Le silence accompagnait leurs pas sur le sentier montagneux. Ils avaient échangé quelques paroles, brèves, directes, sur cette drôle d’expérience qu’ils avaient chacun vécu – Freyja avec Adam, Ezechyel avec Priam, Kaahl avec Edelwyn. Les deux derniers avaient trouvé un plateau de jeu de l’oie qui avait animé la conversation pendant quelques temps. Puis les mots s’étaient essoufflés et le mutisme avait repris ses droits sur ces cœurs qui ne voulaient ou ne pouvaient pas s’exprimer. L’ambiance pesait, lourde. Priam avait voulu rejoindre sa sœur, mais en croisant son regard, il avait compris qu’elle s’était barricadée derrière sa magie. Il avait préféré rester en retrait. Malgré leur avancée, il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter. Comment feraient-ils, une fois face à Ârès, s’ils se présentaient devant lui toujours aussi dessoudés ? Parviendraient-ils à l’affronter ou instrumenterait-il aisément leurs failles ? Réussiraient-ils seulement à marcher jusqu’à lui ou leur groupe imploserait-il avant ? Ses pensées dérivèrent vers le second Kaahl, celui qui venait du futur. Pourquoi avait-il disparu ? Ce pouvait-il qu’il fut impliqué à retardement dans une épreuve ? Quel était son rôle, ici, parmi eux, s’il ne les guidait pas, s’il n’apaisait pas les tensions qui pouvaient éclater à n’importe quel moment ? Priam ressentait de l’inquiétude, parfois même de la terreur à l’idée qu’Aliénor pût souffrir ou mourir parce qu’ils évoluaient comme autant de fragments d’un miroir brisé – tranchants, dispersés, déformants, réflecteurs du pire quand ils avaient besoin d’incarner le meilleur d’eux-mêmes. À cette crainte se cramponnaient agacement et frustration. Il utilisait le Sanctuaire d’Ahena pour se tranquilliser et tenter de trouver, dans les méandres sinueux du calme, un moyen de désamorcer leur situation. Peut-être fallait-il juste attendre ? Il n’avait pas le sentiment d’avoir le temps.
Et le temps s’échappa une nouvelle fois. Le décor changea abruptement. L’Ange se retrouva transporté dans un lieu qu’il ne connaissait pas : une grande étendue dont l’herbe rouge, paraissant presque noire sous la seule lumière des lunes, ondulait au gré d’une brise. Le ciel parsemé d’étoiles s’étendait au-dessus de sa tête. Quand il baissa les yeux, il se rendit alors compte qu’il n’était plus dans son fauteuil, mais debout. Il n’en ressentait aucune douleur, pas même une gêne. Comme pour éprouver la réalité de ses sensations, il avança. Ses pieds nus s’enfoncèrent dans une terre meuble, qui descendait en pente douce vers une rivière. Son chant résonnait sur les pierres qui l’habitaient. De l’autre côté se tenait Ezechyel. Son regard se fixa sur le blond. « Comme on se retrouve… » souffla-t-il avant de reprendre sa descente. Sur l’une des roches qui bordaient le rivage, des lettres scintillaient doucement sous l’éclat de la Lune blanche. « Parfois, des rivières nous séparent. Il suffit d’un geste pour construire le pont qui nous reliera. » lut-il à voix haute. Un sourire amer courba les lèvres de l’Ailé. « C’est une métaphore ou… ? » Un souffle sardonique s’échappa de ses narines. Il se redressa pour faire face à Ezechyel. Il faisait pleinement partie de l’équation irrésolue qui gangrénait leur groupe. Les liens que leur précédente épreuve avaient mis au jour jetaient une nouvelle lumière sur tout le reste. Ezechyel était lui-même, mais il était l’autre aussi. Priam soupira, puis regarda tout autour d’eux, à la recherche d’indices. « Tu connais ce lieu ? »
Message I – 528 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Merci Kaahlinou
Jun Taiji ~ Orine ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 5410 ◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2012
Ezechyel soupira. Il était seul pour le moment. Il pressentait qu’il ne le serait bientôt plus. L’endroit lui paraissait familier. Il l’avait déjà vu dans les livres de son père. Ces livres n’appartenaient pas à son temps. S’il ne se trompait pas, il se trouvait dans les Plaines Rouges. Il s’assit en tailleur dans l’herbe. Il leva les yeux vers la Lune Blanche. Celle-ci semblait vouloir le réconforter. Il laissa son dos glisser vers le sol et plaça ses bras de chaque côté de sa tête. Les choses ne se passaient pas bien. Le silence régnait en maître sur leur groupe et lorsqu’il n’écrasait pas l’ambiance de son autorité, des banalités vides de sens s’échangeaient entre eux. Et il y avait cet élément qui l’avait marqué, ce léger changement entre Kaahl et Edelwyn. Ils se tutoyaient. Depuis qu’il l’avait remarqué, le blond se posait mille questions. Que s’était-il passé entre eux ? Quel souvenir avaient-ils vu ? Qu’avaient-ils dû faire pour obtenir le plateau de jeu ? Ils n’en avaient pas parlé. Il connaissait sa jumelle. Il suspectait déjà son intérêt pour lui ; parce qu’il était doué aux échecs. À présent, il en était sûr ; et pas uniquement à cause des échecs. En observant sa sœur, il avait également remarqué qu’elle paraissait changée. Ne pas savoir, ne pas comprendre, le mettait dans un état de nervosité qu’il n’était pas certain de maîtriser. Kaahl cherchait-il à se venger pour Freyja ? Il ne l’espérait pas.
Il se redressa lorsqu’il entendit les herbes frémir. Il reconnut Priam. Il semblait plus grand, maintenant qu’il était debout ; et lui assis. « Tu me suis ? » demanda-t-il, avant de sourire. Il écouta la consigne et haussa les sourcils avant de rire à la manière du souffle de l’Ange. « Je crois oui. On dirait les Plaines Rouges, à Lua Eyael. Je n’en suis pas certain. Je ne crois pas m’y être déjà rendu mais j’ai une impression de déjà-vu. » Il marqua une pause. « Étant donné que je voyage beaucoup, ma mémoire me fait parfois défaut. » Il le précisait aussi souvent que possible. Parfois, il était perdu. À trop vivre, certains souvenirs s’effaçaient. À trop rester hors du temps pour apprendre, son passé lui paraissait souvent lointain. Il n’oubliait jamais le visage de sa sœur mais, de temps en temps, lorsqu’il s’interrogeait sur ceux de ses amis, il s’effrayait en prenant conscience qu’il n’arrivait plus à les reconstituer.
« Il faudrait tenter de réconcilier les membres du groupe. » lâcha-t-il soudainement. « C’est simplement délicat… même si ma sœur et Kaahl semblent plus proches que jamais. » Il n’était pas sûr d’apprécier, soit qu’il fût jaloux d’elle, soit qu’il fût jaloux de lui. Il se laissa de nouveau tomber dans l’herbe. Il ne les comprenait pas. Il ne comprenait pas comment Kaahl pouvait rester muet vis-à-vis de Freyja. Il ne comprenait pas non plus pourquoi Edelwyn s’évertuait à rester à ses côtés et à le bouder lui. Il ne lui avait rien fait qui plus est. La situation l'agaçait.
« Il faut croire… » répondit-il sur le même ton. Il se demanda si sa sœur avait retrouvé Adam ou si elle était désormais en compagnie d’Edelwyn ou de Kaahl. Les binômes pouvaient-ils changer d’une téléportation à l’autre ? « Lua Eyael… » Il avait déjà entendu ce nom. Certains Magiciens s’y rendaient, parfois, notamment pour visiter les Tours de Zéphyr, l’université du territoire – mais c’était à peu près tout ce qu’il en savait. Il n’y avait lui-même jamais mis les pieds. Il leva les yeux vers Ezechyel et se demanda s’il parlait de voyages dans l’espace ou de voyages dans le temps – ou si « voyages » englobait pour lui tous ces déplacements qui échappaient aux lois qui régissaient l’existence de la plupart d’entre eux. Qu’était-il, exactement ?
L’Ange s’assit sur la berge et plongea ses pieds dans l’eau. Sa fraîcheur remonta le long de sa peau en un léger frisson. Il scruta la danse de l’onde autour de ses jambes, sa manière de heurter et contourner ses membres. Elle trouvait toujours une solution pour se faufiler où elle le désirait, pour reprendre son cours comme elle le devait. Il plongea ses doigts dedans quelques instants, puis il se redressa pour observer le blond. Un fin sourire ourla ses lèvres, et il regarda sur sa droite les ondulations des herbes carmines bercées par la brise. « Je suis du même avis. » finit-il par dire. « On ne pourra pas affronter Ârès et sauver Aliénor si on ne peut pas compter les uns sur les autres et si chacun s’enferme de son côté. La situation actuelle met tout le monde en péril. C’est trop instable. » Ils l’étaient, eux aussi. Certains plus que d’autres. L’instabilité introduisait une imprévisibilité globale qu’aucun d’entre eux ne pouvait se permettre. « J’ai discuté avec Kaahl et j’ai parlé avec ma sœur. Je pense qu’il ira vers elle bientôt. J’espère. Et j’espère qu’elle le laissera venir. » Le temps pressait. Ses iris descendirent sur ses genoux. « Elle m’a dit que tu étais là quand elle a perdu son enfant. » Sa poitrine se comprima. Il ressentait la douleur de Freyja presque comme si elle avait été sienne. Il inspira et regarda à nouveau le blond. « Je ne dirais pas que tout est comme avant, mais on se soutiendra comme on l’a toujours fait. Quant à Kaahl… » Il haussa les épaules. « C’est un peu comme toi avec lui. Il y a entre nous des choses qui sont cachées aux autres mais qui nous influencent profondément. » Au souvenir du rêve, il fronça les sourcils, avant de secouer la tête. « De toute façon, les griefs que je peux avoir contre lui n’ont pas à s’exprimer ici. Ma priorité, c’est de trouver Aliénor et de la sauver. » Ses iris dorés sondèrent son interlocuteur. « Tu devrais peut-être essayer de lui parler. Il n’est pas toujours facile d’abord mais ça n’est pas un imbécile fini : il sait très bien pourquoi nous sommes là. » Il réfléchit une seconde. « Ta sœur le suit partout. Si Kaahl et toi vous parlez, peut-être qu’elle s’apaisera. » Il songea que les chiens avaient effectivement tendance à calquer leur comportement sur celui de leur maître mais se retint de formuler cette remarque humoristique. Il connaissait trop peu Ezechyel.
Message II – 553 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Merci Kaahlinou
Jun Taiji ~ Orine ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 5410 ◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2012
Ezechyel ne répondit rien mais ses pensées l’incitèrent à hausser les épaules. Il ne connaissait pas tant Kaahl que ça. En même temps, il avait l’impression de trop bien le connaître. Le paradoxe le plongeait souvent dans une mélancolie profonde. Il voyait le brun comme un souvenir lointain qu’il espérait retrouver. Seulement, lorsqu’il n’était plus une réminiscence, tout se complexifiait. Il l’aimait sans savoir pourquoi. Parfois il le détestait pour ça. La véritable question, celle qu’il devait se poser pour résoudre le casse-tête que représentait la relation entre Freyja et Kaahl, c’était celle de savoir si lui-même serait revenue vers elle. Il haussa les épaules. Instinctivement, il aurait répondu que oui, qu’il ne pourrait jamais s’éloigner de l’Ange et qu’il ne la fuirait pas, qu’il chercherait à régler leurs différends directement. Pourtant, il se connaissait mal. Il se connaissait actuellement. Il ne connaissait pas son lui futur. Ce constat le fit soupirer et il se détacha de ses réflexions pour mieux s’ancrer dans la conversation que lui offrait le brun, aussi douloureuse fût-elle. « Oui. » Ses yeux fixèrent les herbes hautes. « Oui, j’étais là. » C’était une période étrange de sa vie et son évocation faisait battre son cœur de plusieurs émotions contraires. « Les liens entre les individus sont plus complexes qu’ils n’y paraissent oui. » Souvent, il imaginait des mains, tirant les ficelles des relations selon la volonté du Destin. Il aurait aimé s’absoudre de la fatalité mais il ne savait que trop bien qu’il ne pouvait que l’embrasser. Il préférait voir les choses ainsi plutôt que de parler de soumission. Tout devenait trop affreux dans le cas contraire. Le blond sonda les iris dorés de Priam à la manière dont il sonda les siens. « Je ne sais pas. Edelwyn est… » Un sourire étira ses lèvres et il se laissa aller au rire avant de continuer sa phrase. « … une sacrée merdeuse. » Son regard dériva sur l’eau qui s’écoulait entre eux. « Je sens que c’est la dernière fois avant longtemps que nous serons ensemble. Je ne sais pas exactement pourquoi mais c’est un pressentiment vivace. Elle et moi, nous allons être séparés. Peut-être à cause de lui. » S’il mettait la faute sur le dos de Kaahl, il savait bien que ce n’était pas réellement de son fait. Il avait néanmoins appris tôt à ne pas charger le Destin et à donner l’illusion aux autres d’avoir un semblant de libre-arbitre. Il ignorait s’ils retrouveraient Aliénor. La chute serait celle qui avait été écrite. Cependant, s’il était là, sans doute était-ce parce qu’elle devait vivre. À moins qu’il dût servir à tuer Ârès ? Il n’en avait pas la puissance mais chaque rouage comptait dans le jeu du futur.
Soudainement, il se leva. « Et si on construisait ce pont ? » Il pouvait s’agir d’un pont psychologique mais il en doutait. La rivière entre eux était assez parlante. « Je te préviens, je n’ai jamais construit de pont de ma vie. »
Qu’est-ce qui les liait ? Quels Zaahins avaient décidé de raccrocher leurs vies les unes aux autres et d’en orchestrer le ballet de cette manière si tortueuse et pénible ? Qui était celui ou celle qui s’était glissée au cœur de leurs âmes pour y murmurer des sentiments et au creux de leurs rêves pour tisser ce que la réalité n’aurait jamais pu achever ? Un élan violent frappa la poitrine de Priam, et il en voulut à ces divinités qui leur avaient imposé ces souffrances. À celles qui lui avaient offert la connaissance de la vie d’Aliénor. Dès leur première rencontre, il l’avait désirée, et il l’aurait sans doute aimée même sans ce songe ; cependant, ce qu’il avait ancré en lui, il ne pourrait jamais s’en défaire, c’était une partie d’elle-même, et si Ârès la tuait, elle ne l’emporterait pas avec elle, elle la lui laisserait, lourd fardeau de souvenirs aussi chéris qu’étrangers, aussi honnis que familiers. L’Ange inspira et serra le poing, les yeux baissés sur la danse du reflet des étoiles sur l’eau. Il ne voulait pas penser à sa mort, il ne voulait pas qu’elle existât, pas même dans son esprit, et pourtant il ne cessait d’y revenir. Elle le torturait la nuit, le hantait le jour. Elle suivait ses pas comme le chasseur traque sa proie. Il gardait secret ce tourment, qui n’en était pas moins réel pour autant. Ses prunelles remontèrent vers celles d’Ezechyel. Ils se dévisagèrent mutuellement, jusqu’à ce que le blond ne reprît la parole. Son rire étira les lèvres de Priam, qui se dit qu’il aurait aimé n’être que l’imbécile qu’il avait été, vivre loin des intrigues politiques et des enjeux de pouvoir, retrouver la quiétude des champs de Lumnaar’Yuvon sous le soleil couchant, la joie abrupte des Réprouvés et leurs colères qui s’oubliaient dans le travail de la terre. Il avait toujours aspiré à une vie simple ; malgré lui, il avait bondi dans ce qu’il avait toujours redouté. « Elle en a l’air, oui. » répondit-il avec un sourire. Il se demanda combien de temps Freyja supporterait de la voir collée à Kaahl, si elle dirait quelque chose ou si elle maintiendrait sa position et ignorerait tout ce que faisait le Sorcier. Il ne la croyait pas capable de vivre sans lui, et après sa discussion avec ce dernier, il n’était plus certain qu’il fût capable d’exister sans elle non plus. Peu importe leurs mots, peu importe leurs actes. Il s’était insinué trop sournoisement en elle et elle s’était infiltrée trop férocement en lui. Il soupira et fit remonter une main dans ses cheveux, avant de jeter un coup d’œil au blond. Ses mots le chagrinèrent davantage. Il avait le sentiment que plus leurs relations s’imbriquaient les unes dans les autres, plus elles les déstabilisaient, voire les détruisaient, et moins Aliénor avait de chances d’être sauvée. Des larmes lui piquèrent les yeux. Il battit des cils pour les chasser.
L’Ailé quitta l’appui de son rocher. Debout, il acquiesça. « Ouais. » Il étudia brièvement la rivière qui les séparait. « J’en ai déjà fait, quand j’étais plus jeune. » Il se frotta le nez du plat de la main. « C’était jamais très concluant. On a fini à l’eau plus d’une fois. » Avec Freyja, avec Za, avec d’autres. Ça lui semblait si loin. « On va tenter de faire mieux. » Comme pour se donner de l’énergie, il secoua ses épaules et inspira bruyamment, avant de souffler. « Bon. Il faut commencer par la base. Prends les pierres les plus larges que tu trouves, et les plus plates solides, et dispose-les, hum… » Il étudia brièvement le terrain sur lequel se tenait Ezechyel. « Par là. Ça a l’air d’être la zone la plus plane. » De son côté, il commença à faire la même chose, avant de se redresser. « Est-ce que tu crois qu’on peut utiliser la magie ? » s’enquit-il en même temps qu’il tendait la main vers un caillou. Celui-ci tremblota sur le sol puis s’éleva jusqu’à lui. Il sourit. « On ne l’utilisait jamais, chez moi, mais on ira sans doute plus vite comme ça. » Sa télékinésie se mit à l’œuvre, et les pierres s’amoncelèrent, formant peu à peu une arche au-dessus de la rivière. C’était facile. Presque comme s’il n’avait jamais été blessé. Il se demanda quelles retombées aurait toute cette aisance une fois qu’ils seraient sortis d’ici.
Message III – 738 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
Le silence accompagnait leurs pas sur le sentier montagneux. Ils avaient échangé quelques paroles, brèves, directes, sur cette drôle d’expérience qu’ils avaient chacun vécu – Freyja avec Adam, Ezechyel avec Priam, Kaahl avec Edelwyn. Les deux derniers avaient trouvé un plateau de jeu de l’oie qui avait animé la conversation pendant quelques temps. Puis les mots s’étaient essoufflés et le mutisme avait repris ses droits sur ces cœurs qui ne voulaient ou ne pouvaient pas s’exprimer. L’ambiance pesait, lourde. Priam avait voulu rejoindre sa sœur, mais en croisant son regard, il avait compris qu’elle s’était barricadée derrière sa magie. Il avait préféré rester en retrait. Malgré leur avancée, il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter. Comment feraient-ils, une fois face à Ârès, s’ils se présentaient devant lui toujours aussi dessoudés ? Parviendraient-ils à l’affronter ou instrumenterait-il aisément leurs failles ? Réussiraient-ils seulement à marcher jusqu’à lui ou leur groupe imploserait-il avant ? Ses pensées dérivèrent vers le second Kaahl, celui qui venait du futur. Pourquoi avait-il disparu ? Ce pouvait-il qu’il fut impliqué à retardement dans une épreuve ? Quel était son rôle, ici, parmi eux, s’il ne les guidait pas, s’il n’apaisait pas les tensions qui pouvaient éclater à n’importe quel moment ? Priam ressentait de l’inquiétude, parfois même de la terreur à l’idée qu’Aliénor pût souffrir ou mourir parce qu’ils évoluaient comme autant de fragments d’un miroir brisé – tranchants, dispersés, déformants, réflecteurs du pire quand ils avaient besoin d’incarner le meilleur d’eux-mêmes. À cette crainte se cramponnaient agacement et frustration. Il utilisait le Sanctuaire d’Ahena pour se tranquilliser et tenter de trouver, dans les méandres sinueux du calme, un moyen de désamorcer leur situation. Peut-être fallait-il juste attendre ? Il n’avait pas le sentiment d’avoir le temps.
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Ezechyel soupira. Il était seul pour le moment. Il pressentait qu’il ne le serait bientôt plus. L’endroit lui paraissait familier. Il l’avait déjà vu dans les livres de son père. Ces livres n’appartenaient pas à son temps. S’il ne se trompait pas, il se trouvait dans les Plaines Rouges. Il s’assit en tailleur dans l’herbe. Il leva les yeux vers la Lune Blanche. Celle-ci semblait vouloir le réconforter. Il laissa son dos glisser vers le sol et plaça ses bras de chaque côté de sa tête. Les choses ne se passaient pas bien. Le silence régnait en maître sur leur groupe et lorsqu’il n’écrasait pas l’ambiance de son autorité, des banalités vides de sens s’échangeaient entre eux. Et il y avait cet élément qui l’avait marqué, ce léger changement entre Kaahl et Edelwyn. Ils se tutoyaient. Depuis qu’il l’avait remarqué, le blond se posait mille questions. Que s’était-il passé entre eux ? Quel souvenir avaient-ils vu ? Qu’avaient-ils dû faire pour obtenir le plateau de jeu ? Ils n’en avaient pas parlé. Il connaissait sa jumelle. Il suspectait déjà son intérêt pour lui ; parce qu’il était doué aux échecs. À présent, il en était sûr ; et pas uniquement à cause des échecs. En observant sa sœur, il avait également remarqué qu’elle paraissait changée. Ne pas savoir, ne pas comprendre, le mettait dans un état de nervosité qu’il n’était pas certain de maîtriser. Kaahl cherchait-il à se venger pour Freyja ? Il ne l’espérait pas. 