« Oui, je suis bel et bien soldat, mais je ne travaille pas « officiellement » pour l’Armée, lui confiais-je en lui adressant un nouveau sourire. En vérité, je suis ce que l’on appelle un milicien, mais notre division n’étant pas l’une des plus appréciées auprès de nos compères militaires, nous nous sommes toujours faits bien discrets. »

C’était à un autre temps, à une autre époque, alors que toutes manifestations d’idéologie radicale menaçaient ses porte-parole d’ostracisme en raison d’une conception schismatique d’une idée, d’une manière de pensée, contraire au dogme racial. Cependant, ce nouveau siècle ouvrait de nouvelles portes pour la Compagnie de Yüerell et la milice, petit à petit, prenait racine au cœur du peuple angélique malgré, encore, quelques réticences et discordes au sein même de l’organisation militaire. Cette guerre interne se finirait-elle un jour? Seul le futur pouvait nous le prédire, mais dans n’importe quel clan, gouvernement, groupe ou bien régiment, une idée seule ne pouvait subsister sans l’éveil de son homologue opposé : il suffisait d’analyser les arguments des deux camps et espérer satisfaire la majorité des hommes et femmes de l’assemblée. Ou bien, tout simplement, écraser et soulever une seule et uniquement pensée… Cela étant dit, il s’agissait bel et bien d’une autre guerre que celle que nous nous joutions avec, en face, les énergumènes de l’Enfer : une guerre que nous nous devions de mener, mais qui n’était pas le sujet du propos qui embrouillait ainsi l’esprit de ma compagnie. Quoi que, à présent, ses yeux ne paraissaient plus aussi vitreux, voilés, qu’ils l’avaient été la première fois que j’avais posé le regard sur ces derniers. Un rayon de lumière semblait s’être allumé au fond de ses iris sinoples et ne demandait qu’à percer ce rideau de ténèbres qui lui couvrait la vue. À cette pensée, je ne pus m’empêcher de la dévisager, plus que nécessaire, relevant néanmoins un sourcil en signe de curiosité.

« Et vous? Ais-je eu raison de croire que vous êtes soldat? »

Je n’en doutais pas – loin de moi – mais, il fallait avouer, que son état physique actuel ne laissait en rien croire en une telle possibilité. La peau pâle, le pas lourd, les cheveux pêle-mêle, elle ne semblait pas être au mieux de sa forme et pourtant, elle rayonnait d’un nouvel éclat qui me plut de contempler quelques secondes encore, alors qu’une vague réponse de la part de l’Immaculée s’extirpait de ses lèvres. Peut-être n’était-elle pas certaine encore de son chemin, peut-être trébucherait-elle encore sur celui-ci, peut-être que l’appel du gouffre tourmenterait encore son esprit, mais, désormais, je pouvais croire qu’elle aurait suffisamment de force et de courage pour en faire abstraction et poursuivre sa voie. La sienne? Celle que lui a tracé Oni? Un tiers parti, au détriment du Destin lui-même? Encore une fois, seuls les Ætheri pouvaient voir où lui mènerait la fin de son périple et nous ne pouvions que la regarder avancer; c’était toujours mieux que de la regarder se jeter dans le vide. N’est-ce pas, Mérédith? Susurrais-je en pensée en voyant l’Ange se précipiter vers nous pour étreindre sa protégée. Les deux femmes semblaient intimes, extrêmement proches l’une de l’autre, et en les voyant de la sorte, je pus comprendre pourquoi la brune s’inquiétait autant pour son amie : au pied du gouffre, elle était tout simplement incapable de ramener Brethil à ses côtés. Elle avait beau lui parler, lui crier, la tirer de toutes ses forces pour qu’elle échappe à l’attraction de cet abîme, c’était comme si, petit à petit, elle se regardait perdre sa meilleure amie. Mérédith avait dû se sentir impuissante, incapable et extrêmement blessée que l’Immaculée ne veuille rester auprès d’elle malgré tout l’attachement qui les unissait. J’espérais qu’à présent, Brethil se laisserait entraîner dans le sillage de son amie et qu’elle accepte la main de cette dernière comme elle venait d’accepter l’étreinte qu’elles venaient de se partager.

« Vous devriez lui préparer un bon repas, histoire qu’elle reprenne ses forces, avisais-je en m’approchant de la brunette tandis que, épuisée, Brethil se plaçait sur le petit escalier de l’entrée.

- Ne vous en faîtes pas! Je veillerais sur elle pour qu’elle reprenne du poil de la bête, assura l’Ange en couvant l’Immaculée d’un doux regard, presque maternel. Comment avez-vous fait pour… »

L’Ange se tut, tournant, cela dit, ses yeux perçants dans ma direction. Comme toute réponse, je lui adressais un léger sourire, rempli d’une empathie et d’une compassion renforcées pour revêtir mon propre rôle :

« Il fallait simplement qu'elle se voit comme elle est vraiment. Briser ses masques, ses barrières, au risque de la briser, elle, si elle n’avait pas la force nécessaire pour se confronter à son véritable visage… »

Mérédith m’examinait du regard alors qu’elle cherchait forcément à donner du sens à mes paroles, et je reçu le poids de son regard sans broncher, continuant de placarder mon air avenant. Puis, elle finit par sourire également, baissant légèrement son buste vers l’avant en signe de remerciement.

« Oui, vous avez sans doute raison. Peut-être ne me suis-je jamais montrée assez ferme. Ou c’est peut-être moi qui n’a jamais voulu me confronter à son véritable visage… »

Sans mot dire, je déposais ma main sur son épaule, la gratifiant d’un sourire.

« Ne culpabilisez pas en vous mettant de telles idées dans la tête, Mérédith. Vous savez que, sans vous, elle aurait certainement déjà franchi le pas depuis longtemps? Elle ne le montre peut-être plus aussi explicitement qu’auparavant et, peut-être, que vous vous sentez inutile, mais au contraire, je crois que votre présence l’a permis de tenir aussi longtemps, malgré les démons qui la hantent. »

Doucement, je tapotais son épaule avant de reculer de quelques pas.

« Brethil a besoin de vous plus que jamais. Alors, prenez soin d’elle. Elle compte sur vous pour l’aider à remonter la pente. »

À présent tout sourire, Mérédith hocha vigoureusement de la tête avant de me prendre la main et de la secouer, extrêmement reconnaissante.

« Encore merci pour tout! Merci! »

Je lui fis un signe de la tête avant de saluer l’Immaculée qui était restée assise sur les escaliers. Puis, m’étirant, ce fut le temps pour moi de partir. Et alors que je m’éloignais de la maisonnée, Mérédith engagea aussitôt la converstion auprès de Brethil.

« Alors, comment ça a été l’entraînement?

- Épuisant, pour tout t’avouer. Et… Je meurs de faim.

- Tu as de la chance! J’ai gardé quelques restes de ce matin et je compte nous préparer une délicieuse fondue avec la dernière livraison de fromage de Weltpüffs. »

L’Immaculée aux longs cheveux blonds esquissa un maigre sourire devant l’enthousiasme de son amie, mais après un instant, Mérédith s’arrêta soudainement et se mit à la contempler longuement.

« J’ai quelque chose sur le visage?

- Non, non, pas du tout, rigola la brune d’un air sincère. Je suis simplement heureuse de revoir ton sourire… Je suis contente que tu aies pu rencontrer Isley. Il est formidable, n’est-ce pas? »

Un long silence suivit ses dires, alors que le regard de la blonde se fronça légèrement.

« Isley…? Finit-elle par murmurer. Qui est Isley? »


☯ 1 188 mots | 8 post | FIN (J'ai eu la permission de Scott pour jouer Brethil =) )