? » Il soupira. Il n’avait pas envie d’en parler. Il préféra parler d’autre chose. « Imaginez une attaque venue d’un monde supérieur, visant à détruire celui-ci ? Ou simplement une attaque généralisée d’une espèce vivant sur les Terres de Sympan ? Il faudra bien concilier tout ce petit monde pour qu’il puisse survivre, non ? » Elle ne répondit pas. Tout ceci lui paraissait trop abstrait, comme ce qu’elle s’efforçait de trouver ici. Elle revint au sujet initial. « Quelle récréation ? » Il sourit. « J’aimerais vous ramener sur les Terres du Lac Bleu. Vous pourriez en profiter pour vous promener à Vervallée. Ça fait longtemps que vous n’êtes pas retournée chez vous. Je sais que l’état des Magiciens vous préoccupe. » « Ne devais-je pas me détacher ? » « Les plans ont changé. » « Quels plans ? » « Je n’en sais rien. Je sais juste que ça a changé. » Beaucoup changé mais elle ne le découvrirait que plus tard. Il ne devait pas lui en parler. Elle rencontrerait son fils dans le futur. De là, commencerait le changement de plan. Il voulait la tester. Ce serait le test de son élévation. « Bien. Envoyez-moi où vous voulez. » finit-elle par articuler.

Le sol se déroba sous ses pieds et elle s’étala de tout son long, vêtue de son épais manteau de fourrure, au beau milieu des rues de Vervallée. Elle le haïssait, lui et ses sales manies. Il avait raison, ce Dieu qui ne voulait pas qu’elle s’élevât, parce que dès qu’elle serait Æther, elle aurait une petite discussion avec Jun Taiji. Sa main dans sa face, c’est ce qu’il recevrait. « Vous allez bien ? » demanda un marchand, en lui tendant la main. Elle la prit et se releva. Sa prestance attirait tous les regards. Elle avait presque oublié. Bien sûr, personne ici ne faisait le lien entre la jeune femme rousse drôlement vêtue et l’Impératrice Blanche. Son visage avait été effacé. « Oui, ne vous inquiétez pas. Petit problème de téléportation. » Elle enleva le vêtement. Parfois, elle regrettait de ne pas posséder les pouvoirs des Sorciers. « Est-ce que… Est-ce que vous pourriez garder tout ceci pour moi s’il vous plaît ? » Même les vêtements qu’elle avait en dessous du manteau étaient trop chauds. « Oui. Je peux vous proposer des vêtements également. Ma fille fait à peu près la même taille que vous je pense. » À l’exception de la poitrine. « Non ça va aller. Je vais pouvoir m’en sortir. »

Quelques minutes plus tard, elle marchait dans la rue, vêtue d’une robe bleue et ample et d’une veste. Elle avait serré le tissu à sa taille par une fine ceinture. Le haut était bouffant, ce qui évitait de trop s’attarder sur cette partie de son anatomie qu’elle n’aimait pas : ses seins. Ses cheveux étaient détachés et ondulaient sur ses épaules. Curieusement, alors même qu’elle se trouvait sur ses propres terres, elle ne se sentait pas chez elle. Elle culpabilisait d’être partie si longtemps. Ses lèvres se pincèrent. Songeuse, ses yeux regardaient les environs sans réellement s’y attarder. Que devait-elle faire ? Pourquoi Jun l’avait-il amenée ici ? Pour une réelle récréation ? Elle ne savait même pas quoi faire de ce temps. Elle avait trop de choses à songer. Elle ne pouvait sans doute pas se permettre de flâner. Que faire ? Elle n’eut pas le temps de trouver la réponse. Son regard se posa sur des mèches rousses, comme les siennes. Il se décala légèrement, pour tomber sur une tignasse blanche. « … » Elle se mit à courir jusqu’à la silhouette et posa la main sur l’épaule de l’homme. « Isley ! » appela-t-elle. Elle l’avait reconnu. Elle ne l’avait même pas confondu avec Isiode. Leurs charismes n’avaient rien à voir. « Isley. » murmura-t-elle de nouveau. Elle le fixa, ne sachant pas quoi faire d’autre. Il faut dire que leur dernière rencontre n’avait pas été des plus conventionnelles. Elle se mit à rougir comme une adolescente, confuse d’avoir été dans une position discutable en sa présence. Elle aurait préféré que Jun la collât nue à Isiode, pas à son frère. C’était déplacé. Gênée, elle retira sa main.

1150 mots
720 ça me va bien ^^
Revenir en haut Aller en bas
Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1068
◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016
◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Jeu 03 Déc 2020, 05:16



« Je l’ai! »

Mon regard se porta automatiquement sur les mains levées de l’Orine, qui tendait dans les airs la fameuse fève dorée.

« Génial! On les a toutes trouvé alors, m’enthousiasmais-je en me dirigeant aussitôt dans sa direction, le sourire aux lèvres. La clé, la couronne et la fève : le compte y est! »

La Sœrei opina du chef, se redressant tout en laissant tomber l’artéfact dans ma besace. Le précieux objet en forme de miroir s’entrechoqua contre la couronne, la parure dorée étant elle-même dans le fond du sac auprès de la clé et de sa pierre précieuse.

« Tu peux en parler avec Isiode? Lui dire que nous nous dirigeons à présent vers Vervallée?

- Tout de suite! »

La jeune femme ferma les yeux pour mieux se concentrer afin de communiquer avec mon frère, qui se trouvait à quelque kilomètre de notre position actuelle. Après tout, il était supposé partir avec nous pour les Jardins de Jhēn afin de rencontrer sa Recrue, mais une affaire de dernière minute l’avait obligé à rester sur Orhmior, décalant sa venue. C’est pourquoi nous nous trouvions que tous les deux, Ren et moi, à chercher ces fameux biens qu’Isiode avait acquis à la suite du précédent Lux In Caelum.

« Tout va bien? »

L’Orine ne me répondit pas : elle était entièrement focalisée sur sa tâche, les lèvres pincées, des perles de sueur se devinant à la racine de ses cheveux. À ce constat, patiemment, je m’installais sur l’un des lits de la pièce, attendant simplement qu’elle puisse prendre contact avec mon jumeau. Si, durant nos explorations, nous nous étions concentrés sur des exercices et des entraînements physiques qui avaient consisté à la muscler et à lui apprendre l’art du combat militaire angélique, nous ne nous étions jamais véritablement attardés sur la pratique de ses aptitudes magiques.

« C’est bon. Je lui ai annoncé notre départ.

- Très bien. Allons-y dans ce cas! M’exclamais-je en me levant, nos pas nous dirigeant successivement hors de la chambre, qui fut de nouveau fermée à clé, puis hors de la Caserne de la Compagnie, dont une partie de la structure était en rénovation, pour des raisons d’agrandissement à cause de la fusion de la milice et de l’armée angélique Comment veux-tu t’y rendre? Par la voie des airs ou celle des Pontons?

- Je… n’ai toujours pas de passeport, avoua-t-elle en se massant la nuque, ennuyée.

- Egan, c’est vrai… Tu n’en as jamais eu besoin à cause des explorations, puis de notre installation sur l’Île d’Orhmior, relatais-je en me passant une main dans les cheveux, poussant un soupir. C’est embêtant… Il faudrait t’en créer un au moins, même si Orhmior ne sera certainement jamais inclus dans le réseau de destinations : c’est toujours pratique pour les voyages de longue distance, lorsque tu te retrouveras sur le Continent. »

Elle acquiesça, et je haussais des épaules, me penchant sans crier gare auprès d’elle afin de la prendre dans mes bras, passant l'un de ceux-ci sous ses genoux.

« Que…! »

Les paupières de l’Orine se mirent à papillonner follement devant ses yeux sous le coup de l’étonnement alors qu’elle s’était raccrochée, par instinct, à mon cou. Ses joues se colorèrent, le rouge prenant d’assaut son visage, hors de son contrôle.

« Prête? Lui dis-je en la gratifiant d’un franc sourire, comme pour la rassurer. Accroche-toi. C’est le moyen le plus rapide auquel je pense pour nous y rendre.

- Tu aurais pu m’avertir avant, au moins!

-  Et manquer cette expression de pure confusion sur ton visage? Jamais », riais-je au-dessus de son nez.

Elle me frappa à l’épaule, plus amusée que véritablement agacée par la moquerie, mais je finis néanmoins par m’excuser gentiment, déployant finalement mes ailes. La serrant dans mes bras pour m’assurer qu’elle se tienne bien, je battis férocement mes appendices plumeux, cherchant à puiser dans ma force pour qu'ils nous propulsent dans les airs. Plusieurs battements furent nécessaires avant que mes pieds se décollent du sol. Je ne savais pas combien de temps je pourrais tenir de la sorte, mais j’espérais au moins nous rapprocher significativement de notre destination avant que mes forces ne s'épuisent définitivement.



À Vervallée.

« Sache que je ne ferais pas cela pour le voyage du retour », exhalais-je en prenant une respiration, plongeant de nouveau mon regard sur les directives que nous avait transcrit Isiode.

J’avais eu assez d’énergie pour nous faire traverser la portion du Lac de la Transparence qui séparait les Jardins de la cité magicienne – et seuls les Dieux savaient que ce plan d’eau pouvait être grand. Toutefois, une fois parvenus sur la rive opposée, je nous avais immédiatement posés par terre, mes ailes me faisant horriblement mal, en raison du poids supplémentaire que j’avais porté jusqu’ici. La suite du trajet, nous l’avions passé dans la cariole d’un couple marchand qui avait bien accepté de nous transporter jusqu’à Vervallée. Et nous y voici, depuis une quinzaine de minutes à présent, à longer les rues à la recherche de cette fameuse joaillerie que nous avait référer mon frère.

« Je sais, je sais… Nous aurions dû amener Ōlseaga avec nous, en réalité.

- Ne mets pas la charrue avant les bœufs. Il faudrait déjà qu’il accepte que tu le montes. »

Ses dents me renvoyèrent un grand éclat, l’expression que je pouvais lire sur son faciès m’indiquant qu’elle était plus que parée à cela, surtout avec le support de mon jumeau et des Corvus Æris actuellement présents sur le territoire angélique.

« Mais bon, revenons à nos moutons… Est-ce que nous sommes passés devant une librairie du nom « Les Milles Pages? »

- Je ne pense pas », fit-elle en scrutant nos environs, à la recherche du magasin qui, pour le moment, n’était toujours pas en vue.

Nous continuâmes de progresser sur la rue, certains regards se posant sur nos silhouettes, mais ils se détournaient presque aussitôt. Je les sentais bien, néanmoins, mais je savais également qu’ils ne m’étaient pas destinés : tous ces gens pensaient certainement avoir à faire à mon frère, et comprenaient peut-être, à termes, que je n'étais pas le Prince de Caelum. En revanche, c’était une bonne chose que je n'ai pas autant de présence que lui, plusieurs pupilles ne se portant même pas sur ma personne lorsque nous foulions le même chemin. À la place d’Isiode, je ne saurais pas comment réagir sous le poids de toutes ces œillades. Cependant, si je croyais faire profil bas, je fus soudainement surpris par l'entente de mon nom, à proximité, une main s’accrochant vivement à mon épaule. Je me retournais brusquement, croisant l’opale des yeux de Murama… Non.

« V-Votre… »

Je luttais pour déglutir, mes joues prenant subitement une couleur pivoine à sa vue. Inévitablement – et évidemment! –  que les souvenirs de cette nuit revinrent violemment à mon esprit, alors que ses phalanges détachaient subitement leur poigne de mon épaule.

« Que faîtes-vous ici? »

Nous nous étions exclamés à l’unisson, la jeune rouquine et moi, mais sans vraiment comprendre pourquoi, notre interrogation s’était échappée dans un chuchotement. Tous ces secrets nous rendaient légèrement paranoïaques. Que pouvions-nous dire et ne pas dire? Non, non… D’abord, il nous fallait comprendre pourquoi elle se trouvait ici. N’était-elle pas aux Terres Glacées? Que faisait-elle en plein cœur de Vervallée, vêtue de ses habits simples, et…

« Vous ne portez pas votre voile… » Continuais-je en murmurant, ne sachant s’il s’agissait d’une bonne ou d’une mauvaise chose; s’il lui était permis une telle chose actuellement.

Elle ne se trouvait ni sur un bateau perdu en pleine mer, ni dans les contrées hostiles du Continent des Glaces. À moins qu’elle ne soit pas ici de manière… officielle? Quelle question! Serait-elle vraiment ici, si elle devait retourner sur le trône?

« Êtes-vous revenue pour reprendre votre place? » S’enquit Muramasa, mettant ainsi en mots ma propre curiosité, tout en la détaillant timidement, l’allure de la Reine la rendant toujours aussi nerveuse.

Et le fait qu’elles possédaient toutes deux le même visage n’arrangeait pas cet embarras qui pulsait dans le creux de ses veines à chaque fois qu’elle songeait à la Magicienne. Elle paraissait grande, là où elle se faisait toute petite; intouchable et puissante, là où elle se faisait fragile, et elle était indéniablement belle, là où Ren s’accordait à penser qu’elle ne ressemblait à rien d’exceptionnel : elle n’était qu'une Orine qui avait choisi l’Art de la Guerre.

« Hum… Peut-être serait-il mieux de ne pas en parler aussi ouvertement au milieu de la rue? »

Je jetais quelques regards dans nos environs, remarquant que s’il y avait certaines personnes qui nous observaient, la plupart continuait leurs activités, sans trop s’en préoccuper. Je soupirais. Je ne voulais pas causer de problèmes.


1 474 mots | Post II



It's a little price to pay for salvation
Thème I | Thème II | Thème III | Thème IV | Thème V

[Q] - Un pas vers l’avant | Edwina Signat20
Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t34283-isiode-isley-entr
Invité
Invité

avatar
Dim 14 Fév 2021, 15:08


Image par Inawong

Un pas vers l'avant



Un sourire amusé éclaira le visage de l’Impératrice Blanche. Pouvait-elle dire qu’elle l’était encore ? Tout lui semblait si lointain. Même si elle n’était pas là depuis longtemps, elle pouvait constater que le Royaume se portait à la perfection, sans elle. Quel poids avait-elle joué dans son maintien ? Elle se trouvait insignifiante parfois. Elle ou un autre, y aurait-il eu une quelconque différence ? Pourtant, le peu de pensées moroses s’évanouit devant les faciès étonnés d’Isley et de son Orine. Un peu plus et elle les aurait volontiers titillés sur le fait qu’ils réagissaient comme deux enfants. Néanmoins, cela n’aurait été ni poli ni approprié. En réalité, ce genre de réactions l’amusait. C’était si naturel, absolument pas calculé. Peut-être avait-elle acquis une certaine forme de sagesse ou de lassitude. Les Souverains étaient, pour la plupart, totalement dans le contrôle. Ils n’étaient pas les seuls. Isiode ne se confiait pas facilement non plus. Il était un iceberg dans l’océan gelé de ses principes, là où la chaleur d’Isley pouvait réchauffer son être. Elle aurait préféré, peut-être, que l’homme qu’elle aimait fût plus démonstratif. Peut-être que ce fait lui aurait permis d’arrêter de se poser des questions, des questions sur ses sentiments, sur le meilleur moyen de lui parler, sur ce qu’elle devait faire pour attirer son attention. Leur relation était complexe. Maintenant qu’il savait, elle avait simplement envie de le fuir.

Comme elle se rendait compte que visualiser Isiode la rendait morose, elle le chassa de ses pensées pour se concentrer sur ses interlocuteurs. « Je suis désolée de vous avoir surpris tous les deux. » dit-elle, un petit sourire amusé sur les lèvres. Sa vie entière n’avait été qu’une suite protocolaire. Lorsqu’elle se déplaçait, les choses étaient prévues longtemps à l’avance. Elle avait rarement de surprises. Peut-être était-ce aussi la raison qui l’avait poussée à chercher de l’imprévisible, n’importe où et avec n’importe qui ? « Je n’avais pas réellement prévu de me retrouver ici non plus. » ajouta-t-elle. Jun créait incontestablement le chaos dans son existence. Il bouleversait le Temps de sa vie. « Disons que Jun Taiji ne me laisse pas le loisir de décider de mon emploi du temps. » Son visage muta un temps, pour prendre une expression d’impuissance exagérée et d’agacement léger. « Cet homme est un enfant. » Elle rit. « Mais je suis heureuse de vous voir, tous les deux, et de constater que vous allez bien. » C’était toujours étrange de voir son reflet chez une Orine. Elle se demandait ce que Ren savait d’Isiode et d’Isley, et ce qu’ils lui demandaient de faire. Depuis le Rêve, elle avait cessé de connaître la vie d’Isiode. Tout ce qui lui était postérieur lui était inconnu. C’était à la fois rassurant et angoissant. Avait-il changé de point de vue la concernant ? Elle ne pouvait pas lire en lui, elle ne le voulait pas vraiment, par peur de ce qu’elle découvrirait dans son esprit. « Oui, vous avez raison. Je vais vous expliquer, mais pas ici. » Au milieu de la rue, ce serait imprudent, même si les Magiciens étaient bienveillants. Personne ne devait savoir qui elle était. « Je vais nous téléporter. » affirma-t-elle, avant de mettre à exécution sa promesse.

Ils apparurent à l’intérieur d’un petit chalet. C’était une habitation que la Reine gardait en grande partie secrète, perdue dans la campagne des Terres du Lac Bleu. Lors de la saison des neiges, la cheminée servait beaucoup. Là, il y avait une pièce principale, remplie de livres. Beaucoup parlaient des Démons, des Péchés et de la relation qu’ils entretenaient avec les Anges. Quelques manuels de combat se trouvaient sur les étagères de la bibliothèque, ainsi que des grimoires de Magie Bleue, Blanche, des Ténèbres et du Sang. La relation entre les Magiciens et les Sorciers concernait quelques titres d'ouvrage, tout comme les théories sur les Esprits et les voix. Le bureau de la Reine était recouvert de différents papiers, dont quelques lettres de ses informateurs sur des sujets divers et des correspondances avec des personnes chères à son cœur. Beth n’avait pas le droit de venir à l’intérieur de l’habitation. Quelques reliques des temps anciens étaient accrochées ici et là. Dans cette même pièce, il y avait un lit et une penderie avec quelques affaires. Elle n’avait besoin de rien de précis, puisqu’elle pouvait créer la matière. Un canapé se trouvait à côté de la cheminée. Il y avait une cave. Elle y avait déjà invité Raeden Liddell et Zane Azmog. Ils étaient peu, les individus à avoir pénétré les lieux. Elle l’aimait, parce qu’elle n’avait pas besoin de faire semblant d’être ce qu’elle n’était pas. Elle pouvait faire des recherches sur des sujets interdits sans que personne n’en sût rien. Aucun domestique ne venait ici, ce qui expliquait que la poussière eût doucement recouvert les meubles et que les draps soient encore défaits. « Ce n’est pas très grand mais c’est chez moi. » Loin des palais et des propriétés dans lesquelles il était possible de se perdre, cet endroit lui était plus intime. Elle avait retracé son arbre généalogique sur l’un des murs. Sur une table basse, plusieurs parchemins recouverts de questions trouvaient place. Les questions la concernaient elle mais pas seulement. C’était celles qu’elle se posait et qu’elle désirait déchiffrer.

« Vous voulez boire quelque chose ? » demanda-t-elle, avant de répondre à leurs questions précédentes. « Je ne suis pas venue reprendre ma place ou, du moins, je ne pense pas. Mais comment savoir ce que Jun Taiji a derrière la tête ? » Elle sourit. « Et si je ne porte pas mon voile, c’est parce que je ne suis pas officiellement la Reine. Le Dieu de la Lune Bleue me laisse un peu de répit, tant que dans le cadre de ma fonction je reste anonyme pour tous. » Sans parler du fait que si Yaveäth était réellement regardant, il se serait fait un plaisir d’expulser Beth du trône blanc. Les desseins des Ætheri étaient souvent flous. « J’ai croisé Isiode il y a quelques temps. Nous devions partir en expédition sur les Terres Glacées mais une tempête a éclaté… » Elle ne savait pas si le concerné lui en avait parlé. Elle ne savait pas non plus si ce fait était déjà arrivé dans leur Temps, à eux. Devait-elle lui parler du Rêve qu’elle avait fait en compagnie de son jumeau ? C’était étrange, de l’avoir ainsi, en face d’elle. « Hum… Pouvez-vous me rappeler les événements récents ? » finit-elle par demander. « Et… Que faisiez-vous avant de me voir ? J’espère que je n’ai pas interrompu quelque chose d’important. »

1086 mots
Revenir en haut Aller en bas
Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1068
◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016
◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Dim 02 Mai 2021, 22:09



Jun Taiji. À cette mention, mon visage grimaça, un sourire bordé de crispations accentuant le sentiment de nervosité qu’éveillait cet homme en moi.

« Il ne vous laisse jamais tranquille en réalité », me sentis-je obligé de rajouter, ayant saisi, depuis cette fameuse conversation avec mon frère, que le brun semblait graviter d’une étrange façon autour de ces deux protagonistes.

Si ces derniers paraissaient s’agacer de son comportement, dans mon cas, l’opinion que j’avais de l’ancien Empereur Noir n’était pas bien définie, hésitant entre le noir et le blanc pour prendre un ton un peu plus gris. D’un côté, il était celui qui m’avait permis de revoir mon ancienne Protégée, il était celui qui nous avait permis de faire la paix avec notre passé. C’est grâce à lui, indirectement, que j’avais pu tourner la page, tout en acceptant de reprendre le chemin de ma vie et de mes responsabilités. Toutefois, une bonne action ne pouvait pardonner des années d’ombre et de mensonges, de violence et de monstruosités, et je ne pouvais décemment faire taire les instincts de ma nature. Il avait été – et il était toujours? – un Sorcier. Il avait commis des actes irréparables par le passé et, aussi intentionnés avait pu être ses desseins cette nuit-là, je ne pouvais lui faire confiance : les gens de son espèce agissaient toujours dans un but précis, pour leur intérêt. Si je ne trouvais pas de raison valable au geste qu’il avait réalisé cette fameuse nuit – pour l’instant – j’étais persuadé qu’il en résidait une, cachée, non-dit. Puis, je ne vous mentirais pas : le fait qu’il tourne de la sorte autour de mon frère et de l’Ultimage me rendait mal à l’aise et extrêmement suspicieux à son endroit. Qu’est-ce qu’il leur voulait à la fin? Ne pouvait-il pas les laisser en paix? Je déglutis, finissant par détendre les traits de mon faciès en apercevant la légèreté avec laquelle sa Majesté supportait les « loisirs » du Taiji. Cependant, comparativement à elle, cet homme ne m’inspirait pas du tout l’envie de rire; rien que celle de l’éviter. Je craignais, en vérité, ce qui allait éventuellement se profiler.

« Plaisir partagé, votre Maj– »

Ren m’envoya un coup de coude entre les côtes. Je me tus dans un grognement, finissant par râcler doucement ma gorge en réalisant que j’avais failli faire un mauvais pas.

« Nous sommes également contents de vous savoir en pleine forme. »

Volatile, une réflexion traversa l’inconscient de la jeune Muramasa. Elle se demandait si Isiode aimerait savoir comment se portait la Reine. De leur dernière conversation, la rouquine se souvenait que le soldat avait été téléporté du Continent des Glaces jusqu’à l’Île d’Orhmior en raison d’une tempête soudaine. Depuis, il n’avait eu de nouvelles de l’Ultimage, que ce soit par rapport à son état ou bien celui de l’endroit où il avait séjourné au cours de cette journée. Ce qui l’ennuyait, inconsciemment, elle le savait, elle le ressentait. Le village tenait-il toujours debout? Est-ce que les habitants s’en étaient sortis indemnes? Ce genre de questions lui tournaient en tête, mais elle n’eut l’opportunité de les formuler, la Nilsson nous transportant brusquement. En un claquement de doigt, nous nous retrouvâmes dans une toute nouvelle configuration. Un tremblement m’assujetti, s’éparpillant sur l’intégralité de ma morphologie : il dévala mon corps jusqu’à mes pieds et gravit ma colonne vertébrale, faisant tourner légèrement mon esprit. Je n'étais pas bien familier aux téléportations instantanées.

« O-Où sommes… »

À mes côtés, l’exclamation de l’Orine m’encouragea à considérer plus attentivement notre nouvel environnement, mes pupilles se posant immédiatement sur l’immensité de la bibliothèque qui nous faisait face.

« … C’est impressionnant », murmurais-je, troublé par la quantité de savoirs qui s’alignaient sous nos yeux.

Je n’étais pas homme à chercher et étudier assidument la connaissance, mais je savais encore apprécier celle-ci lorsque je la croisais. Un centaine de bouquins, voire plus, avaient été accumulés, dont la majorité ne m’était aucunement familiers. Je pris une grande inspiration tout en fermant les yeux, écoutant avec attention les propos de l’Ultimage.

« C’est bien plus grand que tout notre appartement, rigolais-je en finissant de me redresser, m’avançant instinctivement jusqu’à la bibliothèque pour y observer les livres, notant, dans le même temps, la mince couche de poussière qui s’était déposée sur la bordure des tablettes. Vous vivez seule ici? »

Je frottais distraitement la poussière entre mes doigts. Tout autour de nous, l’ambiance était chaleureuse, accueillante, l’odeur des reliures et des vieux livres englobant l’air. Pourtant, Ren et moi ne percevions aucune autre présence à l’intérieur de la maison.

« C’est un peu comme votre cachette secrète, renchéris-je à sa réponse, lui adressant un sourire, loin de tous les tracas et des soucis. »

J’avais conscience que les Rois et Reines de ce monde possédaient plusieurs propriétés, mais avais toujours présumé que leur demeure principale était le château en lui-même.

« Un verre d’eau, s’il-vous-plaît… Et euh…. M-Merci beaucoup.

- Je prendrais la même chose. »

Une fois nos verres en main, nous restâmes debout afin d’explorer la salle des yeux.

« Oui, oui, nous sommes au courant. Il nous en a parlé à son… hum… retour? C’est… une drôle d’histoire…

- Au fait, est-ce que tout va bien, là-bas? »

Ren avait détaché ses yeux de l’arbre généalogique incrusté dans le mur.

« Isiode nous a raconté qu’il s’agissait d’une tempête plutôt violente qui s’est soudainement levée, décrivit-elle d’une voix prudente, toujours autant troublée et fascinée par le charisme de la femme dont elle était le portrait craché. Il ne le dira jamais à haute voix, mais il s’est inquiété pour vous et pour les villageois. J’espère que tout le monde est sain et sauf… »

Une seconde, mon regard analysa le faciès de la Sœrei. Je… n’avais rien remarqué. Pourtant, sans la contester, j’affirmais ses dires d’un vague hochement de la tête, attendant la réponse de la Souveraine. Toutefois, lorsque celle-ci s’alarma de nos engagements initiaux, je lui fis tout de suite savoir qu’elle n’avait pas à s’inquiéter.

« Ne vous en faîtes pas pour cela. Nous ne sommes pas particulièrement pressés, lui assurais-je en souriant, soulevant rapidement le sac que je tenais en bandoulière sur mon épaule. En fait, nous sommes revenus sur le Continent pour récupérer… (Je fouillais dans le fameux sac, y extirpant les différents objets d’or et de tanzanite que nous avions récupéré à la Caserne) … ceci. »

D’un geste, je détendis mes phalanges, ouvrant ainsi mes paumes afin qu’elle puisse y découvrir leur contenu.

« Vous êtes au courant de notre situation. Même si nous conquérons des terres, ouvrons de nouveaux marchés afin de relever notre économie, ce n’est toujours pas assez, lui appris-je en laissant flotter la lassitude sur l’arc de mon sourire. C’est pourquoi Isiode veut évaluer et vendre ses biens. »

Je relevais mon visage, focalisant mon œillade sur les traits du sien.

« Actuellement, mon frère est occupé autre part et c’est pourquoi nous nous sommes portés volontaires pour aller à Vervallée afin de rencontrer le joaillier qui tient cette boutique. »

Je lui passais aussitôt la feuille sur laquelle mon jumeau avait inscrit les coordonnées de la joaillerie en question. Peut-être que la Reine savait quelque chose à son propos.

« Nous espérons tirer un bon profit de ces gains, m’enjaillais-je, les yeux brillant d’une expectation palpable. Ce sera peut-être peu, mais ce sera déjà un grand pas. Comme ça, il nous sera certainement possible de financer les prochains travaux sur l’Île d’Orhmior ainsi que d’autres constructions. Puis, dans le meilleur des cas, nous pourrions donner la différence aux organismes et aux banques alimentaires qui aident nos rescapés… »

Mon regard tomba de nouveau sur les joyaux, puis se reporta en direction de la Magicienne.

« Vous ne devez pas être au courant de ce qui s’est passé… Chuchotais-je, pensif. Est-ce que mon frère vous a parlé de ce qui y est survenu en Terre Blanche? »

À l’expression de la jeune femme, il semblerait que non. Je trouvais cela étonnant. Isiode ne l’avait pas mise au courant de la célèbre attaque? Pas même de l’accord passé entre les Anges, l’Ordre d’Hébé et les Sorciers pour mener à bien cette opération? De la mort de feu l’Apakan Kahel Heylik? Je me massais nerveusement la nuque, tout en lui relatant ces derniers faits de la manière la plus précise possible.

« Encore aujourd’hui, j’ai énormément de mal à croire ce qui s’est passé. J’entrelaçais mes doigts entre eux. Une importante unité militaire a été postée au sud du territoire de la Terre Blanche, comme sentinelle, afin de surveiller les agissements des Sorciers. Nous avons encore tellement de gens là-bas, mais au moins… Plusieurs ont pu être secourus et sauvés. »

J’examinais discrètement sa réaction du coin de l’œil, buvant une gorgée de mon verre d’eau. À proximité, Ren m’imita.

« Puis-je vous posez une question? »

Je me râclais la gorge, hésitant.

« Mon frère m’a parlé de… … de tout ce que vous lui avez… dit. »

« Tout » et « dit » n’était pas vraiment exact. Cependant, je n’avais aucune idée de ce que les deux avaient véritablement échangé : je ne voyais que le pic de l’iceberg.

« Vous savez, cette… hum… promesse que vous vous êtes faites? Celle qui l’empêche de parler? Pourquoi avoir fait cela? »

Je me massais la nuque, plus fortement encore, les yeux légèrement baissés.

« Vous lui avez raconté ce qui s’est passé sur le bateau, n’est-ce pas? Finalement, je braquais mon regard dans sa direction. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis? Je croyais que vous désiriez garder le secret et… »

Je sentis un regard me scruter. Ren m’observait intensément. Elle n’avait pas été présente au cours de cet échange et entendait, pour la première fois, cette histoire. Après mes éclats de larmes, après ma réalisation sur la véritable destinée d'Araya, mon frère et moi n’avions jamais pris la peine de revenir sur ce que nous nous étions parlé cette journée-là.


1 661 mots | Post III



It's a little price to pay for salvation
Thème I | Thème II | Thème III | Thème IV | Thème V

[Q] - Un pas vers l’avant | Edwina Signat20
Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t34283-isiode-isley-entr
Invité
Invité

avatar
Jeu 20 Mai 2021, 06:40


Image par Inawong

Un pas vers l'avant



Les yeux d’Edwina se déplacèrent vers Isley. « Oh. Excusez-moi. » Elle avait une notion de grandeur peut-être légèrement tronquée. Cela faisait des siècles qu’elle régnait et la chambre miteuse qu’elle louait à l’époque de son arrivée sur la terre ferme n’était plus que de l’histoire ancienne. Les souvenirs avaient la particularité de s’estomper lorsque la vieillesse s’en mêlait, surtout dans son cas où il y avait bien plus que le Temps qui passait. Sa vie s’était éteinte entre temps et le Phénix avait fait son œuvre. Quelque part, elle n’était plus la même personne que jadis. Elle avait déjà eu de la chance de conserver la trace de l’une de ses vies. « Oui, je vis seule ici. » affirma-t-elle, avant de confirmer les dires de l’Ange avec un sourire. « Exactement. C’est mon jardin secret en quelque sorte. L’endroit où je me réfugie… -iais lorsque le poids de l’étiquette devenait trop lourd à porter. Ou lorsque je voulais être seule… vraiment seule. » Même si l’on n’était jamais seul. Les Esprits entouraient les êtres sans que ni jardinier ni souverain ne pussent les déloger de leur contemplation. Ils pouvaient se moquer ou vivre par procuration les folles histoires cachées des différents protagonistes. Ceux qui parlaient aux Esprits avaient un pouvoir qui n’avait de limite que la coopération de ceux qui avaient vécu mais qui avaient trépassé.

Ils se retrouvèrent tous les trois, un verre d’eau à la main au milieu du salon. « Oui, tout va bien. » assura-t-elle, en plongeant ses yeux dans ceux de Ren. Heureusement, Edwina avait l’habitude de voir son image se refléter non loin d’elle. La présence de l’Orine ne la dérangeait donc pas, ni même ne l’interrogeait plus que cela. Elle savait que des étrangetés de ce genre se produisaient. Ce ne fut pas la conversation en elle-même qui la troubla mais davantage les dires de la rouquine concernant l’inquiétude d’Isiode. Elle inspira. « C’est gentil de sa part. » souffla-t-elle, en essayant de ne rien montrer. Cette affirmation n’emportait rien de particulier. Il s’inquiétait pour elle en tant qu’ami ou collaborateur ; dans le cas où Muramasa disait vrai.

« Oh. » fit-elle, en reconnaissant les objets qui ponctuaient habituellement la célébration de la Galette. C’était ainsi qu’elle avait rencontré Isiode. Qu’il voulût s’en séparer provoqua une sensation étrange chez elle, comme s’il brisait le fondement de leur lien. Néanmoins, au-delà de l’aspect émotif de cette nouvelle, elle comprenait ô combien ces choses valaient excessivement cher par rapport à leur qualité réelle. C’était la symbolique qui se payait. L’Ange avait donc raison de ne pas s’attacher à la matérialité et au symbole pour en tirer de l’argent, qui serait bien plus utile à ses projets qu’une fève et une couronne.

« Non. » dit-elle. Ce qu’il se passait dans le Monde d’une façon générale lui était inconnu. Sur la Terre Glacée, dans une temporalité différente, elle était loin de tout. Surtout, elle passait ses journées à faire des recherches sur les vestiges de la civilisation des Ridere, à une époque tellement éloignée que ça en devenait vertigineux. « Les Sorciers ? » demanda-t-elle. Tout de suite, elle pensa à Kaahl. C’était forcément lui. Elle ne voyait pas Niklaus marcher sur la Terre Blanche. « Pourquoi les Sorciers étaient-ils sur la Terre Blanche ? Et les Démons ? Qui est le Roi actuel des Mages Noirs ? » Doucement, elle commença à envisager que son présent dans le futur pouvait ne pas être la Véritable Ligne du Temps. Dans ce cas-là, tout ce qu’elle faisait actuellement deviendrait vain. Mais Jun n’oserait pas… Il n’oserait pas la jeter en pâture à un futur inexistant… Si ? Ce que le Taiji osait n’avait aucune limite.

« Oui ? » répondit-elle à sa question, curieuse de savoir ce qu’il allait lui demander. Isley la troublait toujours, tout comme Tsadqiel. Isley davantage, parce qu’il était différent. Elle pensa qu’il était le genre d’homme avec lequel on se sentait bien, le genre à prendre soin avec douceur et attention. Ce n’était pas le cas de Tsadqiel qui était aussi taquin que son créateur, ni le cas d’Isiode qui ne laissait rien paraître. « Hum… Je ne peux pas en dire beaucoup sur cette fameuse promesse. Ce n’était pas une promesse, d’ailleurs. » dit-elle, en essayant de contourner habilement l’obligation de silence qui pesait sur cet étrange rêve. « Nous sommes obligés de ne rien dire. C’est ainsi. Il faudrait que vous fassiez la même chose que nous pour comprendre quels en sont les enjeux. » Elle réfléchit. « Disons que je connais beaucoup de choses sur votre frère, comme il connait beaucoup de choses sur moi. » Elle ne savait pas si c’était très clair. Cependant, elle savait, pour essayer d’en avoir parlé à Tsadqiel, qu’elle ne pouvait discuter en détails de l’affaire. Elle pouvait, cependant, faire autrement. « Les Orishas ont une coutume, le Lärtneesh. Vous devriez vous renseigner, c’est très intéressant. » Quant à ce qu’elle savait sur Isiode, le tout devait être gardé pour elle, sauf ce qu’il lui avait dit dans un cadre plus général. Et elle ne pourrait probablement pas affirmer avoir pratiqué une forme de Lärtneesh avec l’Ange. Isley devrait faire ses propres recherches et déduire la chose seul. Elle ne pourrait sans doute pas confirmer non plus. « Je suis désolée qu’il sache pour le bateau. Croyez-moi, je suis dans le même état de gêne que vous concernant les connaissances d’Isiode. »

Après quelques instants, Edwina releva la tête vers l’Ange. « Va-t-il bien ? » Elle but une gorgée d’eau, avant de poser sa question d’une façon plus générale. « Et vous deux ? » Elle avait du mal à se situer dans le Temps. C’était perturbant. « Pour ces objets, peut-être pourrais-je vous les racheter ? Ils sont chers à mon cœur. » Même si elle ne saurait quoi en faire, probablement les laisser dans son chalet à prendre la poussière. « Je pense me renseigner aujourd'hui sur les derniers événements mais m'accompagneriez-vous demain voir ce bijoutier ? Nous ferions évaluer les objets et je vous les rachèterai. » Elle hésita. « Je peux louer quelque chose pour vous si vous n'avez plus rien aux Jardins. Ou vous pouvez rester ici. Vous serez le deuxième Ange à dormir ici et, vous, la deuxième Orine. » Elle devait voir son Orine, aussi. Et sa fille.

+1000 mots
Je me suis dit qu'en faisant une ellipse d'une nuit, on pourrait intégrer Aegeri 8D
Si ça contrevient pas à ta chronologie ^^
Revenir en haut Aller en bas
Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1068
◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016
◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Sam 29 Mai 2021, 19:46



L’affirmation de la Reine détendit quelque peu la rouquine à mes côtés, qui se voyait déjà transmettre le message à Isiode de vive voix. De fait, si elle n’avait pas été au courant des obligations actuelles du Soldat, l’Orine lui aurait certainement annoncé la nouvelle par télépathie dans la seconde qui avait suivi. Mais elle se retint, partageant un sourire avec l’Ultimage.

« C’est une bonne nouvelle dans ce cas! Je le lui dirai plus tard. »

De mon côté, une autre interrogation me brûlait la gorge, la curiosité embrasant cette réflexion, forçant sa formulation sur le galbe de mes lèvres :

« Que s’est-il passé, exactement, pour renvoyer Isiode aussi précipitamment? »

L’intervention du Taiji, surtout, me laissait supposer que les événements qui s’étaient déroulés au cours de cette tempête ne pouvaient être anodins. Autrement, pourquoi se serait-il manifesté de la sorte, retournant chez lui l’homme qu’il avait expressément appelé sur ces terres sauvages et glacées? Toutefois, à un certain point, je finis par me reconcentrer sur la Souveraine, qui semblait s’agiter à l'annonce concernant la prise de la Terre Blanche. Les interrogations, sans filtre, fusèrent de sa bouche et il me fallut un instant pour répondre, un soupir au fond de la gorge.

« L’Empereur Noir? Il s’agit de l’ancien prince promis au trône, Elias Salvatore, lui partagea Muramasa qui me devança, tandis que je réfléchissais sur les éventuelles raisons ayant amenées les Sorciers à vouloir fouler le sol de l’ancienne terre angélique.

- Je ne suis pas réellement aux faits des discussions qui ont été débattues, mais il semblerait que les Sorciers convoitaient la Terre Blanche en raison de la… concurrence que leur faisait les Démons sur le marché des esclaves. »

À cette réalisation, mes yeux s’assombrirent. Même si nous étions parvenus à dégager un monstre de nos terres, nous ne l’avions remplacé que par une seconde créature, tout aussi détestable. Et même si plusieurs Immaculés avaient été sauvés, plusieurs autres souffraient encore de leur situation, que ce soient les Anges encore présents sur la Terre Blanche ou bien ceux coincés au cœur de l’inhospitalière région des Terres Arides… Je ne m’imaginais même pas ceux qui se trouvaient actuellement en Enfer.

« La bataille a été sanglante et violente, mais au final, près de la moitié des Anges esclavagés sur place ont été libérés et vivent désormais comme réfugiés sur nos terres et celles de nos alliés, relatais-je en songeant à l’entente qui avait été faite avec les Humains, les Magiciens, les Ygdraës et les Chevaliers de l’Ordre d’Hébé. Quant aux Démons, ils ont définitivement perdu la Terre Blanche et plusieurs membres de leur espèce ont été esclavagés par les Sorciers. »

Muramasa, à proximité, renifla avec mépris. Je lui adressais une œillade en coin, souriant tristement. Si les Démons méritaient amplement ce retour du bâton, je m’inquiétais surtout du fait que notre terre ancestrale se trouvasse entre les mains d’ennemis.

« Il y a eu des rumeurs comme quoi le gouvernement angélique planifiait de rencontrer les responsables magiciens afin de discuter d’une éventuelle entente pour négocier la Terre Blanche avec les Sorciers. Étant donné les relations relativement « bonnes » entre vos deux peuples, il était dit que les Mages Blancs pourraient servir d’intermédiaire à la cause des Anges. Depuis, cependant, je ne pense pas que d’actions concrètes ont encore été posées. »

Je bus une gorgée de mon verre d’eau, autant pour adoucir l’amertume que je goûtais sur mon palais que pour camoufler la gêne qui m’avait aggripé en questionnant la Reine sur cette promesse qu’elle avait échangé avec mon jumeau.

« Pas une promesse? »

Fronçant des sourcils, je me mis à réfléchir. Est-ce qu’Isiode avait été volontairement évasif parce qu’il ne pouvait pas parler de ce qui s’était produit entre elle et lui? Ou s'était-il mal exprimé?

« Le Lärtneesh… »

Je tournais mon attention en direction de la Sœrei, qui haussa des épaules, tout aussi ignorante sur le sujet que je ne l’étais.

« Dans cette grande bibliothèque, est-ce que vous auriez un livre à ce propos? » M’enquérais-je avec un sourire, un peu débité face au prochain devoir qu’il m’incombait de réaliser, par simple curiosité et perplexité.

Après avoir passé mon regard sur les différentes reliures que j’avais sous les yeux, je finis par reporter mes pupilles sur le visage de l’Impératrice. Elle paraissait toujours aussi sereine. Toutefois, au rappel de cette rencontre quelque peu gênante sur le bateau des explorations, je me frottais nerveusement la nuque, exhalant un petit rire embarrassé.

« C'est, en effet, un peu embarrassant de savoir que mon frère ait été mis au courant de la situation. Mais je m’inquiétais surtout pour vous. À ce moment-là, vous sembliez… Enfin, vous ne vouliez vraiment pas qu’il le sache, alors ça m’a un peu surpris d’apprendre qu’il l’avait appris de votre bouche. »

Peu importe ce qui avait fini par se passer entre eux, il lui avait certainement fallu du courage pour lui avouer cela.

« Isiode va… J’hésitais quelques secondes, Muramasa songeant à la même chose que moi, mais je ne savais pas si c’était vraiment nécessaire d’informer l’Ultimage des récents problèmes de mon frère : nous la dérangerions certainement et puis, il fallait d’abord discuter de tout cela avec les Ygdraës. Toujours marié à son travail, finis-je par croasser en souriant légèrement, dirigeant la conversation sur une note un peu plus gaie : Présentement, il essaye de concrétiser un projet pour l’Armée angélique, afin de voir s’il serait possible d’apprivoiser des animaux de notre île, qui pourraient servir de monture à une éventuelle cavalerie angélique. Comme ça, même les militaires sans ailes auraient la chance de nous suivre. »

Et nous concernant…

« Isley est en formation pour devenir instructeur militaire! S’exclama joyeusement l’Orine en me devançant, son enthousiasme m’arrachant un sourire maladroit. Bientôt, il pourra enseigner aux futures Recrues de l’Armée tous les rouages du métier.

- Avoue, tu es simplement excitée à l’idée que je puisse t’enseigner de nouveau. On a rarement eu le temps d’échanger quelques coups depuis le début de ma formation. »

L’Orine aux longs cheveux roux ne le cacha pas, son sourire disant tout, alors qu’elle se tournait en direction de la Souveraine.

« Pour ma part, je compte me présenter à la prochaine campagne de recrutement pour rejoindre les rangs de la Nith-Haiah. »

C’était notamment pour cela qu’elle avait doublé le nombre de ses séances d’entraînement, qu’elle profitait de chaque occasion pour défier de nouveaux militaires en duel. Elle était déterminée à atteindre son but. Plaçant une main sur le sommet de sa tête, je lui ébouriffais gentiment les cheveux.

« Et vous? Comment ça se passe sur les Terres Glacées? Hormis la tempête de la dernière fois, bien entendu. »

Quand elle reporta notre attention sur les bijoux, mes yeux s’écarquillèrent et ma bouche s’ouvrit par automatisme. Cependant, je la refermais presque aussitôt à prenant conscience du poids de ses propos.

« Oh… »

Sur l’instant, je n’avais pas réfléchi. Ces objets recelait bien plus que de l’or et de l’argent et, à ce constat, mes joues prirent une légère teinte, que je tentais de refouler. Je voulais m’excuser, par simple réflexe, conscient que la décision d’Isiode aurait pu la blesser, mais aucun son ne parvint à sortir de ma bouche. Au lieu de quoi, je préférais me râcler la gorge, me reprenant d'une voix plus claire :

« Si vous êtes vraiment décidée à vouloir nous les racheter, je ne pense pas qu’il ait de problème à rester une journée ou deux de plus ici. »

Au-dessus de mon épaule, je perçus le hochement de tête de Ren qui acquiesça, me signifiant ainsi qu’elle n’avait rien de prévu. De mon côté, j’avais déjà annoncé ma sortie à mes formateurs et ces derniers n’attendaient pas ma présence avant un moment.

« C’est d’accord, dans ce cas! »

Je serrais les objets dans le creux de ma main avant de les retourner dans la poche de ma besace. Puis, mon regard revint dans l'émeraude de ses yeux.

« Nous pourrions vous aider. Enfin, nous ne sommes pas très assidus pour suivre tout ce qui se passe sur le plan international, mais nous sommes au courant des grandes lignes au moins. Je crois. Je l’espère! J'échappais un rire, laissant voyager mon regard sur les nombreuses étagères qui nous entouraient. Nous pourrions également vous filer un coup de main pour le ménage. Puis, j’aimerais beaucoup commencer à me renseigner sur ce fameux Lärtneesh. »

Ici ou dans une bibliothèque à proximité. Est-ce que nous nous trouvions seulement encore à Vervallée? La question fusa naturellement d’entre mes lèvres, alors que je considérais sa proposition, une main sur le menton.

« Ne vous dérangez pas. Nous avons encore l’ancienne chambre que je partageais avec mon frère, dans la Caserne, aux Jardins. Ren pourra prendre le lit d’Isiode. Comme pour montrer son accord, Muramasa leva son pouce : ça nous paraissait être un bon plan. Ça vous permettra également de profiter un peu de votre résidence dans la plus pure des tranquillités. Déposant mon verre d’eau sur le coin de son bureau, je m’étirais les bras, prêt à m’activer, retroussant déjà les manches de mon chandail. Qui furent les premiers? »

Le Soldat Liddell, certainement. Il est vrai qu’à une époque, les rumeurs de la supposée relation amoureuse entre l’Ange et la Reine étaient sur toutes les lèvres. Désormais, ses « amours » allaient et venaient en fonction d’avec qui elle dansait à l'un des nombreux bals magiciens.

« Alors? Par quoi on commence? Le ménage? Vous avez un balai? »

La voix de Muramasa résonna tout près, enthousiaste et passionnée, comme toujours.


1 599 mots | Post IV



It's a little price to pay for salvation
Thème I | Thème II | Thème III | Thème IV | Thème V

[Q] - Un pas vers l’avant | Edwina Signat20
Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t34283-isiode-isley-entr
Invité
Invité

avatar
Jeu 24 Juin 2021, 19:59


Image par Inawong

Un pas vers l'avant


« Difficile à dire. L’intéressé ne m’en a pas dit beaucoup plus. » Il avait assuré que les événements n’étaient pas de son fait, mais comment en être certaine ? Le croyait-elle ? Lui avait-il déjà menti ? Peut-être pas. Il omettait beaucoup ou détournait la conversation mais il ne mentait pas, pas qu’elle s’en souvînt en tout cas. « Elias Salvatore. » murmura-t-elle lorsqu’elle connut enfin l’identité de l’Empereur Noir. « Effectivement, c’était le plus logique, même si un Mage Noir aurait pu tuer le Roi régnant pour s’emparer de son trône. » Elle se pinça les lèvres. « Je suis contente que ce soit lui. Ça aurait pu être pire. » laissa-t-elle échapper. Parce qu’elle était persuadée qu’il n’avait pas si mauvais fond. Elle supposait néanmoins que l’avenir lui donnerait raison ou tort. Elle courait peut-être derrière une chimère, une idée aussi folle qu’imaginaire. « Je vois. C’était un pari risqué que celui d’attaquer une île ainsi, juste pour une histoire de concurrence économique. » Elle eut un sourire étrange. « L’esclavagiste qui se retrouve lui-même esclave. C’est une fin qui pourrait faire office de morale. » Elle réfléchissait pourtant d’un même temps. Pourquoi avoir pris la Terre Blanche ? Qu’y avait-il dessus de si intéressant pour les Sorciers ? Ils ne manquaient pas de terres. Celle-ci était peut-être bien plus fertile mais d’autres îles - vierges - n’attendaient qu’une annexion. Pourquoi s’embêter avec la terre ancestrale des Anges ? À quoi pensait-il ? Quel était le but ? Il y en avait forcément un parce qu’elle savait qu’il était ainsi, opportuniste et stratège. La suite lui apporta la réponse qu’elle désirait. « Oh je vois. » C’était un tremplin. C’était intelligent, tellement qu’elle n’en aurait pas eu l’idée. Edwina avait tendance à agir selon ses émotions plus que selon une quelconque logique. Erwan avait légèrement corrigé le tir en refaisant son éducation mais elle avait toujours été bien plus soumise à ses ressentis qu’à son intellect. Elle n’aimait lire que sur les sujets qui l’intéressaient, en compagnie de personnes qui réussissaient à la captiver. Ça avait bien vite été problématique pour une Souveraine. « Cela rendrait les Sorciers bien moins maléfiques aux yeux du monde s’ils acceptaient de rendre la Terre Blanche. » dit-elle. « Si les Magiciens réussissaient à négocier avec les Sorciers, les liens avec les Anges s’en trouveraient renforcés. » Et ceux ayant réussi ce tour de maître récompensés. C’était ça qu’il voulait, acquérir l’importance suffisante pour se hisser parmi les Archimages. Il n’avait rien à gagner du côté des Sorciers. Il était déjà Roi. Cependant… Il devait y avoir un avantage parce que sa popularité baisserait forcément s’il laissait une terre nouvellement annexée lui échapper. Que voulait-il ? Un échange économique ? La guerre ? « Les Sorciers sont toujours difficiles à comprendre. » souffla-t-elle, après quelques secondes de silence. « Le Chaos n’a parfois aucune logique. » Mais celui sur qui elle réfléchissait n’était que logique. C’était ainsi qu’elle le voyait du moins.

« Je ne crois pas… » dit-elle, en tournant les yeux vers la bibliothèque. Edwina possédait beaucoup de livres mais la moitié tournait autour de la question démoniaque et, plus spécifiquement, du Monarque Démoniaque de façon générale. Il y avait beaucoup d’ouvrages qui traitaient de la façon de soumettre la figure la plus importante chez les Vils. Entre le Pacte Démoniaque et les invocations, il y avait de nombreux pièges dans lesquels les Enfants de l’Œil étaient quasiment obligés de tomber. Elle n’avait pourtant rien trouvé qui pût lui assurer la soumission du Roi à coup sûr. Le risque avait toujours été trop grand pour qu’elle employât le moyen. Le quart de ses étagères était dédié aux Sorciers. Le dernier quart se partageait entre des livres de couture et différentes encyclopédies générales. « Peut-être dans celui-ci. » murmura-t-elle, en montrant du doigt une brique. Elle ne l’avait jamais lu. Sa vue seule suffisait à la décourager.

Edwina détourna les yeux lorsqu’il parla de ce qu’elle ne désirait pas qu’Isiode sût. « Oh. Il le sait, maintenant. Ça n’a plus d’importance. » articula-t-elle, difficilement. C’était bien le problème, le fait qu’il sût tout. Elle se sentait incroyablement gênée, au point que l’amour qu’elle ressentait pour lui depuis ce moment sur la barque s’était teinté d’un autre sentiment. Puis elle avait vécu son existence, ce qui n’aidait en rien. Elle n’était plus très sûre de ses émotions et peut-être préférait-elle ne pas y songer, le temps que les choses se tassassent ? « C’est intéressant. » Surtout pour les alliés des Anges et ceux qui, esclaves, s’étaient vu retirer leur plumage. Elle sourit. « Je me demande si votre frère se mariera un jour à autre chose qu’à son travail. » Lui aussi, agissait avec une logique implacable. Était-il heureux, maintenant ?

Le regard de l’Impératrice Blanche se tourna vers Isley et elle sourit. L’Orine, qui avait sa tête, semblait excitée. « Instructeur Isley Yuërell. » dit-elle, comme pour se faire une idée de ce que ça donnerait. « C’est bien que vous ayez de nouveau des projets à vous. » murmura-t-elle. « Et je suis sûre que vous réussirez tous les deux. » ajouta-t-elle, en se tournant vers Ren pour l’inclure dans son pronostic avec plus de force.

La suite la fit sourire. « Bien alors. C’est entendu. » Elle réfléchit à la question, de façon à ne pas laisser entendre qu’il s’était passé plus que… Mais d’un autre côté… On ne pouvait pas dire que sa relation avec Raeden Liddell fût l’incarnation de la sagesse non plus. Elle avait l’impression que ça faisait une éternité. Ce soir-là, quand il lui avait préparé une potée aux légumes. Dans son esprit à elle, la voix l’enjoignait de tuer l’Ange. Elle déversait des atrocités. « La première personne est mon Orine. » Elle ne pouvait pas dire non plus qu’elle dormait dans les bras de Kyo. Ça aurait été déplacé. « La deuxième c’est… eh bien, Raeden Liddell. Nous nous rencontrions dans le cadre d’entraînements au combat. Il est devenu mon maître d’arme en secret et mon cuisinier si l’on en croit sa fameuse potée de légumes. » Elle sourit. « À vrai dire, plus j’y songe, plus je me dis qu’il m’aurait été bien plus évident de me marier à cet homme. Il était bon, nous nous entendions bien et ce n’est pas lui qui aurait découché pour aller séduire je ne sais quelle autre femme. » Là, elle parlait de Caliel. Elle soupira, releva la tête et sourit. « Enfin, les mariages arrangés ne sont que très rarement heureux. » Ce n’était pas franchement connu qu’elle et son mari ne s’entendaient pas plus que ça. Officiellement, ils étaient même parents d'une enfant. À vrai dire, eu égard à leur lien de parenté, elle aurait préféré se couper une main plutôt que de faire quoi que ce fût avec lui. Puis elle ne savait pas s’y prendre, de toute manière. Elle ne ferait jamais l’amour, sauf si elle payait un homme pour ce faire. C’était comme une malédiction persistante, une malédiction qui durait depuis des siècles. « Et je crois avoir très mauvais goût de toute façon en matière d’hommes. » Elle sourit. C’était vrai. Le dernier en date était un glaçon marié à son travail qui ne lui apporterait jamais ce qu’elle désirait.

Edwina fit appel à la télékinésie pour amener dans la pièce les ustensiles ménagers. Elle tendit un balai à Ren et un chiffon à Isley. « Je vais aller ouvrir les fenêtres. » déclara-t-elle. « Nous sommes sur les plateaux des Terres du Lac Bleu. Vous verrez, la vue est superbe quand on s’approche un peu du bord. » Elle s’activa, et, à un moment, se tourna vers l’Ange. « Vous connaissez Raeden Liddell personnellement ? » demanda-t-elle. Ça faisait longtemps qu’elle ne l’avait plus vu. Il devait vivre heureux avec sa femme. « Il a épousé une Orisha, c’est bien ça ? Ont-ils eu des enfants ? »

1320
Je ne sais pas ce qui m’a pris de vouloir répondre à tout mais j’ai pas tant fait avancer le rp du coup xD ça allait faire 2500 mots sinon xD

Revenir en haut Aller en bas
Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1068
◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016
◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Lun 26 Juil 2021, 04:10



À la mention de son Orine, mon regard se porta naturellement sur les épaules de Muramasa, qui n’avait remarqué l’œillade dont je la gratifiais, trop concentrée sur les paroles de la Souveraine. Est-ce que l’Impératrice Blanche était partie avec son Orine lorsqu’elle avait mis les voiles en direction des Terres Glacées? Ou ce dernier était resté sur le continent afin de conserver l'illusion que la Reine Nilsson était toujours bel et bien sur le trône?

« Pardon? »

Mes réflexions s’éteignirent à l’instant où la suite de ses propos traversa sa gorge. Je la fixais d’un regard soudainement grave, de plus en plus tranchant au fur et à mesure qu’elle déversait son histoire sous notre nez.

« Comment… »

Chez les Anges, il n’y avait pas ce concept de mariage arrangé. Cela n’apportait que des complications et laissaient place aux faux-semblants. Au contraire, on épousait et se liait à sa moitié parce que l’amour véritable secouait le cœur de chacun, parce que l’on était persuadé d’avoir à nos côtés notre âme-sœur.

« Arrangé ou non, ce n’est pas une excuse, vociférais-je en serrant la mâchoire. Il y a l’amour, et il y a le respect. Même s’il ne vous aime pas, il pourrait au moins vous respecter, respecter votre image, vous respecter, vous, en tant que personne, au-delà du statut et de la couronne. »

Je laissais échapper un gros, très gros soupir.

« Pourquoi s’être présenté à votre Main si c’était simplement pour jouer au coureur de jupons dans votre dos? »

C’était répugnant. N’avaient-ils pas eu une fille ensemble, en plus? Qu’il s’agisse de la norme dans les hautes-sphères de la royauté ou non, je trouvais cela ignoble et honteux. Puis, qu’avait-il apporté à la société magicienne depuis son couronnement? Ne désirait-il que cela : la gloire, l’argent et les femmes qu’apportaient inévitablement son rang? Comment pouvait-il faire ça à l’Impératrice des Magiciens, à leur fille, à leur famille…

« Vous êtes Reine. Vous pourriez très bien annuler votre mariage, le renvoyer chez lui. Êtes-vous vraiment obligée de subir tout ça? »

Mes yeux se rétrécirent en la lorgnant longuement, un calme de plus en plus apparent flottant devant mon faciès.

« … À moins que cela ne vous dérange plus depuis », murmurais-je après une poignée de secondes.

À nouveau, je soufflais une profonde expiration, fermant les yeux dans le même temps pour éviter de devoir regarder le sourire qu’elle étirait sur la commissure de ses lèvres. Peut-être étais-je trop dramatique, mais que cela soit vrai ou faux, ce n’était pas une raison de sourire ainsi…

« Ce n’est pas de votre faute, Majesté. Cet homme-là, vous ne l’avez pas choisi ; mon frère et tous ceux qui vous ont déçu par le passé, vous ne vous êtes pas réveillée un beau matin en choisissant de les aimer. Je secouais la tête. Nous n’aimons pas sur commande et décidons encore moins de donner notre cœur de cette façon, par automatisme, au premier inconnu venu. N’est-ce pas la chose la plus précieuse que nous avons après tout, notre cœur? »

Il était le berceau de nos sentiments, le battement qui nous permettait de rester en vie, et par son unicité et fragilité, il n’en était que plus irremplaçable à nos yeux. En tout cas, des miens surtout. C’est pourquoi il était bon de le préserver des blessures trop profondes, des paroles trop cruelles, ces mêmes fractures qui pourraient le briser et l'écorcher, vif, au creux de notre poitrine. Pourtant, malgré toutes les précautions, il suffisait d’un regard ou d’un sourire pour qu’il nous soit brusquement volé. Nous ne contrôlions pas l’Amour. Il était possible de l’ignorer, de le laisser s’éteindre, de le repousser pour que, plus jamais, il ne vienne à nouveau nous troubler, mais bien souvent, c’était lui qui nous faisait danser entre ses mains.

« Si vous ne vous sentez pas l’envie de sourire, ne le faîtes pas. Du moins, en notre compagnie, vous n’avez pas besoin de porter un masque ou de vous cacher… Un silence suivi mes paroles, alors que le rouge colorait doucement mes joues, en réalisant ce que je venais d’annoncer. S-Si ce n’est pas présomptueux de ma part, bien sûr! »

Quelques fois, j'en oubliais presque que je m'adressais à une Reine.



« Vous avez raison, le paysage est sublime à cette hauteur et… Oh! On peut même voir les Palais de Coelya, par-là. »

Je m’étais rapproché des battants lorsqu’elle les avait ouvertes en grand, laissant ainsi l’intérieur de la maison se remplir de cet air pur et frais. J'en pris une grande bouffée, gonflant exagérément mon torse comme pour lui signaler que c’était le moment de mettre la main à la pâte.

« Au boulot! »

Ayant jeté mon dévolu sur une nouvelle section de la bibliothèque, je retirais un à un les livres des étagères, les déposant un peu plus loin sur une table ou sur le bureau de la Souveraine. À proximité, Muramasa s’employait à balayer, balayer, balayer le plancher, sur un air magique et enchanté, qu’elle n’hésita pas à nous partager, sur un air rêveur et ensorcelé ♪ À présent debout sur la pointe des pieds, je continuais d’essuyer l’étagère que je m’étais mis à nettoyer, m’étonnant à reprendre le rythme mélodieux et candide de la Sœrei.

« Non. Nous ne sommes pas proches, pas proches du tout même. Je n’ai jamais eu la chance de lui parler. »

Je n’étais personne comparativement à cet homme. Même si plusieurs appréciaient ternir sa réputation en lui collant des sobriquets déshonorants, il avait taillé sa renommée de telle sorte que l’Immaculé me paraissait inaccessible, comme si nous progressions sur deux plans complètement différents. Ce sentiment, je l’avais ressenti pendant un temps lorsque je me trouvais auprès de mon frère, avant que je prenne conscience de ma propre valeur. Étonnamment – et peut-être était-ce dû à notre toute première interaction – je ne m’étais jamais senti autant refroidi par la présence de l’Ultimage. Certes, sa force et son charisme étaient intimidants; une véritable aura de puissance émanait de son être, l’embellissant d’un halo ténu, mais sa personne me semblait chaleureuse et affable dans le même temps. Au contraire du Liddell, une légende vivante, et de mon jumeau, un masque presque inviolable, elle possédait un aspect humain qui me permettait de l’aborder sans ressentir le besoin de reculer. Voyez? Il lui suffisait de sourire pour que l’on oublie qu’il s’agissait d’une Reine.

« En effet, il a épousé une Orisha (même si les engagements les ayant amenés à échanger leur alliance étaient tout bonnement inconcevables chez les Anges) et vivent ensembles depuis. S’ils n’ont pas eu d’enfants biologiques, ils ont toutefois adopté un Orisha, un petit garçon. »

Je trifouillais dans ma mémoire pour retrouver le nom du concerné, en vain.

« Mais si vous vous attendiez à de bonnes nouvelles le concernant, je n’en ai pas malheureusement, lui avouais-je tranquillement, braquant mon regard dans le sien en déposant le plat de mes semelles sur le plancher. Vous savez, à la dernière édition de la Coupe des Nations, il y a eu une Épreuve un peu étrange, mystique, qui n’a jamais été annoncée au grand public. Vous vous en souvenez? Étiez-vous encore sur le Continent? Ces événements dataient de si longtemps que je n’arrivais plus très bien à les situer dans le temps. Quoi qu’il en soit, les noms des Isemssith Brethil Lemingway, Raeden Liddell et… hum… Un Alfar du nom de Draes Déléis – je crois – ont été annoncés par les Prêtresses d'Imseli. Tous les trois auraient été vainqueurs de cette épreuve. »

Je marquais une pause, souriant un peu tristement à son endroit.

« Depuis, Sir Liddell ne va pas si bien que ça. Les militaires travaillant avec lui disent qu’il s’est beaucoup renfermé sur lui-même et qu’il passe l’intégralité de ses journées à écrire des rapports entre les quatre murs de son bureau. »

Je lui racontais le peu de ce que je savais, comme quoi plusieurs de ses subordonnés avaient essayé de le réconforter, de l’aider à remonter la pente, lui confiant même les coordonnées de spécialistes dans la profession. Malheureusement, l’Immortel, comme il avait été surnommé en raison de son âge très avancé, n’était plus que l’ombre de lui-même. Il avait refusé les mains qui lui avaient été tendues, prétextant à plusieurs reprises qu’il allait bien, sans plus. Tout le monde savait qu’il n’allait pas bien, mais personne n’arrivait à le secouer, à lui ouvrir les yeux, même sa propre femme. Plus que de l’indifférence, il semblait vouloir être seul…

« Il paraît qu’ils ont vraiment tout essayé pour le sortir de sa léthargie, mais… peut-être aurait-il simplement besoin de la présence d'une vieille amie? »

Je lui offris un sourire, reprenant les livres en main pour les replacer correctement. Tout en poursuivant mon ménage, je m'étais renseigné sur les différents bouquins qu'elle possédait, ayant pris connaissance de l'incongruité de certains par leur couverture – non pas en raison de leur contenu, mais surtout en raison de leur présence, ici, en ces lieux. Je trouvais cela particulièrement insolite que sa bibliothèque soit ainsi investie par autant de documents sur les Démons et les Sorciers, son commentaire à propos d'Elias Salvatore me revenant vaguement en mémoire. À ce moment-là, je l'avais dévisagé étrangement. Entre un homme fou et obsédé et un pédophile assumé, je ne savais vraiment pas comment elle pouvait voir le « moins pire » dans cette situation. Cela étant dit, il est vrai que sans la participation de l'actuel régent, la Terre Blanche serait encore sous le joug des Démons. Cependant, plusieurs vous diront qu'entre Sorciers et Cornus, la différence ne résidait que dans leur approche : les uns se dissimulaient dans les ombres pour partir un feu, alors que les autres dansaient autour du brasier qu'ils avaient alimenté.

« Fiou! Finalement, est-ce que vous auriez quelque chose à grignoter? Je commence à avoir un peu faim, pas vous? »

Si nous nous étions principalement concentrés sur le ménage du bureau de la Nilsson, Muramasa, quant à elle, avait quitté la salle à un moment pour passer le balais dans les autres pièces du chalet.  Si elle ne les avait pas toute dépoussiérées, elle avait mis les bouchées doubles pour faire un travail impeccable, compte tenu de la propriétaire de l’habitation. Mon visage se tourna brièvement vers l'Orine, puis retourna sur la Reine, à qui je souris.

« Nous terminons le ménage ici et ensuite, on mange? J'arborais une mine pensive, levant la tête à une idée. Êtes-vous familière avec la cuisine angélique? »

J'attendis sa réponse, rétorquant aussitôt :

« À l'époque, Mère nous cuisinait un plat absolument divin, à mon frère et moi. Cela fait tellement longtemps que je n'en ai pas mangé, mais j'aimerais beaucoup réessayer. Savez-vous comment préparer de la salade de riz à la betterave et au thon? Est-ce que ça vous intéresserait d'y goûter? »

Non loin, les yeux de Muramasa était curieux. Sa réponse résonnait aux creux de mon esprit.


1 836 mots | Post V



It's a little price to pay for salvation
Thème I | Thème II | Thème III | Thème IV | Thème V

[Q] - Un pas vers l’avant | Edwina Signat20
Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t34283-isiode-isley-entr
Invité
Invité

avatar
Sam 14 Aoû 2021, 23:22


Image par Inawong

Un pas vers l'avant



Edwina resta silencieuse lorsque l’Ange s’insurgea. Sincèrement, elle aurait aimé faire la même chose mais elle n’en était plus là. Elle avait trop vécu pour se mettre en colère. Elle n’était plus aussi spontanée qu’à une époque. On lui avait appris à gérer les pires situations et, bien qu’elle semblât naïve sur certains sujets – ou bien extrêmement clairvoyante, elle ne possédait plus ce qui avait été longtemps considéré comme une faiblesse mais qui n’en demeurait pas moins un trésor. Parfois, elle cessait même d’espérer. Elle avait vu beaucoup trop de guerres, étaient trahies bien trop de fois. Elle avait beaucoup aimé mais n’avait jamais été aimée en retour. La déception avait souvent marqué son cœur, alors même qu’elle avait toujours eu peur elle-même de décevoir. La vérité c’est que les autres étaient bien plus sujets à déception qu’elle-même. Peut-être était-ce sa faute, à toujours imaginer une suite et une fin favorables ? Combien de fois s’était-elle imaginée dans les bras d’Isiode, par simple amour du fantasme ? Pourtant, depuis qu’elle avait partagé sa vie, elle se sentait différente, d’autant plus. C’était comme si une partie d’elle avait décidé de tirer un trait sur le peu de spontanéité qui lui restait alors qu'une autre se battait toujours pour ses droits. Oui, elle avait pris beaucoup de risques mais qu’aurait-elle dû faire ? Depuis des siècles, elle devait répondre à ce que l’on attendait d’elle, sans une épaule sur laquelle se reposer, sans une main pour tenir la sienne. Isiode ne pourrait pas la réconforter. Il ne pourrait jamais lui donner ce qu’elle désirait. Elle n’était même plus si sûre de le vouloir. Plus elle y pensait, plus tout était flou dans son esprit. L’aimait-elle ? Ne l’aimait-elle plus ? Était-elle trop choquée qu’il eût vécu son existence pour savoir exactement où ils en étaient ? Elle se sentait gênée avec lui, chose qu’elle n’était pas avec son frère. Mais les deux hommes n’avaient pas la même prestance, pas plus qu’ils ne possédaient un caractère similaire. Alors oui, elle regrettait son mariage et elle avait éprouvé une certaine tristesse du fait du comportement irrespectueux de Caliel, de ses absences. Mais plus que tout, il l’avait déçue, profondément. Il n’avait ni l’étoffe d’un mari, ni l’étoffe d’un roi. « Mon cœur n’intéresse personne. » murmura-t-elle avec un sourire désolée, pour clore la conversation sur le sujet. Elle avait aussi conscience de ne pas avoir besoin de faire semblant. Elle l’entendait et ça la touchait. Néanmoins, elle ne savait pas ce qu’il se passerait vraiment si elle se mettait à ne plus tenir aucune bride, si elle se laissait juste aller. Peut-être deviendrait-elle dépressive, comme tous les Souverains et les Souveraines conscients du poids de leurs responsabilités, comme tous ceux qui se sentent seuls dans la vie et qui n’arrivent pas à combler le vide immense qui s’est creusé au fil des décennies. Peut-être que le mal deviendrait trop tentant. Elle l’avait déjà éprouvée, cette volonté de s’abandonner à lui, qu’il soit personnifié ou non. Depuis sa mort, elle était légèrement différente. Elle avait été élevée par un Ange, par le Roi des Anges, un homme qu’elle avait d’abord haï et duquel elle s’était inéluctablement rapprochée. Erwan lui manquait, bien plus que Tsadqiel ne lui manquerait jamais.




L’Impératrice Blanche sourit. Isley l’amusait. Il était frais et naturel. Il lui faisait du bien, lui et l’Orine qui l’accompagnait. Elle se sentait presque normale, hors de tout, hors des considérations politiques et des considérations divines. Peut-être n’en pouvait-elle juste plus d’avoir un soi-disant grand Destin ? Peut-être avait-elle juste envie de vivre des moments rafraichissants ? Elle se laissa prendre au jeu et s’empara à son tour du matériel de nettoyage. À vrai dire, elle aurait pu utiliser sa magie mais elle jugea la chose moins amusante. Lorsqu’elle était seule, il lui arrivait également de nettoyer à la manière des Humains ou des Mages plus inexpérimentés. Ça lui permettait de réfléchir ou, au contraire, de se vider l’esprit. Elle apprit donc les paroles de la mélodie de l’Orine et rejoignit le chœur. « Ah oui ? » Elle en était étonnée. Elle pensait que les deux hommes s’étaient déjà croisés, au moins une fois. Cependant, la suite lui fit oublier ces premières pensées. Elle se pinça les lèvres. Elle avait toujours détesté que l’on affublât Raeden du surnom de Délaissé. Il semblait que la dépression l’eût rattrapée. Elle le voyait mal se renfermer sur lui-même, lui le forgeron. Auparavant, il était tant ouvert aux autres. Peut-être était-elle en partie la cause de sa perte. Elle ne l’espérait pas mais n’en savait rien. Parfois, elle regrettait le passé. « Oui, peut-être. » répondit-elle. Peut-être. Pourtant, elle n’en était pas certaine. La revoir raviverait sans doute des souvenirs qu’il valait mieux laisser enfouis. « Enfin, je vous dis ça mais… Je ne suis pas sûre d’être celle qu’il lui faut. C’est comme… » Elle marqua une pause. « Je ne suis pas plus celle qu’il faut à Raeden qu’Isiode est celui qu’il me faut. » Parce que lorsque l’un aimait et que l’autre n’aimait pas, c’était toujours douloureux.

« Oui, faisons ça. » repartit-elle, d’une voix enjouée. « À part celle d’Erwan et celle que j’ai eu l’occasion de goûter en tant que Souveraine, pas vraiment j’avoue. » Elle sourit, tout en écoutant la suite. « Ce serait avec plaisir. Vous pourriez m’apprendre. Je n’ai jamais été très douée en cuisine. » confia-t-elle, comme un secret. « Sous l’océan, mon père adoptif était un chef de clan. Je n’avais rien à faire. En arrivant sur la terre ferme, j’ai dû me débrouiller et me suis contentée de plats très basiques jusqu’à devenir Reine et… depuis je n’ai que très peu cuisinée. Lorsque je suis seule et que j’ai faim, je mange quelques tomates cerises avec du riz et des œufs. Parfois je me prépare du bouillon tout au plus. En fait, beaucoup de légumes et de fruits crus… Si j’étais née Déchue, j’aurais été une Déchue de la Paresse Culinaire. » Elle rit, avant de redevenir sérieuse. Elle partit dans la cuisine, s'empara d'une cuillère en bois et la plaça devant le visage d'Isley d'un geste cérémonieux. « Je vous nomme Professeur de Cuisine attitré de la Reine. Faites honneur à votre fonction. » Elle lui tendit l'ustensile. La lueur dans ses yeux demeurait. Avec lui, c’était plus facile. Il n’attendait rien d’elle.

1033 mots

Revenir en haut Aller en bas
Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1068
◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016
◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Ven 03 Sep 2021, 04:10



En remarquant la pointe de la cuillère se tourner dans ma direction, je laissais courir un amusement sur la commissure de mes lèvres avant de m’abaisser vers le sol. Un genou à terre, un poing sur le torse, je basculais mollement mon buste vers l’avant; œil fermé et oreille pourtant affable à la sonorité de sa voix. J’étais posté ainsi, tel le soldat attendant les paroles de son adoubement. En me voyant faire, l’Impératrice n’eut qu’un discret mouvement de recul, une légère hésitation, avant de sourire et d’officier les gestes cérémoniaux avec sa cuillère en bois. Lorsque le dernier contact toucha mon épaule, je relevais doucement les yeux dans sa direction, lui adressant un sourire en tout respect, tout honneur. Par ces pitreries légères, j’espérerais qu’elle effaçât cette expression dont elle s’était masquée en parlant de Sir Liddell et en repensant à mon frère. C’était étrange de connaître la situation entre eux et de ne pouvoir rien y faire. Nous étions tous conscient des sentiments que la Reine Blanche nourrissait à l’égard de mon jumeau et, dans le même temps, je n’arrivais pas à trouver le moyen de la réconforter à ce propos. Parce qu’elle savait tout aussi bien que moi ce qu’Isiode pensait, ce qu’il ressentait, pour ce genre de relations. Il les trouvait dangereuses et empoisonnées; irrationnelles et hors de tout contrôle. Et il détestait cela. Il détestait ne pas être en contrôle. Non pas d’un projet, d’une institution ou simplement du menu pour le prochain repas, non : il détestait ne pas être en contrôle de lui-même. Certes, il appréciait l’Impératrice des Magiciens, c’était indéniable, un lien s’étant créé entre eux au fur et à mesure qu’ils interagissaient ensemble. Par conséquent, même si je ne pouvais prétendre connaître ses véritables impressions, je savais qu’Isiode voyait en elle une alliée qui saurait l’épauler, une amie avec qu’il pourrait échanger sans se sentir restreint par une quelconque présomption. Ne s’étaient-ils pas déjà partagé bien des secrets?

Néanmoins, aussi importante pouvait-elle être à ses yeux, ne disons-nous pas de l’amitié qu’il s’agissait d’un amour sans ailes? D’un amour sans exaltation, ni promesses et ni passion? Sur le visage de la Souveraine, pourtant, il était plus que clair qu’elle recherchait cet amour qui saurait la porter et la suspendre au milieu du ciel. Cependant, j’avais ce pressentiment qu’aucune des paroles que je pourrais lui adresser ne sauraient alléger le poids qui pesait dans son cœur. Après tout, j’étais passé par une phase similaire il y a peu, mais en finalité, malgré la souffrance et la tristesse que j’avais dû endurer, Araya avait fini par me dévoiler ses véritables sentiments et moi, à apprendre, dans nos derniers instants, que l’amour que je lui avais hurlé durant toutes ces années n’avait pas été ignoré. J’avais atteint une sorte de sérénité, une paix intérieure qui avait lentement noyé mon chagrin, qui avait doucement calmé l’intégralité de mes afflictions. Toutefois, il était difficile d’oublier ceux que nous avions aimé. C’était toujours difficile de faire taire des sentiments qui nous avaient conduit et attaché, enfiévré et fait rêver. C’est pourquoi je ne savais pas du tout quoi faire de plus, à part peut-être lui changer les idées, être l’oreille attentive de ses troubles, d’être une présence qui saurait l’apaiser, malgré ma forte ressemblance avec mon cadet. Emporté par cette nouvelle détermination, je me relevais finalement, continuant le numéro que nous venions d’initier.

« Ma Reine, je suis honoré d’apprendre que vous m’offrez une telle opportunité pour prouver ma valeur. Je ne vous décevrais pas, vous avez ma parole de cuisinier. »

Celle-ci était inviolable, sacrée, vouée à être protégée coûte que coûte: c’était la parole d’un véritable maître du thon et du chaudron. D’un geste, je ramassais la cuillère qu’elle me tendait.

« Commençons de ce pas à faire de vous une véritable cordon bleue. »

Nous nous dirigeâmes, tous les trois, en direction de la cuisine, rassemblant les ustensiles et les ingrédients que je me rappelais faire partie de la recette. Les aliments que nous ne trouvions pas à l’intérieur du chalet étaient créés des mains de la Magicienne, quoi qu’ils ne fussent pas nombreux, puisque les seuls ingrédients manquants étaient les morceaux de thon.

« Vous verrez, la recette est très simple. Déchue de la Paresse Culinaire ou non, en deux temps, trois mouvements, ce sera réglé. »

Nous nous mîmes immédiatement à l’action, mes marmitons ayant été mandatés pour couper la betterave et les oignons rouges. Au préalable, je leur indiquais qu’il nous fallait d’abord cuire la betterave avant de la couper en dés, la Reine réfléchissant un instant avant de claquer des doigts. Instantanément, la betterave crue et non pelée se changea en une betterave fumante et odorante.

« Pas comme ça! »

Un rire s’échappa de ma gorge en remarquant son expression.

« Au moins, ça a accéléré le processus, fit savoir l’Orine en souriant de toutes ses dents.

- Pour la peine, j’instaure une nouvelle règle : interdiction d’utiliser la Magie. »

Même si, comme Ren l’avait mentionné, ce fût plutôt pratique, sachant qu’il fallait au légume près d’une heure de cuisson avant d’être véritablement tendre. Ainsi, pendant qu’elles travaillaient sur les légumes et les morceaux de poisson, je m’occupais de faire cuire le riz tout en préparant la vinaigrette de la salade, jetant plusieurs œillades en leur direction pour m’assurer que tout allait bien. Muramasa, entretemps, s’était amusée à initier un jeu, qui consistait à chanter un ver, sur un rythme particulier, pour que l’autre personne puisse renchérir sur une nouvelle ligne poétique, qui veille à respecter le rythme imposé. Et sur cette lancée, nous conclûmes les préparations du repas, retournant au ménage, avant de nous étendre sur les divans pour lire les recueils proposés par la Reine. La journée fila plus rapidement que prévue, si vite, que nous finîmes, Ren et moi, par nous assoupir dans la maison de l’Ultimage. Nous étions épuisés, mais nous avions passé une belle journée.

Et, pour votre gouverne, oui, le plat fut un succès applaudit.



Sur l’Île d’Orhmior.

« Bon retour. »

Nous venions à peine de traverser l’encadrement de porte qu’Isiode nous accosta depuis le salon de l’appartement, Raclette sur les talons. Il semblait se préparer pour son entraînement quotidien, mais venait de mettre un terme à ses préparations lorsqu’il prit connaissance de notre retour. Il attendait ainsi patiemment que nous nous pointions, curieux, surtout depuis que nous lui avions annoncé que nous passerions une journée de plus sur le continent.

« Comment ont été les échanges avec l’acheteur?

- Mieux qu’escompté. Nous sommes partis faire évaluer les bijoux et les autres gains du Lux In Caelum, et nous sommes parvenus à retirer… D’un geste, j’extirpais de ma besace magique les énormes bourses d’or et d’argent que nous avions obtenus de cette transaction. Tout ça. »

En voyant tout l’argent gagné par cette simple vente, le regard d’Isiode se figea un instant, comme s’il n’aurait jamais cru que ces gains auraient pu valoir autant. Pourtant, le poids qu’avait laissé entendre les bourses, dès qu’elles furent mises sur la table, nous donnait un bon indice sur la richesse qui reposait dans les tissus.

« Avec tout cet argent, nous ne manquerons pas de financement pour la construction des infrastructures de la cavalerie. »

Et c’était sans compter tout ce que nous pouvions mettre dans l’achat du matériel et de l’équipement nécessaires pour les cavalcades et autres chevauchées essentielles à l’entrainement aérien. À ce constat, le taciturne se referma plus encore que d’accoutumé, alors qu’il jugeait les poches complètement pleines, prêtes à exploser.

« Comment êtes-vous parvenus à trouver un acheteur aussi généreux en si peu de temps? Et sans même mettre aux enchères les gains? »

Muramasa et moi échangeâmes un regard en biais, jusqu’à ce que je me décide à lui avouer l’identité du mystérieux acheteur.

« Il s’agissait de la Reine Nilsson. »

Je le considérais un instant, voyant son visage se décomposer étrangement. Mais il ne suffit que d’un rayon de soleil sur les traits de son faciès pour effacer aussitôt l’expression. Pensait-il au fait que sa Majesté était désormais au courant de ses actions à l’égard de ses présents? Regrettait-il son geste du même fait…? Non. Nous parlions de mon frère. Quoi que furent les sentiments qui l’avaient porté à prendre cette décision, je ne pensais pas qu’il puisse regretter quoi que ce soit. Il portait toujours ses choix sur la raison en dépit des sentiments, et celui-ci n’était pas différent des autres finalement. Le constater enfla le malaise au creux de mon estomac, car l’instant d’après, l’image de l’Impératrice Blanche me revint à l’esprit.

« Eh bien, il semblerait que les choses iront plus vite que prévues. Mon frère se leva en définitive, prenant ses affaires d’entraînement au passage. Avec cela, nous n’aurons pas à nous inquiéter pour les coûts. Il se tourna une dernière fois dans notre direction. Je me chargerai de remettre cet argent à l’Imperio Vaughan un peu plus tard. Merci beaucoup pour votre aide. »

Et il partit, sans se retourner. Il ne pensait vraiment qu’à son projet, et à comment il pourrait aller de l’avant pour aider les Anges.


1 528 mots | Post VI | FIN



It's a little price to pay for salvation
Thème I | Thème II | Thème III | Thème IV | Thème V

[Q] - Un pas vers l’avant | Edwina Signat20
Merci Mancy et Shanxi pour les cadeaux ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t34283-isiode-isley-entr
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

[Q] - Un pas vers l’avant | Edwina

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» Un pas en avant vers une nouvelle vie [Voie numéro 2][Pv Ethan]
» Dix ans après [Edwina]
» Aie confiance, crois-en moi [FB. Edwina]
» Des retrouvailles attendues [Iro PV Edwina]
» [Q] - Lumière dispersée | Edwina
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Les Terres de Sympan :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Ouest :: Terres du Lac Bleu :: Vervallée-