Elle avait fini par perdre son attention dans la contemplation de l’un des murs, pour se reposer de ce débat sans fin qu’ils entretenaient depuis trop longtemps. Jadélynka n’en pouvait plus. L’atmosphère étouffante était à la limite du supportable et ses paupières devenaient lourdes. Elle rêvait, plus que jamais, de retrouver son lit propre, frais et douillet, où elle pourrait enfin succomber au sommeil sans avoir à tergiverser davantage.

-Taisez-vous.

Elle ne voulait plus l’entendre. Sa voix la fatiguait autant qu’elle lui hérissait le poil. Son ton et son accent lui donnaient envie de l’écorcher. Elle s’imaginait de plus en plus aisément enrouler des ronces autour de son cou et serrer lentement son emprise pour le voir agoniser et le regarder regretter ses âneries. S’il continuait, elle ne le supporterait plus du tout, et ce n’était pas un stade conseillé à atteindre. Dorian ne la connaissait pas en colère, et à vrai dire, il ne voulait pas savoir. Personne ne voulait savoir. Si elle pouvait devenir une véritable teigne lorsqu’on s’amusait à la provoquer, l’étape du dessus frisait la folie destructrice. C’était aussi là qu’elle était la plus créative et que sa rancune devenait proéminente sur tous ses autres traits de caractère. L’Alfar se pinça l’arête du nez, fermant les yeux tandis qu’elle prenait une profonde inspiration.

-Pour l’amour de Tawaradan, je vous ai demandé de vous…

-Mademoiselle Déléis ?

L’acoustique de la pièce avait changé et le mur dans son dos avait disparu. La voix de Renata lui paraissait irréelle. Jadélynka rouvrit les yeux pour s’assurer qu’elle ne virait pas folle. Sa chambre, ses meubles, sa maison, et les jambes de son Mur qui se dressait devant elle, inquiète.

-Tout va bien ?

Perdue, la jeune femme prit du temps pour répondre. Elle se remémorait ce qu’il venait de se passer, cherchant à comprendre ce qui l’avait ramenée ici.

-Oui, je…

Elle tremblait un peu, résultat de toute la colère et l’émotion procurées par ces dernières minutes.

-… je vais me coucher. Termina-t-elle, comme absente.

Renata lui tendit une main pour l’aider à se relever.

-Êtes-vous certaine que tout va bien ?

Elle la sentait faible, un peu comme si elle venait de subir un choc. Tout ce qu’elle reçut en remerciement de sa préoccupation fut un regard noir. Jadélynka releva la tête et lança ses épaules en arrière.

-Oui, Renata. Je peux aller jusqu’à mon lit toute seule, merci. Bonne nuit.

Ne se faisant pas prier, le Mur s’inclina et disparut. Seule, Jadélynka se dirigea machinalement vers son lit et souffla les chandelles pour plonger la pièce dans l’obscurité. Néanmoins, malgré la fatigue, elle ne ferma pas l’œil tout de suite. Elle avait failli se faire dévorer par un Vampire.