Le bateau débarqua sur l’île de Yangin dans un silence mortuaire, seul le son des vagues, s’écrasant contre le bois de la coque, venait briser ce dernier.
Yangin, l'une des îles de l'archipel d'Aeden où vivait la majeure partie des Lyrienns du feu, ces semblables désormais. Après sa cérémonie de la Révélation passée, Kathe avait été directement transférée sur le territoire du feu. Bien que sa maison se trouvait à Extalia, il fut jugé préférable qu'elle prenne quand même rapidement connaissance des us et coutumes qui régissait au sein de l'île, mais aussi des membres de sa famille qui y vivait. L'adolescente ne savait absolument pas à quoi s'attendre au départ, mais en voyant cette terre noircie par les flammes et les divers volcans, crachant gerbes de laves et de roches volcaniques, ses yeux se mirent à briller d'émerveillement et son sang, à bouillir d'excitation. Par ailleurs, les relents de cendre et le vent chaud, brûlant même, qui venait lui caresser le visage ne faisant que renforcer toutes ces émotions. Serrant ses doigts sur le bastingage du bateau, un léger rictus étira ses lèvres à l'idée de mettre les pieds sur cette terre désolée et d'y relever les épreuves qui l'attendaient. Elle n'était qu'une toute jeune Lyrienne du feu, mais son esprit de combattante et sa fougue étaient prêts à défier même les plus grands de cette île.
Une fois le débarcadère aménagé, les premiers voyageurs mirent aussitôt pieds à terre, des Lyrienns de feu pour la très grande majorité. Par ailleurs, en passant devant la jeune fille, certains d'entre eux lui jetèrent un bref regard, moqueur voire plein de mépris, comme si elle n'était qu'un simple amuse-bouche, trop faible pour survivre ne serait qu'une minute à la sauvagerie qui régnait sur Yangin. Mais Kathe ne se défila pas et soutint le regard de chacun d'entre eux en leur renvoyant cette même image de mépris à leur encontre.
Finalement, il ne resta bientôt plus qu'elle à devoir débarquer sur la terre ferme, ce que le capitaine du navire ne manqua pas lui faire remarquer. Ce dernier voulant repartir au plus tôt. Ne se faisant donc pas prier, l'adolescente passa le débarcadère et posa enfin les pieds sur l'île de Yangin.

Une énergie nouvelle sembla soudainement se déverser en elle et se mit à parcourir son corps entier. Comme si Shaana lui-même venait lui offrir sa bénédiction. Peut-être était-ce justement le cas, après tout elle se trouvait sur le territoire des Lyrienns du feu, les enfants de l'Aether de ce même élément, il était l'âme et l'esprit de cette île.
Inspirant un grand coup, l'air chaud et les odeurs de cendres entrèrent dans ses poumons pour ressortir en un panache de fumée qui se dissipa aussitôt. Jetant ensuite un coup d'œil aux alentours, Kathe se demanda maintenant dans quel direction se diriger. Mais un membre de sa famille devait normalement l'attendre afin de l'amener jusqu'à sa nouvelle demeure. Ce dernier se trouva être justement à quelques pas de sa position, adossée tranquillement à une paroi rocheuse, invitant la jeune fille à s'approcher d'un signe de main. Celle-ci s'exécuta et s'avança sans crainte vers cette femme qu'elle connaissait pour l'avoir déjà vue à nombreuse reprise lors de diverses réunions de famille. Cléophace, sa grande cousine, mais de cette dernière elle ne connaissait que très peu de choses, à part qu'elle soit la dirigeant de la famille Blaise sur Yangin. Kathe entra donc dans l'inconnu le plus total et articula un simple mot devant cette femme et son étrange accoutrement.

"Salut..."

Quelque peu circonspecte, la jeune Lyrienne ne savait pas trop à quoi s'attendre avec cette femme qui lui faisait désormais face. Attifée d'une façon des plus particulières, Kathe ne put s'empêcher de loucher dessus, l'air assez décontenancée. Une combinaison noire et moulante, faite de cuir, collait à la peau de Cléophace, accentuant ses formes féminines et aguichante. Quelques lanières et lacets de la même matière, agrémenté de partie métallique, venait décorer certain endroit de sa tenue avec un très fort mauvais goût, du moins pour ce qu'en pensa jeune fille. Mais cet accoutrement, aussi bizarre soit-il, lui donnait l'allure d'une femme fatale que rien ne saurait faire plier. Cela fut aussi accentué par sa chevelure brune aux reflets dorées, attachée de façon assez stricte et agrémentée de plusieurs bijoux qui apportaient une petite touche de coquetterie.

"Oh ! Mais ne serait-ce pas la petite Katheleen ? Tu as bien grandie dit donc !"

Faisant une bonne tête de plus que l'intéressée, ses yeux d'un rouge pastel se posèrent ensuite sur elle, l'observant en détail, alors que l'une de ses mains vint mettre en désordre la crinière indomptable de la rouquine, en un geste étonnement affectif. Aussitôt, celle-ci rejeta la main de la femme d'un revers de la main.

"Pas touche !"
"Oulah ! Mais c'est qu'elle sait mordre en plus !"

La fixant d'un regard assassin, Kathe n'était pas encore prête à se faire marcher sur les pieds, mais plutôt à sauter à la gorge de sa grande cousine, le feu brûlant en elle. Cléophace soutint son regard le temps d'un instant avant d'exploser de rire face à l'attitude de l'adolescente.

"Allons, inutile de te mettre dans tous tes états mon petit renard.
On va d'abord aller chez nous, tu pourras te défouler là-bas. C'est plutôt dangereux de se promener toute seule, surtout lorsque l'on est une jeune Lyrienne comme toi."
"Je sais parfaitement me défendre !"

Ne faisant pas plus de remarques sur la fougue, presque insolente, de la jeune fille, elle tourna le dos à cette dernière et commença à s'éloigner. Laissant le libre choix à Kathe de la suivre, ou non.

S'arrêtant devant une sombre forteresse, un frisson parcourut aussitôt l'échine de l'adolescente, qui avait fini par suivre Cléophace, lorsque ses yeux se posèrent sur l'imposante demeure. Celle-ci respirait l'insécurité et la terreur, de par ses imposants murs d'un noir aussi profond que les ténèbres eux-mêmes et de ses nombreux trophées de chasse qui ornaient ces derniers. Des ossements, des crânes, même parfois des squelettes entiers d'êtres humanoïdes ou de créatures diverses, celles-ci atteignant parfois des tailles titanesques. Posant ensuite son regard sur la femme à ses côtés, Kathe se demanda si cette dernière avait vraiment combattues autant de créatures et d'adversaires afin d'obtenir tous ces trophées. Un sourire énigmatique se fit alors sur les lèvres de Cléophace lorsqu'elle se tourna vers la jeune Lyrienne, l'esprit de celle-ci étant bourré d'interrogations auxquelles elle n'aura certainement aucune réponse.

"Voici Vatra, ta nouvelle demeure mon petit renard. Tu verras, après un petit temps tu finiras par préférer cet endroit à Etxalia."

Levant un sourcil, Kathe fut des plus dubitatives quant à cette affirmation, mais heureusement elle se retint de tout commentaire, laissant à son interlocutrice le bénéfice du doute. S'avançant jusqu'à l'entrée de la forteresse et passant les immenses herses qui empêchaient le passage à quiconque n'étant pas autorisé, les deux Lyriennes pénétrèrent finalement au sein de Vatra, la demeure familiale de la famille Blaise. Ici, l'ambiance fut bien plus austère qu'à l'extérieur, sombre et avec comme seule lumière celle des braseros balisant chaque pièce et couloirs, l'air sec et brûlant qui circulait en ce lieu semblait atténuer son malaise en lui infusant force et courage à chacune de ses respirations.
À quelques pas derrière Cléophace, l'adolescente suivait cette dernière avec curiosité et méfiance vis-à-vis de ce lieu qui lui était encore totalement inconnu, se demandant par ailleurs où cette femme comptait bien l'emmener. La réponse ne tarda pas à venir.

"Ici c'est le rez-de-chaussée, tu y trouveras une armurerie, des forges et des salles d'entrainement. À l'étage, les pièces de vie ainsi que les chambres de chacun. Mais avant cela... On va voir si tu mérites ta chambre à Vatra mon petit renard."

Un petit sourire sadique vint soudainement étirer les lèvres de cette femme, dévoilant une rangée de dents blanches et impeccables, tandis qu'elle ouvrit une porte en invitant Kathe à entrer la première. Les battements de cœur de la jeune fille commencèrent soudainement à s'accélérer en passant à la pièce suivante, se demandant ce qui pouvait bien l'attendre de l'autre côté. Elle se retrouva alors dans une immense salle, bien plus lumineuse que le reste de la maisonnée, les braseros brûlant d'un feu bien plus intense. Balayant ensuite la pièce d'un simple regard, l'adolescente n'eut aucun mal à deviner l'utilité de cette dernière. Celle-ci étant dédiée à l'entrainement de tous ceux qui vivaient en ces lieux. Les divers mannequins de bois ou de métal, les nombreuses cibles, ainsi que les différentes armes disposées sur les murs ne laissaient aucunement place au doute. Par ailleurs, en admirant l'arsenal disponibles ici, Kathe remarqua qu'elle n'avait encore jamais vue la plupart des armes exposées, se demandant même comment pouvait bien marcher la plupart d'entres-elles, certaines ressemblant plutôt à des instruments de tortures. Ce fut alors que la Lyrienne, tendue et légèrement stressée, sursauta soudainement lorsqu'un bruit parvint à ses oreilles. Se retournant immédiatement en direction de ce dernier, Kathe vit que Cléophace, un rictus s'affichant sur son visage, venait de claquer violemment la porte de la salle d'entrainement. Commençant à s'inquiéter de plus en plus, la jeune fille vint à se questionner sur les raisons de sa présence en ce lieu, se demandant même si elle ne venait pas de se faire piéger. Au même moment, la femme s'avança vers sa petite cousine en faisant glisser délicatement son doigt le long de la joue de cette dernière.

"Nous voilà donc tranquille toutes les deux. Je vais maintenant pouvoir me faire un meilleur avis sur toi Katheleen, car vois-tu il ne suffit pas de porter le nom de Blaise pour avoir une place dans ma forteresse. Il faudra la mériter et c'est bien pour cela nous sommes ici."

Écartant les bras et faisant un tour sur elle-même, Cléophace désigna ainsi la quantité phénoménale d'armes disponibles avant de rajouter :

"Quoi de mieux qu'un duel pour tester l'étendue de tes capacités ? Choisit donc tes armes parmi celles présentes ici. Tu pourras en prendre autant que tu le veux."

Soufflant intérieurement, Kathe fut soulagée de ne pas avoir été la cible d'un guet-apens, mais son cœur se remit à s'emballer de plus belles, mais pour une autre raison cette fois-ci : L'excitation du combat à venir. Observant les armes avec un peu plus d'attention cette fois-ci, le choix de Lyrienne se porta, non pas sur les épées dont elle avait l'habitude de manier, mais sur une sorte d'hallebarde disposant à son extrémité une lame courbe de quelques centimètres seulement. La faisant ensuite tourner entre ses doigts, la jeune fille s'habitua au poids de cette dernière ainsi qu'à ses réactions sur divers mouvements. Une fois prête, Kathe se posa face à Cléophace qui était restée tranquillement à l'observer, un sourire des plus amusé sur les lèvres.

"On peut commencer !"

De sa main libre, l'adolescente fit cesser les tremblements de son bras, tout excitée qu'elle fut à l'approche du combat imminent, avant de se mettre finalement en garde. De son côté Cléophace en fit de même et déroula un long fouet de cuir qu'elle fit claquer bruyamment.

"Allons-y alors ! Approche donc petit renard !"

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