Un saut jusqu’au ciel
Feeling Alive - Anne-Sophie Versnaeyen & Gabriel Saban

Partenaire : Solo ♪
Intrigue/Objectif : En compagnie de l'instructeur Medford, Isley entraîne un groupe d’Aspirants durant leur cours de formation au vol. Afin d'améliorer leur dynamique de vol, les deux Soldats les font participer à un jeu.

« Je suis content de vous revoir. Bienvenue à votre cours de formation au vol. Respectueusement, les Aspirants nous saluèrent, mon collègue et moi-même, en posant leur poing contre leur poitrine, décidés à bien paraître même s’il s’agissait de leur dernier cours de la journée et que la fatigue commençait à se faire sentir jusque dans la moelle de leurs os. Il y a deux semaines, nous nous sommes entrainés sur le perfectionnement de votre vitesse en vol; il y a une semaine, nous avons travaillé sur votre furtivité; et il y a deux jours maintenant, nous avons pratiqué votre habileté à vous mouvoir au sein d’un environnement où il est difficile de se manœuvrer. Les moins résilients se rappelaient forcément de ces trois heures interminables durant lesquelles ils n'avaient cessé de se couper ou de se fracasser contre le branchage de la basse canopée. Nous allons poursuivre l’entraînement en appliquant, cette fois, tout ce que vous avez appris sur ces trois dernières sessions de cours. Quelques-uns acérèrent leurs pupilles dans ma direction, naturellement confiants de leurs aptitudes, tandis que d’autres interrogeaient leurs voisins du coin de l’œil, curieux. Vous êtes tous familiers avec le jeu du drapeau, n’est-ce pas? Comme un seul homme, les apprentis acquiescèrent d’un hochement de la tête. Parfait, parce qu’aujourd’hui, nous allons vous évaluer, le Soldat Medford et moi-même, sur une variante de ce jeu. Je baissais les yeux vers la boîte que je tenais dans mes mains, les invitant à approcher. S’il-vous-plaît, un par un, prenez un morceau de tissu dans la boîte. Le premier à s’avancer jeta un rapide coup d’œil à l’intérieur. Et pas de tricherie. Avant de relever aussitôt la tête, plongeant l’une de ses mains dans la boîte. Rouge. Tu peux te tenir à côté du buisson. Ce qu’il fit, jusqu’à ce que le prochain s’avance. Vert. Poste-toi sur ma droite. Successivement, trois étudiants passèrent leur main dans la boîte, jusqu’à ce que le sixième apprenti extirpe un tissu de couleur bleu. Excellent, tu es la première de ton équipe. Tiens-toi à ma gauche. Ce ne fût bien long avant qu’elle ne soit rejointe par d’autres Aspirants, et ce, jusqu’à ce que l’ensemble de la classe soit finalement divisée en trois groupes de six. Maintenant que vous avez tous votre foulard, attachez-le à votre ceinture. Ce qu’ils firent sans répliquer, les plus malins comprenant rapidement les tenants et aboutissants du jeu. Le but de l’entrainement d’aujourd’hui est très simple : dans le temps imparti, il vous faudra voler les foulards des équipes adverses. Durant les trois manches qu’on jouera, l’équipe qui possédera le plus de foulards gagnera la manche; et celle qui aura gagné le plus de manche aura gagner la partie. L’excitation se mit à briller dans les prunelles de la majorité. Bien sûr, je n’ai pas à vous préciser que vous devrez faire cela dans les airs. Je leur expliquais également qu’il leur serait interdit de toucher le sol, au risque d’être disqualifié et de perdre toute opportunité de pouvoir récupérer leur foulard, en plus de donner un désavantage à leur équipe. Parce que, oui, si vous perdez votre foulard, il vous sera tout de même possible d’aller le récupérer ou bien de voler celui d’un autre. Aisément, je pouvais supposer que les tactiques se dessinaient au sein de leur esprit. De plus… Les Aspirants arborèrent une soudaine expression d’étonnement lorsqu’ils me virent attacher un foulard jaune à ma ceinture. L’équipe qui parviendra à attraper mon foulard gagnera d’emblée la manche. Aussitôt, les plus téméraires se dévoilèrent sous un sourire audacieux, alors que d’autres songeaient qu’il serait plus prudent de s’attaquer à un individu de plus faible niveau afin de ne pas s’épuiser sur une unité qu’ils considéraient, peut-être, au-delà de leurs capacités. Nous vous laissons cinq minutes pour que vous discutiez de votre stratégie et après quoi, nous pourrons commencer! »

Les murmures et commérages se firent aussitôt entendre au pied des montagnes où nous nous étions rassemblés, mon regard se posant brièvement sur la taille de ces géants. Cet endroit était le terrain de jeu parfait pour les besoins de l’entraînement. Il y avait suffisamment de cachettes pour se camoufler et attaquer par surprise, suffisamment d’espaces pour prendre de la vitesse, ainsi que plusieurs corridors étroits qui les obligeraient à perfectionner leur mobilité et flexibilité. En résumé, par le biais de ce jeu, je leur demandais d’exploiter au maximum les avantages et les inconvénients de cet environnement singulier pour, plus facilement, piéger leurs opposants.

« Êtes-vous prêts? Avec entrain, je leur adressais un large sourire, pivotant légèrement mon buste en direction du Soldat Medford qui allait servir d’évaluateur au courant de l’exercice, puisque je serais très certainement occupé à fuir et à éviter les ruses de nos futures Recrues. Vous avez une heure pour gagner cette première manche. Bonne chance! »

Sans surprise, on tenta presque aussitôt de voler mon drapeau. Cinq minutes ne s’étaient pas encore écoulées que je fus encerclé par la moitié de l’équipe des Bleus. Ce qui était intéressant, c’est qu’ils appliquaient l’une des formations qu’ils apprenaient dans leurs cours de stratégie et coordination militaire. Toutefois, cette configuration manquait actuellement de subtilité et de robustesse, puisqu’elle était véritablement efficace quand l’équipe comprenait plus d’effectifs afin de cerner leur ennemi de tous les côtés… À moins qu’ils aient précisément choisi cette tactique non pas pour m’attaquer, mais comme une feinte. Après tout, l’Aspirante Laslow faisait partie de cette formation et elle était connue, parmi les instructeurs, pour son affinité à réfléchir en dehors de la boîte. Très bien. J’étais prêt à danser dans leurs mains. Sans attendre, je plongeais rapidement vers l’un des creux de la Ceinture d’Askeladd, mes ailes se rabattant à toute vitesse le long de mon corps afin de m’offrir encore plus d’accélération dans ma descente. Dans mon sillage, les trois Aspirants se mirent rapidement en chasse. Je fuyais à grande vitesse par la seule force de mes ailes, notant que deux de mes poursuivants usaient de Magie pour tenir le rythme de mon accélération. Toutefois, après quelques crochets serrés à travers le sillon des montagnes, je me rendis compte que l’un des étudiants s’efforçaient à rester à ma hauteur, tout en réduisant la distance qui nous séparait. Il se rapprochait, de plus en plus, et sacrément vite de surcroît. Voulait-il me rediriger sur la droite? Il semblerait.

Peut-être étais-je audacieux, mais je choisis de bifurquer vers là où ils souhaitaient me mener, longeant du même fait le flanc de la montagne que nous englobions par nos ailes. J’effleurais ses irrégularités du bout de mes rémiges, mon ombre se projetant à la surface des crevasses et des imperfections qui composaient le visage de ce sommet brun et verdoyant. Je n’étais pas en position favorable, penché en oblique comme je l’étais : un Aspirant sur ma droite, un deuxième sur ma gauche, et l’apprentie Laslow qui me suivait de près sur l’arrière. Avec mon ventre qui se tournait vers la montagne, je n’avais que deux options de fuite : aller droit devant ou prendre de l’altitude. C’est ce que l’équipe des Bleus avait machiné : réaliser un guet-apens et s’aider de la confusion pour me voler mon drapeau. C’était bien pensé, et même bien réalisé. Cependant, une erreur leur fût fatale puisque, sans crier gare, je me propulsais brusquement vers le ciel avant d’effectuer une boucle aérienne. Par cette manœuvre, je parvins à éviter l’élan rapide et tranchant du quatrième Aspirant, qui finit par s’élancer sur du vide plutôt que sur ma personne. Prise par surprise, l’apprentie Laslow n’eut le temps de ralentir, évitant de justesse l’assaut de son collègue. Les autres étudiants cessèrent brusquement leur progression, faisant volte-face dans ma direction.

« Excellent! C’était très bien réfléchi comme guet-apens, les félicitais-je en me suspendant dans les airs, terminant ma course derrière mes poursuivants. Malheureusement, Aspirant Godfroy, vous avez omis un détail très important en vous camouflant dans ce corridor. D’un doigt, je pointais le ciel. Ne jamais négliger la position du Soleil. »

L’Aspirant qui aurait dû m’attraper releva aussitôt la tête, prenant tout à coup conscience de son inattention :

« Vous avez vu mon ombre… Il soupira. Vous avez pu déterminer la localisation de ma cachette. »

J’acquiesçais, ravi qu’il soit parvenu à coller les morceaux par lui-même. Cependant, le temps leur était compté. Dans une vive impulsion, je repris de l’altitude.

« Ne désespérez pas et continuez votre belle coordination! Vous avez encore cinquante minutes pour attraper mon foulard ou réussir à voler ceux des autres équipes! »

Puis, sans m’attarder davantage, je me propulsais de nouveau en hauteur, perdant ma silhouette entre le flanc des montagnes. Sur les six recrues qui composaient l’équipe des Bleus, quatre seulement avaient participé au guet-apens. Par conséquent, deux de leurs coéquipiers n’avaient pas été sollicités. Peut-être se cachaient-ils eux-mêmes sur le terrain, à proximité? Mais il y avait également de fortes chances qu’ils aient été mandatés pour voler les tissus des autres équipes. Cela ne me surprendrait guère, puisque les deux étudiants en question étaient les Aspirants Blaidd et Rymir. En termes de furtivité, ils devaient être les meilleurs parmi les Bleus. Puis, j’étais persuadé que le groupe n’avait pas mis tous leurs œufs dans le même panier. Malgré cela, il me fallait rester vigilant. J’étais une cible estimée après tout et, en tant que telle, je savais qu’une nouvelle attaque ne serait tarder.

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Lorsque la dernière des trois manches fut terminée, les rayons du Soleil ne projetaient plus qu’une vague ligne orangée à l’horizon. De fait, au-dessus de nos têtes, la danse des étoiles semblait plus dynamique et colorée qu’elle ne l’avait été tout au long de la journée. Maintenant que l’Astre-Père s’éclipsait et que le firmament se couvrait de noirceur et d’obscurité, il était désormais facile d’admirer la queue des étoiles filantes qui se frayaient un chemin au cœur des cieux. Toutefois, notre attention, au Soldat Medford et moi, ne se portait que très peu vers le ciel, mais plutôt sur la vingtaine d’Aspirants qui se tenaient devant nous. Si leur peau n’était marquée d’aucunes plaies et cicatrices notables – grâce offerte par la Magie Blanche – nous pouvions tout de même noter la saleté qui s’était fixée à leurs vêtements et qui barbouillait l’intégralité de leur faciès. Cela étant dit, derrière la poussière et la sueur qui leur collaient à la chair, d’immenses sourires nous étaient adressés. Tout le monde semblait avoir apprécié l’exercice et malgré la fatigue que la baisse d’adrénaline causait, les étudiants affichaient un air de ravissement complet. Medford et moi étions également plus que satisfaits de leur active participation. Nous avions eu la chance de les voir à l’œuvre, au cours d’une expérience plus ou moins réalistique durant laquelle ils avaient dû non seulement exploiter leurs derniers apprentissages en matière de dynamique de vol, mais aussi aiguiser leurs esprits stratégiques et analytiques. Même lorsqu’ils ne se trouvaient pas à pourchasser l’un de leurs camarades dans les airs, ils avaient continué à apprendre et à mûrir : c’était un apprentissage constant, sans interruption, et ce qu’ils nous avaient délivré comblait chacune de nos attentes. S’ils ne devenaient pas des Recrues avant quelques mois encore, j’étais pourtant très confiant en ce qui concerne leur futur au sein de la Nith-Haiah. Comme instructeur, ce sentiment n’avait aucun prix.

« Nous ne vous retiendrons pas plus longtemps, leur confia finalement l’instructeur Medford après qu’il ait passé en revue les bons et les moins bons coups des Aspirants au cours de cette ultime partie. Profitez de cette soirée pour vous reposer. Vous avez tous fait un excellent travail. »

Avec respect, nous nous saluâmes mutuellement, élèves comme enseignants.

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