Ẹṣọ Kọọ
Something Just Like This - Chainsmoker & Coldplay
(Guitar cover by Eddie van der Meer)

Des jours plus tard. Sur l’Île d’Orhmior.

« Oui, je l’ai vu de mes propres yeux, Isiode : c’était un Réprouvé. Un bébé réprouvé. »

J’ébouriffais mes cheveux, une grimace se dévoilant sur les lignes de mon faciès.

« Serait-ce en raison de Lok’Silus? » Demandais-je sans pour autant attendre de réponse.

Tout le monde savait qu’il s’agissait de ce Lok’Silus et le soldat Locke le pressentait également, ne prenant même pas la peine de fournir un semblant de réponse à l’attention de mon interrogation. Nous ne faisions que regarder droit devant nous l’étendue des plateaux sur lesquels nous nous étions réfugiés pour nous entraîner. Tout était calme à l’extérieur, en dépit des vagues et des ouragans qui rugissaient en nos for intérieurs.

« Los Worr Do Dur… »

Je lui jetais une brève œillade, mon compagnon percevant immédiatement la question qui dansait dans mes yeux.

« La Guerre du Pardon, traduisit-il en souriant tristement. Quand nous avons tous été projetés dans cet interminable champ de bataille… »

Il se tut et je conservais le silence.

« Dis, quand crois-tu que nous pourrons, à notre tour, récupérer ce que nous avons perdu? Que devons-nous faire pour que Sympan nous regarde et nous pardonne enfin, après toutes ces années? »

Nos terres, notre force, notre peuple, nos enfants… Je ne bougeais pas, déglutissant discrètement. Une envie féroce de tout lui avouer fit vibrer l’ensemble de mon être, de la même façon que j’avais voulu tout dévoiler devant l’Imperio Navia, mais, une fois de plus, je sentis une chaleur menaçante s’enrouler autour de ma gorge. Non. Je soupirais, levant finalement mes yeux vers le ciel.

« Ne t’en fais pas, lui partageais-je avec confiance, me soulevant du sol afin de me redresser. Nous le sommes peut-être déjà, pardonnés je veux dire.

- De quoi tu parles? » Maugréa le fils de Réprouvé d’un air incrédule.

Je lui adressais un sourire alors que ma main se tendit dans sa direction.

« Tu ne vois vraiment pas? Les Cieux sont enfin avec nous, Hiddleston. Nos explorations, le retour des nôtres, l’éventuel réveil de la Forme Angélique… Il s’agit de notre Renaissance et je suis persuadé que le Dieu-Roi en est pour quelque chose. Il ne s’est pas détourné de nous comme nous nous sommes détournés de lui par le passé. Crois-moi. »

À défaut de ne pouvoir lui dire la vérité, je pouvais au moins lui insuffler l’Espoir qui semblait actuellement lui manquer. Il fixa ma main. Je l’invitais à la prendre d'un signe du menton.

« Ne pense pas que nous sommes dans le même état qu'il y a plus de dix ans. »

Et sans hésitation, il finit par accrocher sa main à l'intérieur de mon poing.


◆ 460 mots | Post XVI | Réaction au Thogii.

Ẹṣọ Kọọ
A Thousand Years - Christina Perri (Guitar cover by James Bartholomew)

J’arrêtais soudainement de gratter les cordes de ma guitare, mes yeux se perdant dans le vide et ce, jusqu’à ce qu’un filet d’air s’extirpe d’entre mes lèvres. Doucement, j’appuyais le manche de l’instrument contre le mur, me délestant de son poids de manière à pouvoir enfoncer mes mains dans mes cheveux. Je n’arrivais pas à me détendre. Quelque chose se rapprochait, je le sentais distinctement au plus profond de mes tripes. Toc, toc, toc. Ma respiration se bloqua tandis que mon visage se tournait automatiquement vers la porte de mon appartement. Silence.

Toc, toc, toc.

« J’arrive! »

Je me remis sur pied, abandonnant derrière moi ma guitare et mon lit. Quelque chose se tenait de l’autre côté de cette porte et je pouvais la sentir,secouer tout mon corps. Pourtant, je savais que qu’elle n'inspirait aucun danger ou malice. J’avais simplement cet étrange sentiment de familiarité qui s’éveillait dans ma poitrine. C’est pourquoi je n’hésitais pas à rapprocher ma main de la poignée, de raccrocher mes doigts à celle-ci et de la tourner dans le mécanisme. Avant de me paralyser sur le seuil de l’entrée, les yeux légèrement agrandis.

« Salut! »

Je ne prononçais pas un mot, mon regard figé sur le sourire nerveux de mon jumeau. Accroché à ses épaules, se reposant sur la courbe de son dos, l’imposant bagage d’Isley semblait l’engloutir tout entier. Pour autant, il gardait une posture droite, ses mains fermement fixé aux sangles de son havresac.

« Content de te revoir, mon frère.

- M-Mais vous étiez supposés revenir au continent seulement dans quatre jou–

- Nous avons eu de l’avance et, avec Ren, nous avons pensé que ce serait bien de venir à Orhmior. »

Attentionné, l’œil de mon frère se détacha de ma personne pour venir se poser sur le visage de la jeune femme qui se tenait à ses côtés. Je suivis rapidement son regard, plongeant instantanément à l’intérieur de ses iris couleur de jade; l’Orine me gratifiait d’un sourire délicat, secouant sa main dans une vague plus troublée qu’effervescente afin de me saluer. Je pouvais deviner la nervosité agiter sa silhouette et malgré tout, elle ne tarda pas à esquisser, de nouveau, le premier pas jusqu’à moi. Et cette fois-ci, je la laissais approcher : c’était un second face à face.

« Bonsoir Isiode, sourit Muramasa tout en glissant ses doigts jusqu’au-dessus de ma main. Nous sommes rentrés. »

Je la dévisageais.

« Pouvez-vous ne pas prendre ma main, s’il-vous-plaît?

- … Isiode, tais-toi. »

Brusquement, Isley s’avança jusqu’à notre hauteur, m’attirant sans ménagement dans le creux de ses bras. Il me serrait si fort que j’avais l’impression d’étouffer. D’habitude, je l’aurais gentiment repoussé ou l’aurais tout bonnement évité, mais à cet instant précis, quelque chose s’éveillait en moi, escaladait les profondeurs de mon estomac pour s’accrocher aux verrous de mon cœur. Je scrutais Ren Muramasa qui me tenait toujours la main, tout sourire. Je poussais un second soupir, détournant les yeux afin d’observer le profil de mon frère. Il ne parlait pas, mais je pouvais l’entendre grâce à Muramasa. Je fermais les yeux, me laissant inconsciemment bercé par leur chaleur et leurs voix intérieures.

« Bon retour. À vous deux. »


◆ 536 mots | Post XVII | FIN