Ravi d’en apprendre plus à leur sujet, le démon se montra très attentif, espérant pour tirer profit des informations qu’il récolterait. Ainsi, il espérait apprendre à mieux anticiper les individus de cette race à l’avenir. Reconnaître les signes et éviter dans tomber dans les filets de la grande famille Afran. Azraël nota l’échange de regard entre Khazel et Maëlle, comme s’ils avaient besoin de se mettre d’accord avant que l’un d’eux ne se lance dans une série de révélation. Il y avait un lien entre eux et si le démon ne savait pas de quoi il s’agissait, il n’allait pas tarder à le savoir. Ce fut le jeune homme qui se lança dans une explication qui se voulait simple et résumée. Il eut raison de préciser que tout cela était étrange mais pas seulement. Ce n’était en rien facile à comprendre ! Comment était-il possible de naître au sein d’une race sans lui appartenir vraiment ? Un fait qu’Azraël arrivait difficilement à concevoir. Lui, il était un démon, qu’il soit fort ou non, qu’il soit reconnu ou pas, personne ne pouvait nier qu’il fasse partie intégrante du peuple démoniaque même si, il en était sûr, cette idée aurait plus à plus d’un démon. Il se rendait compte que plus il avait d’information sur les Afran et les lyrienns, moins cela devenait clair dans sa tête. Il comprit néanmoins l’aspect que Khazel décrivait en expliquant de quelle manière il pouvait reconnaître l’utilisation de la magie. En effet, c’était de la même manière qu’il anticipait le supplice de Sariya ; en reconnaissant les signes distinctifs par habitude. A cette pensée, il fut parcouru d’un frisson. Observant l’attitude des deux jeunes, Azraël comprit qu’ils expliquaient une partie de leur vie qui était difficile et éprouvante pour eux. Le démon ne pouvait en comprendre tout le sens ni toute la profondeur mais il avait une vague idée des sentiments qu’on pouvait ressentir à être considéré comme n’étant… rien. Rien, c’était aussi ce qu’il était au sein de sa propre race. C’était ce « rien » qui le rendait encore plus avide de pouvoir et de puissance. Ce « rien » qui le pousserait au sommet pour écraser tous ceux qui s’étaient mis en travers de son chemin. Il serra les dents réalisant qu’il détestait presque que tous les démons qu’il connaissait, à commencer par son père et Sariya. La seconde suivante, croisant le regarde Maëlle, puis cela de Khazel, il se rendit compte que, malgré les apparences et les différences, les trois malheureux avaient peut-être plus de choses en commun que ce qu’ils pouvaient croire. Le temps d’un instant, une ombre de compassion passa dans les yeux d’Azraël. L’instant d’après, il se renferma. Lassé et écœuré de ces échanges à l’eau de rose, le démon détourna la tête. Il se moquait bien de ce que pouvait vivre et endurer les deux lyrienns – ou pas encore lyrienns. Il avait assez à en faire avec lui-même.

Heureusement, Mathilda arriva bientôt, obligeant le démon à se redresser rapidement pour ne pas tomber en arrière à l’ouverture de la porte. Sa première réaction fut d’avoir un grand sourire. La punition n’avait pas été si terrible que ça. Une heure à ne rien faire qu’à se reposer et échanger des « politesses ». Enfin, vu la tournure de la conversation, la punition aurait pu être à la hauteur de ce que le démon avait imaginé mais pour son plus grand bonheur, Mathilda arriva telle une héroïne pour le libérer de trop longues discussions.

*Tu parles d’un enfer* pensa le démon satisfait.

Mais son sourire s’effaça quand il entendit la question de Khazel ; « combien de temps ? ». Le démon, qui allait se précipiter à l’extérieur, s’était figé sur place. Comment ça, « combien de temps ? ». La réponse de Mathilda eut l’effet d’un coup fouet.

-Dix lunes ?! Azraël s’etouffa presque mais la domestique l’ignora totalement, lui indiquant seulement que Sariya l’attendait.

Dépité, il réalisa encore une fois sa naïveté et son erreur. Dix lunes. La notion du temps. Sur le fond, dix lunes ne valaient rien dans une vie de démon. A titre de comparaison, cela pouvait valoir à quoi ? Dix jours ? Dix minutes ? Dans le fond, non, ce n’était rien mais déjà qu’Azraël luttait pour être reconnu parmi les siens, disparaitre pendant dix lunes l’avait condamné aux oubliettes. Le nom de Frada Afran commençait à monter dans sa liste. A force, il finirait dans son top dix. Khazel ne semblait pas surpris le moins du monde, trop habitué à ce genre de coup bas sans doute. Pour toute réponse, Azraël hocha la tête. Le démon jeta un dernier regard mauvais à Mathilda et se faufila dans le couloir pour retrouver Sariya. Il n’avait qu’une hâte, quitter cet endroit.

781 mots