Daé Miirafae ~ Rehla ~ Niveau IV ~
◈ Parchemins usagés : 834 ◈ YinYanisé(e) le : 29/05/2019 | Ven 31 Juil 2020, 16:37 | |
| Après-midi et mauvaise poésie
Cela faisait longtemps que le Rehla n’était pas passé par Cemiel ou même plus généralement par les tours de Zéphyr. Il se décida à y passer son après-midi et se connaissant, il partit du principe qu’il y serait un bon bout de la nuit. Mobile était sur son épaule, inanimé, petit pliage de papier prêt à jouer quand il serait déplié, et dans le sac du Rehla, un morceau de pain et un bocal de tapenade. Il entra comme à son habitude grâce à la broche qu’il avait dans le revers de la veste qu’il portait. Il était habillé de manière étonnamment masculine. Une veste typée de veste de costard et un pantalon large monté jusqu’à son nombril. Il était sorti pied nu, l’envie de sentir la pierre mouillée sous ses pieds et de leur laisser l’odeur du petrichor. Le bas de ses pantalons était devenu plus foncé avec l’eau qu’il avait amassée et donnait une bordure noire à ses vêtements bleu nuit. Il hésita un moment puis se dirigea, l’air badaud, vers l’unique porte qui était au fond de l’unique couloir de Toryë, la plus petite des Tours de l’Université.
Il arriva, quelques dizaines de pas plus tard, sur les jardins splendides et agréables de l’établissement. Il ne venait pas souvent ici, principalement parce qu’il oubliait qu’il s’y sentait bien et qu’il n’avait jamais fait de ce lieu une habitude. Les grands jardins oscillaient entre le bleu et le gris parce que le temps de Lua Eyael s’était gentiment couvert et la pluie annonçait tranquillement sa présence. Daé s’arrêta le long d’un petit rebord de pierre rugueuse et il regarda dans les plantes, pour voir les insectes y vivre, tout aussi calmement et inévitablement que la pluie annonçait sa venue, que cet enfant état mort il y a deux jours ou qu’il serait un jour à sa place dans le monde. Il tourna un peu la tête et vit la tranche d’un petit livre qui semblait attendre dans la terre. Il le saisit, l’air surpris de voir un livre si loin de sa bibliothèque et le sécha comme il put de l’humidité de la terre en le tamponnant avec ses vêtements. Les pages étaient gonflées à cause de l’eau qu’elles avaient absorbées et la couverture semblait effacée. Le livre dans son entier était légèrement plus foncé que les habits de l’Aurum et certaines pages étaient devenues des réceptacles de taches d’encre noire parfaitement illisible. Au milieu du livre, quelques mots se laissèrent déchiffrer au gré de la découverte de Daé.
« L’histoire ne pouvait pas continuer sans sa présence Irradiante, chaleureuse, apaisante, douce Il y avait, dans ces yeux, dans sa pense- Ée. Une douceur celle de la mousse. »
Daé ne lisait jamais de poésie et comprit pourquoi assez rapidement. Rarement il avait réussi à être autant ennuyé par aussi peu de mots. Son après-midi étant là pour se faire bercer par les occasions, il tenta tout de même de sauter à une autre partie lisible. Dans l’espoir d’y trouver mieux que ce qu’il avait trouvé jusqu’alors.
« J’ai 15 ans. J’ai toujours cru que je serai mort avant, mais là, j’ai 15 ans. » Charmant, pensa-t-il. Il continua. « Je comprends pas ce qui m’arrive, ce qui se passe. Je comprends pas pourquoi quand je passe On me regarde comme si c’était normal. Comme si je l’étais. Pourquoi ça fait ça ? »
Etrange. Le Rehla se posa pleins de questions d’un coup. Il se demanda s’il aimait le style ou pas, comment il était à quinze ans, à quel point ces quelques vers étaient de la fiction ou de la biographique, à quel point la poésie en prose était de la poésie et comment elle avait gagné ce statut. Il ouvrit encore une fois le livre.
« Bête de somme Imagée Entrant dans l’étable Nue Tu ne sais pas Ô non, tu ne sais pas Tout. »
Daé referma le livre. Définitivement convaincu que la poésie, du moins celle-ci, n’était pas son fort et il reposa consciencieusement le livre là où il l’avait trouvé. Se disant qu’il parlerait peut-être à quelqu’un d’autre. Il continua sa balade, la bruine l’avait maintenant trempé, mais il en faisait fi. Lorsqu’il rentra, il réfléchit sans arrêt à s’il aurait dû, ou non prendre ce livre.
Dans le jardin, le livre n’était plus là. 734 mots
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