L'annonce de la Coupe des Nations
Ludwine

☙ John Williams - A Window to the Past

Sur les Terres du Lac Bleu

Nichée dans son fauteuil préféré, Ludwine s'était plongée avec impatience dans le volume treize des aventures de Lize Lirondel. Cette fois-ci, la Lyrienne devait libérer sa sœur d'un groupe de Démons cannibales. Quand elle tournait les pages de ses livres, c'était comme si le volume du monde se réduisait à un murmure, trop lointain pour l'atteindre. Tælora coulait lentement, mais sûrement, et le château accueillait entre ses murs une poignée d'amis de Roseline. Certains n'avaient jamais quitté Seaghdha, et devaient réorganiser leur vie pour former un foyer ailleurs. Nombreux étaient ceux à rejoindre le Fjörd. Ludwine avait entendu parler de cette contrée, avant même de rencontrer Roseline. Elle rêvait de s'y rendre pour y randonner durant plusieurs jours. Ils avaient eu ce projet avec Parsifal, et avaient même contacté un guide du peuple des Vampires pour ne pas risquer de se faire sucer le sang. Aujourd'hui, elle pouvait s'y rendre sans crainte, et sans Parsifal. Son intérêt pour le Fjörd s'était éteint, étouffé par l'absence de son frère. Roseline lui en avait parlé, en particulier des manoirs occupés par les diverses Lignées, mais Ludwine préférait rester au château pour le moment.

« Ludwine ? » Elle sursauta, n'ayant pas entendu la porte s'ouvrir et se refermer. « Papa ? » Il se tenait à quelques mètres d'elle, et à l'exception de sa barbe qui aurait mérité d'être taillée, il paraissait aussi normal qu'auparavant. Il lui sourit, et ses yeux pétillèrent. « J'ai eu une idée ! » lança-t-il en s'approchant. « Tu vas bien ? Maman sait que tu es là ? » « Mais pourquoi je n'irais pas bien ? Toi en revanche, tu as une mine affreuse. Quand est-ce que tu as dormi pour la dernière fois ? » Stupéfaite, elle ne sut trouver les mots et le dévisagea, croyant un fol instant avoir imaginé ces dernières semaines à se rendre à son chevet pour le voir tenir des propos incohérents. « Prends soin de toi. Est-ce que c'est à cause de la soif ? Roseline avait prévenu que ce serait difficile au début. » « Je... Il y a eu beaucoup à faire dernièrement. » bégaya-t-elle. « À qui le dis-tu ! Ta mère m'a parlé de la nouvelle qui se répand comme une traînée de poudre dans le monde. » Ludwine leva les sourcils. « La Coupe des Nations ! » « Oh... Oh ! Oui, maman m'en a parlé. Elle se situera chez les Lyrienns, d'après les interprétations des oracles. C'est amusant parce que le personnage de mon livre est justement une Lyr- » « Oui oui très bien. » la coupa-t-il, balayant l'air de sa main pour écarter le sujet des lectures de sa fille, qui avaient une fâcheuse tendance à pouvoir entraîner son interlocuteur dans un monologue de plusieurs heures. Ludwine se renfrogna, déçue. « Il faut absolument qu'on en profite ! J'ai jeté quelques idées sur un bout de papier, qu'en penses-tu ? » La jeune femme prit la feuille et parcouru la liste rapidement. « Je ne crois pas que des bouteilles en forme de hibou soit une bonne idée. » songea-t-elle à voix haute. « Par contre, faire une édition limitée spéciale Coupe des Nations, ce serait plus faisable, et ça attirerait les clients. Qu'est-ce que tu entends par "une édition par élément" ? » « J'ai cru que tu ne me poserais jamais la question ! Comme tu le sais, les Lyrienns ont plusieurs éléments, nous pourrions créer des vins dont la saveur rappelle chaque élément. Des arômes épicés pour le feu, un goût fruité ou floral pour la nature, un vin blanc léger, presque translucide pour l'eau. Pour nos crus habituels, nous les mettrons aux couleurs de chaque race, et nous les ferons autographier par les gagnants. Tout le monde va se les arracher, c'est brillant, brillant ! » Essoufflé, les joues rouges, il se frottait les mains. « Oh... Oh ! J'aime beaucoup ! Tu en as parlé avec maman ? » « Oui ! Elle est justement en train de parler avec nos créateurs pour les lancer sur ce projet ! J'ai quelques contacts chez les Lyrienns, pour leur en parler. Naturellement, nous allons en profiter pour sponsoriser l'évènement. Ces choses-là coûtent si cher, et nous n'allons pas passer à côté d'un peu de publicité. C'est une occasion en or. » Ludwine sourit. « Respire, papa. Tu ne veux pas t'asseoir ? Et t'habiller au lieu de te promener en tenue de nuit ? Nous avons des invités en ce moment, tout de même. » « Non ! Non non, j'ai beaucoup à faire ! Je vais dire à mon assistant d'organiser un voyage d'affaire à Aeden. » « Papa, ce n'est pas raisonnable dans ton état ! » protesta Ludwine. « Foutaises ! Je suis parfaitement capable de faire ce voyage, c'est primordial. » « Mais, dans ton état... » Mais Macarius était déjà parti, secouant les mains au dessus de sa tête en marmonnant.

822 mots

L'annonce de la Coupe des Nations

Il était tard ; le soleil coulait déjà à l'horizon quand Kat eut l'opportunité de se poser dans sa chambre pour écrire une réponse à sa grand-mère, qui lui envoyait une lettre à chaque lune. Après les cours, Kat s'était perdu dans la forêt, à étudier le biome de la région. Puis, au coucher du soleil, il était allé arroser les plantes avec d'autres membres du club du jardinage. Le Lyrienn avait ensuite englouti un dîner généreux. Il ne lui restait plus qu'à se doucher et dormir. Mais se doucher était bien une chose qu'il détestait plus qu'écrire. Désormais, il n'avait plus d'excuses : il devait s'y mettre. Ce dernier fouilla dans son tiroir avec ses doigts terreux, puis en extirpa son matériel d'écriture.

Mamé,

J’ai bien reçu touuuuut le sirop d’érable que tu m’as envoyé ! J’ai donné toutes les bouteilles ! J’ai même donné la dernière à Amandine, mais elle a été trop gentille et elle m’a donnée une grosse cuillère ! C’était trop bon ! Notre année va être meilleure que la dernière, non ? Est-ce que vous allez encore en vendre à Boraür ? Est-ce que je pourrai vous aider même si je suis à l’école ? J’espère parce que vous me manquez ! Ah oui et je t’ai pas expliquée qu’Amandine est ma super amie du jardinage ! Elle m’a appris à tailler les roses. On en a pas à Tobieth. Mais c’est trop beau ! Les pétales ont quelque chose d’unique. Amandine, c’est une Ange. La première que je rencontre ! C’est trop bien, non ?

De toute façon, vous allez tous pouvoir la rencontrer. J’ai hâte de lui montrer l’Erable de Vie, et pis les renards, et pis ma cabane dans la forêt. Elle va venir avec toute sa famille pour la Coupe des Nations ! Quand on a eu l’annonce dans la gazette de Basphel, elle est venue frapper à ma porte en pleine grasse mat’. Au début j’ai même pas compris. Tu sais comme je suis tête en l’air le matin ! Mais après elle m’a demandée si elle pouvait venir vous voir, et pis qui étaient les héros des Lyrienns, et tout ça. Elle est trop à fond ! Et puis moi aussi, du coup, j’ai commencé à suivre tout ça. Hier matin, on discutait et j’ai trouvé un trèfle à quatre feuilles. Je l’ai collé à la lettre. Est-ce que tu pourrais le poser au pied de l’Erable ? C’est pour prier Natyrië de choisir quelqu’un de notre peuple pour nous représenter à la Coupe. Imagine toute l’attention qu’on pourrait avoir ! P’têtre enfin plus que les Ygdraë ! Toi tu la gagnerais trop facilement, je suis sûr.

Ya plein de choses qui sont organisées à l’école pour la Coupe des Nations. A l’AAAP, ils veulent créer des fanclubs pour les participants. Et il y a des paris sur des dernières années de l’école. On a un Réprouvé que tout le monde veut voir aux épreuves. Il a plein de muscles et une coupe de cheveux trop virile. Moi, je dis rien parce que je veux que les Lyrienns gagnent tout ! En plus, j’ai vu deux Déchus se battre la dernière fois parce qu’ils étaient pas d’accord sur leurs paris. Quelle horreur ! Ça m’a fait trop peur. Il y a beaucoup de bagarres ici. Et de gens qui se disputent ! Mais t’inquiète pas, mamé. Moi, j’ai rien eu ! Et pis les gens du Charbon sont là pour me protéger, ils me l’ont dit ! Et pis j’ai Amandine aussi. Elle fait deux têtes de plus que moi ! Elle est toute fine mais c’est une Grande, une dernière année. Donc j’uis sûr qu’elle ferait peur aux méchants de mon âge !

D’ailleurs, les trois enveloppes, c’est pour mes amoureuses. Est-ce que tu pourras leur donner siouplait ? Elles me manquent trop ! J’ai trop trop hâte de revenir. J’ai utilisé tous tes mouchoirs magiques d’ailleurs. Tu pourrais m’en renvoyer ? En tous cas, j’apprends tout plein de trucs sur le monde et les races de partout. Tu voulais que j’apprenne sérieusement et j’ai un gros carnet bien rempli sur eux ! Et c’est même pas en cours que je note le plus. Je le porte toujours sur moi et je note plein de trucs sur les gens que je vois ! Surtout à l’AAAP, c’est trop intéressant. Y’a des gens qui veulent pas être amoureux d’autres gens juste à cause de leur race. C’est bizarre, non ? L’amour est universel, enfin, je croyais. C’est ce que vous nous dites. Moi, je suis déjà tombé amoureux, et c’est même pas un Lyrienn. Mais c’est mes petits secrets à moi hihi !

Merci encore pour le sirop d’érable. Et je prends soin de la graine que tu m’as donnée ! Même si je vois rien encore. Bisous tout le monde ! À dans une lune ! Je t’aime, mamé !

Enfin, Kat s'avachit dans sa chaise et poussa un long soupir. Il plia la lettre, la fourra maladroitement dans l'enveloppe en marquant des plis, puis il la posa avec les autres lettres dans sa boîte à communication. Aussitôt qu'elles y fut posées, les trois lettres disparurent, pour réapparaître ensuite dans son foyer de Tobieth. Kat aurait tant souhaité rapetisser pour entrer dans cette boîte et se téléporter comme il voulait ! Mais la vie en avait décidé autrement pour le petit garçon basphélien.

901 mots

L'annonce de la Coupe des Nations
Astriid

☙ Franz Schubert - Piano Quintet in A major, D667 The Trout: III. Scherzo (Presto)

À quatre pattes, Astriid avait étalé une large bande de tissu au sol. En arc de cercle sur un côté, plusieurs coupelles de peinture avaient été disposées. Sans qu'elle ait commencé, l'Ygdraë avait déjà réussi l'exploit de se retrouver avec du turquoise sur la joue et du mauve sur quelques mèches de cheveux échappées de son chignon.

« Qu'est-ce que tu fais ? » Ataé avait surgi sans prévenir et Astriid ne broncha pas, habituée aux allées et venues mystérieuses de l'entité. Elle adorait savoir ce que la rousse fabriquait pour pouvoir ensuite y aller de son commentaire. Astriid songeait parfois qu'Ataé avait beaucoup en commun avec les Magiciens qu'elle côtoyait quotidiennement, et la soupçonnait d'être originaire de ce peuple, si tant est qu'on pouvait partir du principe qu'elle ait un jour été normale. L'Elfe songeait également qu'Ataé n'était peut-être qu'une manifestation de son esprit pour avoir quelqu'un à qui parler quand elle se retrouvait seule. Pensivement, elle délogea la pipe d'entre ses dents pour la considérer avec suspicion. Et si les herbes consommées étaient à l'origine de la présence de la bleue ? Elle n'ignorait pas qu'il existait des effets secondaires à fumer aussi souvent, mais c'était un moindre mal à côté de tout le reste. La moindre pensée accordée à Kitoe lui nouait l'estomac d'une façon que seules les herbes savaient détendre.

« Je prépare une banderole pour la Coupe des Nations ! » « Mmh. » « Tu sais ce que c'est, bien sûr ? » Ataé eut un sourire narquois qu'Astriid ne sut décrypter. De par sa proximité avec Isemli, l'Archontesse était parfaitement au fait de ces Coupes des Nations dont l'Æther était à l'origine. Mais cela, sa protégée n'avait pas à le savoir. « Tu savais que j'y avais participé ? C'était il y a longtemps maintenant. C'était en territoire Ondin, à Port Dirælla. » Ataé le savait mais la laissa poursuivre. « Je n'en ai pas un très bon souvenir. Nous étions dans une abysse et nous devions revenir à la surface. C'est terrifiant là-dessous. J'ai été blessée par une des créatures marines. » « Mais tu as gagné. » intervint l'entité. « Comment est-ce que tu le sais ? » Ataé haussa les épaules. « Mais cette fois, c'est chez les Lyrienns ! J'aurais bien voulu poser des vacances et y aller en tant que spectatrice, je ne suis jamais allée à Aeden, mais je ne peux pas me le permettre avec la boutique. » L'Archontesse s'allongea nonchalamment sur la tranche face à l'Elfe. « Alors vas-y pour la boutique. » Astriid ouvrit la bouche, la referma, rougit un peu. « Je n'y avais pas pensé. » avoua-t-elle en riant. « Tss. » « Mais la boutique est encore jeune, je ne sais pas si... » « Fais une demande de partenariat. » marmonna Ataé sur le même ton qu'elle prenait quand elle lui disait de faire un effort.

« Mmh. C'est vrai que je devais faire un tour dans les diverses enseignes journalières pour me payer un carré dans leurs tribunes publicitaires, je pourrais en profiter ? » « Ouais. » bailla-t-elle. « J'avais déjà eu l'idée de fabriquer des chocolats en forme de hibou pour l'occasion, qu'est-ce que tu en penses ? » « C'est d'une originalité décoiffante. » ironisa Ataé. Astriid fronça les sourcils. « Si tu as une meilleure idée, vas-y ! » « Ce n'est pas ma boutique, je t'ai déjà trop aidée. » « Comme si tu allais avoir des pustules si tu m'aidais. » maugréa l'Ygdraë en revenant à son dessin en levant les yeux au ciel. Autour du nom de la boutique, elle avait dessiné quelques hiboux miniatures coloriés de plusieurs couleurs. « Très mignon. » fit Ataé par dessus son épaule après s'être téléportée derrière elle. « Tu trouves ? » sourit Astriid. « Oui, ça fait très enfantin. Adorable. » Astriid perdit son sourire. « Si c'est pour être désagréable, tu peux partir ! » « Pas envie. » ricana Ataé. « Dans ce cas, c'est moi qui part. » « Dans ce cas, je te suivrais. » chantonna-t-elle. « Si ça t'amuses. » souffla l'Ygdraë en attrapant une cape et des pièces de son bocal à économies, dont le niveau baissait à une vitesse inquiétante.

Alors qu'elle revenait après avoir fait le tour des enseignes journalières pour remplir les formulaires pour faire sa demande de partenariat et de publicité, Astriid bavardait avec animation avec Ataé, ayant déjà tout oublié de sa contrariété précédente, et ne se préoccupant pas que les passants se demandent pourquoi elle parlait toute seule dans la rue. « Qui est-ce que tu vas soutenir ? » « Les miens, évidemment, mais aussi les Magiciens. Je suis proche des deux peuples désormais. » « Et s'il y a quelqu'un que tu connais parmi les participants ? » « Tu sais quelque chose que je ne sais pas ? » « Non, je suppose simplement. Il y a ce Dastan dont vous ne faites que parler avec "Choupikar". » « Oh ! Oui, bien sûr que je le soutiendrai aussi ! » « Je vois. Et Kitoe ? » Le visage d'Astriid se referma. « Il fallait que j'aille voir Madeleine, la pauvre s'est cassée la hanche en tombant dans son jardin et j'avais promis de lui livrer à domicile sa commande de chocolats. » « C'est ça, change de sujet. » L'Ygdraë fit comme si elle n'avait pas entendu.

899 mots

L'annonce de la Coupe des Nations
Eutropius & Jezeṃiās

☙ Johnny T, Foreign Figures - Silver Screen

Assis sur son lit, le dos contre le mur, Eutropius avait mis à portée de main une pile de livres, indiquant clairement ses intentions pour les prochaines heures. « Quel ennui d'occuper comme ça ton temps libre. » grommela Jezeṃiās. Le Démon était allongé sur le ventre dans son lit et émergeait tout juste d'une sieste. Ses ronflements et marmonnements avaient accompagné la lecture de son colocataire. Eutropius daigna à peine lever les yeux et tourna tranquillement une page sans répondre. Il gardait une plume dans sa main pour griffonner des annotations dans un carnet ouvert près de lui. Au club de biologie, quelqu'un avait évoqué les divers insectes nécrophages et il avait décidé que ce serait une connaissance utile à avoir. La valse destructrice avait ses limites et il avait de sérieux doutes sur ses capacités magiques pour que cela suffise à détruire un corps au point de le réduire en petit tas de poussière. Non pas que tuer soit dans ses intentions immédiates, mais on ne pouvait pas toujours prévoir et disposer du corps était plus problématique que l'acte de tuer en lui-même. Pour cette raison et quelques autres, Eutropius préférait organiser ses meurtres s'il devait s'en produire d'autres, plutôt que réagir sur un coup de tête comme avec sa mère. Son père n'avait toujours pas abordé ce sujet avec lui, et il doutait qu'il le ferait un jour. A priori, Balzain avait décidé de ne pas ennuyer son fils à ce propos, il n'avait pas de raison de le faire, sauf si Eutropius lui-même devenait un élément gênant. Il imaginait mal voir cela arriver, mais le Sorcier se plaisait à envisager tous les scénarios, à les décortiquer et les développer dans sa tête. Dans certains, il tuait aussi son père, mais les conséquences derrière seraient ennuyeuses. Ce serait une option en dernier recours.

Réalisant qu'il avait lu une page entière de son livre sans y avoir réellement prêté attention, il le referma et ouvrit la gazette de Basphel pour se changer les idées. Les faits divers de l'école présentaient aussi un certain intérêt. De façon générale, il aimait collecter toutes sortes d'informations. Même les plus futiles pouvaient être utiles. En haut de page, un hibou aux ailes largement déployées attira son attention. Au même moment, Jezeṃiās se leva en grognant, s'étira et se gratta l'aisselle. Son geste ralentit et il haussa un sourcil. Il leva un bras et se tortilla pour tenter de reluquer son aisselle. Après quelques efforts pour être plus souple qu'il ne l'était, le Démon quitta son lit pour se diriger vers la salle de bains. Eutropius ne vit rien de tout ça, plongé qu'il était dans l'article annonçant en grande pompe l'arrivée imminente de plusieurs épreuves, une nouveauté en comparaison des précédentes éditions. Il y aurait plusieurs candidats par peuple. Il leva cependant les yeux de sa lecture en entendant une série d'exclamations jaillir de la salle d'eau. Le Démon avait dû parler dans sa langue car il n'en comprit pas un mot.

Bientôt, le Démon jaillit comme une tornade et marcha droit sur Eutropius. Ce dernier fronça aussitôt le nez et les sourcils. Il n'aimait pas trop voir l'adolescent venir trop près de son espace. « Hey, il m'arrive un truc dingue ! Tu veux pas jeter un œil ? » « C'est-à-dire ? » dit Eutropius d'un ton pincé. « J'sais pas, regardes ! » « Regarder où ? » « Y a plusieurs endroits. J'peux m'allonger sur ton lit et te montrer ? » « Non. » se hâta de dire le Sorcier qui n'avait pas envie d'aller brûler ses draps ensuite. « Va sur le tien plutôt, j'arrive. » « Cool ! Merci ! »

Pendant que Jezeṃiās repartait, Eutropius rangea ses affaires et se dirigea vers son colocataire. Ce dernier s'était débarrassé de son vieux pantalon en toile qu'il utilisait en guise de pyjama et était étendu sur son lit, complètement nu. « Est-ce vraiment nécessaire ? » « Ouais, y en a aussi en bas. » fit-il avec le sourire béat d'un enfant qui a trouvé un trésor par accident. « Il y a quoi ? » fit Eutropius avec méfiance. « J'sais pas justement, c'est comme des boules molles. Ou des gros boutons. » « ... » « Oh allez, j'ai vu les vilains schémas dans les livres que tu lis, c'est rien à côté. Vous êtes vraiment des chochottes dans ce dortoir. Comment tu penses que Léonidas aurait réagi si je lui avais demandé à lui plutôt qu'à toi ? » « Je ne sais pas. » « On peut l'attendre, si tu veux, ce serait drôle de voir vos petites têtes de coincés. » « Où est-ce que je regarde en premier ? » demanda plutôt Eutropius pour clore le sujet. « Tu peux commencer par sous les bras. »

Message I/II | 811 mots

L'Annonce de la Coupe des Nations
Jezeṃiās & Eutropius

☙ Yungblud - Lowlife

Jezeṃiās les leva au dessus de sa tête et Eutropius plissa la bouche de dégoût à l'odeur qui monta jusqu'à son nez. « Tu ne te laves jamais ? » « Pas si je peux l'éviter. Mais parfois, les profs me demandent d'aller me laver alors je le fais à ce moment-là. » « Pas étonnant si tu développes des choses étranges après. Il doit y avoir tout un écosystème de bactéries sur ton corps, ce doit être un festin pour elles. » remarqua-t-il sans animosité. Il songea aux nécrophores, qui adoreraient sans doute se nourrir de la dépouille du Démon. En même temps, il ausculta sans trop s'approcher l'aisselle de son colocataire. Nichés entre les poils, Eutropius vit rapidement ce que son colocataire avait évoqué. La curiosité prima sur le dégoût et il se rapprocha un peu plus, ses yeux brillant d'intérêt.

« Alors ? » Sans répondre, Eutropius partit récupérer un crayon sur son bureau et revint vers Jezeṃiās. Du bout du bâton, il appuya, y mettant une pression graduelle sur chacune des grosseurs. « C'est douloureux ? » demanda-t-il au Démon qui s'agitait. « Non, ça chatouille. » rigola-t-il. « Je vais vérifier quelque chose. » Une fois de plus, il revint vers son lit et fouilla dans ses livres jusqu'à en sélectionner un. Il le ramena et se mit à le feuilleter, jetant des coups d'œil entre les protubérances et les images sur son livre. « C'est ça que tu lisais tout à l'heure ? » « Non. » « Tu lisais quoi ? » « Il y en a ailleurs de ces choses ? » « Ouais. Regarde dans ma bouche. » Il ouvrit grand et Eutropius se pencha sans se risquer à aller trop près. « Mmh. Tu en as aussi des plus petits près des yeux et... Tourne la tête. Autour des oreilles, peut-être à l'intérieur aussi. » De son crayon, il écarta quelques boucles épaisses de Jezeṃiās. « Sur la tête aussi. » « J'en ai sur le sexe aussi ! » déclara fièrement le Démon. Eutropius alla vérifier la zone avec son crayon et revint à son livre dont il tourna les pages plus vite. Le phénomène semblait le passionner et Jezeṃiās sourit. « C'est ça que tu lisais ? » « Non. » fit distraitement le Sorcier. « Je crois que c'est un champignon, je cherche lequel. » « Muscarine aime les champignons. » fit rêveusement Jezeṃiās. « Tu crois que je pourrais les récolter et les lui offrir ? Ils sont peut-être comestibles ? » Habitué à ce que son colocataire ne fasse rien pour alimenter la discussion, il enchaîna sur un monologue, livrant ses pensées sans attendre de réponse. « J'ai fait un drôle de rêve. D'habitude, je fais plutôt des cauchemars. J'en ai toujours fait depuis petit. Il y avait assez souvent des monstres, et la directrice de l'orphelinat me faisait venir à son bureau pour en parler, elle aussi était fascinée par ces trucs, comme toi avec ces gros boutons. Mais là, c'était différent. J'ai rêvé que je volais sur un hibou. » Eutropius apposa son index là où il en était sur son livre et leva les yeux. « Un hibou ? » « Oui, ou une chouette, je sais jamais la différence. » « Et c'était tout ? » « Je crois. C'est flou, c'était un rêve alors bon. » « ... » « Quoi ? Me dis pas que tu fais partie de ces gens qui interprètent les rêves, pas toi, j'y crois pas. » « Ce n'est pas ça. Je trouve ça juste curieux. Tu savais qu'il allait y avoir la Coupe des Nations bientôt ? » « Ah bon ? » « Oui. Chez les Lyrienns. » « Chouette ! » Il s'arrêta, réfléchit, et rit. « Chouette ! Tu l'as ? Chouette ! » répéta-t-il, et il se remit à glousser. Malgré lui, Eutropius sentit ses lèvres s'étirer. Il reprit vite son sérieux. « Il y aura sans doute des Basphéliens parmi les candidats. Nous sommes tous supposés avoir du potentiel, alors... » Eutropius marqua une pause pour regarder Jezeṃiās avec curiosité. Il ne voyait pas quel potentiel l'adolescent pouvait bien avoir. Ce qui était certain, c'est qu'il avait des résultats aussi mauvais que son odeur. « Et le fait que tu en aies rêvé, ça laisse à penser que... très hypothétiquement, tu es peut-être envisagé comme candidat. » Jezeṃiās cilla, et aboya de rire. Eutropius haussa les épaules. « Va savoir, les voies des Ætheri sont incompréhensibles pour nous. » « Ce serait marrant. J'pense jamais à prier en plus, je devrais peut-être commencer. Et toi ? » « Moi ? Non. » « Tu as dit toi-même que... » « Je ne sais pas. Ça ne m'intéresse pas vraiment. » « Tu préfères mes champignons ? » Eutropius se surprit à sourire à nouveau. « Avoue que c'est fascinant. Tu veux que j'essaie de t'en arracher un, pour voir ? » « D'accord, mais juste quelques uns. C'est amusant et j'aimerais les montrer à Muscarine. »

Message II/II | 809 mots