Le Deal du moment : -45%
Four encastrable Hisense BI64213EPB à ...
Voir le deal
299.99 €

Partagez
 

 [IX] A la frontière du deuil | Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité

avatar
Sam 28 Juil 2018, 19:12


Catégorie de quête : IX. Apprentissage
Partenaire : /
Intrigue/Objectif : Un suicidé ne devient pleinement une Ombre que lorsque le Maître aura jugé bon de le délivrer. Mais ce supplice, cet isolement, n’est rien d’autre qu’une mise à l’épreuve, une introspection, un face à face avec soi-même. Il faut porter l’enseignement et le processus du deuil d’un passé lointain, long et douloureux, pour se voir gratifier d’une liberté toute relative. Depuis des temps oubliés, Khayn l’apprend enfin à ses dépends.



Comme la flamme ensorcelante d’une bougie d’abord vacillante, puis soufflée sans état d’âme, il n’en restait plus qu’une épaisse volute qu’on chasse d’une main leste pour dissiper rapidement la magie de l’instant.

Pour tout démon qui se respecte, en l’occurrence voué à l’Orgueil et à ses engeances, rester dans l’ombre des puissants n’était pas envisageable. Mais se dévoiler à la lumière avait fini par avoir raison de lui, jusqu’à ce qu’il s’y brûle les ailes. Doux paradoxe démoniaque.
Et son acte ne fut que le commencement d’une infinie noirceur. Un rappel sans fin de sa condition fantomatique. Ne le voilà plus qu’une chimère dans un monde terne, si proche mais si isolé de celui qu’il parcourait par le passé.

Khayn avait toujours était un fervent consommateur de chair fraiche et de drogues. Vivre dans l’opulence, ne jamais plus manquer de rien, se saisir des opportunités et profiter de ces sensations à chacun de ses actes, de ses choix… L’odeur du souffre, celle du sang. Celle de la transpiration, puis de la trahison. Comment s’en passer ?
On lui conseilla de réduire ses excès. « Nul chef de guerre ou nul sage ne peut se prévaloir d’accomplir sa tâche quand ses pensées s’obstruent d’artifices ou d’illusions », lui dit-on. Qu’à cela ne tienne : il pouvait se le permettre, alors il le faisait. A outrance, si cela lui chantait. Et il regretterait seulement quand le jour de leurs prémonitions se confirmerait. D’ici là, la liberté était bien trop alléchante pour ne pas en profiter. D’ici là, il mourrait peut-être au coin d’une rue, affligé par une nouvelle infidélité.

Il ne pensait pas si bien dire.

Quand l’obscurité l’engloutit, plus rien d’autres ne comptait que la simple idée du froid qui l’envahit. Cette sensation désagréable, incontrôlable et inextricable. Il perdait le contrôle de son corps, de son esprit. Peut-être même s’était-il fait dessus quand ses perceptions s’envolèrent. Il n’en avait aucune idée. Adieu fierté, adieu plaisir. Le Démon tentait de s’accrocher au léger voile ténébreux qui passait devant ses yeux, sans réussir à affirmer sa prise.
Il reconnut au dernier moment des effets qu’il avait si souvent recherchés. Cette impression de bien-être, l’effluve familière qui lui chatouillait les narines. Cette drogue qu’il avait avalée, respirée, caressée. Et juste avant que ne tombe le rideau, Khayn aperçut cette petite fille qui l’observait avec son sourire démoniaque.
Son visage s’écrasa sur les morceaux de verre qui jonchaient le sol. Mais il n’était déjà plus conscient.

Dans son immense sagesse, et son infinie modestie, le Démon pensait tout savoir, tout contrôler. Il n’en était rien. Et la plus grande inconnue dans l’équation de son existence n’était autre que lui-même. Sans jamais prendre de recul, il n’avait eu à l’esprit que ses besoins primaires et ses désirs de grandeur. Mais qu’en était-il de ses réactions face à l’imprévu ? Face à la mort d’un être cher, et sinon de la sienne ? S’en était-il un jour soucié ou… carpe diem, arrivera ce qui doit arriver ?
Khayn était maintenant dans une situation bien différente de celle qu’il avait vécue jusqu’à aujourd’hui. Jamais cette configuration ne s’était présentée à son esprit.
Entravé, mais sans chaine. Muet, mais sans bâillon. Spectateur, mais par dépit. L’ennui allait bientôt faire place à un bouleversement. Et pour le contrer, rien de mieux qu’occuper son esprit. Et les questions hésitantes furent l’étincelle.

D’abord bien matérielles, elles devinrent plus profondes. Au point qu’il commence à comprendre. Comprendre que l’éternité se profilait à l’horizon sans que rien ne change. Comprendre que le passé était par essence une chose dont il ne profiterait plus jamais. Comprendre que s’il restait celui qu’il a été, jamais il ne pourrait endurer l’attente infinie que le destin avait conclue pour lui. Il n’était plus un Démon, mais il ne souhaitait pas non plus être rien. Alors quoi…

Il ne serait plus jamais le même.

Cette transformation se fit par étape. Chacune vécue dans la souffrance, dans l’impatience. Mais elle devait avoir lieu. Laisser son ego de côté ? Jamais auparavant cette question n’aurait trouvé une place dans ses pensées. Aujourd’hui, elle lui semblait vitale, si tel était le mot.
Khayn devait changer et il n’y aurait que sa prison de verre pour Purgatoire. Et pour que la mutation opère dans son esprit, puisque son corps n’était plus, il se devait d’apprendre à vivre ainsi. Pour toujours.

C’est un processus lent dans lequel il s’engagea. Parsemé d’obstacles, mettant à l’épreuve sa volonté. Il l’ignorait encore, comme beaucoup d’autres choses, mais son engagement dans cette voie reflétait le saut dans l’inconnu. Car jamais cette notion ne s’était présentée à lui. Ou peut-être l’avait-il rejetée. Mais celui qui fut Démon ne peut plus faire demi-tour. La simple illusion de se sentir complet, de pouvoir contrôler la situation, se faisait pressante. Laisser son ancienne vie pour embrasser la noirceur et se fondre dans les tourments pour mieux y survivre.

A présent, d’innombrables années lui laisseraient le temps d’apprendre ce processus qui permet d’accepter et de reconstruire par ce qu'il restait d'espoir...

Le deuil.


840
Post I
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Dim 29 Juil 2018, 15:12



Une seconde, et la Fin avait marqué sa trace. Une estafilade pourpre, délicieusement chaude, qui n’était autre qu’un acte et sa conséquence. Mais l’acte commis ne fut que la résurgence d’un enchainement plus lointain. Destin fatal ou hasard censé ?

Il n’y avait plus personne. Tout était désert et le crépuscule enfin se dévoilait. Ou l’aurore ? Les gens sortaient le matin, non le soir. Le soleil se lève toujours du même côté, jamais de l’autre. Et le chemin du village… où était-il ? Son esprit s’embrouillait entre le souvenir et la réalité. Seule persistait cette odeur de drogue qu’il était pourtant certain de ne pas avoir consommé ce jour fatidique. Mais il sentait aussi et toujours la morsure du métal sur sa gorge. Il pouvait presque percevoir encore son cœur battant la chamade et les gouttes de sueur longer sa mâchoire…

Puis il avait rouvert les yeux sur ce monde, comme si rien ne s’était passé. Aucune douleur. Et cette voix intrusive, si tant est qu’elle n’était pas inventée par lui-même… « Cauchemar ». Khayn ne comprenait pas. Le soleil était en train de se lever… ou de se coucher. Le vent caressait les épis qui se dressaient fièrement dans les champs aux reflets d’or. Quelques poules parcouraient le chemin en amont de la butte au pied de laquelle il se trouvait.

Le Démon remarqua qu’il était sur le dos sans sentir sous lui s’il y avait du gravier ou de l’herbe. Il prit appui sur le sol, du moins le crût-il, sans sentir sous ses doigts la moindre texture. Mais cela ne semblait pas le préoccuper. Ainsi, il se redressa pour contempler la nature à l’œuvre. Et ses yeux se posèrent dans son regard. Il s’immobilisa, dubitatif.
Les brins d’herbe parsemés de fluide écarlate tranchaient sur la couleur terne de la terre. Mais dans toute la beauté de l’instant, où le repos semblait enfin avoir accueilli le guerrier, Khayn restait là, la bouche ouverte, du moins le crût-il.

Il s’observait avec insistance, ses pensées subtilisées de tout contenu. Ce qu’il voyait là ne pouvait être qu’un cauchemar duquel il allait se réveiller d’une minute à l’autre.
Si immobile, si fixe. Khayn ne pouvait détacher son regard de ces iris sans vie, attendant un clignement de paupière évident. Mais sa lucidité soudaine lui fit prendre conscience de l’impensable et un frisson de terreur remonta le long de son échine, du moins le crût-il.

Le coup fatal, le néant… puis la Mort.

Si ses yeux étaient posés sur son cadavre sanguinolent, ils ne fixaient rien. Son esprit fut aspiré par un appel à l’aide silencieux. Vide, incapable d’éprouver la moindre sensation. Tout son être plongeait dans un gouffre de léthargie. Nulle tentative de comprendre ; il en était de toute façon incapable.
Non. Parfois pour apprendre un concept, pour concevoir une notion, il fallait les vivre. Ne rien faire d’autre que de subir et se laisser submerger par l’instant ou la fatalité.

Khayn n’en prit pas encore conscience, mais il débutait là le cycle d’un renouveau. Une transformation au plus profond de son être. Essence chahutée par cette information qu’il ne pouvait encore assimiler, frustrant son ego sans raison apparente. Comme l’esprit face à un tour de magie, qui sait ce qui est mais sans pouvoir saisir le concept qui a amené au résultat. C’est alors la sidération qui prend la place du pragmatisme. Et dans sa situation, celui-ci sera remis en question plus que de raison.

Pourquoi n’arrivait-il pas à se réveiller… ? Qu’est-ce qui l’empêchait de cligner des yeux, de remuer un peu ? Juste un peu…

Mais en vérité, cette étape, le Choc, est l’alliée de l’âme. Elle lui permit d’intégrer le processus du deuil à son rythme. Ce pouvoir de l’inconscient capable de filtrer la sauvagerie de l’information plutôt que de la prendre de plein fouet. Un moyen de se préserver d’une trop grande souffrance et de la folie, jusqu’à être prêt à y faire face.
Du moins, le crût-il. Car un vivant dispose de son environnement pour progresser, se reconstruire… Mais le Démon, lui, restait là. Prisonnier à perpétuité de cette vision cadavérique ; d’un corps dénué de vie qui s’en retournait à la terre pour embrasser les vers. Pour qu’un autre cycle recommence.

Ce choc qui ne devait durer que quelque jours pris des années à se résorber, incapable de détourner ce regard d’un soi dépérissant.
Mais Khayn venait de concevoir une nouvelle notion qu’il avait toujours refusé d’accepter. La patience. Cette patience même qui lui permettrait à la fois de passer à l’étape suivante, mais également de s’enfoncer plus encore dans les tourments. Si profondément qu’ils marqueront son essence à jamais.

Car après le Choc, vint le Déni.


785
Post II
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Jeu 02 Aoû 2018, 00:18



Quand le réel incohérent se confronte à sa compréhension d’un monde imparfait, le recul fait foi et l’esprit s’efforce de se perdre dans le fantasme. Il est temps alors de briser la frontière et de déceler son inextricable sens.

Le regard dans le vague, une idée traversa ses pensées. Si Khayn était capable de réfléchir, justement, de voir, d’estimer… Cela ne pouvait que signifier qu’il existait. Cette évidence sonna comme une révélation et un soulagement incommensurable. Peu importait ce qu’il venait de se produire, peu importait l’état ou la situation dans lesquels il se trouvait, peu importait ce qu’on dirait de lui… Il était bel et bien là, à regarder les champs dont l’horizon tranchait avec le bleu d’un ciel sans nuage. Parfois des souvenirs le traversaient et il savait les avoir vécus.

Le Démon sentait à nouveau le contrôle, l’emprise sur son sort. Et cela redora sa nature profonde, l’ego grandissant d’un Orgueil puissant au demeurant. Et de cette arrogance naquit le désaveu. Il serait trop frustrant de se soumettre à la réalité, surtout quand celle-ci n’avait d’impact que celui que le Démon voulait bien lui octroyer. Il n’y avait pas de place pour le doute puisque le passé fut un temps, que le présent était maintenant et que le futur se déroulait à compter de ce jour. Aucune interruption donc dans le cours de son existence. Pas même un fragment volé par cette Voix qui trottait dans sa tête pour lui signifiait que le cauchemar ne faisait que commencer. Tout ne se référait qu’au solipsisme qui le gouvernait. Même si nul ne le voyait, ou ne voulait le voir ni l’entendre, ce n’était que parce qu’il n’attirait pas leur intérêt. Mais s’il ne participait pas à la vie quotidienne des habitants, eux faisaient intégralement partis de la sienne. Une nouvelle fois, l’argumentation était bouclée.

Ce n’était pas parce que les gens aux alentours grelotaient quand la température s’abaissait ou qu’ils s’éventaient quand le soleil était de plomb que lui-même ne pouvait comprendre ce qu’était qu’avoir chaud ou froid. Il pouvait encore sentir les fourmillements dans ses membres à rester trop longtemps immobile, la sensation d’être dépassé quand les événements allaient trop vite. Tout ce qu’il y avait donc de plus viv… humain.

Après tout, l’existence n’était pas un long fleuve tranquille. La preuve avec cette femme qui se refusait à porter l’enfant d’un amant aguichant. Ou aussi comme l’attestait ce marchand ambulant persuadé que s’il tenait le coup face à sa rupture amoureuse c’était grâce à ses voyages, et non les bouteilles qu’il emmenait avec lui. Témoin du déni du décès d’un fils, ce père qui, observant le champ et fruit de son labeur, scrutait le meilleur moment pour retourner y travailler alors que la nuit pesait sur la campagne.
Voilà ce qui permettait de laisser couler sous les ponts du temps les rivières agitées. Ce qui permettait de laisser le temps au temps pour que s’atténue la perte et la souffrance. Car il était bientôt temps d’entrouvrir la porte et de regarder au dehors sans pour autant quitter brusquement un soi intérieur sécurisant. Laisser entrer la vérité, partiellement, parfois fragmentée, pour la reconstituer à un rythme propre à chacun.

Elle était toujours douloureuse, mais plus acceptable. Khayn posait alors simplement son regard sur ce corps décomposé, et se voyait comme dans un miroir. Le temps avait eu raison de son obstination. Il comprenait maintenant que la réalité serait dure. Intraitable et douloureuse, il se devait maintenant d’y faire face. Car jamais il ne trouverait le repos s’il ne parvenait pas à s’accepter comme ce qu’il devint à compter de ce jour. A la frontière de la douce ironie de l’existence et de l’isolement d’un monde qui n’était plus le sien.

Alors à quoi bon ? Que faire maintenant s’il admettait cette condition ? Il lui était impossible de concevoir qu’attendre serait son quotidien. Pour l’éternité, car c’était bien la Mort qui lui avait rendu visite. Ou lui qui s’était épris d’elle malgré l’absence de choix. Un libre arbitre qu’il ne possédait plus. Un contrôle qui lui échappait, à nouveau !
Qu’était-il aujourd’hui, sinon une essence piégée dans cet endroit devenu sans intérêt ? Un esprit foulant ces terres sans raison, sans but… De sa propre conscience, il ne devint guère plus qu’un fantôme, un pantin agissant au gré des fils d’un destin qui lui filait entre les doigts. Jamais il ne pourrait se pardonner. Jamais il ne pourrait imaginer un futur, un avenir. Jamais il ne pourrait se considérer comme… une Ombre ? Notion inexistante mais pure réalité aux frontières d'une des connaissances inaliénables du mystère. Jamais il ne l'accepterait !

Car après le Déni, vint la Colère.


781
Post III
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Ven 03 Aoû 2018, 23:18



Que s’extirpent des Enfers la haine et la souffrance d’une nouvelle ère vouée à la déchéance d’une existence, d’une âme plongée au cœur des abysses et d’un esprit enveloppé d’une folie provocatrice.

L’égrènement du temps n’avait maintenant plus d’emprise sur lui. Si Khayn s’était tenu à une certaine discipline pour ne pas perdre le fil de sa vie, pour se prouver que celle-ci poursuivait son cours, il n’en était plus rien. Son passé était devenu son avenir. Un avenir qu’il connaissait déjà puisque identique à son passé. Et ce n’était pas les petits aléas du quotidien des habitants qui y changeait quelque chose.

Les animaux avaient fini de grignoter sa chair ; d’abord du plus grand comme les corbeaux, aux plus petits comme les asticots. Il avait eu tout le temps d’observer la décomposition de son corps, de ses yeux, de ses vêtements. De comprendre que le froid ralentit le processus et que la chaleur fait proliférer les vers et les mouches. Et il ne pouvait rien y faire. Maintenant, il ne restait qu’un squelette sur lequel la nature reprenait ses droits. Et c’est quand il devint immuable que plus rien n’eut d’intérêt.

Son déni fut bref… à son échelle. Mais il ne put durer trop longtemps, tant la situation s’imposait au défunt Démon. Impossible de s’échapper des serres de son Maître dont la voix résonnait dans son crâne. Impossible de faire face à l’inextricable sort qui le fourvoyait depuis tant d’années. Impossible de comprendre ce qu’il se passait. Impossible d’y voir un dessein quelconque ! Impossible d’en réchapper !

Mis à rude épreuve, son esprit aliéné à son essence, âme en peine et labourée de remords, Khayn tournait comme un lion en cage. Une cage sans fondement sinon ce cadavre putréfié qui lui servait de seul repère.
Agonie.
Souffrance.

Il ne servait à rien d’attendre, mais il n’y aurait aucune récompense. Aucune utilité à l’ennui qui se saisissait de lui à mesure que les jours, les mois et les années passaient. Aucun moyen de se sortir de cet enfer psychologique. Alors que le clocher sonnait comme l’heure de son glas, la Mort se faisait à la fois ennemie et sœur de chaque instant.
Détresse.
Affliction.

L’amas de brume s’agita. Aller et venir entre le cadavre et le puits. Venir et aller entre sa perte et son perchoir. Encore et encore. Encore et toujours. Regardant ceux qui venaient puis repartaient. Les voyant disparaitre à l’horizon. Jaloux de leur liberté. Exaspéré qu’ils ne comprennent pas leur chance.

Et puis vint la nuit. Et puis vint le jour.
Et puis vint le crépuscule, avant que ne paraisse l’aube.
Et puis vint la pluie. Et puis vint le soleil.
Et puis vint Koor. Et puis vint Krah.

Le voile ténébreux tourbillonna. Khayn se prit la tête dans les mains, ou essaya, avant que son masque de brume ne se fonde dans celle de ses bras. Une frustration plus grande encore de ne pouvoir pas même se toucher, de ne pas être tangible. Il se frappa le visage qui se diffusa en volutes sombres. Sans texture sur laquelle passer ses nerfs, il se frappa encore, et encore. Et n’en résultaient que des projections d’effluves ténébreuses qui n’étanchaient en rien sa soif de vengeance. Vengeance sur soi. Et cela devint plus frustrant encore de ne pouvoir se punir de lui-même pour abréger la situation.

Alors d’un cri inaudible, Khayn se redressa violemment vers le ciel pour hurler et ainsi se libérer de cette pression. Pression qui ne diminuait pas. D’abord fou de rage, s’en prenant à ce qui l’avait piégé là - un Dieu, un Sorcier, la Mort, peu importait son nom. Puis il se mit à négocier. Faire mille promesses pour en réchapper. Il pria la source de ce mal sans connaitre son origine. Tenta de communiquer, de comprendre, de se délivrer des années durant.

Sans réponse. Sauf cette voix qui le rendait fou… « Cauchemar ».

Alors épuisé, comme s’il y avait mis toute son énergie, la tension s’évanouit enfin. Cela ne changeait rien à sa condition, mais il se sentait soulagé d’un poids, plus lourd que la conscience elle-même et la culpabilité réunies. Ce qui était, était ; après tout…
Mais avec ce poids libéré, sa force s’envola aussi. Son espoir fila, absorbé par un néant de mutisme irréel. Ce qui lui avait permis de tenir tout ce temps venait de se dissoudre libérant une sensation qu’il n’avait jamais connu jusque-là, sinon peut-être dans son enfance la plus lointaine. La gorge serrée et le souffle court.
Du moins le crût-il.

Car après la Colère vint la Tristesse.


765
Post IV
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Sam 04 Aoû 2018, 17:16



Douceur fatale d’une éternité castratrice, ce chagrin est l’épanchement de l’âme face à l’abandon de son propre destin et le cours d’une histoire perdue.

Ce jour anodin marqua une nouvelle étape. Un jour où la brise se levait alors que les feux venaient d’être allumés pour éclairer les rues sombres et faire profiter à ses possesseurs d’une chaleur réconfortante. Le vent se renforça et les enfants émerveillés observaient les cendres rougeoyantes danser dans l’air au gré du hasard. Nul hasard dans ce monde. La voûte céleste s’échappa derrière des nuages menaçants, les braises devenant étoiles nomades.

Alors les villageois se mirent en mouvement dans une délicieuse cacophonie, se mettant à l’abri dans leur havre de paix et rangeant le matériel qui leur serait utile quand la tempête serait passée. Dans les prés, les bêtes commençaient à trépigner, sentant l’événement se produire. Dans les écuries, les animaux renâclaient et tapaient contre leur porte en bois. Et l’Ombre désespérée se préparait non seulement à survivre à un nouvel orage mais aussi à le vivre de l’intérieur, plongé au cœur de la tourmente pour s’y fondre totalement.

Comme un accompagnement à ses pensées malmenées, le ciel déversait sur les terres aux reflets d’or sa lourdeur en trombes infranchissables. Les rues du village étaient désertes. Les rivières s’étaient formées sur les chemins qu’elles creusaient peu à peu pour y accueillir des torrents. Balayant la terre et la poussière à son passage, les coulées de boue s’avançaient inévitablement vers le squelette gisant là, dans ce minuscule fossé au bas de la butte dont les couleurs vives s’étaient effacées au profit de la glaise.

Au fond du puits, le clapotis des petites cascades qui rejoignaient la nappe résonnait pour qui tendait l’oreille. Car la quantité d’eau qui frappait le sol émettait un grondement sourd et continu, atténuant les pleurs d’une âme en peine juchée sur le petit muret de pierre trempé. Une âme qui attendait. Qui attendait…
Et pourtant, les saisons n’avaient pas d’emprises sur elle. Alors c’étaient elles qui retranscrivaient ce dont le monde ne pouvait avoir conscience, ce qui se disait sur l’autre plan de la vérité.

Les bourrasques couchaient les derniers épis encore fièrement debout. Plus pour longtemps car tout finit par mourir un jour. Elles dessinaient dans les champs à perte de vue des arabesques éphémères lorsque les herbes se couchaient. Représentations parfaites des multiples idées noires qui s’enchevêtraient sans logique dans l’esprit de l’Ombre en devenir.

Un craquement sonore fut émis dans son dos, suivi d’un éclat lumineux instantané. Un arbre prit feu sous le déluge. Ses yeux noyés de larmes se tournèrent vers le ciel, une fois encore. Du moins, le crût-il. Dans un murmure, il le questionna. Etait-ce un signe du Maître ? Ce feu ravageur qui consommait la vie malgré son rival liquide qui ne parvenait à l’amoindrir ? Dans toute sa splendeur, rayonnant juste devant l’Ombre, l’arbre de feu symbolisait la rébellion face à l’injustice. En flamme, il ne pliait pas et continuait de se dresser fièrement face au vent et à la pluie.

Une injustice que l’Ombre avait tenté de résorber, de réparer par ses propres moyens. Elle s’était soumise au moindre caprice de celui qu’il nommait son Maître aujourd’hui. Elle s’était affligée pendant longtemps de cette geôle insipide et imperceptible. Elle avait mué en un être, une essence, que jamais elle n’avait pu imaginer auparavant. Et maintenant, elle observait l’arbre mourir à son tour. La rébellion ne dure jamais. La vie ne dure jamais, quelle que soit la combativité qui avait été mise en avant, quelle que soit la beauté du geste ou de la situation. Le temps consumait tout, jusqu’à l’espoir. Et peut-être que, comme ce chêne, il était temps d’abandonner pour de bon.

Ses larmes s’étaient taries. Si elles furent un jour. Son esprit ne sanglotait plus. Comme la nostalgie, le passé ne reviendrait probablement pas, et son énergie lui manquait pour encore lutter une décennie de plus. Khayn s’ouvrit alors à l’idée qu’il s’était jusqu’à présent refuser de voir comme une alternative. Il accueillit à bras ouvert la fatalité et le désespoir, alors que le paysage semblait le féliciter de cette décision. La pluie finit par se tarir également et quelques points brillant furent même leur apparition dans le ciel. Les habitants sortirent de chez eux pour estimer les dégâts et les enfants se jetèrent dans la boue, à contrecœur de leurs géniteurs.

Ils ne virent pas l’Ombre qui était restée plantée là durant toute la tempête. Un déluge qui avait nettoyé à grandes eaux ses derniers doutes.
Peut-être bien qu’il était temps…

Car après la Tristesse vint la Résignation.


768
Post V
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Dim 05 Aoû 2018, 11:20



D’aucun dirait que la résignation était le suicide d’une fierté laissée à l’abandon, mais il pouvait s’agir d’une œuvre absurde pour une autre forme de résistance.

Khayn avait fini par baisser les bras. Cette époque où la souffrance se soldait par un résultat, bon ou mauvais, où les efforts finissaient toujours par payer, avait pris fin. Il avait compris qu’il était absurde de continuer cette lutte permanente contre ce qu’il ignorait. Ce n’était rien de plus qu’une situation à laquelle il allait devoir se plier.

Comme le brouillard du matin qui stagnait au-dessus des Terres de Lumnaar'Yuvon et qui l’empêchait de voir à quelques pas à peine, il ne pouvait distinguer à quoi ressemblerait l’éternité qui se profilait devant lui. Un avenir qu’il confia à la bonne volonté de son Maître. Chaque seconde était une aiguille qui s’enfonçait plus profondément dans son être, mais il la laissait s’enfouir plus loin encore.

Gestes qu’il n’avait encore jamais réalisés, il s’approcha de ses ossements pour les observer de plus près, pour scruter les grains poreux de la matière organique. Il y aperçut les ravages du temps et les coups de bec. Il pouvait se souvenir de cette chair qui les enveloppait, de cet esprit qui s’y abritait. Une force, une ambition, des rêves. Tout cela dans un corps complexe, dans cette cage physique. Un ensemble d’organes s’animant pour et au gré de sa conscience. Qu’est-ce qui était alors le plus grand… Le corps ou la volonté ? La complexité de l’un ou l’adaptabilité de l’autre ? Et si les deux ensembles, unis, ne formait qu’une machine de guerre qui allait au-delà de toute espérance. Une union si quotidienne que sa magnificence se voilait au regard de ces vivants…

Khayn avait vu des êtres sans jambe, ou sans bras, parfois sans capacité de voir, de parler ou d’entendre. Il les jugeait faibles, inadaptés à leur environnement, soumis. Et pourtant maintenant… Maintenant que lui-même ne possédait plus ce matérialisme, il comprenait. Il savait aujourd’hui à quel point l’esprit est une arme redoutable. Alimentant la volonté au-delà de toute vraisemblance, puisant dans des forces au-delà du corps lui-même. Avaient-ils abandonné ? Ils auraient pu. L’avaient-ils fait ? Non, en dépit des moqueries et des rabattages. Leur corps dysfonctionnait, mais ils continuaient d’avancer. Alors peut-être qu’ils s’étaient résignés eux aussi, et que la détermination était payante à terme.

Mais en comparaison, eux savaient qu’ils n’auraient pas à lutter infiniment. Contrairement à l’Ombre qui en retira tout de même une forme de leçon personnelle.

Il pensait qu’il serait plus simple de s’abandonner à la volonté de cet Inconnu. Mais cette étape du deuil fut celle qui instilla dans ses gênes un poison. Un venin qui s’était développé tout ce temps et que les vannes enfin ouvertes lui permirent de tout investir, jusque dans ses pensées les plus profondes. Sauvage mélange des troubles, de la démotivation, du déchainement et du désespoir.
La dépression.
Cette dépression qui ne le quitterait plus et qui lui rappellerait à chaque instant l’origine de sa condition et la toute dernière sensation physique que son corps subit.
Une lame froide sur une plaie ardente. Un arbre de feu sous une pluie glaçante.

Ce n’était pas seulement de la mélancolie qui saturait son esprit maintenant rôdé à la dépendance du temps. Ni l’ennui et ses innombrables conséquences sur la perception de celui-ci qui passe. A la vérité, un nouveau sentiment émana de cette situation. Il pouvait imaginer son reflet, ce nuage grouillant intangible qui abritait une âme prisonnière. A la vérité… il se détestait. Il détestait ce qu’il était devenu et aurait préféré que tout se termine. Mais le destin lui avait offert le purgatoire dont il avait peut-être besoin. Un purgatoire éternel.

Le rejet de soi et l’abandon de l’espoir laissaient place à la fatalité. Il n’y avait plus rien à faire, plus rien à espérer, seulement continuer d’avancer. Khayn avait tout essayé, mis en œuvre toute sa volonté et ses maigres moyens. Mais il se rendait maintenant à l’évidence. L’Ombre n’avait aucune visibilité sur l’avenir, n’agissant qu’au gré des circonstances dans un environnement clos où le regard pouvait se porter sur un horizon chimérique. Alors après tout… celui qui fut Démon eut une bonne vie qu’il ne regrettait pas, sanglante, terrifiante… vivante. La dépression persisterait, mais les remords avaient disparu au profit des regrets, puis du consentement.

Car après la Résignation vint l’Acceptation.


730
Post VI
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Dim 05 Aoû 2018, 22:54



Il n’est qu’une décision déchirante que de devoir se satisfaire d’un mal irrévocable, mais une force de l’âme que de pouvoir y faire face dans toute la fierté de son être.

La dépression pesait de tout son poids sur sa conscience, comme en équilibre sur un fil tendu entre l’espoir et le devoir. Mais Khayn faisait avec, et il trouvait dans cette situation un peu de réconfort. Celle d’accepter ce qui est. Car ce quoi doit être sera, et il savait n’être qu’un pion dans ce monde, plan à part ou non. Il n’était plus question d’établir un dessein. L’Ombre se contenterait d’observer la noirceur de ces terres foulées par les Hommes, le soleil et les astres poursuivre leur course dans le firmament et les générations qui se succèderaient jusqu’à ce que disparaisse leur création au profit d’autres influences encore inconnues.

C’est ainsi que se révélait la force d’une personnalité, n’est-ce pas ? Se laissait-elle nécroser par les remords, les regrets ou les souvenirs pour perdre pieds et ne jamais se relever ? Ou la volonté de reprendre le dessus, reprendre sa vie en main à partir de cette nouvelle base devenait-elle un nouvel objectif pour poursuivre sur le chemin des vivants ?
C’est ainsi qu’allait le monde. Détruire pour reconstruire. La dure réalité de la Mort et de la Vie. Non pas un duel entre deux aspects contradictoires, mais une complémentarité qui parjurait les immortels et inspirait les défunts.

Khayn se souvenait du temps avant l’acte fatal. Il se rappelait du chemin parcouru pour s’imposer comme un Démon digne de son rang. Il se remémorait les esclaves et les Pactes accordés alors. Il s’était dissimulé ces moments qui avaient faits de lui ce qu’il était devenu pour s’épargner la nostalgie. La faiblesse. Mais maintenant, sa vision complète du monde s’était retrouvée bouleversée. Ce qui semblait avoir de l’importance n’en avait nullement et il n’avait pas pris le temps de s’intéresser à ce qui en avait. Cependant, tout cela était futile aujourd’hui, et il le savait pertinemment.

Les saisons étaient toutes les mêmes, et une nouvelle génération vit à nouveau le jour dans le village. Que de boucles qui se répétaient. Les anciens qui laissaient place aux nouveaux nés, les erreurs de débutants qui faisaient fi de la sagesse des aïeux, le bois coupé dehors pour préparer les températures basses, le fauchage des champs, les rires qui accompagnaient les pleurs, les enfants qui ne revinrent jamais, les adultes qui les abandonnaient trop tôt, ces sourires complices avec ces gestes discrets, ces regards noirs avec ces pensées malsaines, le ciel chargé de coton tantôt blanc, tantôt noir… Autant de choses qu’il connaissait par cœur, et qu’il continuerait de voir dans sa plus grande simplicité. De son vivant, tout était compliqué à partir du moment où il fallait comprendre. Evidemment, sa nature abrégeait bien des réflexions… En vérité, il n’en était rien. Il n’y avait pas une infinie de conséquences ou de décisions à prendre. Elles étaient à la fois toutes identiques, et à la fois uniques pour chaque individu.

Khayn se souvenait aussi de la soumission lors d’une jeunesse effroyable alors qu’il parcourait l’Enfer. Il se rappelait de la notion même de traitrise envers les siens, envers lui-même, pour satisfaire son vice, son Orgueil. De la vaine gloire, il se remémorait la frustration de n’avoir pu obtenir la considération qu’il avait tant recherchée. Car il était inutile de répandre sa soif d’ambition si personne n’était présent pour la magnifier. Mais là encore il s’agissait d’une chose bien futile qui n’avait pour but que de répondre à sa nature démoniaque.

Était-ce là cette impression de changement ? Ce qui l’attirait avant était devenu fade et sans intérêt. Une nouvelle ouverture sur le monde ? Lui qui avait tant donné pour l’excès. Peut-être que Khayn se rendait compte maintenant à quel point le temps l’avait transformé, cette piètre condition qui avait eu un pouvoir si grand à son encontre. Oui, il en prenait pleinement conscience. Un pion, voilà ce qu’il était. Et sa vie d’avant n’avait aucune importance. Son avenir n’en avait pas plus. Car il était là où l’on avait décidé de le placer. Et s’il devait être mis ailleurs un jour, et bien le destin se déciderait pour lui, au même titre que celui qui attend chacun de ces êtres vivants inconscients que le hasard n’était en rien une fatalité. Contrairement à la chaine d’actes et de conséquences qui en découlaient. Un nouveau schéma s’offrait à lui, celui de l’Existence et de son ironie. L’illusion de la vie était pourtant réelle, et la réalité une simple machination. Et cela lui convenait, maintenant.

Car après l’Acceptation vint enfin... la Délivrance.


778
Post VII
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Lun 06 Aoû 2018, 20:03



Comme une fenêtre qui s’ouvre sur un autre monde, les souvenirs sont la clé qui la déverrouille pour se rendre compte que l’extérieur est bien le même que lorsqu’il y regardait à travers. Ce qui semblait être factice devient alors palpable, et tout ce qui était rêvé n’était en fait que sous son nez.

Après toutes ces années, Khayn ne regardait plus par le trou de la serrure, ni par l’embrasure. Il avait ouvert la porte en grand pour se confronter à ce qu’il avait tant redouté par le passé, et ce qu’il serait à-même de dompter à l’avenir. Sa condition ne serait jamais un lointain souvenir ; elle serait ainsi à jamais. Alors il en avait assez de lutter contre l’inévitable. Pour lui, c’était une certitude, il s’était détestait. Et bien maintenant, il s’était accepté. Il avait d’abord toléré sa nouvelle constitution, cette absence de substance.

Et puis il avait admis sa nouvelle nature, rejetant l’ancienne dans ses archives personnelles. Il y avait toujours cette mémoire qui lui permettrait de ne pas oublier, cet acte qui l’en empêcherait, mais voilà ce qu’il était aujourd’hui… Le résultat entre ce qu’il fut, entre ce qu’il fit, entre ce qu’il devint et celui qu’il serait. Pion ou non, cela faisait partie intégrante de ce qu’il était. Libre arbitre ou prisonnier, il en était de même. Tout ce qu’il subissait aujourd’hui construirait celui qu’il serait demain.

Khayn ne sentait plus les contraintes des vivants. Il était autre chose, un concept peut-être. Une allégorie mais certainement plus un être de chair et de sang voué à devoir se sustenter, à s’obliger de rester sur ses gardes, à s’animer par la seule ambition n’existant que par la vision d’autrui. Il se posait une question purement factuelle… S’il n’était plus soumis au poids des contraintes mortelles… Cela le rendait-il plus proche des Dieux ? Mais cette sensation de remords, de dépression, persistante, inscrite dans son âme, remettait la réponse en doute. C’était là des contraintes autrement plus psychologiques.

Et Khayn trouva là sa nouvelle lutte. Il ne se mentirait pas à lui-même. Et si ces idées noires étaient son fardeau, alors il le porterait jusqu’à réussir un jour à s’en débarrasser définitivement. Par une quelconque illusion ou un sempiternel mensonge. Non. Il deviendrait simplement plus fort que ces souvenirs, plus fort que ce poison instillé dans son esprit. Il ne savait combien de temps il devrait le supporter. Eternellement ? Peu importait, c’était enfin un objectif qu’il pouvait se donner. Plutôt qu’observer une fois encore le soleil apparaitre pour se cacher à nouveau.

L’Ombre était maintenant consciente qu’elle n’était plus seulement un amas de brouillard grouillant et morbide. Elle était consciente d’être ici, à un endroit précis en train d’avoir des pensées précises. Il l’avait assez observé : le hasard n’est rien d’autre qu’une coïncidence issue d’actes et de conséquences. Alors s’il était là, ça n’était pas par hasard. Il ne pouvait se considérer comme mort, non. Etait-il possible qu’il considère cette situation comme… une prolongation de la vie ? Et si oui, tout le monde subissait-il ce sort ? Et si oui, y avait-il aussi des êtres qu’il ne voyait pas autour de lui ? Et si oui, avaient-ils tous un but ? Combien ? Depuis quand ? Pourquoi ? Qui ? Où ? Partout ?

Autant de questions qui restaient sans réponse, mais qui avait l’avantage de le reconstruire peu à peu. Autant d’étapes qui l’avaient amené à sonder la profondeur de son âme pour y découvrir des aspects qui seraient restés enfouis dans une vie bien différente. S’en satisfaisait-il ? Ce n’était pas la question. Ce n’était plus la question. Ce qu’il s’était passé avant, ce qu’il fut avant, était loin derrière lui. Maintenant, c’était le présent qu’il lui fallait embrasser.

Mais sa curiosité grandissait envers quelque chose de plus grand, peut-être. Le Démon s’était soumis à ses croyances pour satisfaire le maître des Enfers et s’attirer ses grâces. Si ceci était un monde à part, qui en était le géniteur ? Le créateur ? A qui devait-il obéir ? … Cette voix ? Sa vulnérabilité passée faisait place à un nouvel élan non pas d’espoir, car le désespoir restait gravé, mais d’une nouvelle énergie, quelque chose de plus intense, plus important. Le deuil touchait à sa fin, d’innombrables questions se posaient à lui, l’orientant vers un lendemain plausible. Une illusion que de croire l’esprit plus libre d’imaginer une raison à son existence ? Peut-être servir une cause occulte. Peut-être. Et cela le guiderait jusqu’à trouver comment envisager demain.

Car vint enfin la Rédemption !


762
Post VIII
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

[IX] A la frontière du deuil | Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» Entraînement Rageux d'une Fille en Deuil [Anwen W.]
» [A.] La Nouvelle Frontière
» [EVENT solo Partie IV - solo] Rétablir un semblant de vie
» [Q] - Ẹṣọ Kọọ | Solo
» [Q] La fin | Solo
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Les Terres de Sympan :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Ouest :: Terres de Lumnaar’Yuvon-