« Tu ne penses vraiment qu’à elle ! » m’accusa-t-elle, avant de tourner les talons et de sortir par la porte, en veillant à bien la claquer. Je levai les yeux au ciel. Cette femme n’était décidément pas très tolérante. Tant pis. J’avais une mission bien plus intéressante que ses problèmes de pieds enflés après une journée en talons hauts. Personne ne la forçait à en porter. Elle se torturait seule et je n’étais pas masseur. Les rumeurs sur la famille royale me passionnaient depuis toujours, chose qu’elle n’arrivait pas à comprendre. À force de surveiller tout ceci de loin, j’avais collecté un nombre important d’objets. Eméliana était un cas qui me fascinait particulièrement. Cette jeune fille, qui semblait ne rien avoir pour elle de particulier, hormis son sang, venait de réaliser l’exploit de garder son rang de Princesse Noire. Le monde devait savoir et, si les choses n’avaient tenu qu’à moi, sans doute aurais-je envoyé le colis que je tenais entre les doigts à plus d’une personne. J’avais choisi une jeune femme qui n’avait rien en commun avec Eméliana, si ce n’est sa couleur de cheveux. En réalité, il y avait plus, et elle le découvrirait dans le paquet. Elles avaient toutes les deux un lien avec les Sirènes.

Le premier objet que j’avais placé dans le colis était un morceau de l'arbre généalogique d’Eméliana. Eméliana, fille de Niklaus Lord Salvatore et d’Eulalie Solveig, une Sirène. La guerre qui avait opposé les deux peuples n’avait pas empêcher l’ancien Empereur Noir de s’allier à une Ondine et de faire deux enfants avec elle : Mélorie et le sujet du colis, Mélorie étant la plus âgée et une Sirène, comme sa mère. Elle ne vivait pas à Amestris mais sous l’océan, dans la Cité Engloutie. Elias ayant été adopté par Niklaus et marié à la fille de ce dernier et de Vanille Caël Deslyce, ça faisait d’Elias le frère non sanguin d’Eméliana. Une famille en guerre avec les Sirènes mais en étant particulièrement proche donc, malgré l’appartenance aux Mages Noirs d’Eméliana et de Viviane.

Le deuxième objet que j’avais placé dans le colis était une suite logique du premier. Il s’agissait d’un article de journal qui annonçait le transfert du contrat de mariage de Niklaus à Elias, concernant Eulalie Solveig. L’article parlait également d’Aliénor Vaughan, puisque les deux jeunes femmes avaient subi l’exact même sort lors de la passation du trône. Cette coutume, bien qu’ancestrale, n’avait plus été pratiquée depuis des siècles, étant donné qu’un nouvel Empereur Noir signifiait généralement la mort de l’ancien. Malgré les rumeurs sur l’horreur suscité par Elias, il semblait donc que le nouveau beau-père d’Eméliana ait dérogé à la tradition d’assassinat du précédent Roi. Je trouvais, personnellement, ce fait très intéressant, même si ça n'égalait pas cet étrange transfert concernant la jeune rousse.

Le troisième objet était un article plus ancien, sur le mentorat d’Eméliana par Elias Salvatore à la demande de Niklaus Salvatore. Lorsque la nouvelle m’était parvenue, elle ne m’avait pas semblée particulièrement intéressante. Néanmoins, le tout réunit me faisait me poser des questions sur la relation entre Elias et Eméliana. L’homme s’était-il attaché à elle, ce qui expliquerait qu’il ait demandé Eulalie à Niklaus ? Était-ce un hasard ? Ou est-ce qu’Elias abusait d’Eméliana ?

Le reste du colis était composé d’un portrait de la concernée, d’un ticket pour un spectacle de danse classique à Amestris et d’une gazette qui titrait que la Princesse Noire venait d’intégrer l’Académie de Danse d’Amestris sans aucune audition.