Stanislav se contentait de l'observer. Ou plutôt, de la dévorer du regard - il la contemplait avec autant de passion que l'on analyserait une oeuvre d'art, une relique particulièrement rare et d'une valeur incommensurable. Il gravait dans sa mémoire le moindre détail de son anatomie. Elle était devenue sa muse et, afin d'élever la qualité de ses créations, il devrait la reproduire à la perfection. Il devait se contenter de ce qu'il avait sous les yeux, bien qu'une part de lui rêva de la plaquer contre la table et de la mettre à nue, pour découvrir tous ses secrets, pour la connaître entièrement, de façon pleine et totale.

Les doigts de l'Ange lui échappèrent : tel un jouet que l'on arrachait à un enfant, le Mage Noir étouffa une bouffée de colère et de jalousie, une envie macabre de la faire sienne et de l'enfermer quelque part où lui seul pourrait la voir. Les deux gardes qui s'étaient levés le dissuadaient de tenter un acte de folie désespérée. L'heure des au-revoir approchait et elle faisait naître en son cœur une appréhension qui vrillait ses entrailles. Combien de temps devrait-il encore attendre avant de la revoir ? Il ne pouvait patienter autant de temps que ce qui s'était écoulé depuis le bal. Ca le rendrait fou - plus encore que ce qu'il était déjà. L'obsession le dévorerait. Pourtant, l'objet de sa monomanie se précipitait, déjà, vers leur séparation. La gorge nouée, il la regarda s'éloigner, impuissant. « Au revoir, Laëth. »

Le Dementiae attendit que l'Ange quitta totalement la bibliothèque. Sur son passage, les regards s'étaient rivés à elle. Déjà, on oubliait l'étrange personnage qui l'avait accaparé : seul la mine préoccupée de la Vertueuse resterait sur toutes les lèvres. Son échec se faisait criant : jamais elle ne parviendrait à quoi que ce soit.

L'homme tourna les talons. Plutôt que de suivre la trace de son Ange, il se dirigea vers la bibliothèque sur laquelle elle venait de ranger son ouvrage. Le sorcier s'en empara et commença à l'inspecter. Il en lut les premières pages avec avidités - ses yeux à elle avaient parcourus ces lignes. C'était une façon de partager quelque chose, dans son esprit un peu dérangé. Finalement, il referma l'ouvrage et se dirigea vers l'accueil pour le réserver.

Tous deux partageaient un attrait pour les livres. La prochaine fois également, ce serait par ce biais qu'ils renoueraient leurs liens.

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