Rémission

L'Ygdraë marchait dans le noir le plus total. Vêtue d'une simple tunique blanche, elle fredonnait doucement. Ses pieds nus rencontrèrent une résistance liquide sans qu'elle s'en préoccupe. Car l'Ygdraë n'aimait pas voir tout ce qui était dérangeant et elle foulait une rivière de sang en l'ignorant avec un entêtement qui frôlait l'aveuglement. Chaud et moite, le sang enlaçait les mollets de l'ingénue avant de remonter jusqu'à ses cuisses, la submergeant progressivement d'un manteau pourpre. Cela ne gênait pas sa progression mais une forte odeur désagréable l'enveloppait désormais et elle fronçait le nez, incommodée. Une poigne invisible s'empara soudainement de son poignet et la força à pivoter brusquement. L'Elfe eut à peine le temps de discerner ses traits qu'une douleur brûlante fusa dans son cou alors qu'une silhouette plus sombre encore que le paysage se plaquait contre elle. Elle hoqueta et se mit à se débattre, paniquée en constatant qu'elle était presque entièrement paralysée.
Quand elle ouvrit des yeux aux pupilles dilatées par la terreur, Astriid réalisa qu'elle était solidement emmaillotée dans ses draps et elle s'en dégagea énergiquement, comme pour fuir les lambeaux de son cauchemar qui s'accrochaient comme des sangsues à son esprit. Comme s'il profitait qu'elle se sente en sécurité lors de son retour à Melohorë et baisse la garde, le souvenir traumatisant de la nuit qui avait suivit le Fessetival s'était glissé dans ses songes pour les empoisonner et la remettre face à ses angoisses enfouies. Machinalement, elle porta la main jusqu'à son cou où elle avait été mordue. Elle avait frôlé la mort cette nuit-là, elle avait même marché vers elle et s'était laissée faire comme une poupée à qui on avait arraché sa volonté propre.
Frissonnant dans l'air frais du matin, elle marcha jusqu'au rebord de la fenêtre où elle s'accouda, ses iris d'émeraude assombris par ses pensées regardant le village s'éveiller lentement à la vie. Une vie normale et rassurante où chacun était bienveillant, où l'on ne se faisait pas agresser la nuit. Elle secoua la tête comme pour réfuter les idées qui s'y entortillaient. Comment pouvait-elle songer à ne pas poursuivre son voyage pour rester se terrer à Melohorë comme un lapin apeuré ? Le voyage s'accompagnait de risques, elle le savait et elle aurait pu éviter ce qu'il s'était produit à Avalon en écoutant simplement Raïm.
Le paysage bucolique se brouilla soudain et un clignement de paupières plus tard, Astriid se tenait debout dans une salle nue aux dimensions d'une armoire. La vue de l'Elfe en face d'elle chassa la peur qui venait de glacer ses entrailles et elle sourit à son ami, soulagée de ne pas être seule dans l'étroit conduit : «Valÿn ! Qu'est-ce que tu fabriques ici ? Où sommes-nous ? Valÿn ?» Elle interrompit son enchaînement de questions devant l'air bouleversé du Sylvestre. En l'examinant un peu mieux, la rousse réalisa son erreur. Celui en face d'elle était n'était pas son ami, il était plus grand et la teinte de ses cheveux légèrement plus foncée que ceux de Valÿn. «Oh pardon, j'ai cru que vous étiez...» Elle se tut à nouveau en voyant les larmes embuer son regard. Figée par la surprise, elle le contempla sans un mot, presque gênée que l'inconnu affiche ainsi sa fragilité. Soucieuse, l'Eskët se mordit la lèvre avant de tendre un index pour appuyer timidement sur l'épaule de l'Ygdraë. «Ça va ?» Lui demanda-t-elle dans un réflexe idiot. Bien sûr que ça n'allait pas. Elle se sentait désemparée, ne comprenant rien à ce qu'il se passait. Elle ne savait ni où elle était, ni avec qui, ni pourquoi il pleurait. Peut-être pouvait-elle faire quelque chose pour modifier ce dernier paramètre, elle n'avait de toute façon pas le coeur à laisser le jeune homme prostré dans sa douleur.
Avec des gestes doux, comme pour ne pas l'effrayer, elle tenta de l'entourer de ses bras. Elle se rendit vite compte que la chose n'était pas aisée alors qu'il était plus grand et plus large qu'elle mais elle persista et tapota son dos comme sa maman le faisait avec elle pour la consoler. «Allons, allons.» Dit-elle, le nez dans son torse, à défaut de ne pas savoir quoi dire d'autre. «Au fait, je m'appelle Astriid. Et toi ?» Puis, pour détendre un peu l'atmosphère, elle lança sur un ton malicieux : «Je dois te dire que même moi je n'ai pas pour habitude de faire ça avec toutes les personnes que je rencontre pour la première fois. Mais je crois que tu en as besoin autant que moi.»

Message I | 813 mots
Si ça te va, j'ai utilisé le pouvoir «Câlinou : Quand votre personnage l'utilise, ceux qui l'entourent ont envie de lui faire un gros câlin.» mais tu peux faire comme si elle ne l'utilisait pas si tu préfères.