Je m'emparai du livre tendu. Ça faisait bien un mois — si ce n'était peut-être plus — que Lou me prenait la tête pour le lire.
« Jamais vu quelqu'un d'aussi lourd. ». C'était vrai. Elle était d'une bavardise, insupportable.
« Si on lui coud pas la bouche la prochaine fois, je l'étrangle. ». C'était peut-être exagéré, non ? Elle n'était pas méchante. Juste — très — chiante.
« Melissandre ? Tu m'écoutes ? ». Je papillonnai des yeux.
« Oui, bien sûr. ». Absolument pas. J'avais été totalement déconcentré par Bertrand et Sélène.
« Bon tu me diras ce que t'en penses hein ? » -
« Oui, bien sûr. ». Un nœud serra mon estomac quand je vis le regard qu'elle me jetât et, instinctivement, je posai un œil sur le livre entre mes mains.
« Jette ça. Tu connais les races magiques... ». Mais c'est une Magicienne. Les profs nous apprenaient qu'ils étaient garants de la paix.
« Tu te souviens de ce livre qui parle de la relation entre les Magiciens et les Sorciers ? ». Qu'il était commun à l'adolescence que les Mages s'essaient à aller contre leur nature innée. Juste pour essayer, ou à cause d'un environnement pouvant les pousser à se questionner. Mais également que, parfois, ils s'y plongeaient totalement. Je grimaçai.
« A plus tard. » répondis-je à la Magicienne en l'entendant me saluer également. J'attendis qu'elle s'éloignât, seulement alors je m'approchai de la première fenêtre et me débarrassai de l'ouvrage. Je me sentis soudain libérée d'un poids, vite remplacé par un autre cependant.
« Saute. ». Je fixai longuement le vide dans lequel avait disparu le roman.
« Saute, je te dis. ». Tobias. Un jour il était arrivé. Comme ça. Ses mots étaient des injonctions. Terribles. J'étais mal à l'aise quand il était là. Je reculai d'un pas, tournant la tête dans toutes les directions. Il était si proche de mon oreille. Je m'attendais à le voir à mes côtés, déjà prêts à me pousser. Mais il n'était pas là. Il n'était jamais là. Il était comme Bertrand et Sélène. Invisible. Cela le rendait plus terrifiant encore, lui.
« Casse-toi de là. ». Oui. Partir. Je tournai vivement des talons, pressée de fuir les lieux.
« Qu'est-ce qu'elle a celle-là ? » grogna Bertrand à l'interpellation.
« Je sais pas... » soufflai-je, m'approchant tout de même, et ce malgré les avertissements de Sélène.
« Elle est bizarre elle... ». C'était vrai que Blu était particulière. Nous n'étions cependant pas un modèle de perfection. J'avais vite compris qu'il y avait quelque chose d'étrange en la présence de mes amis. Mais ce n'était pas seulement le caractère de la Magicienne que Sélène avait relevé. Je n'en fis pas grand cas. Ce genre de chose, je n'en parlais pas. Jamais. D'ici que ce soit encore un truc que personne ne voyait ou n'entendait.
« Est-ce que je le trouve beau ? ». La question me désarçonna. Je détaillai le garçon.
« Bof. » -
« C'est bizarre comme sondage... » fis-je plutôt.
« Et c'est bizarre d'être vexé comme ça avant la réponse. » ajoutai-je à l'intention du garçon. Je ne répondis pas immédiatement à la question cependant. Ils étaient nombreux ceux de notre âge à parier sur le physique pour réussir, particulièrement pour obtenir les avances des puff-puff girls ou des joueurs de puffball. Je ne savais pas si c'était son cas. Peut-être. Peut-être pas.
« Tu ferais mieux d'être franche. » -
« Non. On sait pas de quoi sont capables certains. » -
« Elle a raison. ». Je papillonnai des yeux pour les poser sur le duo en prenant conscience de ce qu'il venait de se passer. Quelle conne. « Grillée. » -
« Enfin, ce que je veux dire, c'est que, t'es pas le genre de personne vers qui je m'adresserais pour sortir avec. » tentai-je de me rattraper.