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 Les Portes - Chapitre V

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Babelda
~ Rehla ~ Niveau III ~

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Babelda
Jeu 20 Oct 2022, 14:53


Image par Fernanda suarez.
Les portes - Chapitre V
Babelda

Rôle:
Résumé parce que c'est un pavé:

Montarville attendait, face à la haute fenêtre. Son esprit fourmillait sous l'assaut des nombreuses problématiques qui s'étaient présentées à lui ces derniers temps. Organiser un bal, quand bien même il n'en soit pas l'élaborateur, n'était pas de tout repos. La tâche devenait plus complexe encore lorsque l'on s'apprêtait à annoncer l'héritière de tout un royaume. Comme il s'y était attendu, Garance avait su prendre les choses en main, en prenant contact avec le chef de son armée pour renforcer la sécurité du palais. Même s'il se doutait que la noblesse ne s'insurgerait pas de façon violente durant une réception, il valait mieux se montrer prudent. Il ne voulait pas risquer la vie de l'un de ses joyaux. L'acte de Placide avait raviver la crainte perpétuelle qui grondait en lui, qu'on chercha à le priver de l'un des souvenirs vivants que lui avait laissé Déliséa... C'était sa plus grande peur. Et à celle-ci venait se coupler les paroles avisées de son conseillé... Afin qu'il n'arrive rien à la prunelle de ses yeux, il devait s'assurer de la laisser entre de bonnes mains. Sous la protection d'un homme de confiance et qui saurait se prémunir des dangers... Ludoric De Tuorp serait sans doute plus enclin à s'attirer des ennuis, surtout s'il suivait les traces de son père. Et qui protègerait sa Coline, s'il s'absentait combattre à la guerre ? Garance avait vu en lui un potentiel qui lui échappait encore. Sans doute avait-elle voulut consolider l'alliance avec une famille noble, mais de toutes celles qui gravitait autour de leur famille, celle-ci ne ravissait pas l'enthousiasme du monarque. Et puis, Lambert avait fait une proposition qui valait le coup de la réflexion. Childéric d'Ukok était un homme d'honneur, un homme puissant qui, s'il était lié à l'armée, ne s’absenterait pas sur le champ de bataille : sa contribution à la guerre résidait désormais davantage dans ses méninges que dans ses muscles. Contrairement à la jeune recrue, le chef des armées avait déjà fait ses preuves sur le terrain. Oui, plus il y songeait, plus le roi s'entichait de cette possibilité. Et puis, l'inquiétude de Garance serait apaisée : la famille de ce prétendant était une opportunité d'alliance tout aussi prometteuse que les De Tuorp.

Ses pensées s'arrêtèrent cependant lorsque l'on fit entrer son rendez-vous. Adolestine l'avait prié d'accorder une audience privée à l'une de ses connaissances. Elle était restée vague sur le sujet de cet entretien et cela avait autant inquiété qu'intrigué le père, mais puisqu'il ne savait rien refuser au fruit de son sang - à part peut-être ce qu'elle désirait le plus - il avait fini par accepter devant sa requête. Le visage familier du garçon, réminescence d'une jeunesse envolée troubla le De Lieugro mais il n'en laissa rien paraître. « Relevez-vous, Sir Lavehc. » l'accueillit le souverain, l'invitant à se redresser. Le roi le laissa ensuite exposer sa doléance sans l'interrompre, l'observant intensément. Ses révélations déclenchèrent quelques tornades en lui, mais le monarque sut garder un masque impassible. L'exercice de sa fonction lui avait appris à manier les masques, bien qu'il s'en débarrassa aussitôt libéré de ses prérogatives.

Montarville garda le silence un instant, s'approchant de l'adolescent. « Ce sont là de graves accusations que vous portez envers un membre de la royauté. » déclara-t-il finalement d'une voix grave. « Vous parliez plus tôt de la place d'un domestique : vous mesurer face à un Prince, c'est vous risquer à pire que quelques supplices. C'est votre tête que vous mettez en jeu. Et ce ne seront pas ces fanfreluches qui vous garderons de la vengeance d'un puissant un peu trop capricieux. » Le roi souffla bruyamment par les narines. Il se doutait que le domestique en avait conscience. Il n'avait pas l'air d'avoir exigé cet entretien à la légère. « Mais je vois que vous avez su vous montrer à moi avec des arguments convaincants. Du moins, des alliés qui vous éviteront peut-être un allé-simple pour les cachots. » Les accusations d'un simplet de basse naissance ne faisait pas le poids face aux paroles d'un futur roi, peu importait de quel côté se rangeait la vérité. Mais il venait d'impliquer avec lui sa fille et la sœur dudit futur roi. Peut-être que leurs paroles à elles parviendrait à peser dans la balance. Le roi se tourna vers un domestique. « Allez me chercher les Princesses Adolestine et Zébella. Faites les patienter dans des salles séparées, en attendant que je termine avec ce jeune homme. Faites-moi également parvenir Lénora, et l'intendante. » Le valet fila en vitesse et le De Lieugro reporta son attention sur le brun. « Si vous dites la vérité, il ne fait aucun doute que ma priorité sera de protéger ma fille. En ce qui concerne la princesse D'Uobmab, mes mains sont un peu plus liées. Se mêler des affaires d'un autre royaume est la meilleure voie pour déboucher sur un incident diplomatique, mais je ferai mon possible. » Mais puisque la bleue était prête à risquer la paix de leurs nations, il n'avait d'autre choix que d'intervenir. Si ce plan-ci échouait, rien ne garantissait qu'elle ne tenterait pas une autre folie pour parvenir à ses fins. Le roi invita d'un geste son interlocuteur à prendre place et fit de même. « Bien. Je veux que vous me racontiez précisément tout ce que vous savez sur cette affaire. Si je dois porter à mon tour des accusations, je veux m'assurer d'avoir toutes les cartes en main. »



L'intendante sourcilla face à la question du roi. Elle se trouvait seule dans la salle, Clémentin ayant été gentiment reconduit dans un salon secondaire. Il n'était pas derrière des barreau, mais il était tout autant prisonnier. Montarville aurait souhaité convoquer Garance et Lambert pour demander leurs conseils mais l'urgence de la situation l'avait fait commencer sans les attendre. « C'est que... Plusieurs domestiques ont été lié à des déconvenues avec le prince. » révéla-t-elle. Il y avait eu beaucoup de rumeurs, à ce sujet. Certaines étaient remontées jusqu'aux oreilles du roi mais, comme souvent, il avait préféré les ignorer. Ses invités venaient d'un pays à la réputation beaucoup plus redoutable, et il avait prêté la naissance de ces bruits de couloirs à cette association de pensées. L'intendante, cependant, était une femme droite qui ne lui rapporta que les faits avérés. Le Prince Merlin était un homme difficile à contenter, et le personnel du Palais en payait les frais. Rien, cependant, qui fut suffisamment grave pour supporter les dires du garçon. Il ne s'agissait là que du résultat d'un homme gâté, rien qui sortit de l'ordinaire. « Mmh... Ce jeune homme que vous avez renvoyé chez lui... Convoquez-le. Mais faites discrètement. Occupez vous-en personnellement. » Le roi ne souhaitait pas éveiller les soupçons de l'accusé. « Bien, mon Seigneur. » La femme s'excusa avec une révérence puis tourna les talons. « Faites entrer Lénora. »

La présence de la jeune femme adoucit légèrement le trouble de Montarville. La femme était au service de ses filles et les retours que lui avaient fait les deux adolescentes portait éloge à la dame de compagnie. « J'ai cru comprendre que votre présence aux côtés des Princesses était apprécié. » commença-t-il en posant l’anthracite de ses prunelles sur la domestique. « Vous allez avoir de nouveau l'opportunité de prouver votre loyauté envers elles. Voyez-vous, une sombre affaire menace Adolestine et, quand bien même ce bazard ne serait qu'une vaste plaisanterie, je tiens à m'assurer de sa sécurité. » Le trouble vacilla au fond de ses yeux. « Vous allez être témoin de certaines choses mais je compte sur votre discrétion. Quoi qu'il en soit, à partir de maintenant, vous ne quitterez plus le côté de ma fille. Cet ordre prévaut sur toute autre directive, est-ce clair ? » Une fois qu'il eut obtenu confirmation, le monarque continua. « Vous l'accompagnerez où qu'elle aille, de l'écurie jusqu'à la porte des toilettes, sans la quitter d'une semelle. Vous me reporterez le moindre incident. » Il ne voulait plus apprendre les choses par un inconnu. « Si vous veniez à vous retrouver seules avec le Prince D'Uobmab, faites venir l'un des gardes. » Ils seraient bientôt nombreux, suffisamment pour que la brune n'ait pas à s'éloigner pour aller demander leur assistance. Le roi s'approcha de la femme. « Je compte sur vous. »

Montarville fit ensuite venir Adolestine. Lorsqu'elle arriva, la sévérité de leur précédent échange se marqua sur son visage. « C'est dans un beau guêpier, que tu m'as envoyé. » déclara-t-il, ordonnant d'un regard à sa descendante de prendre place à ses côtés. « Les accusations portées par ce garçon sont lourdes de conséquences. » reprit-il une fois qu'elle fut installée. « Et puisqu'il t'a impliquée, tu te dois de te porter garante de lui, ou de nier ses dires. Mais dans ce cas, tu le condamnes. Son comportement, s'il n'est pas soutenu, ne peut rester impuni. » Le père s'approcha de sa fille et prit fébrilement l'une de ses mains entre les siennes. « Est-ce vrai ? » demanda-t-il dans un souffle. « A-t-il violenté ce pauvre garçon pour te faire taire ? » Une fois qu'elle eut confirmé ses craintes, il réprima un soupir. « Pourquoi ne pas m'en avoir informé ? Et qu'as-tu donc vu pour qu'il veuille te terroriser à ce point ? » Le père écouta les révélations de sa fille avec un mélange de désolation et d'effroi. Il réalisait soudainement qu'il avait enfoncé la brune dans un piège duquel elle avait tenté de s'échapper. Et lui, au lieu de l'aider à s'en extirper, l'y avait renvoyé. La culpabilité lui rongea les entrailles et il porta une main à la tête de la princesse, qu'il commença à caresser, comme pour la rassurer. « Ne t'en fais pas, je ne le laisserai pas te faire de mal. » Il enlaça sa fille dans une étreinte désespérée. Il avait laissé s'infiltrer  un serpent venimeux dans son palais. « Lénora veillera sur toi. » Il aurait été plus simple de tout annuler, peut-être, mais cela aurait alerté la bête. Mieux valait frapper sans qu'il ne se douta de rien.



« Veuillez me pardonner de vous avoir fait patienter ainsi, Princesse. » Le roi lui fit signe d'entrer à son tour. « Mais un problème urgent a été porté à mon attention. » C'était un euphémisme. S'il l'avait pu, il aurait renvoyé ces deux problèmes là d'où ils venaient. Qu'ils s'amusent à leurs assassinats dans leur palais, cela les regardait. Mais qu'ils impliquent ses sujets et sa fille, c'était une autre affaire. En cet instant, la bleue faisait à peine meilleure figure que son frère. Seul le fait de savoir qu'une peur constante devait lui nouer le ventre la prémunissait d'un jugement trop sévère, et l'enrobait d'une pitié qui l'aurait sans doute outré si elle en avait eu conscience. « Votre frère vous malmène-t-il ? » demanda-t-il de but en blanc. « Pardonnez-moi de me montrer aussi direct, mais il semblerait que le penchant de votre frère commence à dériver quelque peu et je ne peux permettre cela. » fit-il d'une voix concernée. La question ne sembla pas dérouter la future reine et cela glaça le roi de l'intérieur. Une part au fond de lui avait continué d'espérer que tout cela n'était que mensonge. C'était plus simple que de devoir faire face à la réalité. Sa réponse lui arracha un soupir. « Je crains qu'il ne désire reporter sur d'autres ce qu'il ne peut vous faire. Sachez qu'ici, il m'est possible d'intervenir. Cependant, les choses ne se font pas comme sur votre terre natale. » Son visage se durcit. « L'assassinat, et la guerre que ce coup d'état pourrait entrainer sont deux choses que je ne désire pas. » Il s'adoucit presque instantanément, comme si son instinct paternel ressurgissait légèrement. « Je ne peux m'en prendre à votre frère directement sans risquer de me mettre votre royaume à dos. Cependant, il m'est possible de l'en bannir au plus tôt. Si votre vie est en danger, vous serez bien évidement la bienvenue ici et pourrez demander l'asile. » La proposition que lui fit la bleue le glaça d'effroi. Voir qu'une demoiselle pusse renfermer un esprit si malsain l'épouvantait. Comment Judas avait-il bien élevé ses enfants ? Ne s'inquiétait-il pas de les voir grandir dans un tel climat ? Montarville soupira. « Si vous souhaitez vous débarrassez de votre frère, il s'agit de votre décision. Mais ne le faites pas à notre dépend : n'impliquez pas ma réputation, ni mes sujets. Vous semblez être une jeune femme pleine de ressources : je suis certain que vous trouverez une solution qui vous siéra, une fois de retour chez vous. En attendant d'y parvenir, vous vous tiendrez correctement et mettrez un arrêt à vos manigances durant votre séjour ici. Me suis-je bien fait comprendre ? »



Montarville fit remonter son regard sur Lambert. Il avait l'air d'avoir vieilli de plusieurs décennies en quelques heures seulement. « Que penses-tu de cette situation ? » demanda-t-il à son conseillé, après lui avoir tout raconté. « J'ai demandé à ce qu'on surveille la Princesse et le Prince ; la première pour m'assurer qu'elle n'orchestre pas une nouvelle tentative d'assassinat. Le second, pour garantir la sécurité de nos convives. » Le De Lieugro avait l'impression d'avoir courut un long marathon ; et maintenant que la ligne d'arrivée était enfin en vue, quelqu'un semblait transformer sa course en parcours d'obstacles. Malheureusement, plutôt que de les éviter habilement, il avait l'impression de foncer droit dessus. Il avait besoin d'aide et s'était naturellement tourné vers son ami de toujours. « Et le Roi d'Uobmab vient de me faire parvenir une missive : il nous honorera de sa présence au bal. » Il ne chercha pas à masquer l'amertume dans sa voix. Le brun prit sa tête entre ses mains. Il avait une terrible migraine. « Est ce que ta proposition de partir en vacance tient toujours ? » essaya-t-il de plaisanter pour détendre l'atmosphère.



Montarville força un sourire sur son visage fatigué. « Je suis ravi que vous ayez accepté de m'accompagner ce soir. » Il avait bien fait de prendre à son bras une femme aussi douce et sage que Clémentine. Elle, au moins, ne lui causerait aucun ennui. Ils discutèrent paisiblement jusqu'au moment de se présenter ensemble au bal. « Je vous aurait bien remercié mais ce serait m'attribuer des honneurs que je ne mérite pas. C'est à Sir d'Eruxul qu'il faudra faire parvenir votre encouragement. » Le roi sonda la foule d'un oeil sombre, à la recherche de la figure inquiétante du monarque d'Uobmab. Il ne le voyait pas encore. A la place, il offrit son bras à sa cavalière et la dirigea sur la piste de danse, entamant la valse. « Il se porte bien, merci. » répondit le père lorsque la d'Ukok aborda le sujet épineux de son fils. Un sourire s'épanouit sur ses lippes fine face aux excuses de la noble. « Je n'apprécie guère les mauvaises langues qui farfouinent pour se délecter des tourments de ma famille, mais je ne vous prête pas ce genre de mauvaises pensés. Je vous pense ingénue dans votre inquiétude et vos intentions. Savoir que mon fils peut compter sur votre empathie me rassure. » Ils bougeaient sur le rythme de la mélodie. Montarville était peut-être légèrement trop guindé pour sembler à l'aise. Il n'arrivait plus à se détendre depuis son entretient avec Clémentin. « Pourquoi vous ? » s'amusa le roi. La question était légitime. Le duo n'avait jamais entretenu de proximité et s'ils s'étaient déjà croisés, leur relation n'avait jamais dépassé le stade de la cordialité polie. « J'imagine que je cherchais la compagnie de quelqu'un d'apaisant. Vous exercez comme moi un soin particulier à rester éloigné des commérages et des scandales, et c'est ce dont j'avais besoin. Ce choix m'apparait d'autant plus judicieux, avec les récents événements. » Il fut soudain pris d'un doute. « J'espère que vous ne vous êtes pas sentie obligée d'accepter mon invitation. Si vous désirez valsez dans les bras d'un autre partenaire, je n'en prendrai pas outrage. » En cet instant, à l'instar de la nature de son fils, le roi aurait préféré se plonger dans la solitude. « Vous êtes très élégante, ce soir. Puis-je présumer qu'il s'agit de l'une de vos confections ? On m'a dit du bien de vos doigts de fée. »

Montarville croisa le regard de Clémentin. Il l'avait laissé venir au bal, mais avec une mission pour remplacer la précédente : s'assurer que Merlin ne s'en prenne ni à sa fille, ni à sa propre sœur.
2883 mots
Désolée du pavé.  Les Portes - Chapitre V  - Page 11 016


Merci Kyra nastae

Avatar : Yizheng Ke
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Adriæn Kælaria
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Adriæn Kælaria
Jeu 20 Oct 2022, 19:33

Les Portes - Chapitre V  - Page 11 Zwbn
Image par Kelogsloops
Les Portes - Chapitre V



Rôle:

Lorsque Montarville vint le voir, Lambert venait d’être mis au fait de plusieurs éléments que le Roi n’avait peut-être pas encore appréhendés. L’un d’eux avait particulièrement attiré son attention, puisque le Royaume De Lieugro accueillait en son sein les enfants d’Uobmab. La femme de Judas, le père de Zébella et Merlin, était morte dans un accident. La presse ne s’étendait pas au sujet des circonstances, ce qui ne sembla pas suspect au blanc. Il doutait néanmoins que le Roi en fût attristé. Les mœurs de certains Royaumes laissaient à désirer et il avait du mal à concevoir que l’on pût réellement aimer d’amour sa propre sœur. Il adorait Déliséa mais s’il avait dû se marier avec elle et lui faire des enfants, il aurait fini par la haïr profondément. Elle l’aurait même dégoûté au plus haut point, au moins autant qu'il se serait dégoûté lui-même. C’est donc sur ces pensées qu’il fut mis au fait de la situation par son ami. « Hum… étrange… » murmura Lambert, en posant son coude sur la table. Pourquoi donc Judas venait-il au bal ? Il aurait dû débuter une phase de deuil, ou quelque chose de similaire. Peut-être voulait-il voir ses enfants mais n’importe qui de sensé aurait préféré demander à ces derniers de rentrer ou, tout du moins, de ne pas se rendre à de telles festivités.

Lambert releva les yeux vers Montarville. Il le trouvait fatigué. Il en oublia d’ailleurs un instant son statut de conseiller pour tenter de le distraire. Il posa son bras sur l’épaule du brun. « Je crois que des vacances seront plus que nécessaires après le bal ! On pourrait faire plusieurs lieux… la campagne pour faire de longues promenades, la mer pour se baigner… J’espère juste que les méduses ne te suivront pas comme la dernière fois. » Il lui sourit. Il aimait ces quelques secondes de relâchement mais il savait qu’il y avait un plus gros sujet sur la table. Judas était un gros morceau à lui tout seul. Ça ne l’étonnait pas que ses enfants fussent ainsi. « Je ne vais pas te cacher que c’est une situation délicate. » Montarville était déjà au courant vraisemblablement. « Je te conseillerais bien de parler à Judas. » Il doutait néanmoins que le Souverain punît ses rejetons pour leur comportement juste parce que Montarville le lui demanderait. « Cependant, vu la conjoncture, je me demande si, au lieu de lui présenter des problèmes, il ne vaudrait pas mieux trouver des solutions qui régleraient les soucis de façon détournée. » Il marqua une pause et reprit. « C’est un peu délicat à formuler mais… la femme de Judas est décédée. C’est un Roi puissant alors peut-être pourrait-on envisager une alliance entre nos deux Royaumes ? Je maintiens toujours l’idée que Childéric reste le meilleur parti pour Coline, surtout parce que je ne connais pas suffisamment Judas malgré le fait qu’il soit déjà venu ici à quelques reprises. Cependant peut-être que le Roi d’Uobmab serait une solution tout aussi viable, si Coline est d’accord, bien sûr. Nos deux Royaumes ne formeraient plus qu’un. » Il se redressa un peu, pour s’étirer discrètement le dos. « Sinon, je pensais peut-être à Garance… s’il lui plaît. » Il n’était pas certain de vouloir voir Judas et Garance ensemble. Il inspira et soupira. « Disons que je pense qu’il vaut mieux l’avoir avec nous que contre nous. On ne sait jamais. » Il avait entendu des rumeurs troublantes, présentant Judas comme particulièrement vorace en territoires. Il ne voulait pas inquiéter Montarville mais il ne voyait pas d'un bon oeil la venue du D'Uobmab.

Après un instant, et même si Lambert n’aimait pas parler de décès avec Montarville, il ajouta néanmoins : « Honnêtement, je pense qu’il ne ressentait pas la même chose que toi pour sa femme étant donné qu’elle était sa sœur, mais nous verrons lorsqu’il arrivera. S’il semble trop affecté ou s’il se montre trop exécrable et sans manières, la question ne se posera pas, bien entendu. Néanmoins, réfléchis-y. Cette solution pourrait potentiellement apaisé les comportements de ses enfants… » Il se tut de nouveau. « Dans tous les cas, je pense qu’il faudrait rester ferme et que si l’idée d’une union ne te plaît pas, tu devrais quand même lui parler des problèmes causés par ses enfants. Judas n'a pas l’air commode mais je pense qu’il apprécierait une conversation franche et assurée. Et s'il n'apprécie pas, nous serons au moins rapidement fixés sur ses intentions. »




Lambert avait envoyé un mot à Madeline, afin qu’elle se déplaçât directement au palais. Aussi, lorsqu’on lui annonça la présence de sa femme, il demanda qu’on la laissât entrer et à ce qu’on les laissât seuls. Les problèmes s’accumulaient et peut-être n’était-ce pas le bon moment mais il savait que s’il n’abordait pas la question maintenant, il ne trouverait jamais ce fameux bon moment plus tard. « Madeline. » la salua-t-il. Il avait réfléchi longuement pendant son séjour au palais, malgré le fait qu’il eût préféré oublier. Il l’invita à s’asseoir en face de lui. « J’aimerais que nous parlions un peu avant de nous rendre dans la salle de réception. » Il posa ses mains sur la table. « Je crains d’avoir été bien trop occupé par les affaires du Royaume pour me rendre compte de certaines choses qui se passaient pourtant sous mon propre toit. » Il releva les yeux vers elle. « Si tu ne m’aimes plus, je peux l’entendre. Seulement, je préfère que tu sois honnête. » En réalité, il ne savait pas spécialement ce qu’il était capable d’entendre. « Ainsi, nous pourrons discuter ultérieurement des solutions qui s'offrent à nous. »

884 mots



Les Portes - Chapitre V  - Page 11 4p2e
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Min Shào
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Min Shào
Ven 21 Oct 2022, 16:31


Image par Alena Aenami
Les Portes - V


Korn - Hey Daddy (coucou Judas)

Merlin envoya sa chemise ensanglantée valser dans les mains de son domestique, puis empoigna sa plume. Ses ardeurs calmées par la chasse, le Prince réalisa qu'il s'était égaré depuis son arrivée au Royaume. Zébella l'avait fait tourner sur-lui même tel un loup en cage, l'écartant de ses vraies ambitions. Mais il était temps qu'il se ressaisisse, avant qu'il ne soit trop tard. Il fallait appeler des renforts. Son passage chez les D'Etamot pouvait attendre.

Votre Majesté,

Je vous présente mon rapport du royaume des De Lieugro. Personne à part vous et moi ne lirons cette lettre. Zébella n'en a pas eu vent, mais je développerai sur ce sujet épineux plus loin.

En un mot : décrépitude. Le Roi Montarville est faible. Son fils Placide a fait une tentative de suicide (je n'ai rien à voir là-dedans). Ses sœurs se détestent. Elles sont occupées à se saboter mutuellement (il ne manque qu'un coup de pouce à Coline. Adolestine est une poupée de chiffon, c'est ma cavalière au Bal). Certains sympathisent ouvertement avec les domestiques et qui sait jusqu'où ces mélanges s'étendent.
La sœur du Roi est la tête forte : Garance (sera également ma cavalière).

Les autres familles... je n'ai pas eu le temps de récolter beaucoup d'informations sur elles. Mais aucune n'est proche de la famille Royale, officiellement. Aucun membre n'est entré en fiançailles ni marié (pas même ses filles, pourtant assez âgées pour avoir enfanté au moins une fois). En bref, vous aviez raison.

Néanmoins, le temps et les ressources me manquent pour accomplir votre volonté. La honte me couvre alors que je vous demande, par la présente, votre aide. Le Roi ne devrait pas voir d'objection à vous accueillir dans le château, voire même au Bal, si l'occasion vous tente. Je comprends que vos préoccupations sont bien plus pressantes que les miennes et ainsi, si vous décidez de ne pas venir, sachez que je poursuivrai mes efforts pour vous rendre fier.

Quant à Zébella, elle ne m'apporte aucun soutien ni respect, bien au contraire. Je vous conjure de considérer ma proposition à mon retour afin de la remettre dans le droit chemin. Je vous en parlerai en temps voulu.

Avec mes respects,
Merlin d'Uobmab.

*

« Déodatus. » Merlin suivit l'homme jusqu'à son atelier, les murs du château défilant sur son passage. Si le Royaume des De Lieugro était en état avancé de décrépitude, ce n'était rien comparé à celui-ci. Il avait remarqué le voile de richesse qui tentait de cacher misérablement la lente agonie de son patrimoine. Il n'était pas étonnant que leur mère s'adonne aux bassesses de la plèbe pour faire tenir les murs. Les prostituées n'avaient jamais éveillé un quelconque intérêt de sa part, mais maintenant que la frustration obscurcissait son jugement, il se surprenait à envisager cette possibilité pour perdre sa virginité. Ce n'était pas idéal, mais la situation devenait désespérée à cause du bœuf enragé qui lui servait de sœur. Il ne pouvait rester éternellement ignorant... « Adolestine ? » Il haussa les épaules. Elle était tellement dénuée d'intérêt à ses yeux qu'il ne trouva rien à en dire.

« Je te retourne la question. J'ai appris que ma sœur était venue ici plus tôt. » Il avait haussé un sourcil en apprenant que Déodatus était l'élu inattendu de Zébella. C'était cocasse. En remarquant la trace étrangement similaire à la sienne sur son visage, il lui demanda : « C'est elle qui t'as laissé cette marque ? » Il se garda de mentionner sa mésaventure avec elle quelques jours plus tôt ; même s'ils avaient noué une certaine complicité, Merlin évitait d'exposer ses faiblesses, en particulier quand il était sobre.

En entrant dans son atelier, il plissa le nez, assailli par la forte odeur des mixtures. Lui ne connaissait qu'une seule couleur de peinture : celle du sang. Enfant, il adorait plonger ses doigts dans le liquide chaud jaillissant de ses victimes pour dessiner des traits sur leur corps. C'était aussi amusant qu'utile pour faire passer des messages que l'on voulait mémorables. Mais il doutait que l'artiste ait déjà utilisé ce matériau pour ses oeuvres. « Je suis rassuré de la savoir à ton bras, pour être honnête. Zébella n'est pas une proie facile, mais je suis en train de la précipiter vers d'autres hommes. » *Bien malgré moi.* Il se tourna vers son ami.

« Il ne me faudra que quelques phrases pour la pousser à t'utiliser pour me rendre jaloux au Bal. Vois-tu, le moteur de ma sœur, c'est la colère. Ne montre aucune faiblesse, laisse-moi l'énerver et tu pourrais bien t'engouffrer dans une ouverture. » Il imaginait déjà son regard enflammé quand il lui dévoilerait la nature de sa relation avec Déodatus après-coup. Cela l'ennuyait de savoir que quelqu'un d'autre pouvait l'avoir à sa place, mais c'était certainement la façon la plus douce qu'il avait d'en profiter, d'une certaine façon. « Tant que tu me donnes tous les détails si ça se fait. » *Des détails que je pourrais lui renvoyer au visage.* Le regard de Merlin se perdit dans un tableau qui représentait une poitrine généreuse. La quantité de détails, comme les grains de beauté et la forme des tétons, laissait penser qu'il avait suivi un modèle. Il se demanda à quoi ressemblait ceux de Zébella, aujourd'hui. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus réussi à la voir nue. Merlin serra le poing.

« Pense-tu que ta mère sera disposée à travailler au cours de cette soirée en question ? » Il trinqua en prenant le verre que lui avait proposé Déodatus et but une gorgée. « Nous pourrions nous amuser... » Il balança négligemment les tissus posés sur une chaise et s'y installa. « Vois-tu, ma chambre est équipée d'une petite pièce d'eau uniquement séparée par un rideau. » Un sourire lubrique illumina son visage. « Tu pourrais être dans de bonnes conditions pour peindre. Entre autres. » Il avait de grands projets pour le Bal, mais il pourrait bien caser un moment pour prendre sa mère et faire son affaire. Il ne souhaitait rien de plus que de découvrir la réaction de son corps à ces sensations inconnues. S'il aimait ça, un monde de possibilités s'ouvrirait à lui. Tant de nouveaux châtiments à ajouter à la liste, tant d'autres types de souffrances dont il ne pourrait jouer qu'en connaissant leur nature... il avait déjà exploré les appareils génitaux des deux sexes, mais pas de cette façon. Il se perdit dans ses fantasmes et se lécha inconsciemment les lèvres. « Mh... où en étais-je ? Ah oui... le Bal. » Merlin avait de grands projets. De très grands projets.

*

« Maître... » - « Quoi ? » Plongé dans la lecture d'un ouvrage d'anatomie, Merlin ne leva pas les yeux, agacé d'être dérangé. « Je dois vous parler d'un sujet de la plus haute importance. » Sa voix tremblante alerta le Prince, qui soupira en fermant le livre. Quelque chose lui disait qu'il n'allait pas le reprendre après avoir entendu les nouvelles de Marianne.  « Alors ? Parle. » La lueur de la cheminée trahissait la peur dans son regard. Cette dernière s'assura qu'ils étaient seuls dans la bibliothèque puis parla avec toute l'assurance dont elle était capable. « Adolestine est allée parler seule avec le Roi. » L'homme soupira et lui fit signe d'accélérer, ne comprenant pas où elle voulait en venir.  « Elle a été suivie de Dame Zébella. » En entendant le nom de sa sœur, ce dernier bondit sur son siège. « J'ai ensuite suivi les gardes après ces entrevues. Il s'avère que la sécurité du château va être renforcée. » Merlin s'immobilisa devant Marianne. « Pourquoi ? » Sa question avait tonné, froide et impérieuse, sans qu'il n'eût besoin de hausser le ton. « Pour vous surveiller. »

« Impossible ! »  Furieux, Merlin balança son livre au visage de la domestique. Le choc la fit percuter une étagère, en faisant tomber d'autres livres. Le chaos entraînant son geste redoubla sa colère et il agrippa cette dernière par les cheveux. Il l'amena près du feu et la força à approcher son visage des flammes. Cette dernière ne pleurait pas, mais son visage se ferma quand elle sentit la chaleur du feu lui brûler les yeux et la gorge. « C'est tout ce que tu me donnes en trois jours avec cette garce ? » Elle commença à haleter alors que Merlin rapprochait son visage de la cheminée. « Pardonnez-moi... je ferai mieux... » Marianne toussa et des larmes roulèrent enfin sur ses joues. Mais elle ne le supplia pas d'arrêter. Elle savait que cela empirait toujours les choses. Alors elle se retint de crier de douleur et ferma les yeux. Merlin avait envie de la pousser dans le feu et de voir ses vêtements s'embraser. Il voulait voir sa chair se noircir et se carboniser, jusqu'à dévoiler le blanc de ses os. Il l'approcha encore plus près, si bien que sa main droite lui brûlait atrocement, elle aussi. Merlin se délecta de cette douleur. Son pouls s'accéléra.

Quand la brûlure devint insupportable sur sa main, l'homme parvint à contrôler sa rage et relâcha sa prise sur sa domestique. Elle lui avait été parfaitement inutile pour déceler les secrets de la famille royale, mais si ce qu'elle disait était vrai, Merlin s'était mis dans une piètre situation. « Donc quelqu'un a parlé de moi. Le domestique ou la garce ? Peu importe... le mal est fait. » Merlin se mordit la lèvre. Il aurait dû s'occuper du domestique en bonne et due forme. Mais il doutât qu'il soit le premier responsable.

Peut-être Adolestine avait-elle parlé à Zébella et que les garces s'étaient montées contre lui. En tous cas, la méfiance du Roi entachait gravement ses plans. Il ne pourrait même plus communiquer en toute sécurité avec les espions qu'il avait introduits en arrivant au Royaume. Ils étaient éparpillés dans les grandes villes de la région et la moindre tentative de contact pourrait les démasquer. Il avait bien pu mettre la première étape de son plan en marche pour le soir du Bal, mais le reste devrait attendre. Il n'était pas certain que cette étape l'aidât de quelque façon que ce soit pour la suite à la lumière des nouvelles circonstances, au contraire. Mais c'était trop tard. Merlin s'enfonça dans son fauteuil, les mains tremblantes. Rien ne se passait comme prévu pendant ce voyage. Désormais, seul un coup de pouce salvateur de son père pourrait augmenter ses chances de faire avancer ses pions. Et en plus, il n'avait toujours pas baisé sa sœur. La domestique se releva en se tenant le visage, tremblante. « Qu'est-ce que tu fais plantée là ? Range-moi ça », lui ordonna-t-il en la poussant vers les livres à terre. Il balança une autre rangée de livres au sol, histoire de marquer le coup, puis se précipita dans sa chambre. « Que personne ne me dérange ce soir. »

*

Merlin entra dans la chambre de Zébella. Plusieurs domestiques se trouvaient dans la pièce, et plus encore dans le couloir. Tout espoir d'intimité avait disparu, et Merlin comptait bien tourner cela à son avantage. Un frisson le parcourut alors que son regard se posa sur l'endroit où il avait reçu des coups de sa sœur. Elle était en train d'ajuster sa tenue pour le Bal, devant un grand miroir, et son regard enflammé témoignait de sa contrariété de le voir. D'ailleurs, elle avait uniquement accepté l'entrevue car il avait mentionné leurs parents. Elle n'allait pas être déçue. Merlin dut se retenir de toutes ses forces de ne pas rigoler devant son accoutrement en décalage avec sa stature imposante. Il manquait juste une petite touche de dentelle pour la rendre encore plus niaise. Et dire qu'elle aurait été si belle dans la robe rouge et noir qu'il lui avait fait parvenir... quel gâchis.

Le Prince avait tout prévu. Il avait répété cette scène plusieurs fois. La veille, la réponse de Judas avait posé un nouveau masque sur son visage : celui du fils en deuil. Il s'était armé d'un tissu pour sécher ses larmes et avait fermé son visage. En réalité, l'annonce de la mort de leur mère lui avait à peine fait hausser un sourcil. Ce dernier était étonné du nombre d'années qu'elle avait survécu aux côtés du mastodonte qu'était son père. Non seulement car il éliminait quiconque sans aucun remord, mais aussi car la famille D'Uobmab était la cible d'innombrables d'ennemis. En revanche, la venue de Judas au Bal, surtout pour des desseins différents des siens, lui avait asséné un coup double. Non seulement il ne l'aiderait pas, mais se garda en plus de lui faire part de ses projets pour l'événement. Humilié, Merlin avait passé la nuit à fulminer. Il avait même pensé à l'assassiner pendant le Bal. Il avait imaginé dix mille hypothèses, mais aucune n'était réalisable. Encore moins depuis que le château entier semblait le surveiller. Non, Merlin n'avait décidément pas le cœur à la fête. Il ne lui était pas si difficile de feindre la tristesse.

« Ma chère fiancée... c'est terrible. » Il secoua la tête. « Je n'ai pas eu le courage de te parler de quelque chose d'important jusqu'à aujourd'hui. » Il se courba, feignant la honte, puis posa sa main sur l'endroit où était censé se loger son cœur. Zébella connaissait ses parades par cœur, mais ce n'était pas le cas de l'armée de domestiques qui assistait à la scène. « Mais je dois te l'annoncer personnellement. » Il s'approcha d'un pas et compris qu'il perdrait un membre s'il allait plus loin. Merlin ferma les yeux et pris son temps avant de poursuivre, comme pour rassembler toutes ses forces. Les domestiques avaient cessé leurs activités et étaient pendues à ses lèvres. Un silence alourdit la pièce. Ses yeux se plantèrent dans ceux de sa sœur. L'agacement de la princesse se renforçait à chaque seconde. Alors, il finit par lâcher le morceau. « Notre... notre Mère... c'est... » il plongea son regard sur ses pieds, puis la regarda une nouvelle fois afin de jauger sa réaction. « Elle nous a quittés. » Un pas de plus. « Père a tenu à me le faire savoir par une missive. » Il se retint d'afficher un rictus de satisfaction. « Afin de nous soutenir dans ce moment difficile, il nous rejoindra ce soir. » *Père... qu'as-tu donc prévu de faire ?* C'était la question qui l'obsédait depuis qu'il avait reçu la lettre. L'incrédulité de Zébella, néanmoins, lui confirmait qu'elle n'avait pas reçu de missive de Judas. Elle n'était donc pas plus avancée que lui sur la question... en attendant, il se rapprocha encore de sa sœur, dont l'annonce avait quelque peu affaibli ses défenses, même pour un court instant. Son piège était en train de se refermer sur elle.

« La famille Royale ne te tiendrait pas rigueur de manquer le Bal, si la peine est trop grande. » Il fit signe à sa domestique de s'approcher. « Pour ma part, je m'y rendrai quand même. Je souhaite faire honneur à notre famille. J'ai ajusté ma tenue pour qu'elle convienne à notre situation de deuil. » La domestique lui glissa un tissu noir dans les mains. Il était fait de dentelle et des fleurs étaient brodées sur le bas. La servante de Zébella s'empara docilement du voile sombre et s'empressa de l'attacher dans les cheveux de la Princesse, avec l'aide de Marianne. « Je vous serai grâce de porter le deuil en accord avec la coutume de notre Royaume, quand bien même nous sommes à l'étranger. Par respect pour notre mère. » Zébella détestait la broderie et il ne doutât pas qu'être embarrassée d'un tissu qui lui tomberait sur le visage à la première pirouette l'agacerait au plus haut point. Merlin, quant à lui, avait profité de ce prétexte pour apporter des touches de cuir noir à sa tenue, trop festive à son goût.

Il profita qu'une domestique eût distrait Zébella pour se glisser derrière elle telle une ombre, si près qu'il pouvait sentir l'odeur de son cou. Il fit mine de les aider à ajuster son voile, ses doigts soulevant ses mèches de cheveux pour permettre à ces dernières d'œuvrer. Le contact de sa peau réveilla instantanément tous ses sens. Il en oublia que la combattante pourrait lui porter un nouveau coup à l'entrejambe et le mette au sol d'un seul mouvement. Il l'imagina pencher sa tête vers lui, soupirer et approcher ses lèvres des siennes... « Et dire qu'elle n'aura pas pu voir ses petits-enfants avant de mourir... » marmonna-t-il, l'esprit distrait par son fantasme.

Merlin se recula vivement, soudain revenu à la réalité, puis s'inclina et tourna les prestement talons. L'odeur de la peau de Zébella s'était imprimée dans son esprit telle une promesse. *Elle va payer très cher, cette garce.* Mais en attendant, une autre demandait son attention. Il ajusta sa tenue dans le couloir puis se dirigea vers la chambre d'Adolestine. S'il avait décidé de jouer le petit garçon endeuillé pour le Bal, il ne réservait pas moins quelques déconvenues à la fille du Roi. Une main qui s'égare, une poigne un peu trop puissante sur son épaule... il avait beaucoup de méthodes subtiles à sa disposition pour la pousser dans ses retranchements. Jusqu'où pouvait-il aller avec elle ? Il était curieux de le savoir.

« Princesse Adolestine. Vous êtes ravissante. » Sa voix était aussi glaciale que son regard. L'homme n'eût pas un regard pour l'apprêtement de la femme. Elle lui paraissait parfaitement insipide, surtout après s'être imprégné de la chaleur de Zébella. Il s'approcha et lui tendit son bras cérémonieusement. « Pardonnez d'avance mon humeur maussade. Vous savez mieux que quiconque ce que je traverse », poursuivit-il en commençant à s'avancer vers la salle de Bal. Il se figura qu'elle avait déjà eu vent du décès de leur maternelle. A mesure qu'ils s'approchaient, une effervescence grandissait dans les couloirs, ce qui distrayait les domestiques qui les entouraient. Il profita de ce moment d'égarement pour lui murmurer à l'oreille : « Voyez-vous, je n'aurai jamais le plaisir de tuer la garce moi-même. » Il s'éloigna d'elle et soupira d'agacement. Arrivé devant la grande porte qui menait à la salle de Bal, le binôme s'immobilisa. Que le spectacle commence.

Mots: très beaucoup bis bis

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Susannah
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Susannah
Ven 21 Oct 2022, 21:23

Les Portes - Chapitre V  - Page 11 Lrvr
Les Portes V - Le Conte II
Zébella




Rôle:

Il y avait des moments pour s'insurger, et d'autres où faire profil bas. Même si Zébella n'était pas la meilleure aux devinettes, elle sut d'instinct qu'elle devait opter pour la seconde en attendant d'en apprendre davantage et elle suivit le roi, réduite au silence. Comment fallait-il interpréter cette subite convocation ? À Uobmab, il n'était pas de bon augure de se faire appeler par le souverain, même lorsqu'on partageait le même sang, et, dans le doute, elle présuma qu'il en allait de même chez les De Lieugro. Fébrilement, la princesse passa en revue les derniers jours en refermant la porte derrière eux. Il lui semblait que l'entrevue avec Lambert s'était déroulée à merveille, alors où était le faux pas ? Elle s'arrêta à respectueuse distance du monarque et après une révérence, la curiosité lui fit lever le nez pour le contempler. De près, il était impossible de ne pas remarquer ses traits tirés, les cernes qui vieillissaient ce visage de plus d'années qu'il ne devait en avoir réellement. Une vieille paire de bottes usées jusqu'à la corde, voilà à quoi il lui faisait penser. La comparaison avec un autre roi qu'elle connaissait bien s'imposait naturellement et si ses conclusions se dressèrent rapidement, ce fut à l'abri des volets gris de ses yeux, indiscernables. À l'instar de tout ce que la princesse avait pu constater depuis son arrivée, Montarville était à l'image de ses sujets. Il transpirait la lassitude par tous ses pores, un défaut impardonnable pour un souverain, cela n'inspirait guère la confiance. On ne pouvait imputer à la chance qu'il se soit maintenu sur le trône si longtemps, restait alors une seule conclusion : qui tirait les ficelles du pouvoir dans son dos ? C'était une question intéressante, et son éducation la forçait à se la poser, mais la réponse n'avait pas autant de valeur aux yeux de la bleue que l'organisation de nouvelles compétitions, après le bal. Lambert avait habilement réussi à repousser ses propositions les plus audacieuses, mais peut-être que Montarville saurait accueillir avec chaleur ses idées pour amuser sa cour dans les jours qui suivraient le bal.

La question du monarque mit un terme à son examen et à ses projets et elle battit des paupières, prise de court. Passé le moment de surprise, Zébella fut prise d'une hilarité à peine contrôlée. Qu'elle était bête ! Evidemment qu'il s'agissait de cet arriéré de Merlin. Si ça rimait avec crétin, ce n'était pas pour rien. Le puceau n'arrivait déjà pas à se tenir sous la supervision de leur père, ce n'était donc guère surprenant qu'il fasse parler de lui ici où il devait penser être immunisé en tant qu'invité royal. Dès qu'elle parvint à retrouver suffisamment de sérieux pour lui fournir une réponse plus convenable, Zébella leva le menton. « Me malmener ? Il aimerait bien. » Crâna-t-elle alors qu'une moue méprisante froissait la ligne de sa bouche. « Cependant, c'est certainement son souhait, même s'il mettrait d'autres termes sur ses tentatives si vous deviez lui poser la question. Fort heureusement, je sais me défendre et il ne m'a pas touchée. Pas encore. » Tout en parlant, la bleue réfléchissait à toute vitesse, comme lorsque ses tuteurs la confrontait à une énigme qu'il lui fallait résoudre dans un temps imparti. Leur discussion n'était pas sans lui rappeler une autre similaire, dans la salle de bain de Clémentine d'Ukok. La différence, en dehors des lieux, était que celui qui lui prêtait son oreille avait des capacités qui dépassaient celle de soulever une botte de foin. L'opportunité qui se présentait l'exaltait tant qu'elle surprit ses mains à trembler. Elle les croisa devant elle et pria pour que cela passe aux yeux du roi comme étant le signe d'une agitation due à la peur que Merlin lui inspirait. Quelles cordes fallait-il toucher pour faire danser Montarville comme elle le désirait et le pousser à exercer la justice du roi sur son frère ? Elle devait gagner du temps, ne pas se précipiter pour gâcher ce cadeau divin qui lui était fait.

« Pourquoi ? Qu'a-t-il fait ? » Elle le savait déjà. Il avait été assez sot pour étaler au grand jour ses perversions. En cela, il copiait leur père mais il n'était qu'une piètre imitation. Là où la simple évocation de Judas changeait le sang dans ses veines en glace, son frère ne l'impressionnait pas plus qu'un chien de manchon lui aboyant dessus. Il n'y avait qu'à lui écraser sa petite queue pour qu'il glapisse et retourne se blottir dans son coin. Soigneusement, elle rassembla ses arguments pour les exposer au roi. « Sauf votre respect, Majesté, je ne veux pas vivre en me cachant comme un rat entre vos murs. De plus, je vois deux failles à votre solution. Bannir mon frère de De Lieugro sera considéré comme une insulte par mon Royaume. Sans parler du fait qu'il est le futur roi et qu'il faudra vous préparer à des représailles lorsqu'il montera sur le trône. Il n'oubliera certainement pas que vous l'avez banni par le passé comme un enfant envoyé au coin. D'autre part, mes parents n'accepteront jamais que je me cache chez vous si c'était ce que je choisissais de faire. Ils prendront les armes pour me récupérer. » Commençait-il à comprendre ou fallait-il lui faire un dessin ? « Il faut se débarrasser de lui. Vous êtes roi, agissez comme tel. Vous avez raison, vous ne pouvez pas vous en prendre à mon frère publiquement. Alors utilisez-moi. Faites appel à un assassin, couvrez sa mort comme étant un accident. Je témoignerai en votre faveur, j'expliquerai à nos parents ce qu'il s'est produit. Je serai votre garantie. J'ai plus d'intérêt à le savoir mort qu'en vie et de ce que vous me révélez, je ne suis pas la seule. »

À la seconde où Zébella perçut l'horreur dans les yeux de Montarville, elle comprit qu'il ne marcherait pas dans son plan, qu'elle était allée trop loin et avait surestimé la solidité de son estomac. Elle cacha ses mains dans son dos pour cacher les poings qui se serraient en blanchissant les jointures. Elle accusa le coup de ses mots, pâlissant légèrement. Poltron. Il l'écœurait. À vivre dans le confort et à courtiser la paix, sa déchéance n'en serait que plus douloureuse lorsqu'elle viendrait. Il lui tardait de voir quel sort son père réservait à Montarville mais elle se promit de demander à être en première ligne pour pouvoir voir la sentence tomber sur son échine. C'est dans cette vision qu'elle puisa la force de répondre avec un sourire crispé et une révérence raide. « C'est parfaitement compris, votre Majesté. » Elle songea à Clémentin en quittant la pièce. Ne serait-il pas cocasse qu'un palefrenier réussisse là où un souverain échouait ? Car elle ne comptait pas prévenir le garçon d'écurie d'un quelconque changement de plan. S'il tenait sa part du marché, elle le récompenserait au delà de tout ce qu'il pouvait espérer avec sa cervelle réduite de paysan. Et dans le cas où il se faisait prendre sur le fait et l'accusait, ce serait sa parole contre la sienne, autrement dit rien qui l'inquiétât. Enfin, s'il devait ne pas tenir sa part du marché, elle se débrouillerait pour le lui faire payer d'une façon ou d'une autre. Vivre aux côtés de son père et de son frère avait eu l'avantage de fertiliser son esprit à imaginer diverses façons de briser un homme. Merlin était habituellement son cobaye mais deux, c'était mieux qu'un.

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« Ne bougez pas, Princesse. » La domestique louchait presque tant elle se concentrait pour ne pas laisser son pinceau dévier et ruiner le maquillage de Zébella. Cette demande aurait été facile à exécuter si elle ne venait pas de croiser le regard de Merlin dans son miroir. Sa simple présence dans la même pièce lui faisait l'effet d'une atteinte à son intimité. Ses yeux se rétrécirent et elle pinça les lèvres par réflexe. La domestique, habituée aux éclats entre les enfants d'Uobmab retira son pinceau sans marquer le moindre émoi et, avec une patience dont la princesse aurait pu s'inspirer, le déposa avec le reste des brosses à maquillage en attendant que l'orage passe.

« Quoi ? » Aboya-t-elle tandis qu'il la dévisageait. Elle savait parfaitement de quoi elle avait l'air. Clémentine était charmante, mais son goût pour la fanfreluche et les couches inutiles de tissus la persuadaient qu'il faudrait la traîner sur la piste de danse sur des roulettes car elle ne voyait pas comment marcher ainsi harnachée comme un cheval de trait pomponné comme s'il allait à la foire. Elle repoussa d'une claque sèche la main d'une domestique qui s'avançait pour poudrer ses joues et fit face à son frère. Il n'avait pas encore dit un mot que l'envie de lui décorer l'autre oeil la démangeait déjà. C'était comme un réflexe, attaquer avant qu'il n'essaie de la toucher.

Sa suspicion grandit en le voyant jouer un numéro qu'elle connaissait bien. Pourquoi tournait-il autour du pot ? Il savait manifestement quelque chose et l'agitait sous son nez pour voir si elle mordrait à l'appât. Ça fonctionnait. Il l'agaçait comme une mouche, et elle avait très envie de l'écraser sur le mur. Toutefois, son spectacle porta ses fruits car l'agitation provoquée par la ronde des domestiques s'était calmée et c'est dans le silence que l'annonce de Merlin tomba. Le visage de Zébella se troubla, une fraction de seconde, avant de prendre la dureté de la pierre. « Tu mens. » Souffla-t-elle. Il ne mentait pas, elle le voyait. Sa poitrine se creusa alors qu'elle cherchait son souffle. Elle se sentait comme si elle venait de rater une marche dans le noir et qu'elle chutait dans les abysses. Comment ? « Père vient au bal ? » Assommée par la nouvelle, sa voix sortit plus faiblement que d'ordinaire et elle se fouetta mentalement pour se reprendre. Elle ne pouvait s'autoriser aucune preuve de faiblesse devant Merlin car il profiterait de chacune d'entre elles pour percer sa défense. C'était d'ailleurs sans doute son intention dès le départ. Il ne faisait rien innocemment, mais qu'il osât utiliser la mort de leur mère était au delà de ce que la soeur pouvait supporter. Elle le regarda approcher sans esquisser un geste. Jamais elle n'avait été aussi proche de le mordre. C'était une habitude qu'elle avait prise étant petite et le corps de Merlin en gardait sûrement quelques cicatrices mais un regard de son père avait suffit pour qu'elle cessât à l'adolescence.

« Tu as tout prévu, je vois. » Commenta-t-elle avec aigreur. Elle ne bougea pas d'un muscle alors que les domestiques accrochaient le voile sur sa coiffure. Son coeur n'était plus qu'un morceau de cuir desséché qui ne battait plus que de haine pour son frère. Ce dernier venait de passer dans son dos et une domestique lui jeta un coup d'oeil inquiet en l'entendant grincer des dents. Le marmonnement dans son dos alluma les braises de la fureur dans ses yeux et elle siffla aussitôt. « Tu te berces d'illusions si tu penses qu'il y a un seul monde où je porte tes enfants, lamentable pourceau. Même dans tes rêves, tu n'en es pas capable. Ôtes tes mains avant que je ne te les confisque en les coupant. » Deux tâches rouges marbraient ses pommettes et il eut la présence d'esprit de s'éloigner de ses griffes avant qu'elle ne lui mette la main dessus. Ce n'étaient pas des menaces en l'air, elle portait toujours un poignard sanglé à son mollet.

Son départ, loin de l'apaiser, lui laissa le champ libre à une rumination si intense qu'elle en occulta celles qui œuvraient à la transformer en montagne vivante de rubans. Merlin ne lui avait pas dit comment leur mère avait succombé mais elle soupçonnait leur père de ne pas être étranger à cette affaire. Lui vivant, la maladie elle-même aurait tourné les talons s'il avait voulu la garder vivante. C'était donc qu'il s'en était débarrassé, et cette perspective lui faisait froid dans le dos et elle voulut croire qu'elle se trompait. C'était une bonne chose qu'il les rejoigne pour le bal. Elle savait qu'elle ne trouverait aucun réconfort sur son épaule, si tant est qu'il l'eut déjà serrée contre lui au moins une fois, mais il aurait sûrement les réponses à ses interrogations. Il n'aimait pas les questions mais il ne pouvait pas l'assassiner devant des centaines de convives. Elle inspira profondément pour tâcher de calmer la nervosité qui naissait en elle, ce qui eut pour fâcheux effet de plaquer le voile contre sa bouche. « Mais enlevez-moi cette horreur de mon visage, espèces de gourdes inutiles ! » Eclata la princesse avant de se charger elle-même de ramener le voile en arrière pour dégager son visage et prendre une grande respiration salvatrice. Porter le deuil était le cadet de ses soucis mais elle porterait le voile pour les apparences. En ce qui concernait sa mère, Zébella s'inquiétait davantage des circonstances de sa mort que de la disparition de celle qui lui avait donné la vie. Enfant hyperactive, elle s'était vite détachée de ses bras étouffants pour voler de ses propres ailes et éprouver ses quenottes sur le monde pour trouver sa place dans la chaîne alimentaire. Le temps n'avait fait que creuser cet écart entre cette mère à l'aura trop faible pour captiver la petite tornade. C'était l'attention de son père qu'elle avait longtemps quêté, désespérant d'un jour obtenir ses félicitations sur ses performances et elle avait redoublé d'efforts pour lui plaire et arracher ne serait-ce qu'un sourire ou un hochement de tête. Avec le temps, elle y avait trouvé sa propre satisfaction. Gagner était devenu une drogue dont elle ne pouvait se passer, elle s'intoxiquait au sentiment de puissance que ses victoires lui procuraient. À l'inverse, sa mère n'avait jamais fait figure de modèle et Zébella n'avait jamais voulu être à son image. C'était cette pensée qui lui faisait allonger sa foulée quand elle courrait alors même que ses poumons étaient sur le point d'éclater et c'était celle qui raidissait aussi son dos à cet instant au lieu de s'effondrer pour pleurer son décès. Ses émotions étaient emmitouflées quelque part au fond, si profondément qu'il devenait possible de dissocier. S'il y avait une chose qu'elle avait dû retenir de son éducation, c'était que geindre ne faisait qu'empirer la situation. La moindre marque de faiblesse était sanctionnée par des punitions ou pire encore, par l'indifférence. Non, elle ne finirait pas comme sa mère, et c'était bien la raison pour laquelle elle n'épouserait jamais son frère. Elle ne reproduirait pas les erreurs de leurs géniteurs. Il n'y avait qu'en mettant Merlin hors d'était de nuire qu'elle pourrait vivre sa vie comme elle l'entendait. Plus ce dernier prenait de l'âge, et plus il s'évertuait à emprunter le même chemin que leur père comme un perroquet incapable de réfléchir par lui-même, se contentant de reproduire ce que d'autres faisaient mieux que lui. Si elle en riait aujourd'hui car c'était comme observer un louveteau montrer les dents, elle savait que demain, il en serait peut-être autrement. Mieux valait lui trancher la gorge tant qu'il était encore possible de le faire.

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« Déodatus. » Zébella accueillit son cavalier aussi fraîchement qu'un vent d'hiver, debout en haut des marches qu'il venait de gravir pour la rejoindre. Elle n'essaya pas de sourire ni de paraître heureuse de le voir. Il avait dû entendre la nouvelle, comme tout le Royaume et si elle avait réussi à dissuader les indiscrets d'un regard noir, elle mit les choses au clair directement avec le jeune d'Etamot. « Ne me dites pas que vous êtes désolé. Je ne veux pas l'entendre. Ne me dites pas non plus que je peux m'appuyer sur vous, ce serait faux, à nouveau. » Elle se tut, l'évalua des pieds à la tête, puis soupira comme si son existence même l'incommodait. « En fait, ce serait mieux si vous ne parliez pas du tout. » S'il n'y avait pas eu la perspective du meurtre de Merlin qu'elle avait orchestré avec Clémentin, elle n'assisterait même pas à ce bal. Avec la mort de leur mère, elle n'avait plus le goût d'animer les activités prévues avec le conseiller D'Exurul et songer que son père serait présent enserrait ses entrailles d'une poigne de glace. « Enfin, puisque vous êtes là. » Elle le prit par son poignet et le traîna derrière elle tel un cheval réticent à avancer. Une fois sur la piste de danse au milieu des autres couples, elle se plaça face à Déodatus en maudissant copieusement les souliers qui semblaient taillés pour torturer ses pieds. Alors qu'ils commençaient à se mouvoir au rythme de la valse, l'intuition que ses chaussures allaient voler sous les tables devint certitude. Personne ne verrait qu'elle serait pieds nus sous la gigantesque tente qui lui servait de robe. Alors qu'ils tournaient, Zébella fixa son cavalier. « J'ai changé d'avis. Parlez-moi. Changez-moi les idées. » Ordonna-t-elle. « Au moins pour cette danse et ensuite je vous libèrerai de ma présence et vous pourrez aller retrouver n'importe laquelle de ces jouvencelles que vous courtisez. »

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Merci Jil  Les Portes - Chapitre V  - Page 11 009 :
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Sam 22 Oct 2022, 00:08


Les Portes

Me mordillant l'ongle du pouce en tournant en rond dans la pièce sous l'œil inquiet d'une domestique, je me trouvais comme un lion en cage. Je savais que Clémentin avait pu échanger avec mon père, ma présence dans cette pièce coïncidait bien trop avec leur entretien. Or, j'ignorais ce dont ils avaient pu parler. Je n'avais pu que faire des suppositions et certaines tendaient à se confirmer. Je m'arrêtai devant la fenêtre. J'avais l'impression que j'attendais ici depuis une éternité déjà. Ce fut sur cette pensée que la porte s'ouvrit, enfin. Un instant je sentis mon cœur en joie de pouvoir enfin quitter cette cage avant me souvenir que ce n'était que pour en rejoindre une autre. Je suivis ainsi le domestique, l'œil dans le vague, jusqu'à la porte du salon où se trouvait mon père. Ce fut là qu'il m'abandonna, dans l'entrebâillement de la porte ouverte. Je pris une inspiration et m'avançai jusqu'à sentir la porte se refermer dans mon dos. « Père. » le saluai-je d'une rapide révérence. Je n'aimais pas la situation actuelle. J'avais l'affreuse impression que tout ce que je pouvais dire ou faire en ce moment le mettait en colère. Les lèvres pincées, j'obéis à l'injonction silencieuse et m'installai à ses côtés. C'était donc ça. C'était de ça que Clémentin avait parlé avec lui. Il lui avait tout dit. J'avais espéré que non. Papa avait raison en cela : mettre au grand jour de tels actes n'était pas dénué de conséquences, et si ce n'était de la part du Roi, le principal intéressé, s'il devait l'apprendre, ne laisserait pas la chose impunie. À nouveau la peur de le voir sévir s'ancra dans ma poitrine, plus encore que je me sentais coupable de l'aveu qu'avait dû faire Clémentin. Il n'aurait pas dû, comme moi je n'aurais jamais dû autant me confier. Ce fut d'ailleurs lorsque je sentis la chaleur des mains contre la mienne que je m'osais croiser la sévérité du regard de mon paternel. Je n'y découvrais alors nulle sévérité, au contraire. C'était l'œil d'un parent inquiet pour sa progéniture. « Clémentin est habituellement discret. Il est de ces gens que l'ambition intéresse peu et qui ne trouvent pas leur plaisir en ternissant la réputation d'un être, aussi puissant pourrait-il être. Il est juste... ». Je marquai un temps afin de trouver les mots exacts. Un seul me vint en tête. « Gentil. ». Je baissais les yeux sur mes pieds. « S'il vous a avoué ce que je lui aurai confié, c'est uniquement parce qu'il aura supposé que vous deviez être urgemment mis au courant. » conclus-je d'abord mon plaidoyer en sa faveur en retrouvant les yeux de mon père. Je pris alors une longue inspiration, avant enchaîner. « Le fait est que je ne suis pas certaine que ce soit pour me faire taire que le Prince a... ». Je n'arrivais pas à conclure cette phrase comme craignant que l'évoquer seulement ne me replonge au cœur de l'événement. « Je pense que... Qu'il voulait se défouler. Seulement ça. » soufflai-je en baissant de nouveau les yeux avec cette continuelle question en tête : de quoi était capable un homme qui passait ses nerfs en tabassant un être humain ?

Je ne pus ainsi répondre immédiatement à la question posée, doutant que cela arrange réellement les choses, avant songer que le mal était, de toute façon, déjà fait et que ce silence allait bien plus porter atteinte à Clémentin qu'autre chose, que le retour de bâton vienne de mon père ou de Merlin. Or il valait mieux dans le cas de ce dernier qu'il imaginât que ce fût moi qui fusse responsable de ces révélations. Mais pour cela, il fallait parler. « Les événements ont fait que j'ai croisé Clémentin avant vous et qu'il dût subir mes lamentations le premier. » tentai-je d'ironiser les faits. Je pris une nouvelle inspiration. « Je ne voulais pas vous importuner avec ces histoires. Pas avant le bal. D'autant plus que rien dans ses mots ou dans ses gestes public ne pouvait laisser à penser que son âme soit d'une telle noirceur. Ce n'aurait été que parole contre parole. ». Je me souvenais des mots glacés et faussement emprunt d'empathie le jour où j'avais évoqué ma décision de rester auprès de Placide suite à son suicide. Qui ne fut pas présent ne pouvait pas comprendre. « Il ne fallait qu'un face à face, seul à seule, pour le voir. Son regard était glaçant et voix comme la tempête de l'hiver. ». Je tournai le regard vers l'extérieur. Que se passerait-il après ? « Puis il y a eu des mots qui ont été prononcés. Des menaces. ». Je me pinçai les lèvres. « C'est en partie pour cela que Clémentin a été le premier au courant. Il est l'une de ces personnes sur qui Merlin a décidé faire planer la mort. » précisai-je en ramenant mon attention dans la pièce. Je portai la main à mon cou, jouant nerveusement du bout des doigts avec la chaîne et le pendentif, puis me décidai à détailler. « En voulant retrouver le Prince, pour me faire pardonner, j'ai... Je l'ai surpris avec la Princesse. Ils discutaient et... ». Je marquai un temps avant me corriger dans un souffle. « Ils se disputaient. ». Je ne me sentis pas bien. J'avais l'impression que mes intestins étaient en train de se tordre et de s'emmêler jusqu'à étouffer tout ce qu'ils entouraient. « Je me suis tenue à l'écart, le temps que les choses se tassent. C'est à cet instant que je l'ai entendu. ». Zebella n'était pas mieux lotie que lui à vrai dire. Toutefois ce n'était pas à son bras à elle que je devais me présenter au bal. « Quand je l'ai rejoint il... Ils semblaient s'être battus. Je crois que... Je crois qu'il n'a pas apprécié que je le surprenne ainsi. Ce qui peut se concevoir. » ajoutai-je rapidement cette dernière phrase sans savoir si je le pensais sincèrement, si je ne disais pas cela seulement pour atténuer une vérité bien plus cruelle. « C'est là qu'il a appelé ce domestique et qu'il... ». À nouveau je fus dans l'incapacité de poser des mots dessus qui s'exprimèrent seuls dans le silence. « J'ai cru qu'il allait le tuer. » soufflai-je au bord des larmes. La mort flânait dans les couloirs du palais et ça m'effrayait. La dernière fois que c'était arrivé, elle avait emporté notre mère. Je craignais que ma famille puisse à nouveau être sa victime. « Je crois qu'il m'aurait tué. » articulai-je difficilement. « Je me souviens comme à l'instant. ». L'œil perdu dans le vide, j'avais cette sensation confuse d'être à la fois présente et d'absente des lieux. Hors du temps. Juste mes souvenirs face à moi. « Elle a ignoré tous les signaux de son instinct de survie... » répétai-je machinalement, sans me soucier de savoir si ces mots avaient atteint l'oreille de mon père ou non. Ce fut sa main réconfortante contre ma tête qui ramena mon esprit à l'état présent. Relevant les yeux sur mon père, j'y discernai la souffrance de la vérité et la fatigue d'un esprit rudement mit à l'épreuve. Je tentai de sourire pour le réconforter et le rassurer, mais je me laissai plutôt guider jusqu'à ses bras protecteurs. À mon tour je l'enlaçai, enfonçant ma tête dans son épaule comme je m'agrippai à son habit. « Je t'aime papa. ». Je ne lui disais pas assez. À Placide non plus.



Ça aurait dû être une journée formidable et une soirée plus incroyable encore. À la place de cela, chaque heure du jour et de la nuit qui avait passé avait sonné comme un tocsin glacé dans ma poitrine. Tout autour de moi les domestiques se chargeaient des dernières finitions de ma robe, du choix des bijoux qui l'accompagnerait ou de ceux qui habilleraient mes cheveux. Je les laissais faire, silencieuse et immobile, me contentant de suivre telle une poupée leurs indications, le regard captif quelque part à l'extérieur. Le soleil avait presque disparu. Bientôt viendrait le crépuscule. Cette heure à mi-chemin entre le jour et la nuit, où il devenait difficile de discerner les ombres des hommes. Je m'assis finalement face au miroir. Les unes s'affairèrent avec ma coiffure, les autres se chargèrent du maquillage. Je ne me cachais pas d'elles. C'était inutile. Tous les domestiques au château avaient entendu les rumeurs de ce qui s'était déroulé ces derniers jours, de même que certaines me concernant moins avaient fini par me monter aux oreilles. « Vous êtes ravissante mademoiselle. ». Je me tournai vers ma confidente qui venait de prendre la parole et lui souris en remerciement. Elle savait mieux que les autres encore. Elle fit sortir tout le monde, me laissant seule avec elle. « Tout ira bien mademoiselle. » reprit-elle en s'autorisant à prendre mes mains dans les siennes. « Sa Majesté le roi ne laissera rien vous arriver, vous le savez. ». Je hochai la tête. « Qui plus est, il ne serait pas sage de s'en prendre à un sang royal au sein de sa demeure. ». Je souris une nouvelle fois, rassurante. « C'est gentil à toi de vouloir me rassurer Louison. » fis-je tendrement. Je ne voulais plus l'être, rassuré. Je pouvais tolérer que Coline me marchât dessus. Je pouvais accepter que l'on me jugeât de rêver d'autre chose que des quatre murs que j'avais toujours connue. À l'époque tout du moins c'était le cas. Coline avait inoculé son venin une fois de trop et de la plus mauvaise des façons. Je ne voulais plus avoir à pleurer ma détresse d'un côté ou de l'autre. Je ne voulais plus que mes proches souffrent de décisions que je savais parfaitement égoïstes. « Votre ruban. » me répondit simplement Louison en attrapant l'objet qu'elle mêlât à ma coiffure. Lorsqu'elle s'écarta, je pris une inspiration et me parai enfin de mon récent visage quotidien : un sourire amène sur des lèvres closes et l'œil pétillant d'une joie que je savais ne pourrais trouver qu'ailleurs.

J'offris une révérence à Merlin. « Je vous retourne le compliment, Messire. » répondis-je avec le plus d'affection dont je pouvais faire preuve à son égard avant poser la main sur son bras. Ce serait de toute façon mieux que ce que lui prît la peine de faire. J'osais une œillade sur lui à la mention de sa triste humeur. Je n'étais pas assez sotte pour imaginer que ces mots étaient choisis au hasard. À peine dans la salle qu'il lançait déjà le jeu de la joute verbale. « À propos de votre mère ? J'étais persuadée jusqu'à maintenant qu'il ne s'agissait que de bruits de couloir. Vous me voyez sincèrement navrée pour cette perte et croyez bien que je partage votre peine. » répondis-je avec déférence. En un autre contexte, aurais-je probablement véritablement partagé cette douleur, oui. Je n'y arrivais pas. Je ne ressentis que de la pitié pour cette femme qui aura engendré deux monstres avant pousser son dernier soupir. La proximité qu'il initia engendra un frisson glacé qui remonta mon dos pour se répandre sur tout mon corps aux mots qui furent soufflés à mon oreille. Le temps d'une inspiration, et je me décrispai pour laisser fleurir un sourire à la commissure de mes lèvres, de ceux qui ornaient le coin des bouches après une confession étonnante et inattendue, quoique celle qui me fut échue ait plutôt eu pour effet de vouloir m'arracher à cet homme sur l'instant. Si tant est que l'on puisse le nommer ainsi. Rapidement je balayai la pièce des yeux, à la recherche de mon père ou de Clémentin. Un visage que je savais serait rassurant. Je ne trouvais que le premier mais pus tout de même discerner la tête rousse de Ludoric. Ma sœur était donc arrivée elle aussi. Je laissais mon cavalier nous mener jusqu'au centre de la salle, rendant les quelques saluts qui m'étaient adressés d'un signe de la tête. Ce fut là que je pus voir du coin de l'œil Lénora se faire interpeller par le médecin. Un autre visage m'apparut finalement, furtif, à l'instant où je me retrouvai face à Merlin. Une main sur son épaule, je le laissai mener cette danse, comme il était de coutume ici, faignant l'ignorance de sa main contre ma hanche ou tout autre acte qui n'avait pas lieu d'être. Une pensée me traversa l'esprit. Celle-là même qui me fit décider que je ne laisserai pas les autres décider de ma soirée à ma place. La même qui, par le passé, m'avait fait comprendre une j'étais las de cette vie de château et m'avait fait préférer la vérité sourde des domestiques aux mensonges éhontés de la cour. « Le monde est bien cruel à nous accorder des moments si tragiques si peu de temps avant les réjouissances d'un bal, vous ne trouvez pas ? ». repris-je la conversation où nous l'avions laissée. J'attendis poliment sa réponse, bien que je me sois déjà fait une idée de ce qu'il pourrait dire, faignant l'ignorance malgré l'inconfort que me prodiguaient ses mots et ses gestes. « Comment l'a prise votre... Sœur ? Fiancée ? J'ignore de quelle façon vous préférez que l'on évoque votre relation. Ce genre de filiation n'est pas dans les coutumes sur ces terres. Même les éleveurs ne le font pas avec leur bétail paraît-il. » soufflai-je à moitié amusée. « Parlez-moi donc de votre Royaume tiens. Je ne le connais que bien peu finalement, sinon qu'il ne doit pas être densément peuplé. ».
©gotheim pour epicode


Mots | 2267 (Ado est saoulée je crois, elle est clairement entrée en mode balek)


La fête va enfin commencer, Sortez les bouteilles, fini les ennuis

Vive les pionniers, Les rebelles et les révoltés

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Min Shào
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Min Shào
Sam 22 Oct 2022, 10:04


Image par Pauline Voß
Les Portes - V



Le Bal approchait et la tension ne désemplissait pas dans mon esprit. J'avais joué des centaines de scénarios différents ces derniers jours, me préparant à toutes les éventualités. C'était évidemment impossible, mais j'en avais besoin pour trouver une sensation de contrôle là où il n'y en avait aucun. Je discutais beaucoup de l'événement à venir avec Adolestine. Elle s'était progressivement fermée, certainement en anticipation de l'événement, alors je m'efforçais de lui changer les idées autant que possible. Je lui racontais même des histoires de mon Royaume en le présentant comme un pays tout droit sorti de Contes.

Mes interrogations prendraient fin d'une façon inattendue. « Lénora ! » Je fis tout mon possible pour retenir le soupir qui se précipitai au bord de mes lèvres. « Qu'il y a-t-il, Madame ? » J'interrompis ma couture et plantai mes yeux droit dans ceux de l'intendante. « Le Roi nous demande. » Je fus tellement surprise d'entendre sa réponse que je laissai tomber mon aiguille sur ma robe.  « Oh... je... j'arrive », balbutiai-je avec difficulté. Mon esprit s'était paralysé le temps d'une seconde, comme pour nier la réalité qui venait de me frapper. Non, je n'étais pas prête à le revoir. Pas encore...

Mais le destin en avait décidé autrement. Etais-je officiellement virée, même avant le Bal ? Cette peur me frappa alors que je m'approchai de l'intendante et du valet. Mais son regard m'indiqua qu'elle avait aussi peu d'informations que moi sur la question de notre convocation. Quand elle entra dans la salle et que je me retrouvai seule dans le couloir, mes émotions prirent le dessus. Mes jambes tremblaient et je commençais à transpirer. De toutes les éventualités envisagées, aucune ne m'avait préparée à cela. Quelque chose m'avait-il trahi dans ma lettre ? Le Roi allait me renvoyer pour l'affront que je lui avais fait ? Avait-il deviné que j'avais en ma possession un outil puissant qui ne m'était pas destiné ? Mon esprit tentait de tisser autant de scénarios que possible avec le peu d'informations que j'avais à ma disposition. Je marmonnais telle une vieille folle, perdue dans mes réflexions, quand l'intendante revint devant moi. « C'est à toi. » Je levai le regard. Mes jambes refusaient de bouger. Je ne pouvais pas le faire. J'allais perdre le contrôle. « Et que ça saute ! » Je hochai la tête et me décidai à avancer vers la salle. Dans l'entrebâillement, j'aperçus le châtain de ses cheveux et soudain, mes pas s'accélérèrent d'eux-mêmes.

Son visage se dévoila alors qu'il se tourna en entendant mes pas précipités. Son regard s'adoucit en se posant sur moi. A ma grande surprise, je ne ressentis plus le même électrochoc que la dernière fois. A la place, une douce chaleur se déversa dans mon corps. Je ressentis l'envie de m'approcher de lui et de l'embrasser de mes bras. Face à son air fatigué, je voulais lui insuffler mon énergie et lui montrer toute la force dont il était capable. C'était une chose que les monarques avaient tendance à oublier avec l'expérience, quand leurs conseillers et leurs héritiers semaient le doute pour grignoter leur part de pouvoir. Mes propres parents n'y avaient pas été étrangers. C'est pourquoi j'étais certaine qu'il suffisait seulement d'une étincelle pour le faire renaître de ses cendres. C'était là, devant lui, et il n'en avait aucune idée.

« Vous avez demandé à me voir, Messire. » Je m'inclinai avec toute la grâce dont j'étais capable dans mon accoutrement. Ses compliments me prisent de court : le rouge me monta certainement aux joues, puisque la douce chaleur qui parcourait mon corps monta et s'embrasa. Je n'eus pas le temps de le remercier : de toute évidence, il était pressé par le temps. Je bus ses ordres, essayant tant bien que mal d'étouffer le millier de questions qui fusait dans mon esprit. « Oui, Majesté. » Je me mordis l'intérieur de la lèvre. Adolestine n'allait pas aimer cela. L'ombre de mes inquiétudes s'étendit quand il mentionna le Prince D'Uobmab. A sa mention, mes yeux s'agrandirent légèrement. J'avais vu la détresse percer dans les yeux du domestique qui avait été renvoyé provisoirement par ce dernier. Ce n'était pas une simple histoire d'erreur professionnelle. J'avais décelé dans son regard la même détresse qu'un prisonnier emmené à l'échafaud. Il avait eu peur pour sa vie.

Le Roi s'approcha de moi, son ombre se projetant sur mon corps. Mon regard passa de ses mains robustes à ses larges épaules, pour remonter jusque dans ses prunelles. Je levai la tête pour croiser son regard une dernière fois et acquiesçai. Il aurait été si facile de tout lui avouer, là, maintenant... je n'avais qu'à faire allusion à ma confession. Je pouvais le lui murmurer et m'enfuir, lui laissant tirer ses propres conclusions. Je ravalai ma salive en hésitant le temps d'une seconde. Mon cœur vouait une bataille acharnée avec ma raison, mais ce fut elle qui l'emporta une nouvelle fois. « Je veillerai sur elle. Soyez dorénavant assuré de sa sécurité en ma présence. Je suis à votre service, Majesté », laissai-je échapper en m'inclinant. Heureusement, il n'avait pas pu déceler mon embarras dans mon regard planté au sol. Je tournai les talons et croisai Adolestine alors qu'elle se rendait dans la pièce à son tour. Ses tourments m'immergèrent comme une vague quand elle s'approcha de moi.

Alors c'était le Prince qui était la cause de ses tourments... nous étions décidément proches sur beaucoup de points. Et pas sur les meilleurs, malheureusement pour nous. Soudain, une idée insensée me traversa l'esprit. Et si je lui avouais tout ? Adolestine connaissait son père bien mieux que moi. J'étais tellement tiraillée par mes sentiments contradictoires que j'en devenais folle. Peut-être qu'une opinion extérieure chasserait soudain mes doutes. L'espoir d'arriver enfin à une décision faisait bondir mon cœur. Ma raison me criait d'en parler à Ernelle, mais je connaissais déjà sa réponse. J'étais certaine qu'elle me dissuaderait de dévoiler quoi que ce soit et me proposerait de la servir. C'était peut-être pour cela que je ne voulais pas lui en parler, inconsciemment... « Viens, allons voir tes collègues afin qu'ils se partagent tes autres tâches. » L'intendante me rappela à l'ordre, coupant court à mes réflexions qui n'aboutissaient à rien. Pour une fois, je lui en étais reconnaissante. « Bien, Madame. »

*

Les jours suivants, j'accompagnai Adolestine du matin au soir. Je repensais souvent aux indications du Roi. Cet incident avec les D'Uobmab m'inquiétait au plus haut point. Je connaissais le Royaume de réputation et apprendre que le couple princier venait m'avait mise sur mes gardes. Maintenant, j'apprenais qu'ils bravaient la tranquillité du Royaume. Quelle était la prochaine étape ? Je prenais ma mission auprès d'Adolestine très au sérieux : à mon sens, cette famille n'avait aucune limite et croire que les murs d'un château protégeait ses propriétaires était une douce rêverie.

Mais ni le Prince, ni la Princesse ne rendirent visite à Adolestine avant le Bal, endormissant mes craintes. Quand l'événement arriva, j'avais pris la bague d'Ernelle, mais je n'avais pas osé la porter au doigt, de peur d'attirer l'attention dès le lancement du Bal. Je prévoyais de me faire discrète jusqu'au moment de la danse des rubans. L'apprêtement des domestiques était accordé à l'atmosphère festive, et me voir une nouvelle fois avec du rouge à lèvres, de la dentelle et de la poudre m'avait fait un choc. J'avais aperçu un soupçon de la personne que j'avais enterrée en venant ici. Heureusement, personne au Bal ne me connaissait à part Ernelle. Je ne la discernais pas encore parmi les invités, alors je m'inclinai devant Ezidor et l'accompagnai avec sa cavalière. « Je vous remercie de votre confiance, Messire. Et je suis honorée de votre présence, Dame D'Etamot. Seulement, le Roi m'a chargée personnellement de veiller sur la Princesse Adolestine ce soir. » Je m'emparai du mot qu'Ezidor m'avait transmis et poursuivis : « Cette décision a été prise en urgence, c'est pourquoi je n'ai pas eu l'opportunité de vous en informer auparavant. Je m'excuse de ce désagrément...! Je vous confie aux services de Solène. »

Je la laissai s'introduire puis allai remettre le mot, alors qu'Adolestine entrait dans la salle avec Merlin. J'approchai de Sire Gustave. Il s'apprêtait à danser avec sa cavalière et ne voulait visiblement pas être dérangé. Le rouge me monta aux joues alors que je m'immobilisai devant lui, assez loin pour lui laisser une certaine intimité, mais assez proche pour que mon regard happe son attention. Gustave De Tuorp était un homme aussi charmant qu'intimidant, si bien que sa présence me rendait quelque peu mal à l'aise. « Messire. Pardonnez mon intrusion. » Je m'inclinai devant lui, puis sa cavalière, et lui tendis le mot des deux mains. « Un message de Sire Ezidor De Xyno. » Une courbette de plus et je me précipitai vers la Princesse, qui s'avançait vers la piste de danse. « Dame Adolestine ! Je serai à votre service ce soir. » Je me tournai vers son cavalier et croisai son regard le moins longtemps possible, juste le temps de me montrer polie. Si Gustave me mettait mal à l'aise, ce n'était rien comparé à Merlin d'Uobmab. « Je vous servirai également, Monseigneur. » Puis je m'écartai pour les laisser s'avancer. Adolestine était superbe, et la voir au bras d'un tel monstre m'effarait. Le corbeau et la blanche colombe. Quoique... un corbeau avait certainement plus de cœur qu'un D'Uobmab.  

Mots : 1774

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Sam 22 Oct 2022, 13:46



Inlassablement, la brosse fit sa course à travers la crinière flamboyante de sa fière descendance. Pourtant – et Rosette le ressentirait forcément – le mouvement s'amenuisait au fil de ses palabres. Madeline se fit attentive, amplement sensible au moindre message sous-jacent entre les mots de sa petite. Parce que ces signes, elle les connaissait largement. Dans son malheur. C'était une histoire magnifique, digne des romans les plus stimulants de leurs chevets. Oh, une mère aimante aurait été ravie d'écouter une telle poésie à son oreille. Madeline n'aurait pu être que conquise par l'opportunité qui se présentait à sa fille, de pouvoir peindre une remarquable aquarelle qui les marquera à jamais. Dans cette situation précise, la Bleue aurait dû jusqu'à même éprouver une certaine once de jalousie, car c'était bien cette étincelle qui lui faisait défaut aujourd'hui ; qui lui manquait depuis… tant de temps. Et pourtant, à travers le reflet, Madeline fixait sa fille sur cette conclusion avec une intensité effarante. Durant ces quelques secondes, la noble suspendit son geste et son regard, si vitreux et indescriptible, s'éperdait sur la demande d'attention qui se profilait sous son nez. Elle s'était tue et c'était comme si on venait de lui arracher un cœur déjà greffé. Sans crier gare, elle reprit les bons soins de Rosette.

" C'est étrange. Abonda-t-elle, le timbre de façade s'accolait à sa voix écrouée. S'il y sera, selon ses propres dires, tu n'auras qu'à lui poser la question. Les hommes aiment trop parler aux femmes qui les ont charmés. Enfin, elle apposa son regard de marbre sur la jeune femme. À condition que ses poèmes t'aient touchée. "

Puisqu'en finalité, c'était bien tout ce que Madeline D'Eruxul pouvait révéler sur Clémentin, le soi-disant simple palefrenier.

~~~

Sous le bleuté de ses yeux, Madeline se mortifia. Elle ne laissa transparaître ni effroi, ni scandale face aux mots crus de Garance, puisqu'elle les connaissait si bien. Au contraire, cette imbécile s'avérait si aisée à cerner ; et de ce fait, à manipuler. Il suffisait d'aller dans son sens et tout se déroulerait avec une finesse digne d'un orfèvre. Forcément, la D'Eruxul ne s'attendait pas à grapiller ne serait-ce qu'une information de la part de la sœur de Montarville ; et si ça avait été le cas, cela n'aurait été qu'un bonus point négligeable. Cependant, les mots avaient un sens et sans même que Lambert ait pu le lui faire comprendre, Madeline comprenait bien que sa relation avec Garance lui échappait. Soudaine, elle éclata de rire, une hilarité aux apparats malfaisants alors que son visage revêtait les fards d'une ange. Douce comme une brebis, elle lui sourit avec une bienveillance hors du commun.

" Vous vous méprenez sur mes intentions, altesse. Il n'était pas question de vous embrigader dans de telles bassesses, quand bien même il en existerait. Ce qui n'est pas le cas. Puisqu'on ne pouvait douter du noble, loyal, et naïf Lambert D'Eruxul. Pour éclaircir ce quiproquo, je souhaitais en toute honnêteté revenir sur la proposition que vous évoquiez chez mon amie De Tuorp. Elle réarrangea une mèche de cheveux et son regard se fit plus acérer. Mon mari s'est effectivement proposé comme mon cavalier, mais si cette tradition enchaînait les partenaires, nous le saurions. Garance était peut-être mégère mais pas totalement stupide ; hélas. Avec du recul, la légitimité de votre puissance importe bien plus aux yeux des sujets, votre suggestion vis-à-vis de Lambert en tant que votre cavalier m'est apparue plus pertinente, c'est pourquoi je vous propose une promesse : après l'ouverture du bal, je vous apporterai de bonne grâce la main de mon mari, que vous pourrez saisir aussi longtemps que vous le jugerez utile. Dansez, buvez, faites bien ce que vous voulez pour trouver cette fameuse entente qui vous fait défaut durant cette soirée. Je ne vous en tiendrai aucunement rigueur. Une lueur maline scintilla à nouveau. Après tout, nous servons le Royaume. "

C'en était grisant de se livrer à de telles bassesses. Était-ce ainsi qu'Eléontine opérait ? Madeline commençait à comprendre pourquoi elle en était si accroc. Il lui faudrait absolument la trouver durant le bal afin de poursuivre leurs méfaits.

" Bien. Maintenant que ma bonne foi vous est acquise, je prends enfin congé. Cette impatience venait de lui échapper, tant pis. Quoi qu'il en soit, la Dame D'Eruxul se leva, esquissa sa noble révérence… Nous nous reverrons au bal. " Et entama sa sortie, le triomphe le long de ses lèvres.

~~~

Madeline fixa sans faillir son mari. Comme sous-entendu auprès de sa meilleure amie, cette robe la rendait d'autant plus ravissante. Ses atours fleuris ne s'imposaient guère pour ne pas paraître hétéroclites. Ce verdoyant se mariait avec le bleuté profond de ses yeux et sa brillance tranchait avec la pâleur de sa peau. La chute sur son dos pourrait être osée, néanmoins pour une femme aussi atypique, il fallait pouvoir user de ses meilleurs atouts pour rappeler au monde sa prestigieuse beauté. À travers son discours, la Dame comprenait bien que tous ces attirails, Lambert n'en montrait aucun intérêt ; ni la moindre attirance.

" Certaines… choses… ? Répéta-t-elle d'abord, faussement hébétée, avant de reprendre sur un ton plus cassant. Comme la vie quotidienne d'une famille ? Connaissez-vous ne serait-ce qu'encore ce mot ? De l'honnêteté, c'était bien tout ce qu'elle désirait de sa part, les rôles n'auraient pas dû être inversés. Je vous aime. Je vous ai toujours aimé. Mais vous me manquez, voilà ce que vous vous n'êtes pas rendu compte sous votre propre toit. Elle secoua la tête négativement. Non, Lambert, ce n'est pas ainsi que nous procéderons. Les solutions ne se discutent pas : elles s'appliquent. C'est par votre audace que vous vous êtes emparée de ma main, il me peine de vous le rappeler alors que nous avons une magnifique demoiselle sous notre… sous mon aile. Elle se leva, lasse. Venez, je vous dois au moins la première danse. Puis elle lâchera sa main ; malgré tout, Madeline réussit à rassembler son courage pour le darder à nouveau, le confronter sur cette épine qui lui meurtrissait le pied. Détrompez-vous sur ma bonne grâce : si je vous accorde ma présence pour votre bal, ce n'est pas pour profiter d'une valse avec vous. Vous utiliserez notre proximité pour me chuchoter enfin ce que vous cachez : vous me direz droit dans les yeux si votre fils courtise ma fille avec ses poèmes. Elle lui laissa le temps de digérer l'information, de faire le lien avec ce qu'il savait, sans doute, déjà. Si je me fourvoie sur votre fidélité, alors vous m'expliquerez pourquoi la mère de ce Clémentin tenait à vous voir vous en particulier plutôt qu'un autre, à affirmer à tout bout de champ que ce bambin dans ses bras est de sang noble. Est-ce le vôtre ou non qui coule dans ses veines ? Par les cieux, m'avez-vous déshonoré avec une gueuse qui empeste le crottin ? Ceci fut l'une des graines qui fit germer cet arbre en quête d'émancipation. J'en ai assez de sauver les apparences avec vous. Je veux vivre pour moi et non plus à vos crochets seuls. Si vous m'aimez encore, prouvez-le-moi une bonne fois pour toute et suivez ma cadence. Elle n'attendit pas qu'il répondît pour prendre les devants. Dépêchez-vous, vos convives s'impatientent ; dont moi. " Elle avait bien pris soin d'emmener son philtre d'amour pour ce soir.


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Priam & Freyja
Sam 22 Oct 2022, 14:24




Les Portes – Chapitre V

En groupe | Hélène


Rôle :


En un sens, Madeline l’amusait. Tout le monde savait que la femme de Lambert était mieux taillée pour le combat – qu’elle ne pratiquait a priori pas – que pour les jeux de la cour. Il avait épousé une gentille fille, voilà tout. Elle la laissa parler, s’enorgueillir de ses petites machinations inutiles, se gausser de qu’elle croyait être le signe d’une intelligence affutée. Elle retint quelques soupirs, lasse de devoir se confronter à ce genre de gourgandines. C’était comme si chaque parent avait eu à cœur d’apprendre à sa fille à se comporter en imbécile aux cuisses offertes et à peine couvertes par quelque pudeur malhonnête. Depuis toujours, Garance préférait le monde des hommes, à qui l’on avait enseigné la stratégie, l’art du combat et les préceptes de l’intelligence. Ils n’étaient pas tous dignes que l’on menât une joute contre eux, mais force était de reconnaître qu’il se dégageait de leur groupe plus de sujets intéressants que parmi les femmes. Entre elles, la princesse n’avait découvert que quelques rares rivales qui valussent le coup de se mettre en péril pour elles – la plupart des femmes, en fait, ne représentait aucun danger et donc, aucun intérêt. Elle se moquait de leurs histoires de cœurs et de culs. Ce qui l’intéressait, c’était le pouvoir. Point. Que Lambert eût envie de plaquer sa femme contre un mur ou qu’il lui préférât sa compagnie l’indifférait, tant qu’elle pouvait obtenir de lui ce qu’elle désirait – et tant qu’il lui opposait une résistance digne de la faire réfléchir. C’était ce qu’elle se racontait depuis des années, pour lui comme pour tous les autres.

Lorsque Madeline se leva, Garance daigna ramener son regard sur elle. Elle l’observa tourner les talons, avant de la retenir d’une interpellation : « Madame. » Calmement, elle s’approcha d’elle, afin de lui faire face. « Jouez les entremetteuses avec vos amies, s’il vous plaît de le faire. Gardez aussi vos flatteries pour elles, car je ne saurais être bernée par quelques compliments quand vous m’avez accablée de quolibets à peine quelques jours plus tôt. Ne vous faites pas l’offense de croire que vous pouvez ainsi paraître sous un nouveau jour. » Son ton était ferme mais sans colère, son regard planté dans celui de la bleue. Pas nécessairement dur, mais franc et implacable. « Votre mari et moi n’avons pas besoin de votre accord pour danser ensemble, tout comme nous n’avons pas besoin d’être poussés par vous pour le faire. Tout est déjà réglé. Quant à moi, je n’ai pas non plus besoin de votre aide pour servir le royaume. Lambert n’est pas le seul homme au bras duquel me voir assoit le pouvoir de mon frère. Le chef des armées s’en chargera très bien. » Elle s’écarta d’elle et appela une domestique, demeurée dans la pièce adjacente. « Veuillez raccompagner la Dame d’Eruxul, s’il vous plaît. » La servante opina et guida la femme à travers le palais.



« Childéric. » le salua Garance, avec un sourire. Elle avait revêtu une robe somptueuse, qui soulignait sa beauté sans l’éclipser. Ses cheveux d’or étaient retenus en une sorte de chignon élaboré par quelques perles et pierreries savamment choisies. « Je compte sur vous pour les repousser s’ils sont trop inconvenants. » Sa voix se modulait selon le ton de la plaisanterie, sans que ce n’en fût tout à fait une. Les quidams auraient pu croire qu’appartenir à la famille royale protégeait une femme des comportements masculins outrecuidants, néanmoins, lorsque l’on vivait avec la couronne près de sa tête, on constatait bien vite qu’il n’en était rien. Toute sa vie durant, elle en avait fait l’expérience. Les princesses, de moins en moins petites filles et de plus en plus femmes, en faisaient aussi les frais. Elle en avait la certitude, au moins en ce qui concernait Coline. Cependant, cette position d’objet de convoitise pouvait aussi s’avérer avantageuse. Il suffisait de savoir la retourner contre les hommes. On pouvait obtenir bien des choses en leur faisant miroiter des chimères ou en leur offrant des fantasmes. Comme elle s’adjoignait à un rang de pouvoir, cette position conférait aussi la possibilité de placer ses pions et de s’arroger quelques avantages. Childéric, par exemple, lui était redevable. Les nuits qu’ils avaient passées ensemble avaient certes été délicieuses, mais n’en demeuraient pas moins que quelques nuitées contre une carrière de rêve. Ce n’était pas comme s’il n’en avait pas tiré satisfaction, lui aussi. Elle escomptait donc qu’il abondât en son sens dès qu’elle en avait et aurait besoin. Sinon, elle le ruinerait. Le pouvoir requérait parfois d’avoir peu de scrupules, et Garance était faite de cette matière sans foi ni loi.

Elle prit son bras. « Certainement. Je ne voudrais pas vous voir vous ronger les sangs toute la soirée. » s’amusa-t-elle en posant une main qui se voulait rassurante sur son avant-bras. Ses pas se coordonnaient à ceux de son cavalier pour les conduire jusqu’à la salle de bal, tandis que ses pensées défilaient bien plus vite. Entre le moment où elle avait écrit au chef des armées et celui-ci, elle avait appris bien d’autres choses, soit parce qu’on les lui avait dites, soit parce que son petit réseau d’espionnage avait été efficace. Il y avait probablement des éléments dont il fallait plus s’inquiéter que les droits de succession de Coline. « Je vous en remercie grandement. » Cette augmentation des effectifs ne servirait pas uniquement l’annonce du roi. Elle en était certaine.

Parvenue sur la piste de danse, elle accola l’une de ses mains à celle de Childéric, tandis que l’autre venait épouser la courbe de son épaule. Aux premières notes des violons, elle se laissa entraîner par les pas du brun. « Cela me rappelle bien d’autres danses. » fit-elle d’un ton calme. Ils avaient déjà dansé ensemble, dans des bals et dans des lits. Les souvenirs se mêlaient au milieu des jupons et des draps. Elle ne précisa pas, cependant, auxquels elle songeait, et rien dans son attitude ne pouvait témoigner d’une pensée ou d’une autre. C’était là que Garance éprouvait le plus de plaisir à mener son jeu : sur le fil des ambiguïtés. « Je vous ai demandé de renforcer la garde parce que le roi souhaite faire une annonce au sujet de sa succession. » Elle s’exprimait, comme convenu, à voix basse. « L’accident du Prince Placide l’a placé dans un profond désarroi et il s’avère qu’il a décidé de ne pas en faire son héritier. » Bien que dernier né, l’adolescent était perçu comme le prochain souverain, du fait de son sexe. « Ce soir, il va nommer Coline comme étant sa digne héritière. » Bien qu’elle les prononçât avec la plus grande indifférence, les mots étaient amers. Bien des années auparavant, on lui avait refusé le trône parce qu’elle était la cadette de Montarville, mais aussi et surtout parce qu’elle était une femme, et que leur père ne voyait vraiment pas comment le sexe faible pouvait régenter un royaume tout entier. Pourtant, il était évident que des deux héritiers, elle était celle qui avait le caractère le plus apte à gouverner. Son frère était trop malléable et trop influençable. « Je doute que cette nouvelle plaise à tous les nobles et, surtout, j’ai peur qu’elle provoque une pointe d’instabilité. Il paraît que Judas d’Uobmab est présent ce soir. Je ne l’ai pas encore vu, mais il devrait arriver. » Elle parcourut la salle du regard, songeuse. « Apparemment, sa femme est morte récemment. » laissa-t-elle tomber, l’air de rien. En vérité, elle se questionnait. Elle avait eu de nombreux échos du comportement du Prince Merlin. Tenait-il ce caractère infernal et violent de son père ? « Je dois danser avec son fils, tout à l’heure. » Elle jeta un coup d’œil à son bracelet. « Peut-être en apprendrais-je un peu plus. » Elle sourit, entre l’amusement et le désabusement. « Si sa sœur ne le fait pas assassiner avant. » Ses yeux clairs remontèrent jusqu’au visage de Childéric. « Mais j’imagine qu’en tant que chef des armées, vous êtes déjà au courant de ces deux derniers points ? Il semble que malgré mes efforts pour l’éviter, vous allez devoir passer une soirée lourde d’inquiétudes. »



Message VII – 1365 mots




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Priam & Freyja
Sam 22 Oct 2022, 14:26




Les Portes – Chapitre V

En groupe | Yngvild


Rôle :


Rosette relut la lettre de Clémentin, la gorge nouée. C’était bien trop pour elle. Avait-elle dépassé les limites, en lui envoyant un courrier ? Elle secoua la tête, puis rougit. Elle couchait avec le fiancé de sa meilleure amie. En termes de dépassement des limites, cette situation plaçait la barre bien haute. Avoir écrit au sujet d’affaires privées à un domestique n’était, sans doute, que peu de choses. Lui demander une danse, en revanche… Avait-elle été trop audacieuse dans ses paroles ? Elle attrapa le dernier brouillon qu’elle avait fait de la lettre qu’elle désirait envoyer à Clémentin et la relut. Quelle sotte. Elle débordait d’une fébrilité enthousiaste et cela transparaissait dans chacun des mots qu’elle avait apposés sur le papier. Sur la missive finale, son écriture se parait-elle des mêmes tremblements que sur celle-ci ? Quel enfer. Pourquoi avait-elle eu besoin d’écrire au palefrenier ? Que croyait-elle ? Qu’elle allait pouvoir danser avec lui ? Se rendre en rendez-vous avec lui ? Sans qu’aucune opposition ne leur fût faite ? Il fallait être d’une stupidité sans borne. La rousse se mordit la lèvre, en proie à de vives émotions. Il valait mieux ne pas y aller. Voilà. Elle pouvait faire envoyer quelqu’un chez Elzibert afin de le prévenir qu’une fièvre l’avait frappée et qu’elle était incapable de se rendre au bal. C’était probablement injuste pour lui, mais sans doute le mieux à faire pour elle. Elle avait trop peur de ce qu’il pourrait se passer si elle acceptait d’y aller. Et si elle découvrait que le poète n’avait rien à voir avec l’image qu’elle s’en était construite ? Elle soupira et prit sa tête dans ses mains. Bien sûr qu’il n’avait rien à voir avec les chimères créées par son esprit bouleversé par ses vers. Il était garçon d’écurie. Mais le reste ? Était-il d’un tempérament insupportable ? Possédait-il quelques repoussants défauts ? Et puis, quelle importance ? Croyait-elle avoir le droit de s’intéresser à lui autrement que par curiosité ? Elle aurait dû brûler cette lettre avant même de songer à l’envoyer.

Son regard vert sautilla encore sur les mots du brun. Peut-être ne serait-il même pas au bal, peut-être qu’elle se tracassait pour rien. Ces « fâcheuses affaires » pouvaient le retenir. Tant mieux ? Mais si elle y allait et qu’il ne se présentait pas… Elle se voyait déjà attendre un signe de lui toute la soirée durant. Si elle restait ici, au moins, elle n’aurait rien à espérer. Le jeune homme serait sans doute blessé dans son amour, et il ne chercherait plus jamais à la revoir. Ou il mettrait cela sur le compte de ses conseils concernant le Prince d’Uobmab, et s’il essayait de la contacter, elle pourrait lui dire qu’ils n’avaient rien à faire ensemble. Voilà qui était plus sensé. Pourtant, la nausée lui chatouilla le fond de la gorge. Une forme d’inquiétude toute particulière lui martelait la poitrine. Quels soucis assaillaient donc Clémentin ? Elle n’aurait pas dû s’en soucier, et néanmoins, plus elle relisait les trois derniers mots qu’il avait inscrits au-dessus de sa signature, plus son cœur se déformait sous l’effet de contractions inattendues. Elle avait envie de mourir. Elle ne voulait pas y aller.

À la seconde où elle le décidait, on toqua à la porte de sa chambre pour lui annoncer l’arrivée d’Elzibert d’Etamot. Un pic d’adrénaline remonta le long de sa colonne vertébrale. « Je-j’arrive ! » bredouilla-t-elle. Plus que troublée, Rosette se leva de sa chaise de bureau. Elle tituba légèrement, à la recherche de ses chaussures. Dès qu’elle les eût trouvées, elle entreprit de les enfiler. Ses mains et ses pieds étaient moites d’appréhension. Elle ne pouvait plus faire demi-tour, désormais. Elle était condamnée. Avant de sortir, elle se regarda une dernière fois dans le miroir. Sa robe blanche ceignait sa taille et coulait sur ses formes avec la fluidité de l’eau sur la roche. La broche choisie par Yvonelle nouait joliment la mini-cape qu’elle avait enfilée pour couvrir la nudité de ses épaules. Elle ne portait aucun autre bijou. Ses cheveux étaient à moitié noués par un entrelacs de fleurs et de rubans, tout en sobriété. Assurée de la présentabilité de sa tenue – c’était au moins cela –, l’adolescente quitta sa chambre et descendit afin de rejoindre son ami dans le vestibule. Dès qu’elle le vit, elle fut à nouveau frappée par sa ressemblance avec Clémentin et, le temps d’une seconde, son regard se voila de questionnements inachevés. « Elzibert. » salua-t-elle avec un sourire. « Tu es très élégant, comme ça. »



Message VII – 759 mots




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Lana Kælaria
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Lana Kælaria
Sam 22 Oct 2022, 15:55




Les Portes – Chapitre V

En groupe | Lana


Rôle :


Ses doigts s’attardèrent sur les détails du corsage de sa robe noire. La dentelle s’entrelaçait, traçant sur le tissu ou sur sa peau des arabesques raffinées. Des touches d’argent rehaussaient sa tenue afin de l’égayer, et elle portait un pendentif au bout duquel pendait une pierre lapis-lazuli. Une pince bleue et argent retenait une partie de ses longs cheveux blancs, juste assez pour dégager les contours de son visage sans trop dévoiler son cou. Elle espérait que Natanaël et Elzibert la trouveraient belle. Ses doutes s’étaient légèrement estompés : le bonheur d’aller au bal en compagnie de son fiancé avait repris le dessus, temporairement au moins. Cavalier ou non, ruban ou non, elle danserait forcément avec le brun. Et il aurait été étrange, ou à tout le moins peu pertinent aux yeux des autres, qu’ils partageassent un ruban. Quel rendez-vous auraient-ils pu avoir, alors qu’ils vivaient sous le même toit ? Tandis qu’avec Natanaël, cela faisait sens, bien qu’ils n’eussent pas besoin de ce tissu pour se retrouver. Ce ne serait qu’une occasion de plus. Quant à son demi-frère, elle saurait le rejoindre, encore et encore. La clandestinité leur allait si bien, après tout. Ils étaient sans fois plus magistraux dans l’éclat sombre de leurs nuits de secrets.

« Mademoiselle ? » La voix la fit sursauter, puis elle se reprit. Elle se redressa. « Oui, Albane, rentre. » La porte s’ouvrit et une domestique aux cheveux blonds et bouclés entra. « Monsieur d’Ukok vous attend dans le salon. » - « Ah, oui. Dites-lui que j’arrive tout de suite. » Elle lui sourit. « Bien, mademoiselle. » Le battant de la porte reprit sa place. La blanche se leva, attrapa la broche qu’elle avait laissée sur sa commode et la fixa sur sa poitrine. Elle se mira dans la glace, replaça quelques mèches de ses cheveux, essuya quelques perles de maquillage égarées sur ses joues, pinça les lèvres, puis sortit à son tour et descendit jusqu’au salon. Son cœur était fébrile. Elle avait hâte de retrouver Natanaël, Elzibert et aussi Rosette. Celle-ci avait vraisemblablement bien des choses à lui conter. Elle s'impatientait de pouvoir en entendre plus.

Son cavalier l’attendait, flambant dans son costume neuf. Les reflets rouges de sa cape jetaient dans ses cheveux des éclats de feu. Elle lui sourit et s’approcha pour l’embrasser chastement. « Bonjour, monsieur mon fiancé. » fit-elle, joueuse. « Vous êtes superbe. Que me vaut tant d’effort d’apparat ? » Yvonelle sourit encore, bien consciente des raisons de tant d’élégance. Le bal, elle, et Rosette. Peut-être était-ce pour cela que, parfois, elle doutait de leur relation ? Il y avait entre eux des mensonges et des non-dits qui n’existaient pas entre elle et Elzibert. Lui savait tout. Natanaël ne savait rien et croyait tout lui cacher. La plupart du temps, c’était amusant. Avec sa meilleure amie, elle pouvait le faire tourner en bourrique. Néanmoins, parfois, et sans doute de plus en plus, cela pouvait être blessant. Était-ce cela, devenir adulte et responsable ? Elle l’ignorait. Peut-être aurait-elle tout simplement dû arrêter de lire le journal intime de Rosette. Elle déposa un baiser sur la joue de son promis. « Est-elle pour moi ? » Elle regardait la rose, dont les pétales irradiaient de beauté. « Elzibert est déjà parti chercher Rosette. Déodatus... je ne sais pas. Il y va avec la Princesse Zébella. C’est fou, non ? Un d’Etamot avec une princesse étrangère. » Elle avait passé plus de temps à éviter son frère qu'à l'accoutumée, troublée par les récents événements.

Lorsqu’ils sortirent, elle découvrit avec étonnement le carrosse qu’il avait fait préparer. « Oh, Natanaël, c’est superbe ! » Ravie, elle s’approcha de son cheval et lui caressa délicatement le chanfrein. Les rubans qui ornaient sa crinière et sa queue soulignaient le brillant de son poil et la grâce de son port de tête. L’adolescente pivota vers son fiancé et l’enlaça avec tendresse. « Tu es merveilleux. » C’était vrai, il pouvait l’être. Elle se pressa contre lui, puis se détacha. « Allons-y ! J’ai hâte que nous puissions danser. » La blanche monta dans le carrosse, prête à être guidée à bon port. À se laisser flotter sur les notes de la musique de l’orchestre.



Message VII – 727 mots


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Jämiel Arcesi
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Jämiel Arcesi
Sam 22 Oct 2022, 17:15

Love's Grip par Eva Soulu
Les Portes

Irina effectuait les ultimes retouches sur la robe avant se charger de la coiffure d'Adénaïs, tressant sa chevelure de chaque côté de son visage et ajoutant à chaque tour une nouvelle mèche de sorte à obtenir deux épaisses tresses qui couronnèrent la tête de la Dame, quelques mèches élégamment bouclées retombant sur ses tempes. Alors elle les remonta en un chignon bas avant agrémenter ses cheveux de broches argentées ornées de quartz rose, blanc et bleu. « Vous les portez toujours aussi bien ma Dame. » commenta la domestique une fois qu'elle eût fini. La blonde sourit. « Merci Irina. Vous pouvez disposer. ». La domestique s'exécuta après une révérence. Alors la mère de famille s'occupa seule de son maquillage avant sortir une épaisse boite d'ébène. En l'ouvrant, elle révéla une parure complète. La seule qu'elle eût conservée avec les bijoux dans ses cheveux. Les derniers cadeaux que lui avait faits Matias avant qu'il disparaisse. Après avoir habillé son cou et ses oreilles, elle expira un long souffle et quitta la pièce avec cet éternel sourire de façade imprimé aux lèvres dès lors qu'elle revêtait l'habit de noble, et un air affable masquant son visage abîmé par la fatigue de ces nuits trop courtes pour pouvoir maintenir la maison à flot, et du passage indésiré de cette maladie qui la menait droit vers une faillite qu'elle tentait difficilement d'éviter. En descendant l'escalier, elle put voir Ezidor qui l'attendait dans le hall. « J'espère ne pas vous avoir trop fait attendre. » lui fit-elle en posant la main sur son bras tendu, l'accompagnant jusqu'à la voiture où elle prit place face à lui.

Posant le pied à terre, Adénaïs gardait la tête haute malgré les aléas qui encombraient son esprit. Elle tourna ainsi le visage vers Ezidor au contact de sa main sur la sienne et aux mots qu'il lui offrit en même temps. « Vous êtes bien aimable messire. Inutile cependant de vous ennuyer à faire tout le cheminement retour. Si une telle situation devait advenir, le château regorge de salons dans lesquels il serait possible s'isoler pour un peu de repos. ». Une fois qu'ils eurent passé les portes du palais, il fallut à la Dame un temps d'adaptation pour habituer son regard à la différence d'éclairage entre l'extérieur et l'intérieur, et c'est une lueur nostalgique qui s'insinua dans ses prunelles. Elle aimait ces festivités. Elle aimait l'effervescence qui s'en dégageait, les murmures cachottiers et les brouhahas des discussions isolées ; les aller et venus des domestiques ; la mélodie qui s'élevait dans l'air. Par le passé elle organisait régulièrement des soirées chez elle, quoique bien loin de ce que le roi pouvait offrir évidemment. Mais cela la mettait en joie. Elle avait cessé le jour où elle avait appris la mort de son époux. Tout d'abord parce que son cœur n'était plus à la fête. Ensuite parce qu'elle n'en avait juste plus eu les moyens. C'est sur cette pensée qu'elle se laissa guider par son cavalier jusqu'à la domestique qu'elle salua d'un signe de la tête. « Inutile de vous excuser voyons. Il est parfaitement compréhensible que vous portiez votre attention sur la Princesse Adolestine si tels sont les ordres de sa Majesté le Roi. » fit-elle à la domestique une fois qu'elle se fût excusée, avant saluer la nommée Solène. Puis elle leva le visage lorsque la musique s'invita à ses oreilles, accompagnant alors le médecin sur la piste. Comme elle se positionna face à lui, une main sur l'épaule, l'autre dans la sienne, elle jeta une vive œillade à la recherche de ses enfants dans la foule, puis de Childéric, avant reporter son attention sur Ezidor. « Ma foi, les choses semblent s'être apaisées bien que l'amour qu'ils puissent échanger ne soit toujours pas au rendez-vous. À cet âge-là l'ego est une vile chose qui se laisse difficilement dompter. Vous devez bien le savoir, nous sommes tous passés par cette période. » sourit-elle, amusée. Elle-même s'était souvent mise en compétition avec ses amies passées. Le temps faisant son chemin et l'avenir familial se construisant, elle avait calmé ces ardeurs jusqu'à totalement jeter son honneur sur le pas-de-porte des maisons closes. « Vous n'êtes pas père je suppose. » ajouta-t-elle ensuite. « Vous apprendrez que chaque enfant est différent, quand bien même l'éducation et le milieu de vie seraient identiques. De même que chacun réagit différemment à l'absence d'un père. Il y a des choses qui ne s'expliquent pas. C'est ainsi, et c'est tout. » lui répondit-elle enfin sans s'épancher plus sur ce qui différenciait réellement Elzibert de son frère et de sa sœur. Tout d'abord parce qu'elle était persuadée que la génétique n'avait aucun rôle là-dedans. Ensuite parce que cela ne regardait pas cet homme qu'elle ne connaissait en réalité guère. Un argument qu'elle défendit d'autant plus lorsqu'il reprit la parole. Cette fois elle ne put cacher une forme de méfiance naissante. Elle ne croyait que peu au hasard et le fait que son cavalier lui évoque Childéric juste après Elzibert n'avait rien d'anodin à ses yeux. Si le passif de Xyno lui était inconnu, lui semblait être au fait de quelques événements la concernant et qu'elle n'étalait pourtant pas au grand jour. Que pouvait-il savoir exactement fut la nouvelle question qu'elle se posa, sans jamais l'énoncer pour autant. « En effet, c'est ce qu'il se dit. Sa venue au bras de la sœur du Roi est, à l'évidence, une preuve de son soutien indéfectible envers la Royauté. On le dit également galant homme en plus d'être séduisant. Le genre d'homme que toute femme à marier rêverait avoir. ». Elle se remémora ces fois où elle avait eu l'occasion de dessiner sa musculature et caresser ses lèvres. Elle ponctua sa phrase d'un silence, réfléchissant à la suite de son énoncé malgré les images qui défilaient à son esprit. Childéric était gentil et prévenant envers sa personne, c'était une certitude. Il l'aimait d'un amour qu'elle ne pourrait lui rendre, du moins, pas comme lui le lui donnait quand bien même elle le souhaiterait. Mais cela ne voulait pas dire qu'il était irréprochable, elle le savait. Il faudrait être sot pour imaginer qu'une telle personne existât. « Mais ce que vous dites est évident. » affirma-t-elle alors. « Même dans l'éventualité qu'une personne oserait clamer haut et fort qu'il serait parfait — et elle avait un nom en tête — , ce simple acte serait la preuve d'un orgueil allant au-delà du raisonnable et contredisant ainsi ce qu'elle aurait avancé. » commença-t-elle. « Et c'est d'autant plus vrai au sein de la noblesse. Le monde qui la compose est aussi fourbe que le chacal surveillant le faible agneau du troupeau. ». Là également, elle avait un nom. C'était l'un des quelques avantages qu'elle retirait de n'être considérée que comme une conquête parmi d'autres. « Est-ce une mauvaise chose pour autant ? La critique est aisée en cela que nous sommes tous critiquables. Car finalement, nous ne sommes que des êtres faibles et éphémères qui cherchent à vivre du mieux possible dans ce peu de temps qui nous est offert. Jusqu'à ce que la mort nous apparaisse. ». Le seul instant de la vie où un noble et un manant se retrouvaient à égalité, car la mort ne fait pas de favoritisme. « Diantre, je me suis égarée et n'ai pas répondu à votre question première. » remarqua-t-elle alors dans un rire. « Qu'importe, vous avez de toute façon pu être spectateur de l'effort que demandent trois adolescents. » continua-t-elle dans ce même rire. « Mais cessons un peu de parler de moi. Qu'en est-il de vous ? L'on dit que vous avez beaucoup voyagé. Qu'avez-vous pu voir de ces royaumes étrangers, j'en suis bien curieuse. Les livres et les témoins donnent régulièrement deux versions différentes d'une même chose. J'imagine que c'est cela qui vous aura tenu écarté du mariage et des choses du cœur ? Quoique j'affirme les choses peut-être rapidement. Vous me posiez la question plus tôt, à présent je vous la retourne. Y a-t-il ici-bas une dame qui aurait su vous charmer ? ».
:copyright: ASHLING POUR EPICODE




Mots 1364
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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Sam 22 Oct 2022, 22:46



Les Portes


Depuis ma dispute avec Déodatus, je n’avais fait que ruminer. Petit à petit ma rage s’était vouée en une forme de déception amère et la déception avait fait place à un désespoir voilé. Tout ceci n’avait aucun sens. En temps normal, lorsqu’un élément me taraudait, je trouvais toujours un certain réconfort dans la lecture. Cette dernière me plongeait dans des univers fantastiques qui m’éloignaient de mes problèmes. Néanmoins, dans le cas présent, l’exercice s’avéra inutile. Lorsque j’essayai de me poser, la seule envie qui martela mon cœur fut de lancer l’ouvrage de ma fuite à travers la pièce, d’en déchirer les pages et d’en éventrer la couverture. Plus je pensais au bal, moins le désir de m’y rendre apparaissait. Yvonelle serait au bras de son fiancé, occupée à se montrer aimante et désirable à ses yeux, alors que j’accompagnerais Rosette, en toute amitié. Peut-être n’y avait-il pas que de l'amitié. Mes sentiments pour elle étaient plus complexes que je l'aurais souhaité, parce que nous nous connaissions depuis longtemps et qu’il avait pu y avoir des cas où mes fantasmes s’étaient portés sur elle. Ces moments secrets de ma croissance revenaient parfois me tirailler. Je les écartais bien vite car je voulais croire qu’ils n’étaient que des passades. Je savais aimer Yvonelle et la désirer comme je n’avais jamais désiré personne. Pourtant, devant l’impossibilité qui s’érigeait devant nous, tel un mur que même les oiseaux ne pourraient pas franchir, la rousse m’apparaissait comme une possibilité. Cette possibilité suffisait à ouvrir une brèche. Le « Et si… ? » était traitre car, en l’envisageant, j’apprivoisais mon corps et mon esprit à, peut-être, la recevoir un jour comme ma femme. Cette idée, rabâchée avec le temps, n’en devenait que plus réaliste et il arrivait parfois à mon corps de se tendre en imaginant la rousse dans mon lit.

Je soupirai, en fixant le mur devant moi. Mon livre avait été refermé et posé sur ma table de chevet. Il y avait une autre raison qui me poussait à désirer rester chez moi. Cette raison apparaissait à chaque mondanité, lorsque le visage de cette femme venait s’imposer naturellement à mon imaginaire. Son corps était si désirable qu’il m’avait fait perdre la tête. La blonde était plus âgée mais m’avait tout appris avec une sensualité qui me paraissait, aujourd’hui encore, irréaliste. J’étais plus jeune et complètement inexpérimenté. La possibilité de la faire mienne, alors même qu’elle était mariée… En réalité, rien que le fait qu’elle s’intéressât à moi m’avait charmé. Au début, je n'avais pas compris ses intentions. Je l’avais trouvée audacieuse. Elle avait fait battre mon cœur plus vite, au fur et à mesure qu’elle avait éveillé un doux agacement en moi, l’agacement qu’elle pût se jouer de moi alors que je n’avais plus d’yeux que pour ses courbes. Longtemps, j’avais cru qu’elle ne faisait que s’amuser à mes dépends. Une femme comme elle, avec un garçon comme moi… Je m’étais imaginé pouvoir m’en vanter auprès de Natanaël et de Déodatus, peut-être même auprès de ma sœur et de Rosette. Yvonelle et moi ne nous étions pas encore rapprochés à l’époque et, finalement, je n’en avais jamais parlé à personne. J’avais été aussi hypnotisé que fougueux. J’avais perdu mon pucelage entre les cuisses de la Dame et elle m’avait fait promettre de ne rien dire. J’avais tenu promesse mais redoutais souvent de la revoir, sans savoir exactement comment nommer ce sentiment. J’avais été consentant, ravi même, mais j’en avais bien vite tiré une forme de… malaise, accentué par des choses que j'avais apprises ultérieurement sur ma propre provenance. Grâce à elle, je pouvais contenter ma demi-sœur au mieux, là où j’aurais sans doute balbutié si je ne l’avais jamais connue, mais je préférais ne pas y songer, à cause de tout ce que cela signifiait.

_____

Finalement, après m’être correctement vêtu, afin de respecter les volontés du groupe, je me rendis chez Rosette. Lorsqu’elle arriva, je la regardai, soufflé par l’aura qui se dégageait d’elle. Je lui souris et lui rendis son compliment. « Toi aussi. »

Sur le trajet, je m’excusai pour l’entraînement de danse avorté. Je lui expliquai que Déodatus et moi nous étions battus, sans lui révéler exactement pourquoi. Généralement, dire « des histoires entre garçons » suffisait à éteindre les questionnements. J’aurais aimé pouvoir lui en parler et l’interroger sur ses conversations avec Yvonelle, afin d’essayer de trouver matière à incriminer mon frère, mais je préférai m’abstenir. Je lui racontai la visite de Zébella et le fait que Déo ne se sentait sans doute plus pisser à danser avec une Princesse, tout en gardant les bras croisés sur mon torse. Je lui parlai des cours de musique qu’elle donnait à Natanaël, lui réitérant mon envie d’en prendre avec elle. « Je fais déjà beaucoup de choses avec Yvonelle… Ce n’est pas que je ne souhaite pas qu’elle m’instruise mais je suis curieux de te voir en professeure… Es-tu capable de te montrer autoritaire ? » Je ris, en l’imaginant avec une règle en bois à la main. Ce n’était pas franchement cette configuration-là qui m’excitait, généralement. J’étais donc simplement amusé. « Je suis sûr que Natanaël en profite pour essayer de savoir ce qu’Yvonelle te dit sur lui. » dis-je, en plaisantant à moitié. Je la regardai et laissai le temps filer. « Je pense que les choses devront changer lorsqu’ils seront mariés… » murmurai-je, pensif.


Mes mains jouaient avec le corps de Rosette. J’aimais bien danser, parce que la danse était le début de toutes les folies. En dehors des pas de base, il y avait de multiples possibilités. Ses cheveux tournoyants se mariaient parfaitement aux mouvements de sa robe. « J’ai failli ne pas venir. » lui avouai-je, après l’avoir ramenée vers moi, dans un moment plus calme. « Je ne sais pas pourquoi, je ne me sentais pas le cœur à ça. » Je lui souris. « Cependant, je n’avais pas envie de te faire faux bond à cause de mes préoccupations. » Je la quittai de nouveau. Nos mouvements étaient une suite de va-et-vient, de frôlements et de rencontres parfois manquées, parfois réussies. « J’aimerais te poser beaucoup de questions mais je crois que le moment est mal choisi alors je n’en poserai qu’une. » Il valait mieux ne pas parler d’Yvonelle et Déodatus ici. « J’ai l’impression que ça fait une éternité qu’on n’a pas discuté vraiment, rien que tous les deux. C’est comme si les mois étaient passés trop vite alors… Est-ce que tu aimes quelqu’un ? » Mon sourire s’agrandit. Je la taquinais un peu, même si la réponse m’intéressait vraiment. « Parce que si c’est le cas et que l’abruti en question ne t’a pas encore remarquée, c’est le moment de le faire crever de jalousie. » Je faisais référence au plan que je lui avais énoncé lorsque nous avions décidé d’aller au bal ensemble.

1 109 mots
Lucius - Elzibert:

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Stanislav Dementiæ
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Stanislav Dementiæ
Dim 23 Oct 2022, 14:55


Images par BX LU & FiReZ..
Les portes - Chapitre V
Stanislav

Rôle:
Tu portes la main jusqu'à ta joue lorsque ton invité aborde le sujet de l'ecchymose sur ta pommette. S'en suis un rire nerveux que tu ravales amèrement. « Non, elle n'en est pas l'autrice. » Zébella avait cependant été témoin de la scène et, surtout, de ton incapacité à maîtriser totalement la fougue de ton benjamin. Ce crétin avait tout fait foirer. Depuis l'esclandre, une atmosphère tendue s'était mise à planer dans la demeure d'Etamot. Si le plus jeune s'était réfugié entre les pages de ses livres, tu t'étais noyé dans les pigments de tes peintures. Pourtant, ni la colère ni l'agacement n'avaient décroit. Ton orgueil avait été publiquement écorché et cela te restait en travers de la gorge. Tu désirais qu'il paya. Restait la question de la motivation qui l'avait poussé à te frapper. Plus tu y avais réfléchi, plus la certitude s'était encrée en toi : il s'était emporté à cause de ton coup d'œil sur la silhouette dénudée de la blanche... La mauvaise foi te repoussait dans une bouderie mal placée à l'encontre de votre sœur. Oui, tu avais glissé tes yeux sur sa silhouette, mais n'était-elle pas fautive, d'avoir laissé la porte de sa penderie, entrouverte ? N'avait-elle pas su que tu étais présent dans la pièce voisine ? C'avait presque été une invitation. En y repensant, tu te plaisais à imaginer qu'elle avait feint l'innocence de ne pas te savoir si proche, qu'elle avait valsé dans les méandre du charme aguicheur pour ton bon plaisir. Oui, tu te complaisais dans ces hypothèses : elle avait été ta complice de ce moment d'intimité dérobé. Elzibert, lui, n'avait été qu'un témoin de votre échange... Mais comment avait-il été mis au courant ? Tu avais interrogé la domestique qui t'avait surpris, avec suffisamment de virulence pour t'assurer qu'elle ne t'avait pas menti en t'assurant n'avoir rien dit à personne... Dans ce cas, la seule autre explication logique était que le brun t'eu vu te prêter à ce genre de jeu condamnable. Mais alors pourquoi n'était-il pas intervenu sur le moment pour t'interrompre ? La seule suite logique était qu'il s'était lui-même prêté à ce genre de divertissement répréhensible, ou quelque pratique toute aussi honteuse... Avait-il été jaloux que tu pusses profiter à ton tour du spectacle ? Avait-il été jaloux que tu lui voles son jouet ? La chose t'étonnait : il paraissait si sage, si chaste le nez plongé dans ses bouquins... Finalement, il avait dépassé la barrière des vers et des lignes pour s'aventurer à l'extérieur. La désillusion de ne pas être le seul à pouvoir jouir de cette réalité l'avait peut-être sorti de ses fantasmes malsains. Tout un tas d'hypothèses, qui te paraissaient toutes improbables mais que tu te divertissait à imaginer

« Il semblerait que ton plan fonctionne à merveille. Le piège se referme sur elle mais elle ne semble pas s'en apercevoir. » Du moins, il ne t'avait pas semblé qu'elle pressentit une quelconque menace en toi. « Un accord est un accord. Tu seras au courant de tout ce qu'il se passera entre nous. » promets-tu. A l'évocation de ta mère, ton visage se teinte d'un mélange de convoitise et de jalousie. « Elle est toujours prête à accueillir une généreuse somme entre ses cuisses. Il suffit de rendre la contrepartie suffisamment alléchante. » La révélation de la cachette donne matière à ton esprit fertile pour imaginer quelques scènes interdites et irrésistibles. « Je serais là pour immortaliser la scène. »



« Princesse. » Ton enthousiasme est soufflé avant même que tu puisses pleinement l'exprimer, balayé par la froideur de ta partenaire. Tu papillonnes des yeux, pris de court par ses injonctions et son air las. Lorsqu'elle s'empare de ton poignet, tu la suis sans opposer de résistance, essayant de retrouver contenance tandis que l'incertitude craquelait ton masque de fierté. Tu essayes de te concentrer sur la valse pour ne pas penser à la position délicate dans laquelle tu te trouves, ton regard fuyant pour essayer de s'accrocher à une figure autoritaire qui saurait te donner du courage... Finalement, La bleue reprend la parole, t'arrachant à ta détresse muette. « Après vous, aucune de ces jouvencelles ne saurait m'intéresser pour la soirée. Vous avez une prestance qui efface toutes les autres. » Bien qu'elle lui avait dit de ne pas user de flatterie pour gonfler son égo, il ne pouvait s'empêcher d'y recourir. « Cependant, je comprends que vous n'ayez pas la tête à ces futilités. J'ai moi-même perdu un parent, dans ma jeunesse, et dans votre situation... » Tu marques une pause le temps de suivre le mouvement de la danse puis, lorsque vos corps se rapprochent de nouveau, tu reprends : « Je n'aurais eu qu'une envie : m'éclipser loin de ces mondanités pour être tranquille. » Tu esquisses un mouvement de tête en direction d'une paire de portes. « Souhaitez-vous vous éloigner pour regagner un peu de calme ? » Tu attends d'obtenir son approbation et rajoute, en remarquant son hésitation : « Je sais que je suis une très bon danseur et, si vous retrouvé l'envie de festoyer, je vous accompagnerai volontiers pour une seconde danse. » plaisantes-tu.

905 mots.



Merci Kyky  nastae
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Latone
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Latone
Dim 23 Oct 2022, 17:37



Désolée. Cela aurait dû être elle-même, de se désoler d'une telle ironie situationnelle. Les gens de son domaine se succédaient sous ses yeux mais ne parvenaient à déceler cette consternation qui luisait au plus profond de ses prunelles. Son sourire de connivence suffisait à masquer son état, son extravagance – même auprès des domestiques – empiétait sur la moindre once de doute. Ernelle trouvait son fils fabuleux et saurait que cette soirée lui rendra honneur auprès de sa fiancée. Quelque part, sa mère avait déjà hâte d'être au lendemain pour décortiquer toutes les bonnes nouvelles ayant découler de ce bal. Néanmoins, d'un tout autre côté, c'était le cas de Clémentine qui gonflait son anxiété. La voir embarquer dans le carrosse royal, juste sous ses yeux, sur le perron de leur demeure unie, lui avait donné l'impression de se retrouver en étau contre deux sentiments antagonistes. Mis à part les opportunistes, n'importe quelle sœur serait fière de la voir être traitée avec une telle déférence ; et ceci ne représentait que le début de cette soirée. Toutefois, le contexte actuel fit germer de nombreuses craintes à son encontre. La présence de Childéric, en ce sens, la rassurera certainement, mais l'un de ces effrois venait tout juste de la héler afin de l'accompagner…

En elle-même, la tenue de la D'Ukok s'avérait d'une simplicité effarante ; les mauvaises langues iraient jusqu'à claquer leur blâme vis-à-vis de son caractère insipide. Sur ses épaules larges pendaient le genre de robe qu'on revêtait afin de ne pas se faire remarquer. Puisqu'Ernelle était ainsi : si elle n'avait d'autres choix que de se plonger dans les mondanités, il lui était bien plus préférable de faire profil bas. Dans tous les cas, de par sa carrure et son passe-temps plus qu'atypique pour une femme de son rang, les remarques fuseront, pour un soupçon de divertissement. Ensuite de quoi, ce sera à elle d'en rire, puisque les robes cachaient bien des secrets ; et des outils.

" C'est tout à votre honneur, messire. " De bonne grâce, elle lui présenta sa main et l'accompagna au sein de la calèche. Il était élégant, mais qu'en façade.

Ernelle espérait que son malaise apparent serait mis sur le compte de son profil. On la savait discrète, peu bavarde avec autrui, l'antinomie absolue de sa réputation sous le toit D'Ukok en somme. De toute manière, ni Childéric ni Clémentine ne se répandait en palabres sur sa personne. Du moins, elle croisait les doigts pour que ce fût le cas, puisqu'elle comptait bien profiter de cette marginalité à son avantage durant cette soirée. Elle écouta ainsi son cavalier avec une attention qui se voulût sincère. Elle aurait pu soupirer et s'insurger des hommes…

" Vertueuse, c'est ma sœur tout craché. Ce doit être pour cette qualité si rare que sa Majesté ait arrondi les angles afin de l'honorer de cette place tant convoitée. " Sa voix était aussi douce que mutine.

Ce à quoi échoua lamentablement ce De Tuorp. Faire preuve d'un manque inconsidéré de pudeur dans un lieu à tout hasard public, espionner des Dames de haut rang tout en poursuivant cette indécence manifeste, et le comble étant de se rabattre sur la sœur de sa soi-disant muse pour ne pas capituler… Ernelle craignait que Hermilius cachait bien plus de vices sous son air abattu. L'évocation de "prédation" par son amie la hantait et la poussait à cesser sa passivité. Encore moins sous les accusations éhontées de son cavalier. Dame D'Eruxul serait la maîtresse de Montarville ? Cela n'avait aucun sens à ses yeux d'accoler une telle ignominie à la femme du conseiller royal. A moins que… Et si Lénora était au courant de quelque chose ?

" Si cela n'avait pas été vous, cela n'aurait été personne. Je vous assure que je ne suis point femme à m'angoisser pour un cavalier fantomatique, vous n'avez guère d'excuse à m'accorder. "

En revanche, il lui était bien plus commode d'être au bras d'Hermilius, que de voir Clémentine à sa place. Après les révélations de Lénora et surtout l'avis de sa sœur sur la question, Ernelle se prêtait très bien au jeu du bouc émissaire. Il valait mieux elle que n'importe quel membre de sa fratrie. Elle pouvait l'encaisser. Elle sentait que ce potentiel existait au creux de son être.

" Votre inquiétude à l'égard de ma sœur me touche. Et je crois comprendre pourquoi vous m'aviez sollicitée… Bien sûr qu'elle avait compris, mais en l'état, il valait mieux le caresser dans le sens du poil avant d'aviser. Que me suggérez-vous donc ? Que l'on fasse en sorte que le Roi s'intéresse davantage à son amante qu'à Clémentine ? Vous vous doutez très bien, messire, que la sécurité de ma sœur m'importe bien plus que les frivolités de la cour. Un plan, c'est comme un mécanisme : chacun de ses composants doit être imbriqué et huilé au millimètre près. En soi, c'était un défi. Convainquez-moi de la fiabilité de vos intentions et j'obtempérerai. "

~~~

Dans la salle du bal, Ernelle repéra aisément le couple soi-disant royal au loin, qui faisait forcément sensation aux yeux de nombreux convives. La Dame D'Ukok gardera une certaine attention sur Clémentine, de peur qu'elle s'évanouît d'un coup par exemple. Malgré tout, elle faisait confiance au Roi pour la rattraper. Sur leur route, elle croisa les prunelles de Lénora ; par réflexe, Ernelle lui accorda un bref sourire et réajusta le ruban autour de son cou, comme pour lui confirmer l'accordance avec le sien. Toutefois, elle la penserait aux côtés de Sir De Xyno… Elle prit place avec Hermilius et suivit la cadence de son pas.

" Êtes-vous au moins curieux de votre partenaire de ruban ? À moins que vous connaissiez déjà son identité ? "

D'un regard, Ernelle lui fit comprendre qu'elle attendait son audace.


1014 mots ~



By Jil ♪
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Dim 23 Oct 2022, 18:01


Oui.
Les portes - Chapitre V

Rôle:

Eléontine tenait le bras de son mari. Si tous les deux s'affichaient en souriant dans la salle de bal, une certaine tension les animait. Ils semblaient soudain plus intimidants qu'à l'accoutumée. Elle détestait le silence de Gustave, qu'elle avait sous-estimé. La blonde l'avait vraiment énervé et elle s'en mordait les doigts maintenant. Au début, elle s'était rit, en silence, de la vindicte de son mari. Puis, elle s'en était fâchée. Allait-il encore longtemps faire l'enfant et la maudire en silence ? Ne pouvaient-ils pas avoir une conversation d'adulte ? Elle était certaine qu'elle pouvait le mener en bateau si seulement elle pouvait lui parler, et se faire entendre. Mais à présent, sa propre colère s'était fanée pour ne laisser qu'une légère détresse. Jamais Eléontine n'aurait cru perdre son mari à cause d'un mensonge. Mais peut-être était-il celui de trop, celui trop gros pour être accepté. Pourtant il lui avait paru avoir un goût délicieux quand elle l'avait prononcé. Et puis, Gustave l'avait bien cherché de toute façon. N'était-ce là point une vengeance juste pour la réputation de trainée du royaume qu'il trainait derrière lui et qui salissait leur mariage ? Si seulement il pouvait être plus discret... Mais non. Monsieur avait trop d'égo pour cela et pour se cacher lors de ses méfaits.

Elle émit une légère pression sur le bras de Gustave. Ce n'était pas pour lui faire mal mais elle se rassurait de ce contact, qui s'était fait rare ces derniers jours. "Ne t'inquiète pas ; je te le dirai." lui répondit-elle sur un ton beaucoup plus doux. Elle ne s'était pas vexée de son injonction, qu'il lui avait aboyé à la face. Elle ne se vexait plus tout du moins. Eléontine commençait à s'habituer au tempérament nouveau de son mari. Celui-ci semblait d'ailleurs être devenu complètement fou. Elle le voyait jeter des regards à travers la salle, cherchant une personne. Il en tremblait presque. Aussi, elle s'approcha légèrement , comme pour se blottir et le rassurer. Elle n'était même pas certaine que Gustave eût réellement conscience de sa présence. Elle en était presque à soupirer bruyamment, ou à feindre l'émoi et l'évanouissement pour qu'il la rattrape comme un beau chevalier. Mais à vrai dire, elle était presque sûre qu'il pouvait juste la laisser tomber telle une fiente de leurs pigeons voyageurs.

Aussi, la dame blonde se mit, elle aussi, à chercher une personne du regard, à travers la foule. Y avait-il Hermilius ? Ou Madeline ? Son regard ne parvint pas à saisir des visages connus tellement la salle était remplie. Elle se contentait donc de poser un regard sur une jolie femme qui s'approchait d'eux. Gustave ne semblait pas encore l'avoir remarqué. En effet, le voilà qui lui reparlait du médecin qui avait mis fin à la grossesse imaginaire. Eléontine dut se retenir de lever les yeux au ciel. "Si telle est votre volonté." Elle l'avait volontairement vouvoyé, comme on vouvoie son parent. Son Gusgus la rendait folle. Elle se sentait aussi irritable que lui. Pourtant elle voulait obtenir son pardon. C'était assez paradoxal. "Je te le promets." se reprit-elle. "Je ne pense parler qu'à Madeline, de toute façon." Elle lâcha son bras et résista à l'envie de croiser les bras sur sa poitrine pour montrer son mécontentement. La Dame joignit donc seulement ses mains devant ses jupons. Elle avait attaché son ruban à son poignet.

La femme, qui marchait dans leur direction, finit par les rejoindre. Eléontine la regardait curieusement tendre une note d'Ezidor à Gustave. Elle haussa un sourcil alors que la jeunette, surement au goût de Gustave, disparaissait de nouveau dans la foule. "Pourquoi diable continues-tu de t'entretenir avec ce médecin si tu le haïs tant ?" chuchota-t-elle, vindicative. Elle ne cherchait cependant pas à connaître le contenu de la note, en tout cas pas tout de suite. "Gustave..." Elle reprit d'un ton plus doux. "Combien de fois vais-je devoir m'excuser ?" Alors que le Roi et Clémentine rentraient dans la salle pour entamer la première danse, et que tous les yeux étaient tournés vers eux, ceux d'Eléontine étaient fixés sur son mari. Elle posa prudemment et doucement une main sur la sienne. Elle avait un air de chien battu. "Et puis, si tu t'entretiens autant avec le Xyno, il a dû te confirmer ce que je t'ai dit, non ? Que le fœtus était malformé, atteint de nanisme." Elle retira sa main et baissa les yeux. "Bien sûr, ça ne m'excuse pas. Je ne le savais pas avant d'avorter." Elle relevait les yeux. Autour, les couples s'étaient formés pour rejoindre le couple royal dans leur valse. Ce n'était pas le cas des De Tuorp. Cette fois, Eléontine soupira légèrement et posa sa main sur le médaillon avec la peinture de Gustave qu'elle avait autour du cou. C'était peut-être le seul Gusgus qu'elle n'avait point perdu.

Contrairement aux autres femmes, Eléontine n'avait pas encombré sa toilette de mille bijoux, plus gros et voyant les uns que les autres. Même sa robe était des plus simples. Elle était d'un blanc uni, parfois avec une dentelle perlée à quelques endroits. Elle en restait belle et avait des airs presque angéliques. Pourtant, quand une femme, vêtue d'une robe colorée ou plus sophistiquée, passait près d'elle, elle disparaissait complètement. Eléontine avait fait cela à dessein. Dans un bouquet, il y avait toujours des fleurs faire-valoir pour faire briller les autres plus intensément. Elle était cette fleur pour Madeline. Elle espérait qu'à ses côtés, Madeline n'en serait que plus étincelante.

"Nous devrions danser." finit-elle par dire, avec un sourire navré. Elle reprit le bras de son mari pour que celui-ci la mène au cœur de la piste de danse. "Si tu as des soucis avec Xyno..." Elle reprit de but-en-blanc, repensant à la note et à l'attitude de son époux. "Dis-moi simplement si je peux t'être utile pour les régler." Elle savait que Gustave avait tout détruit pendant la fameuse nuit, est-ce que Ezidor avait profité de sa faiblesse pour avoir quelconque ascendant sur lui ? Ça ne plaisait pas à Eléontine. D'ailleurs, Ezidor ne lui plaisait pas tout court. Il en savait maintenant trop sur elle pour qu'elle puisse lui faire confiance et le trouvait appréciable. Sans doute allait-elle prendre le thé avec lui pour en discuter, tout en vérifiant bien que le cyanure se déguisait bien dans l'infusion. "Je t'aime, Gustave." Elle l'avait dit avec sincérité, ce qui la surprenait légèrement. Elle devait vraiment avoir peur de perdre son époux pour toujours. "Que puis-je faire pour me faire pardonner ?" S'il lui fallait qu'elle lui taillât une bonne pipe, elle le lui ferait. "N'y a-t-il rien de plus à faire ?"

1100 mots
ps: je suis amoureuse du vava de lambert. Que l'on m'excuse si je veux le pécho pendant la soirée.
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