Partenaire : Amalia
Intrigue/Objectif : Sabotage. Amalia et Typhon se rencontrent afin de discuter de leur vision de l’avenir des Evershas. De plus en plus d’indices laissent à penser que la succession de la Déesse-Totem Ava ne mènera pas au changement de régime espéré par plus d’un. Peut-être serait-ce préférable de mettre fin à ce qui a les allures d’une mascarade et ainsi saboter les efforts d’Ava de parvenir à ses sombres desseins.

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Cloud valley par themefinland

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Typhon avait son oreille collée contre le ventre de son épouse, son ventre humanoïde. Car la femme-serpent-chatte avait deux ventres, un ventre humanoïde et un ventre serpentin, confirmer l’état de sa grossesse n’était pas chose aisée. D’abord, si la monstrueuse géante ne cessait de prendre du poids, il s’agissait d’efforts pour atteindre un poids santé. Une mauvaise compréhension de l’anatomie de Typhon et d’Échidna avait mené à une corpulence insuffisante pour soutenir leur métabolisme. Résultat, le couple laissait libre cours à leur gourmandise pour améliorer leurs conditions de vie… et celle des autres. Il faut dire qu’en état d’insuffisance, les deux mastodontes avaient des périodes où la faim prenait le dessus. Ils étaient alors à risque de dévorer vivant même leurs plus proches amis.

Depuis, Typhon avait été le premier à atteindre une corpulence idéale. L’ensemble de son corps était désormais en harmonie avec son impressionnante musculature. Pour lui, le risque était désormais négligeable de subir une crise de la faim. S’il avait été sensé et raisonnable, l’homme-serpent-tigre aurait commencé à réguler son régime. Or, les mauvaises habitudes étaient tenaces et Échidna n’avait pas encore atteint sa corpulence idéale. Le mâle continuait donc de s’empiffrer sans considération son physique de plus en plus rond. Et par effet d’entrainement, sa femelle se gavait pour deux, sans réellement savoir s’il y avait ou non une progéniture qui prenait vie en elle.

«  Je ne ressens rien, avoua Typhon après avoir sondé les deux ventres de sa compagne.
— C’est peut-être un œuf, dans ce cas, rota Échidna sous la pression qu’exerçait son époux sur elle. Il se passe forcément quelque chose là-dedans, ajouta-t-elle en poussant Typhon pour se dégager.
— Tu prends du poids plus vite que moi, ça, c’est sûr. Je pesais le double avant l’invasion. Maintenant, l’écart s’est rétréci. Tu es bien plus en santé maintenant que tu ne l’étais alors. Encore un peu trop mince à mon goût en revanche !
— Ça serait bien qu’on en finisse avec cette succession. J’aimerais que Rakel m’examine comme il t’a examiné, toi. Sans offense, mais il en sait plus sur mon anatomie que toi !
— Pas faux… C’est certainement le plus grand expert en Hesshas. Mais bon, entre moi et Rakel, aussi bien dire que la course est finie. Ava n’est juste pas encore prête à mettre fin à la succession.  »

La succession de la Déesse-Totem avait pris un tournant pour le moins suspect quand Amalia perdit son titre d’élue de Phœbe sans raison légitime. Il faut croire que ce qu’elle disait dérangeait et que quelqu’un aura voulu la faire taire. Les spéculations étaient nombreuses sur le qui en question, mais dans cette région reculée, les informations arrivaient à la fois tardivement et au compte-goutte. Difficile donc de se faire une opinion éclairée. La rumeur voulait qu’Ava fût impliquée, mais les spéculations peinaient à déterminer si la directive venait de la Déesse-Totem en personne, ou une personne de son entourage.

Voyant que Typhon et Échidna semblaient en avoir fini, Lolong et Gal’ulm, respectivement le bras droit du chef de meute et son maître cuisinier, s’empressèrent de ravir l’attention de l’homme-serpent-tigre à son épouse. Typhon et Échidna se séparèrent donc pour vaquer à leurs responsabilités respectives. Elle allait s’occuper du courrier de son mâle, alors que lui allait gérer les affaires, visiblement pressantes, de sa meute.

«  Typhon, il faut qu’on cause, affirma Lolong d’un ton autoritaire. La meute est au bord de la crise de nerfs. Les rebelles empêchent la horde de se disperser et d’occuper la région, alors nous nous marchons sur les pieds. Nous allons nous entretuer si ça continue !
— Typhon, mon chaton, c’est horrible, s’exclama mielleusement Gal’ulm. Nous avons un surplus de nourriture, k’uhm, et nous risquons d’en gaspiller !
— Un surplus de bouffe ?!? Tu embêtes Typhon pour un surplus de bouffe !?! Nous avons de vrais problèmes à gérer !!!
— Retourne dans ton bourbier, k’uhm, et laisse les grandes personnes parler, veux-tu, Lolong ? Nos alliés sur le front subissent les assauts constants des rebelles et le ravitaillement peine à les rassasier. Que diront-ils de mon chaton, k’uhm, s’ils apprennent que nous laissons pourrir les vivres qu’ils ont tant besoin !
— Il suffit, tous les deux, coupa Typhon. Je te l’ai déjà dit, Lolong, ce sont des femmes que nos gars ont besoin, pas d’espace. Nous avons plus d’espace ici que notre colline de l’Antre des marais. Et sérieusement, Gal’ulm ? Je vais le bouffer avec plaisir ton surplus !
— Avec tout le respect que je te dois, tu te trompes. Nous sommes plus nombreux que nous étions alors. Et nos chasseurs compétitionnent avec au moins douze autres meutes. Ce n’est pas notre territoire, le problème, c’est sa proximité avec les autres meutes.
— Sottise ! Nous sommes sédentaires, k’uhm, avec différentes lignes d’approvisionnements en nourriture. Vous pourriez être dix, cent fois plus nombreux ! Mais, k’uhm, je m’en veux de te contredire, Typhon, mon chaton… Mon surplus ne satisfera pas ton palais. Il s’agit d’ingrédients que j’avais prévus pour la meute de l’aube, k’uhm !  »

Le regard assassin que projetait Typhon à cet instant en aurait effrayé plus d’un, mais Lolong comme Gal’ulm avaient l’habitude des humeurs de leur chef. Ils se gardèrent simplement d’argumenter plus longuement sur leurs problèmes respectifs avant que la violence vienne clore le débat. L’homme-serpent-tigre savait faire preuve de patience, mais il ne tolérait guère qu’on remette en question ses directives. Qui plus est, ce n’était pas comme s’il avait tort. La meute de Gargantua était surpeuplée d’hommes et l’homme-serpent-tigre pouvait aisément engloutir les surplus de nourriture.

Le problème, c’était que Lolong était un célibataire endurci qui n’avait aucune idée de comment attirer des femmes à rejoindre la meute de Gargantua. Pour sa part, Gal’ulm choisissait ses ingrédients en fonction de leur destinataire. En tant qu’ancien Démon, le maître cuisinier planifiait ses mets sur le long terme dans le but d’engraisser ses victimes pour sa satisfaction personnelle. Déroger du plan, c’était mettre à mal des mois d’efforts. C’est pourquoi Lolong et Gal’ulm étaient réticents aux directives de leur chef. Tous deux lancèrent donc des regards suppliants vers Échidna.  

Cette stratégie était relativement nouvelle de la part des deux hommes. Ce n’était que récemment qu’Échidna n’était plus soumise à son mâle. C’est depuis la tentative avortée d’empêtrer Typhon dans un mariage arrangé avec Léandra que l’homme-serpent-tigre et la femme-serpent-chatte renouèrent leurs vœux de mariage. Échidna s’était ainsi affranchie de sa trahison passée et était redevenue une membre à part entière de la meute de Gargantua. Redevenu de facto co-cheffe, Échidna avait par le fait même le pouvoir d’influer sur les décisions de son mâle sans en subir de représailles.

Les deux Hesshas géants nécessitaient entre dix et douze heures de sommeil quotidiennement et passaient entre six et huit heures par jour à se nourrir. Il ne leur restait donc que quatre à huit heures de productivité journalière. Typhon n’avait tout simplement pas de temps à perdre en débats s’il ne voulait pas empiéter sur le reste de ses activités. Évidemment, le chef savait faire preuve de discernement lorsque la situation l’exigeait. Aujourd’hui, la situation ne l’exigeait tout simplement pas. La femme-serpent-chatte choisit tout de même d’intervenir. Son assistance n’étant pas gratuite, Échidna s’assura d’abord que Lolong et Gal’ulm seraient suffisamment reconnaissants à son goût.

«  Nous pourrions inviter Amalia, s’incrusta innocemment Échidna dans la conversation. La favorite du peuple attire les foules, à ce qu’on dit. Ce serait l’excuse idéale pour que Gal’ulm prépare un de ses banquets qu’il affectionne tant avec nos surplus. Des ventres pleins, de l’alcool et des voyageurs épuisés par un long voyage. Ça devrait faciliter la vie de nos célibataires en manque, non ?
— Mais quelle merveilleuse idée ! K’uhm, Typhon, mon chaton, n’espérais-tu l’intégration des Hesshas à la peuplade du Rocher au Clair de Lune ? Tu ne trouveras pas mieux que la voix du peuple pour porter ton message ! Et que dire d’une somptueuse, k’uhm, célébration pour souligner la rencontre !?!
— J’imagine que les gars apprécieraient de penser à autre chose que la guerre… Une fête calmerait les nerfs, c’est certain.
— Humph ! C’est bon, vous gagner. Invitons Amalia. Mais tenez-le pour acquis : si elle refuse, vous devrez m’obéir ET rembourser votre dette envers Échidna. Pensez-y bien la prochaine fois que vous voudrez me défier.
— Mais pas trop quand même ! Ça me plait bien moi d’offrir des alternatives, hé, hé, hé ! Alors… Je veux un bain chaud avec du savon, du parfum et de la mousse. Ah oui, je veux aussi polir mes écailles. Qu’elles soient resplendissantes pour accueillir nos invités. Et… hum… La même chose pour Typhon ! Il est trop tendu ces temps-ci…  »

1470 mots
1er message

L’invitation acceptée de la part d’Amalia plaça Typhon dans une position plutôt précaire. Léandra, la lionne de l’aube, se mise dès lors à comploter ouvertement contre son rival pour détourner la rencontre. La cheffe des rebelles espérait ainsi discréditer l’homme-serpent-tigre de sa légitimité sur la région qu’il aspirait à faire sienne. Grande Augure au même titre qu’Amalia, Léandra espérait associer sa force à une consœur, elle aussi opposée au règne d’Ava. Ainsi, la femme-koala pourrait aider la femme-lionne à renverser l’équilibre des forces. Au pire, une alliance entre Grandes Augures pourrait repousser le Grand Totem des Hesshas à la mer d’où il était venu. Au mieux, elle permettrait d’outrepasser la supercherie qu’était la succession et détrôner la fausse Déesse-Totem de son trône.

Des altercations avec les rebelles à la suite de son invitation, Typhon s’y attendait. Le problème, c’était que la lionne de l’aube hurlait haut et fort, et aussi souvent que possible, qu’elle saboterait la rencontre. Mensonges, exagérations et embellissements, il y avait de tout. Sur le champ de bataille, Typhon était roi. Sa horde accumulait les victoires et ses défaites étaient rares et couteuses pour ses adversaires. Mais en ce qui concernait l’influence au Rocher au Clair de Lune, toutefois, Léandra était reine. Elle avait les relations, les alliés et la réputation nécessaire pour contrôler le message et renouveler les rangs des rebelles défaites après défaite. Difficile donc de connaître l’état réel du conflit de l’extérieur. En réalité, la région de l’aube du Rocher au Clair de Lune n’était connue par ce nom qu’en dehors de ladite région.

Les principaux intéressés, Léandra comprise, l’avaient déjà rebaptisé la région des monstres, tant le contrôle de la horde de Typhon s’y était enraciné. D’une part, ce nom était péjoratif et servait à Léandra pour attiser les braises de la méprise chez ses partisans. D’une autre part, ce même nom était porteur chez les Hesshas, parce qu’il désignait un espace qui leur était dédié sur la terre bénie de Phœbe. Il y avait donc une réticence, particulièrement chez les Grandes Dynasties, pour mettre de l’avant les changements qui s’opéraient au-delà de leurs territoires d’influences.

En désespoir de cause, Typhon décida de provoquer l’égo de sa rivale en l’invitant officiellement à se joindre à la rencontre. Cette manœuvre n’aurait jamais dû fonctionner. La logique voulait que la lionne de l’aube n’allât jamais accepter de s’exposer une nouvelle fois au monstre de Durienrisda… Mais en dépit de toute logique, Léandra accepta avec des conditions raisonnables. Il était difficile pour l’homme-serpent-tigre de comprendre les raisons qui avaient poussé la lionne de l’aube à prendre un tel risque. Peut-être se retrouva-t-elle confrontée aux contradictions de son message par rapport à la réalité. Peut-être qu’une autorité supérieure lui força-t-elle la main. Quoi qu’il en soit, Typhon attendait maintenant deux invités. Des invités qui lui étaient fondamentalement opposés par leur refus d’allégeance envers Ava.

***

Le banquet offert représentait la civilisation primaire du Rocher au Clair de Lune, auquel se mélangeaient diverses références à la culture de l’Antre des marais, le tout parsemé d’une subtile influence démoniaque. Un autre chef-d’œuvre du maître cuisinier Gal’ulm, ce banquet était conçu pour satisfaire tous les sens. D’abord, pour stimuler la curiosité et le désir, enfin, pour enrichir la gourmandise inhérente des Evershas qui goûtaient aux plaisirs gustatifs offerts. C’était une occasion joyeuse et festive, où trois meutes étaient à l’honneur. Chacune s’y voyait courtisée par le savoir-faire multicentenaire d’un ancien Démon devenu Hesshas.

La meute de Gargantua, aisément reconnaissable par la taille surnaturelle d’une partie de ses membres, ainsi que la vingtaine de Hesshas qui la peuplaient, était relativement peu nombreuse. Car contrairement aux groupes d’Amalia et de Léandra, qui ne comptaient qu’une fraction de leur meute respective, la soixantaine d’individus qui représentaient la meute de Gargantua était l’entièreté de la meute du Grand Totem. Et encore, la moitié des monstres, anciennement des serviteurs démons, ne répondaient qu’à Gal’ulm. Ils ne se mélangeaient pas aux changeurs de forme. Ils servaient, avec professionnalisme et courtoisie, mais demeuraient plus Démons qu’Evershas.

Les représentants de la nouvelle meute de l’aube, renouvelés après avoir été démantelés par Typhon au début du conflit, étaient bien plus aguerris que leurs prédécesseurs. L’on reconnaissait à leur maniérisme une appartenance indirecte aux Grandes Dynasties. Composé de l’élite parmi les Evershas du Rocher au Clair de Lune, la meute de l’aube paraissait froide et rigide. Il y avait visiblement peu de liens entre les membres, qui agissaient pour leur bénéfice personnel. À n’en point douter, toutefois, leur loyauté envers Léandra était sans faille. Ils paraissaient ainsi bien moins dépendants en leur cheffe que la précédente meute. À défaut d’une communauté soudée, la lionne de l’aube s’était entourée d’experts capables de critiquer ses décisions.

***

Typhon s’assura de laisser Lolong, son bras droit, accueillir les invités du banquet. C’était un rôle que l’homme-serpent-tigre s’appropriait en temps normal, mais le Hesshas jugea bon de ne pas brusquer les choses. Le dégout envers les monstres était profondément ancré chez les Evergrims originaires du Rocher au Clair de Lune. Pour ne pas attiser hâtivement les tensions, c’est donc un Evergrim de la meute de Gargantua qui accueillit les voyageurs… même s’il n’était pas eversha pour autant. Né à l’Antre des marais, Lolong ne pouvait revendiquer un tel titre sans s’attirer l’ire des habitants du Rocher qui avaient été invités au banquet. Au moins, l’homme-crocodile avait la froideur du reptile dans son comportement, alors il n’était pas aisément offensé. C’était par ailleurs un vétéran aguerri de nombreux conflits, alors il n’était pas non plus aisé à intimider.

L’homme-serpent-tigre s’attendait à ce qu’Amalia imite Léandra et prenne un temps de repos pour profiter du banquet avant d’amorcer la discussion, mais la femme-koala décida d’aller droit au but en entrée de jeu. Typhon ajusta donc légèrement sa posture afin d’atteindre la hauteur des yeux de son interlocutrice. Car autant le Hesshas de 6 mètres 25 était massif et portait bien son qualificatif de géant, autant son corps était plus à l’aise en position basse. Typhon regardait donc rarement ses interlocuteurs de haut. Il pouvait se redresser s’il lui prenait l’envie, permettant à sa tête d’atteindre une hauteur de plus de deux mètres du sol, mais c’était pour lui l’équivalent humain de se mettre sur la pointe des pieds. Il était bien plus confortable à une hauteur d’entre 1 mètre et 1 mètre 50.

«  Je n’ai pas de raison précise, avoua Typhon au commentaire inquisiteur d’Amalia. Je voulais profiter de la succession pour te rencontrer et partager un repas. À ce propos, Léandra et moi-même avons convenu d’une trêve le temps de ta visite. On pourrait dire que tu apportes la paix dans la région, Grande Augure Amalia ! Mets-toi donc à l’aise et repose-toi autant qu’il te plaira.
— De toute façon, il va être difficile de convaincre ces deux goinfres de se détourner de la nourriture, précisa Échidna à l’intention de Typhon et de Léandra, bien que son propre appétit n’ait rien à leur envier. Cette invitation est une idée de mon cru. Il y a des raisons pourquoi les deux Grandes Augures ont été écartés en premiers de la succession… Disons que, pour l’heure, nous jouons selon les règles d’un jeu. Tant qu’il restera plus qu’un élu à se disputer la succession, nous serons libres de manigancer librement. Il serait bête de ne pas en profiter, non ?  »

À l’instar de Typhon, Échidna avait ajusté sa posture en position plus respectueuse pour accueillir leur invité. Elle reprit vite ses aises, toutefois, car son ventre criait famine. L’organisation du banquet avait bouleversé l’horaire habituel de ses six repas quotidiens, alors il tardait à la femme-serpent-chatte de 5 mètres 50 de combler sa panse.

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2e message