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 [XXVI] Les secrets du passé.

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Stanislav Dementiæ
~ Sorcier ~ Niveau II ~

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◈ Parchemins usagés : 1372
◈ YinYanisé(e) le : 30/01/2016
◈ Âme(s) Soeur(s) : Aggripina, la seule, l'unique.
◈ Activité : Mangeur officiel de chaire fraiche
Stanislav Dementiæ
Dim 10 Mar 2019, 09:34


Image de Vittoria Barulli

Les secrets du passé


Catégorie de quête : XXVI. Familial
Partenaire : Solo Shiva & Vulpina
Intrigue/Objectif : Suite à un énième éveil de Vulpina, Shiva discute avec la Mère qui évoque un secret sans le lui révéler pour autant. Devant le manque de réponse qu'on lui fournit, Shiva devra faire équipe avec sa pire ennemie pour découvrir ce qu'on lui cache. Des secrets de familles referont surface.

« Vous disposez de tous le jardin et c'est ici que vous venez vous cacher ? » Shiva sursauta en entendant la voix de la Mère derrière elle. La magicienne essuya discrètement les larmes qui avaient coulé le long de ses joues, cachant ensuite le mouchoir en tissus dans les pans de sa robe. « Eh bien... Je ne souhaitais pas être dérangée pendant que je... » « Que vous méditiez ? » Shiva força un sourire qu'elle présenta à la matriarche. « C'est ça. » répondit-elle d'une petite voix. Elle se sentait idiote. La Mère avait très bien compris la raison pour laquelle elle s'était isolée dans ce coin du Labyrinthe, alors pourquoi diable continuait-elle à faire semblant ? A prétendre que tout allait bien alors que le simple fait de se trouver en ce lieu lui donnait l'étouffante impression d'être un oiseau dans une cage dorée ? La simple présence de la fondatrice de sa lignée lui donnait envie de fuir. Pourtant, la magicienne se contenta d'afficher son plus beau masque et de ne rien dire. L'éducation qu'on lui avait donnée semblait désormais comme une seconde nature, quand bien même chaque fibre de son être aurait souhaité jeter au diable ces convenances qui la rongeaient. « Puis-je me joindre à vous, dans ce cas ? » Shiva acquiesça tout en se décalant pour laisser la matriarche s'asseoir sur le banc à ses côtés. « J'ai entendu parler de votre fâcheuse scène. » Voilà sans doute pourquoi elle continuait à s'accrocher à ces faux semblants : lorsqu'elle laissait tomber le masque, lorsqu'une fissure craquelait sa comédie, les choses déraillaient et l'on venait lui réclamer des comptes... Shiva n'essaya même pas de démentir : cela n'aurait servi à rien, elle était sans doute déjà au courant de tout. Au lieu d'essayer de nier, elle alla droit au but. « Pourquoi refusez-vous de me laisser voir mon époux ? » La Mère garda le silence pendant quelques secondes. Sa descendante prit cela comme un refus de répondre et enchaîna donc. « C'est pourtant vous, qui avez accepté cette union. Il est trop tard pour revenir en arrière maintenant que nous sommes mariés, alors pourquoi refusez-vous qu'il vienne ? » « Oh mais cela ne dépend pas que de moi, ma chère. » La blonde fronça les sourcils. La Mère était le titre le plus haut gradé, au sein de la famille. Il lui suffisait d'un mot pour qu'un membre de la lignée soit vu comme un demi-dieu, et d'un autre pour réduire quelqu'un au statut de paria. Elle en avait fait l'expérience. Cette réponse lui semblait donc des plus absurdes, et elle dut faire preuve de maîtrise d'elle-même pour retenir son soupir las. La matriarche claqua des doigts et une tasse de thé apparut dans sa main. « Voulez-vous du thé également, ma chère ? » Shiva refusa d'un simple geste de la tête, tandis que son ancêtre trempait ses lèvres dans la boisson fumante. « Je sais que ma réponse ne vous convient pas, mais les choses ne sont pas aussi simples que vous ne le pensez. Être à la tête de cette famille signifie que je dois m'assurer du bien-être de chacun de ses membres. Je dois faire ce qui est bien pour eux, même lorsque la décision est difficile et douloureuse... » « Êtes-vous en train de dire que Nefraïm n'est pas une bonne chose qui me soit arrivé ? » « C'est ma faute... Je vous ai laissé vous rapprocher de cet homme, et j'ai fini par céder à vos caprices... J'aurais dû insister plus longtemps pour que vous épousiez son cousin... » Shiva se mordit la lèvre inférieure. Il est vrai qu'à l'origine, sa famille avait essayé de la marier non pas à l'ange mais à son cousin. Une union qui aurait dû garantir la blancheur de son âme... Au final, la magicienne s'était éprise de l'okan et avait fait en sorte que les fiançailles soient légèrement modifiées. A l'époque, cela n'avait pas semblé idiot : Nefraïm était également un ange, et ses sentiments semblaient purs... Il aurait pu accomplir la même chose que le premier prétendant... Malheureusement, les événements ne s'étaient pas déroulés comme prévu.  Shiva bouillonnait à l'intérieur. Comme si épouser quelqu'un d'autre aurait changé quoi que ce fut à son destin... La Mère était tout bonnement en train d'insulter la seule chose dont elle était heureuse et qui n'avait pas été totalement calculé dans son existence. « Quoi qu'il en soit, vous ne nous facilitez pas la tâche... Elle continue à s'éveiller, n'est-ce pas ? C'est ce qui s'est produit, ce matin, lorsque vous tentiez de trouver des réponses. » Shiva sentit son corps se tendre. Elle déglutit avec difficulté et préféra garder le silence plutôt que de s'incriminer elle-même. « Si vous luttiez plus férocement, si vous pouviez nous montrer que vous êtes capable de la maintenir... Nous serions plus rassurées. Votre époux pourrait vous rendre visite à nouveau. Mais... Il semblerait que les résultats ne soient pas aussi bons que nous ne l'avions espéré. » La matriarche continua à siroter son thé, son regard posé sur sa descendante pour examiner chacun de ses faits et gestes, chacune de ses émotions. « Il faudra vous montrer à la hauteur avant d'espérer pouvoir le revoir. » « Et que se passera-t-il, si je ne suis pas assez forte ? Vous m'enfermerez ici ? Vous me garderez prisonnière ? » La Mère sourit tendrement, réaction qui alarma la plus jeune. « Mais voyons, de quoi parlez-vous ? Vous nous avez rejoint de votre plein gré. Vous saviez qu'il s'agissait de la bonne chose à faire. Et je suis certaine que vous saurez, une fois de plus, faire preuve de sagesse et accepter notre décision. Vous êtes ici chez vous, comme tous les Nadivh... Pourquoi souhaiteriez-vous partir, de toute manière ? » Shiva serra les poings, ses ongles rentrant dans ses paumes. La douleur l'aida à garder son calme. Elle n'était pas dupe. Ce titre d'invité qu'on lui avait collé n'était qu'une étiquette offerte pour ne pas lui donner l'impression d'être prisonnière, mais c'est bien ce qu'elle était. Captive. Quand à son arrivée ici, elle n'avait pas réellement eut d'autre choix que de venir. Si elle avait fait la sourde oreille, ce serait eux qui seraient venus à elle et les choses auraient sans doute été moins cordiales encore... Au moins pouvait-elle toujours se déplacer dans le domaine familial comme elle l'entendait, sans devoir en demander la permission ou se faire suivre par un garde du corps... A moins qu'on ne lui retire également ce privilège dans les jours à venir. « Venez avec moi. Je vais vous montrer mon endroit préféré. » La Mère tendit une main pour aider Shiva à se redresser.

Les deux femmes se mirent en marche, bras dessus bras dessous, Shiva se laissant guider à travers le dédale des haies. Reconnaissant vaguement le chemin qu'on lui faisait emprunter, Shiva fit part de son hypothèse. « Vous nous emmenez à la Fontaine de Suris ? » Il s'agissait du dernier endroit où elle avait envie de se rendre. Le cœur du Labyrinthe était toujours bondé et elle ne voulait pas être vue dans son état. Elle ne supporterait pas de devoir faire semblant face à plus d'un indésirable, à sourire et prétendre que la conversation l'intéressait. « Non. Mon lieu de prédilection est un lieu que je garde secret. C'est mon coin à moi, là où je vais lorsque je ne veux pas être dérangée. » « Pourquoi me le montrer, dans ce cas ? » « Oh, je suis certaine que vous le trouverez très intéressant, vous aussi. » Shiva n'ajouta rien et continua de suivre la Mère, qui la conduisit à travers le dédale. Arrivées à un croisement que la blonde connaissait bien -tourner sur la droite menait à la fameuse fontaine- les deux femmes se stoppèrent devant la haie. La fondatrice fit une pause et murmura quelques paroles que la plus jeune ne comprit pas. Aussitôt, une ouverture se créa dans le mur de végétation, dévoilant un couloir que Shiva n'avait jamais emprunté. Les magiciennes s'y engouffrèrent, suivant l'unique passage possible. Dès qu'elles eurent avancé sur ce chemin secret, la haie se referma derrière elles, en bloquant de nouveau l'accès. Intriguée, Shiva accéléra le pas malgré elle. Une odeur douce et enivrante chargeait l'air. Le bruit des conversations et de l'eau qui coule s'était totalement atténué, ne laissant place qu'au chants d'oiseaux que la blonde ne parvenait pas encore à voir. Finalement, elles débouchèrent sur une place circulaire. L'espace était occupé par des rangées de fleurs, sans doute l'origine du parfum qui enveloppait l'endroit. Au plus proche d'elles, des roses. Plus loin, la Nadivh aperçut des lys et des lilas. Mais toutes furent bientôt ignorées, face à l'arbre qui trônait majestueusement au centre. La Mère sourit face à l'expression de la plus jeune. « C'est... magnifique. » « Merci. » dit sobrement la matriarche en descendant les quelques marches pour rejoindre le cœur du jardin. Shiva l'imita, ses yeux ne sachant plus où regarder. Une fois qu'elles furent arrivées sous les branches du pin, elles prirent place sur l'unique banc qui avait été installé là. « Cet arbre... Je ne l'avais jamais vu. » commenta la blonde, visiblement troublée. En effet, l'arbre était bien plus grand que les haies. Il aurait dû être visible depuis l’extérieur du labyrinthe, et même à l'intérieur : sa hauteur était tellement grande qu'il aurait pu servir de phare aux personnes égarées. « Comme je vous l'ai dit... Je ne tiens pas à être dérangée, lorsque je suis ici. » Le silence s'installa mais, pour l'une des premières fois de sa vie, Shiva ne se sentit pas mal à l'aise en compagnie de son ancêtre. Peut-être était-ce dû à la sérénité qui émanait du lieu, ou bien simplement parce que, pour la première fois, elle ne se sentait pas épiée. « Devinez-vous ce que représente cet arbre ? » « C'est celui qui a inspiré notre blason ? » proposa l'immaculée. sa réponse arracha un sourire satisfait à la Mère. « C'est bien lui. Il s'agit du véritable cœur du labyrinthe. Mieux encore, j'aime à penser qu'il s'agit du cœur de notre famille. Lorsque je me suis séparée des Raagus, j'étais seule et perdue. Au bord du désespoir. Mais c'est alors que j'eus ce songe : l'aigle doré, qui volait au-dessus d'un arbre majestueux, comme pour le protéger. J'entrepris alors un long voyage, jusqu'à trouver cet arbre... Une fois fait, je lui lançais une bénédiction : du petit arbre frêle qu'il était à l'époque, il se transformerait en pilier, fort et majestueux. Le protecteur de notre famille. S'il devait arriver quelque chose aux nôtres, il me préviendrait, d'une façon ou d'une autre, afin que je puisse nous protéger. » Shiva laissa son regard glisser le long du tronc. Elle avait déjà entendu cette histoire des milliers de fois durant son enfance, sans savoir s'il s'agissait d'une fable ou d'une vérité. L'entendre de la bouche même de celle qui en avait rêvé la rendait mal à l'aise. « Et... Vous a-t-il déjà fait signe ? » La Mère acquiesça. « Une fois. » Shiva réfléchit à l'histoire de sa famille avant de se décider. « Lors de la guerre contre les Raagus ? » Son interlocutrice ne répondit pas. A la place, elle observa la blonde en silence avant de laisser échapper dans un murmure : « Vous lui ressemblez beaucoup. Bien plus que vous ne pouvez l'imaginer. » A la plus grande surprise de la magicienne, la fondatrice leva sa main et joua avec une mèche de ses cheveux blancs. « Elle non plus ne m'a pas laissé le choix... C'était... un mal nécessaire... »
2000 mots



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Sam 15 Juin 2019, 08:49


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Les secrets du passé



Shiva trempa sa plume dans l'encrier avant de contempler le parchemin vierge qu'elle avait étendu sur son bureau en bois. Elle inspira profondément, comme pour se donner du courage puis déposa la pointe de l'objet sur la page, la faisant glisser avec empressement tandis qu'elle formait des lettres arrondies.

Shiva a écrit:
Cher Nefraïm,

Chaque seconde qui me sépare de toi n'est rien de moins qu'un véritable calvaire. Mon cœur saigne, pleure en ressentant ton absence, le vide que tu as laissé derrière toi. Tu me manques terriblement. C'est comme si, lorsque tu n'es pas à mes côtés, mon cœur cessait de battre. Il semble pourtant sur le point d'exploser, bouillant de haine et de rage suites aux injustices que je subie. Ou au contraire, il semble froid, dur comme de la pierre, engourdi à force de supporter ce traitement odieux dont je suis la victime. Brûlant  ou glacial peu importe au final puisque je ne fais que souffrir lorsque tu es loin de moi. Chaque jour, chaque nuit je rêve de toi. De ton souffle chaud et de tes lèvres sur les miennes. De tes yeux chaleureux et de ton sourire rassurant. De tes mains protectrices et ta voix envoûtante. J'aimerais pouvoir me blottir dans tes bras et ne plus jamais en repartir. J'aimerais t'entendre une dernière fois, m'assurer que tout se passera bien, que notre amour est plus fort que leur oppression. Non. Rien que ton image, le simple fait de t'apercevoir au loin me suffirait, me permettrait de me ressentir entière à nouveau, et non pas vide et insensible. Toi seul est capable de recoller les éclats de mon cœur en mille morceaux. Toi seul est capable de repanser mes plaies, mais l'on t'écarte de moi. Parfois, je songe à m'ôter la vie, afin de pouvoir te retrouver, même s'il s'agit d'un autre monde, celui des morts. Mais ce geste te blesserait autant qu'il me délivrerait. Ton bonheur est tout ce qui m'importe et je ne veux pas t'accabler plus encore de chagrin. La perte de notre enfant est déjà suffisamment atroce. Notre séparation, telle une seconde déchirure, est bien assez de souffrances pour toute une vie. Je ne veux pas te causer plus de tristesse que nécessaire. Tu es l'unique raison pour laquelle je fais encore partie des vivants.
J'ai l'impression d'étouffer ici, tel un oiseau en cage incapable de déployer ses ailes, impossible pour moi de prendre mon envol et retrouver ma liberté. Je suis entourée d'hypocrisie et de mensonges. Ils prétendent me retenir pour mon bien, comme si leur compagnie pouvait alléger ma peine. Je sais très bien pourquoi ils me gardent ici. Ils ont peur de moi. Ils essaient de le cacher, mais je ne suis pas dupe. Je vois les regards que l'on me lance, emplis de haine et de crainte, de dégoût et d'appréhension. Je ne peux pas passer dans un couloir sans être épiée, surveillée. J'entends les messes basses, les chuchotements venimeux qui critiquent chacune de mes actions sans que je n’aie rien demandé. Je suis entouré de mondes à chaque seconde et pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi seule.
L'Autre a encore prit le dessus sur moi, aujourd'hui. Ça n'a été l'histoire que de quelques secondes mais ça a été suffisant pour que l'on s'en aperçoive. Je fais vraiment de mon mieux, pour réussi à la canaliser, la contrôler. Lorsque j'y parviendrai enfin, je pourrais enfin te retrouver. Mais en attendant, je dois endurer ma sentence. Aujourd'hui, la Mère est venue me parler. C'était très étrange. Elle m'a montré l'un de ses secrets, et s'est même permise de partager quelques paroles intrigantes avec moi mais dès que j'ai voulu en savoir plus, comprendre ce qu'elle avait essayé de me révéler, elle s'est refermée et s'en est allée, me laissant sans réponse et pourtant pleine d'interrogations. Je n'ai pas l'intention de lâcher l'affaire pour autant. Elle me tourmente bien trop pour que je ne laisse passer cette chance de comprendre pourquoi l'on me réserve ce traitement.
Je pense tendrement à toi. Tes souvenirs apaisent légèrement ma douleur et je m'y accroche de toute mes forces.
Prend bien soin de toi. Je te reviendrai, c'est une promesse.

La magicienne relut le courrier qu'elle venait d'écrire. Cette lettre ne serait jamais autorisée à partir, elle serait confisquée dès que ses surveillants l'inspecteraient. Jamais on ne la laisserait dire qu'elle était prisonnière. Ni même qu'elle se sentait affligée par sa situation, encore moins une allusion au suicide. Elle le savait parfaitement, mais écrire à cœur ouvert à l'homme qu'elle aimait lui permettait d'extérioriser, de ne pas tout renfermer. Avec un soupire, elle roula le parchemin qu'elle serra contre son cœur avant de le ranger dans le tiroir de sa commode, rejoignant des dizaines d'autres lettres qu'elle avait déjà adressé à son époux sans espoir qu'il ne les reçoive un jour. Accablée, la blonde s'empara d'un nouveau parchemin et trempa à nouveau le bout de sa plume avant de réfléchir à ce qu'elle allait véritablement inscrire sur la lettre qu'elle lui enverrait. Comment pouvait elle dépeindre sa détresse sans éveiller les soupçons, tout en entant sûre que l'ange perçoive son mal être ? Shiva sentit son cœur se vider, comme si ses oppresseurs aspiraient ses émotions tel le Vampire suce la dernière goutte de sang de sa victime. La plume toujours en l'air, le regard dans le vague, elle patienta, essayant de trouver une idée.

Shiva papillonna des yeux. Elle était devant la bibliothèque, debout face aux ouvrages. Pendant quelques secondes, elle ne ressentit rien, juste le vide assourdissant qui l'envahissait ces derniers temps à chaque occasion. Puis sa conscience lui fit réaliser l'endroit où elle se trouvait. La bibliothèque. Quelque chose clochait. La seconde précédente, elle était assise à son bureau, dans sa chambre, essayant de rédiger une lettre pour Nefraïm, et voilà qu'elle se retrouvait dans cette pièce à l'autre bout du manoir. Sans aucun souvenir de la façon dont elle s'y était rendue. Aussitôt, elle sentit son cœur se serrer, se tordre sous la torpeur. Une peur panique monta en elle, la submergea. Fébrile, elle tendit la main devant elle pour s'appuyer contre l'armoire, tandis que ses membres tremblaient incontrôlablement, que sa respiration se faisait irrégulière, chaotique. Des larmes ruisselaient le long de ses joues. L'Autre avait encore refait surface. Déboussolée, la magicienne essaya de fouiller dans sa mémoire, cherchant désespérément une bribe de souvenir, un indice lui prouvant qu'elle n'avait pas encore une fois perdu le contrôle... Deux fois en une seule journée. Les choses s'aggravaient. Elle qui avait promis à l'ange qu'elle lui reviendrait, cette promesse semblait loin d'être réalisée. Ses jambes faibles semblaient sur le point de céder. Lentement, Shiva se laissa glisser contre le pupitre, dans son dos. Déboussolée, elle prit de grandes inspirations, essaya de se calmer. Tremblante, elle essuya ses joues humides. Sa respiration et son cœur retrouvèrent un rythme normal, mais elle n'osa pas bouger. Elle resta là, immobile. Incapable de déterminer si quelques minutes seulement s'étaient écoulées ou si elle avait patienté pendant des heures, la blonde se décida à retourner dans ses appartements. Lentement, elle se remit debout.

Au dernier moment, juste avant de se diriger vers la sortie, la malheureuse se tourna face au pupitre contre lequel elle s'était effondrée. Un épais ouvrage y était déposé. Sa couverture rouge était décorée de gravures dorées, représentant le blason familial. Posée par-dessus le livre, une note à l'encre noire. Elle reconnut son écriture. Tu es à la recherche de réponses. Je suis là pour t'aider à les trouver. Shiva sentit son corps se tendre de nouveau. Vulpina. C'était elle qui avait laissé ce message. Pendant un instant, elle prit la décision d'ignorer le parchemin et de faire demi-tour : elle savait qu'elle ne pouvait faire confiance à cette sorcière qui jouait avec elle. Mais sa volonté fut bien vite balayée par d'autres doutes : on lui avait sans cesse répété que cette chose qui grouillait en elle, ce monstre qui la hantait n'était autre que l'incarnation du Mal, qu'elle ne devait jamais lui faire confiance. Et pendant de longues années, elle s'était pliée à cette simple règle sans réfléchir: toujours se méfier de ce loup qui dormait. Mais aujourd'hui, les choses lui semblaient différentes. Cet ennemi lui offrait une chance de comprendre. Elle lui promettait des réponses, là où son entourage refusait de l'écouter. La jeune femme se mordit la langue, comme pour résister à la tentation, avant de céder. S'assurant que personne ne l'observait, elle s'avança jusqu'au grimoire et l'ouvrir à la page indiquée par le bandereau en tissus.

Le livre s'ouvrit sur une double page concernant une certaine Amelie Nadivh. Shiva lut toute sa biographie, toutes les données qui avaient été retranscrites ici, sans que rien ne l'éclaire. Elle était toujours perdue. Pendant un instant, la magicienne se demanda si son antagoniste ne s'était pas tout simplement moquée d'elle. Elle doutait sérieusement de cette possibilité, sans savoir d'où elle tenait cette certitude. La blonde s'intéressa donc à la dernière phrase concernant cette femme. Mère de Ariane Nadivh. C'était la seule piste à suivre. Le cœur battant, la jeune femme se rendit au sommaire détaillant tous les noms des personnes référencées dans cet arbre généalogique. À la lettre A, elle trouva le prénom de l'inconnue. Barré d'un grand trait noir. Un mauvais pressentiment s'empara de la curieuse. Elle prit néanmoins en compte le numéro d'index associé et tourna les pages de l'épais manuscrit jusqu'à la page mille deux cent quarante-huit. Mille deux cent quarante-quatre, mille deux cent quarante-cinq, mille deux cent quarante-six... mille deux cent cinquante et un. La double page où aurait dû se trouver la bibliographie de cette Ariane avait été arrachée. La gorge de Shiva se noua, sa tête bourdonnant de milles-et-une questions. Comme si une erreur avait été possible, la blonde feuilleta encore quelques pages, comme pour vérifier que l'on ne s'était pas trompé.

« Vous ne devriez pas être ici. » déclara une voix froide, tranchante comme l'acier. Shiva sursauta de frayeur, refermant prestement l'ouvrage pour dissimuler ses fouineries. Le cœur battant, elle se retourna vers la Mère, qui se tenait le dos droit, le visage fermé bien que ses yeux lui renvoient des milliers d'éclairs. Deux hommes en costumes l'entouraient. « Messieurs, veuillez raccompagner cette demoiselle dans sa chambre. Assurez-vous qu'elle n'en ressorte pas avant que je n'en ai donné l'autorisation. »
1864 mots



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Sam 15 Juin 2019, 11:29


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Les secrets du passé



« Non s'il vous plaît ne – » Les portes claquèrent juste sous son nez, telles une sentence s'abattant sur elle, faisant taire ses protestations. Se sentant plus prise au piège que jamais, Shiva laissa un grognement, entre le cri de rage et des lamentations désespérées, retentir en même temps qu'elle assénait un coup sur la porte dans un geste rageur. Elle regretta aussitôt cette impulsion, une douleur se propageant dans sa paume. Impuissante, la jeune femme soupira et se tourna pour faire face à sa chambre. Si elle avait encore eut des doutes, ils avaient tous été effacés par ce qui venait de se passer. L'interdiction de la laisser chercher dans ce registre était la preuve qu'elle était sur la bonne voie. Cette Ariane était de toute évidence importante, suffisamment pour que quelqu'un ait essayé de l'effacer de l'histoire de cette famille. Peut-être était-ce elle, la jeune femme à qui la Matriarche l'avait comparé lors de leur discussion. Peut-être était-ce elle qui avait éveillé l'arbre protecteur des Nadivh. En tout cas, son instinct lui criait que cette femme était liée, de près ou de loin, aux secrets qu'elle tentait de démasquer. Elle touchait quelque chose du bout des doigts. Sans doute aurait-ce eut quelque chose de grisant si l'espoir de pouvoir continuer ses recherches avait existé. Malheureusement, Shiva doutait qu'on la laisse simplement continuer de fouiner là où elle le voulait. Si elle s'était sentie surveillée et contrôlée par le passé, ce n'était sans doute rien comparé à ce qui l'attendait dans le futur... La blonde ne parvenait même pas à se réjouir de sa trouvaille, trop accablée par ce triste constat. Et si tout s'arrêtait ici ? Et si elle ne parvenait pas à trouver d'autres indices pour comprendre ce qu'il s'était passé ? Cette idée sembla ajouter un barreau autour de la cage qui enserrait déjà son cœur. Elle se sentait plus à l'étroit que jamais. Non, elle n'abandonnerait pas. Elle voulait savoir, et elle emploierait tous les moyens nécessaires pour atteindre son but !

Animée par une soudaine détermination, la magicienne prit place face à son miroir. Elle fut satisfaite de l'air dur qu'elle vit sur son reflet. Avec des gestes mécaniques, la blonde brossa ses cheveux puis les attacha avec un ruban, sa tête grouillant de pensées. Un constat s'imposait néanmoins à elle. Un constat qu'elle n'aurait jamais cru faire un jour. L'Autre, celle dont on lui avait toujours dit qu'elle était son ennemi et dont elle devrait toujours se méfier, celle qui avait hanté ses cauchemars durant toute son enfance, cette Autre là se révélait aujourd'hui être sa seule alliée. Bien sûr, la Nadivh ne savait pas si elle pouvait lui faire aveuglement confiance- probablement pas. Après tout, une sorcière restait une sorcière et il fallait se méfier d'eux, ne jamais baisser totalement sa garde. Sans oublier qu’elle était la cause de ses nombreuses fausses couches. Néanmoins, Vulpina était la seule à avoir coopéré. Elle était la seule à lui avoir montré le chemin... En cet instant, elle était ce qui se rapprochait le plus d'une alliée, d'une amie même. Sans le vouloir, Shiva partageait avec elle tous ses doutes, ses pensées et ses craintes. Cette mage noire était celle qui la comprenait le mieux. Et pas seulement parce qu'elles partageaient une enveloppe charnelle. Vulpina était enfermée dans son corps depuis plus de vingt ans, sans avoir jamais pu s'exprimer, sortir et vivre comme bon lui semblait. Elle était en cage depuis qu'elle s'était retrouvée enfermée dans ce corps avec Shiva. Finalement, elles se ressemblaient peut-decêtre plus qu'elle ne voulait bien l'admettre. Toutes les deux enfermées dans des cages qu'elles n'avaient pas choisies.

Shiva se releva puis commença à délasser son corsage, laissant tomber ses vêtements sur le sol sans prendre la peine de les ramasser. Elle se glissa ensuite dans sa robe de chambre, puis s'approcha de l'étagère lui servant de bibliothèque. Là, les livres n'avaient rien d'intéressant. Quelqu'un avait pris soin de bien sélectionner les œuvres qu'on lui laissait à disposition : il n'y avait que des romans à l'eau de rose et des romans historiques rappelant la gloire des magiciens. Shiva n'était pas forcément contre ce genre de livres, elle les appréciait en temps normal. Mais se voir interdire toute autre lecture avait rendu ces romans fades et sans intérêt. Elle n'y avait donc pas touché depuis des semaines, laissant la poussière s'y accumuler. Pourtant, un détail attira l'attention de l'immaculée : un livre semblait avoir été retiré puis replacé sur l'étagère, traçant une marque irrégulière dans le lit de poussière. Après avoir vérifié que les portes restaient bien closes, Shiva s'empara du roman. Se faisant, elle fit tomber une nouvelle note sur le sol. Curieuse, elle se baissa pour la lire. Pour comprendre ce qui t'arrive, tu dois accepter le passer que je veux te montrer. Laisse-moi t'aider. Son cœur se mit à nouveau à battre la chamade. Vulpina avait anticipé que les choses se dérouleraient ainsi. Quelque chose dans cette idée effraya un peu la blonde : était-ce une partie d'un plan diabolique dans lequel elle s'enfonçait sans s'en rendre compte ? Peut-être bien. Était-ce important ? Pas vraiment. En cet instant, n'importe quel sort lui semblait plus enviable que celui dont elle était victime. Shiva relut la note une seconde fois. D'accord, elle acceptait son aide, mais comment le lui faire comprendre ? Comment lui faire savoir qu'elle acceptait son offre ? Perdue, la magicienne se mit à chercher une note supplémentaire, feuilletant le livre, l'étagère sans rien trouver. Elle fouilla alors le reste de sa chambre sans faire attention au bruit qu'elle produisait, faisant entrer l'un des gardes attitrés à sa surveillance pour lui demander de se calmer et de faire moins de bruit. Ses recherches étant infructueuses, Shiva se résigna à aller se coucher. Elle était épuisée. Elle ne s'en était pas rendu compte jusque-là, l'adrénaline courant dans ses veines la tenant éveillée. Pourtant, dès qu'elle eut fermé les yeux, elle tomba dans un sommeil lourd.

Il pleuvait des cordes. À peine était-elle descendue de la carriole que la pluie avait complètement trempé ses vêtements, la mouillant jusqu'aux os. Pourtant, elle ne sembla pas préoccupée par ce détail gênant. La femme se dirigeait droit devant elle, passant au travers des nombreuses pierres tombales sans leur prêter la moindre attention. Ses pieds s'enfonçaient dans la boue sans réussir à la détourner de son chemin. On n'y voyait pas à plus de deux mètres devant soit, pourtant la brune semblait parfaitement savoir où elle se dirigeait. Comme si elle avait emprunté ce chemin des milliers de fois, au point de se repérer même dans le noir. Ce n'était pas très éloigné de la vérité. Vulpina ne ralentit qu'une fois que la silhouette d'un tombeau se dessina devant elle. Le monument avait sans doute été splendide, à une époque. Mais de cette gloire passée il ne restait rien, les colonnes et les briques du bâtiment tombant peu à peu, donnant un air décrépi au mausolée. Sur le fronton, on pouvait encore lire la devise de la famille : Par le sang. La sorcière poussa la porte en bois massif et entra dans le bâtiment. Des bougies éclairaient faiblement l'intérieur. La femme se débarrassa de sa cape puis s'approcha d'une colonne soutenant le plafond qui menaçait de tomber. Elle s'accroupit pour activer le mécanisme qui ouvrit une trappe, à quelques mètres de sa position. Sans plus de cérémonie, elle descendit les escaliers après avoir allumé une torche. L'air était froid et humide, ce qui contrastait avec l'air chaud et étouffant de la pluie, dehors. Un nuage de vapeur se dessinait sous le coup de sa respiration. La mage noire descendit tout en bas de l'escalier pentu, ce qui lui prit plusieurs minutes : elle s'était enfoncée loin sous terre, descendant sur plusieurs étages.

Le couloir déboucha sur une large pièce circulaire vivement éclairée par des bougies. Il y en avait partout : sur les murs, sur le mobilier, suspendues au plafond grâce au gigantesque chandelier. La salle dégageait quelque chose de lugubre. Sans doute était-ce dû au fait des tracés sur le sol. Leur couleur rappelait grandement celle du sang. Vulpina s'approcha au centre, là où les runes dessinaient un pentacle. « Est ce que tu l'as apporté ? » Pendant un instant, on aurait pu croire qu'elle se parlait à elle-même. Mais finalement, une femme s'approcha d'elle. Andromeda tenait entre ses mains un vieil ouvrage, un grimoire ancien et dont l'aura seule permettait d'assurer que son contenu était maléfique. Un sourire éclaira le visage de la sorcière à la vue de l'objet. D'un geste précautionneux, elle l'ouvrit à la page qu'elle avait indiqué. Ses yeux suivirent les lignes étranges, parcourues par un dialecte inconnu qu'elle ne maîtrisait pas elle-même tout à fait. Elle avait passé des décennies à essayer de décrypter ce qui y était inscrit, et le peu qu'elle était parvenu à décoder ne faisait pas beaucoup de sens. Pourtant, elle avait senti qu'un grand secret, plus grand encore que celui qu'elle avait découvert, s'y tenait. Elle avait encore beaucoup à apprendre de ce livre. Néanmoins, des choses plus importantes l'attendaient. "Tiens le bien." ordonna-t-elle à son Mur, qui se recula de quelques pas pour sortir hors des tracés. Vulpina s'empara de sa dague, qu'elle leva haut tout en entamant la récitation d'une formule magique, qu'elle répéta telle une incantation divine. Lentement, la femme descendit l'arme jusqu'à son torse, sur lequel elle tailla sa chaire dans une rune qu'elle avait trouvé dans le manuscrit. Le sang dégoulinant le long de son corps, elle en récupéra sur sa main libre avant de dessiner cette même rune à même le sol, continuant à psalmodier de plus en plus fort, jusqu'à crier.

Puis soudain, elle s'arrêta. Elle lâcha son arme puis, haletante, elle se laissa tomber. La servante resta muette, observant sa maîtresse sans oser bouger. Finalement, n'y tenant plus, elle brisa le silence. « Ca a fonctionné ? » « Doutes-tu de mes capacités, ma chère ? » La Mur secoua la tête. « Non, mais il ne s'est rien passé. » « Et à quoi t'attendais-tu ? Des rafales de vent, du tonnerre et des étincelles ? Voyons, nous ne sommes pas dans un conte. » La mage noire baissa les yeux sur son poignet. Une marque rouge était apparue, sa peau brûlant délicieusement.


L'orage réveilla Shiva en sursaut. Elle était trempée de sueur et avait le souffle court, le cœur battant. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu'elle se trouvait dans sa chambre, et non plus dans ce tombeau. Elle ne parvenait pas à s'expliquer ce qu'elle venait de voir, mais quelque chose lui disait que Vulpina avait trouvé un moyen de lui montrer ce qu'elle voulait.
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Mar 25 Juin 2019, 20:19


Image de Vittoria Barulli

Les secrets du passé


Le garçon observa les domestiques du haut de son piédestal. La pièce avait été aménagée telle une salle de trône, le fauteuil dans lequel il était installé surplombant tout le reste. Ces hommes et ces femmes qui se prosternaient devant lui lui donnaient l’impression d’être l’égal des rois. Un sourire en coin éclairait son visage innocent d’une lueur lugubre et cruelle. Il inspira profondément, sa main tapotant impatiemment l’accoudoir de son siège. « Alors ? » demanda-t-il à l’homme face à lui. « Qu’avez-vous à dire, pour votre défense ? » L’homme semblait terrifié, ce qui faisait jubiler l’adolescent. « Ce n’était qu’une simple erreur, monsieur, un bête incident, je – » « Un bête incident ? Vous avez failli me blesser. Qu’auriez-vous fait si je n’avais pas esquivé, hein ? Là aussi, vous n’auriez parlé que d’un regrettable accident ? » Le désespoir qu’il lut dans les pupilles de sa victime lui procura un plaisir malsain. « Mon sang est précieux. Votre vie entière ne vaudrait pas la plus infime de mes égratignures. » Le blond se pencha en avant, plongeant son regard reptilien dans celui de son sous-fifre. « Il va falloir faire quelque chose pour vous le faire comprendre correctement. » murmura-t-il tout bas. Ce n’en fut que plus menaçant. Le serviteur trembla des pieds à la tête. « Non, je vous en prie… Je… J’ai toujours servi les intérêts de cette famille. J’ai une femme et des enfants, vous savez… Je me rattraperai, je vous le promets, je... »  L’enfant leva une main pour le faire taire. Il réfléchit un instant avant d’avancer son pied droit. « Léchez ma botte. » se contenta-t-il d’ordonner. Il y eut une seconde de flottement durant laquelle le domestique sembla troublé. Puis, comme s’il se trouvait heureux de n’avoir que cela en guise de punition, il s’empressa d’exécuter l’injonction. Soulagé, il se redressa avant de remarquer le sourire froid et amusé de son maître. Il comprit, trop tard, que son tourment n’était pas terminé. « Vous avez des enfants, n’est-ce pas ? » Le domestique n’osa pas répondre. « Dans ce cas, vous avez fait votre devoir d’homme. Puisque vous vous êtes déjà reproduit, vous n’avez plus besoin de ce qui pend entre vos jambes, n’est-ce pas ? » Le blond claqua des doigts et, aussitôt, deux autres hommes attrapèrent le condamné avant de le traîner par une porte adjacente. Bientôt, on cessa d’entendre les cris de terreurs puis de douleurs. Il ne resta qu’un silence étouffant. Le jeune homme laissa glisser son regard sur les silhouettes agenouillées face à lui, comme s’il se demandait qui serait sa prochaine victime.

Andromeda entra dans la pièce, troublant le silence de ses pas. Elle sembla vite comprendre la situation. « Théophile, cessez de jouer avec les domestiques. Vous ne faites que retarder leur travail pour rien. » Le jeune homme la toisa d’un air mauvais tandis qu’elle tapait dans ses mains. A ce signal, les domestiques ne furent que trop empressés de sortir de là. Bientôt, ils ne furent plus que tous les deux, de nouveau dans le silence. « Je vous ai pourtant déjà demandé de cesser ces enfantillages. » Le Raagus soupira, visiblement agacé. Il y avait peu de gens qu’il craignait, mais cette femme en faisait partie. Elle n’était pourtant pas puissante –bien moins que lui, en tout cas. Et pourtant, elle ne le craignait pas. Lorsqu’elle l’observait, il ne lisait aucune crainte, aucune appréhension sur son visage. Rien qu’une indifférence parfois troublée par de l’agacement lorsqu’il ne remplissait pas ses attentes. Sans doute savait-elle qu’il ne pouvait rien lui faire. Elle le lui avait formellement interdit. Et c'est cela qui l'inquiétait. « Qu’est-ce que tu veux ? » grogna-t-il. « Laissez-moi lui parler. Je dois discuter de problèmes importants. » « Elle ne peut pas prendre le contrôle pour le moment. » « Je sais qu’elle m’entend, à travers vous. Ca ne devrait pas tarder. » prédit la Mur. Cela n’enchanta pas l’adolescent. Pourtant, il savait qu’elle avait raison. Il la sentait déjà s’agiter au fond de lui, sa conscience commençant à s’éveiller, remontant à travers les strates de son esprit.

Théophile soupira. Son attitude changea peu à peu, prenant une posture plus altière, plus arrogante encore que ce qu’il montrait auparavant. « Ce garçon ne t’apprécies vraiment pas. » commenta la sorcière, l’air amusé.  Andromeda s’inclina respectueusement face à sa maîtresse. « Tu voulais me parler ? » « Oui. » « Fais vite, il ne mentait pas. Je ne suis pas en position pour rester au contrôle très longtemps. Même s’il s’efface volontiers dès que je le souhaite, je ne parviens toujours pas à garder les reines après avoir utilisé trop de magie. » Elle se sentait faible. Toute sa puissance semblait avoir disparu lors de sa mort, une réalité qui lui déplaisait grandement mais contre laquelle elle ne pouvait rien faire. Du moins, pas pour l’instant. Andromeda inclina la tête dans un geste respectueux avant de reprendre la parole. « J’ai travaillé sur ce problème, comme vous me l’avez demandé. Malheureusement, je n’ai rien trouvé à ce sujet dans le grimoire. Tout du moins pas encore. En revanche, je suis parvenue à décrypter quelques passages concernant la perte de vos souvenirs. » Vulpina sembla fortement intéressée par cette déclaration. Elle se pencha en avant, comme pour ne pas rater une miette de ce qui se dirait ensuite. «  Il ne s’agit que de l’un des contre coups du sortilège. Elle devrait vous revenir, petit à petit, avec le temps. Plus vous serez au contact de votre passé, de votre histoire, plus les chances qu’elle ne vous revienne rapidement sont grandes. » La sorcière sembla à la fois soulagée et déçue. « Si c’est là tout ce que tu as trouvé, je ne comprends pas pourquoi tu m’as dérangé pour si peu. » « Il y a aussi… » « Quoi ? Parle, au lieu de froncer les sourcils. » « Votre hôte. » « Oui ? » « J’ai enfin trouvé comment vous pourrez communiquer avec lui. Comment vous pourrez échanger vos souvenirs, discuter ensemble sans avoir besoin d’effacer la personnalité de l’autre. La cohabitation parfaite. »

Shiva se réveilla. Son corps lui semblait atrocement lourd. Ses membres étaient engourdis, comme s’ils ne lui appartenaient pas. Pendant un instant, elle craignit que la sorcière soit encore en train de la contrôler. Puis elle se raisonna : lorsque Vulpina s’emparait de son corps, elle était incapable de s’en rendre compte. Elle se réveillait simplement au milieu de nulle part, perdue, sans avoir la moindre idée de comment elle y était arrivée. Cette fois-ci, les choses étaient bien différentes. Elle était toujours dans son lit, comme elle était supposée l’être. La magicienne prit quelques secondes pour respirer profondément, émergeant peu à peu de son sommeil. Une fois qu’elle eut totalement reprit ses esprits, elle sortit de son lit puis ôta sa robe de chambre. L’air frais de sa chambre contre sa peau nue déclencha un long frisson qui remonta le long de son dos. Lentement, elle se plaça face à son miroir en pied. Elle resta quelques secondes face à son reflet, examinant sa silhouette filiforme. Rien ne sortait de l’ordinaire, si ce n’étaient ces nouvelles cicatrices qui tailladaient son ventre.  La gorge nouée, elle passa une main tremblante sur les lignes blanchâtres qui témoignaient de la perte de son enfant. Elle était perdue. Une bouffée de culpabilité la gagna. Elle n’aurait pas dû accepter le jeu de cette sorcière. Elle était maléfique, malgré ce qu’elle tentait de lui faire croire. Cette cinglée avait après tout été la cause de nombreuses fausses couches. Elle l’avait avoué. Elle était la cause première de ses malheurs. La raison pour laquelle elle n’était pas encore une mère. Shiva sentit ses lèvres trembler. Sous le coup de la colère et de son sentiment d’injustice, elle s’était simplement laissé emporter. Mais c’était mal. Elle ne devait plus continuer ! Elle devait stopper de lui faire confiance… Alors pourquoi ressentait-elle cette curiosité ? Pourquoi était-elle excitée à l’idée d’en découvrir davantage ? Pourquoi était-elle autant intriguée face à ce qu’elle venait de voir ? Etait-elle prête à vendre son âme au démon qui sommeillait en elle ? Se rabaisserait-elle au point d’obtenir ce qu’elle cherchait en payant un tribut aussi grand ? Une part d’elle-même souhaitait croire que non. Qu’elle restait plus intègre que cela. Qu’elle ne céderait plus à la tentation. Mais, au fond d’elle-même, elle savait que la vérité était bien différente de son idéal : elle avait déjà lâché prise une fois, et ça ne serait certainement pas la dernière.

Shiva soupira avant de se diriger vers son armoire et d’enfiler une robe blanche, légère. Elle doutait qu’on l’autorise à quitter sa chambre –pas aussi tôt, en tout cas- mais rester en tenue de sommeil ne lui semblait pas être une bonne idée pour son hygiène de vie. Elle attrapa le livre dans lequel elle avait trouvé la note, la veille, puis alla s’installer sur le rebord de sa fenêtre, prétendant de lire au cas où quelqu’un n’entre dans sa chambre. A la place de s’intéresser à l’intrigue de ce roman, elle repensa aux rêves qu’elle avait faits. Des rêves qui lui avaient semblé plus vrais que nature. Des souvenirs. Ceux de Vulpina. Le premier était plutôt évident. Elle avait été témoin d’un rituel très étrange mais son intuition lui murmurait qu’il s’agissait du moment décisif où la mage des ténèbres avait maudit sa descendance pour s’assurer une vie éternelle à travers eux. Quant à ce garçon qu’elle avait eu l’impression d’être… Il lui apparaissait évident qu’il s’agissait de l’une de ses vies antérieures. Son ventre se noua à la pensée d’avoir pu être aussi cruelle un jour. Elle secoua légèrement la tête. Non, cet individu était quelqu’un de totalement différent d'elle. Elle ne pouvait pas se comparer à lui. Et puis, si la sorcière avait partagé ce souvenir, ce n’était certainement pas pour qu’elle se mette à culpabiliser pour si peu. Non, ce qu’elle avait essayé de lui montrer, c’était cet étrange dialogue qu’elle avait eu avec cette femme –une femme bien étrange, dont elle ne parvenait déjà plus à se souvenir du visage. Shiva avait toujours cru, jusqu’à présent, qu’elle ne pouvait exister que si elle empêchait sa moitié de prendre le contrôle. Que l’une devait forcément surpasser l’autre. Or, cette inconnue avait parlé d’un moyen de partager ce véhicule, ce corps. Une façon de cohabiter plutôt que de soumettre. Peut-être était-ce finalement là tout ce que cherchait à faire la maléfique. Peut-être venait-elle de trouver la solution à son problème ? Son esprit bouillonnait de questions. Avait-elle réussi cette expérience, par le passé ? Si oui, pourraient-elles réessayer ? Et quel était cet étrange livre qu’elle avait vu en rêve et qui semblait au cœur de cette intrigue ? Devrait-elle le trouver à son tour pour espérer y trouver la solution ? Était-il quelque part ici, dans le domaine ? Cela lui semblait peu probable. Elle ne reconnaissait aucun des lieux où l'avait mené sa moitié.

Shiva se surprit à sourire. Si on lui avait dit, un jour, que cette sorcière parviendrait à lui rendre le cœur plus léger, elle ne l'aurait jamais cru.
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Jeu 03 Oct 2019, 09:54


Image de Vittoria Barulli


La fillette était assise à un haut bureau en bois massif. Elle était assise sur plusieurs coussins pour essayer de se rehausser et pouvoir atteindre ses crayons, ses pieds pendants dans le vide, bien au dessus du sol. L'enfant était appliquée à réaliser un dessin sur un morceau de parchemin, utilisant les nouvelles craies que lui avaient offertes sa gouvernante. « Que fais-tu ici, Dolorès ? » La fillette sursauta soudainement en entendant la voix provenant de l'autre bout de l'office. Elle lâcha son crayon et riva son regard sur la silhouette de la femme qui venait de passer les portes de la salle. Elle sembla hésiter un instant, prenant conscience de ton agacement flagrant. Sa présence ici t'irritait, tu n'avais pas prévue de la trouver là et elle n'avait rien à y faire. « Andromeda m'a dit de venir ici en attendant que vous ayez terminé votre entretien avec le Baron... » Tu arquas un sourcil, visiblement peu convaincue. « J'étais dans les cuisines lorsqu'il est arrivé et elle avait peur que je fasse trop de bruit en essayant de rejoindre ma chambre. » expliqua-t-elle plus en détail. Tu soupiras tout en t'approchant d'elle, ou plutôt de ton bureau. « Très bien, dans ce cas tu n'as plus rien à faire ici : mon rendez-vous avec le Baron Montegardre s'est terminé il y a au moins une demie-heure, maintenant. Tu aurais pu retourner dans ta chambre. N'as-tu donc pas des devoirs à faire ? Ou encore tes leçons de piano à travailler ? » demandas-tu d'un air sévère tout en attrapant un papier qui trônait à côté des dessins de la plus jeune. Cette dernière hocha timidement la tête et se hâta de ranger ses craies dans leur petite boite en métal avant de se laisser glisser de la chaise. Tu ne prêtas aucunement attention à la petite sorcière qui trottina jusqu'à la sortie de ton lieu de travail. Sa petite voix attira néanmoins ton attention. « Mère ? » « Quoi ? » dis-tu sèchement. « Caroline m'a proposé de la rejoindre cet après-midi pour boire le thé chez elle. Il y aura également des copines de classe à nous... M'autorisez-vous à y aller ? » Sans même daigner tourner la tête dans sa direction, trop absorbée par les documents que tu lisais, tu répondis par une autre question : « Es-tu parvenue à maîtriser la potion d'Amnésie ? » « Non... » « Et celle pour guérir les furoncles ? » « Non... » « Dans ce cas, tu as ta réponse. Retourne dans ta chambre, maintenant. » Le cliquetis de la porte t'indiqua que ta fille avait quitté la salle. Cela ne t'inspira pas grande émotion. Dolorès était encore une gamine. Elle avait du potentiel mais elle n'avait pas assez confiance en elle. Elle se laissait trop facilement marcher sur les pieds ou doutait de ses chances de réussir ce qui la conduisait bien souvent jusqu'à l'échec. Tu avais consentit à avoir un enfant, fait plutôt rare lors de tes réincarnations auquel tu avais pourtant cédé pour satisfaire ton hôte, mais ta progéniture se révélait décevante. Son éducation était encore à perfectionner, et ce n'était pas avec des niaiseries et des enfantillages qu'elle s'améliorerait.

La scène se brouilla un instant, comme envahie par un nuage de fumé sombre.

« Ne pensez-vous pas plutôt qu'il serait plus avisé d'attendre notre prochaine rencontre, pour sceller une telle alliance ? » demanda Dolorès. La fillette avait bien grandit. D'enfant aux joues rebondies et au boucles sauvages, elle était devenue une jeune femme magnifique, à la grâce indéniable et aux manières irréprochables. Elle se tenait le dos droit, de l'autre côté de la table basse, assise sur la chauffeuse tout en tenant sa tasse de thé fumante. « Et pourquoi donc ferions-nous cela ? » demandas-tu avec curiosité. Tu savais qu'elle ne supportait pas l'idée de se voir mariée de force, surtout pas en sachant le prétendant auquel tu la destinait : un homme beaucoup plus vieux qu'elle mais surtout bien plus riche et plus influant que vous. Cette alliance vous permettrait sans aucune doute de mettre un pied dans la cours des grands. Il n'y avait que peu de choses qui pourraient te faire renoncer à cette opportunité mais tu restais ouverte à la discussion. C'était un bon exercice d'argumentation : quoi de mieux pour se donner à fond que de jouer sa future vie de femme ? « Nous ne sommes pas aussi riches et aussi renommés que le Baron, et il nous sera difficile de le devenir. Un mariage avec cet homme est donc inévitable. En revanche... La puissance et la reconnaissance de nos pairs, je peux l'acquérir par moi-même. Je serais diplômée dans quelques semaines à peine et mes travaux seront enfin rendus publics ! Je suis certaine qu'ils me vaudront beaucoup de succès ! Vous l'avez dis vous-même, mon étude est remarquable ! » La jeune femme marqua une pause pour attendre ton approbation, que tu lui donnas d'un simple mouvement de tête silencieux. « Dans ce cas, je parviendrai à devenir plus puissante que le Baron et je serai à mêmed'exiger un contrat de mariage plus avantageux... A commencer par le droit d'épouser plusieurs prétendants. Cela donnera naissance à d'autres alliances qui seront prolifiques pour nos affaires et... » Dolorès marqua une pause, visiblement perturbée par le sourire qui venait trôner sur tes lèvres. « Ma douce enfant... » dis-tu d'un ton doucereux tout en te levant. Tu tendis la mains vers son visage et passa une main délicate sur ses joues, redescendant vers son menton que tu attrapas avec fermeté pour l'obliger à te regarder. « Tu es intelligente mais encore trop naïve... Tes rêves de devenir quelqu'un d'important te donnent des idées trop utopistes... » Un rictus amusé s'étira tandis que tu allais te servir un verre de vin. « Le Baron ne tolérerait pas un tel affront. Tu seras sa femme et celle de personne d'autre. Tu seras sa jolie fille de compagnie, celle avec qui il paradera. Sois en satisfaite, il se contentera de te faire quelques marmots mais ensuite, ce seront ses catins qu'il ira voir et engrosser sans que tu n'aies à le supporter. Le Baron s'est empressé de conclure cet accord de mariage avant que tu ne sois diplômée de l'Académie. Cet empressement n'est pas anodin. Une fois que tu auras la bague au doigt, il pourra se vanter de t'avoir été d'un grand soutient sans que tu ne puisses rien dire. Il le sais très bien et c'est cela qui l'intéresse : il tirera de tes travaux autant voire plus de mérite que toi. » Le visage de ta descendante s'assombrit soudainement. « Ainsi vont les jeux des puissants, ma douce... Mais ne t'en fais pas, je ne t'abandonnerai pas. » Tu déposas ton verre à pied sur la petite table basse après y avoir bu quelques gorgées puis prit place à côté de la jeune femme. « Même une fois mariée, je serai là pour t'épauler et t'apprendre comment tirer les ficelles dans l'ombre. Il croira avoir le pouvoir mais c'est toi qui le contrôlera, et il ne s'en rendra même pas compte. » La demoiselle resta muette un instant avant de finir par esquisser un sourire. « Je serais femme comblée. »

De nouveau, la scène fut balayée par une volute brumeuse qui chassa les images pour les remplacer par d'autres.

Tu entras dans la pièce, folle de rage. « Dolorès ! » hurlas-tu tout en cherchant ta fille du regard. Tu ne la trouvas nulle part. La robe de mariée était étalée sur le lit. Le garde et la servante censée l'aider tous les deux allongés sur le sol, inconscients mais sains et saufs. Sans grand effort, tu repéras la lettre déposée auprès de la tenue. Tu la lue en diagonale, sachant déjà ce que tu allais y trouver. Des mots d'adieux, des excuses de ne pas pouvoir tenir cet engagement. Bref, un aveux de trahison, envers toi et envers votre famille. Tu sentis la colère monter encore en toi, te faisant bouillir le sang ! Sans cérémonie, tu laissas ta Valse Destructrice réduire la lettre en cendre. Tu -

« Mademoiselle ? » La jeune servante secoua une nouvelle fois la magicienne par les épaules, la sortant définitivement du sommeil. « Mademoiselle, est ce que tout va bien ? » « Oh, oui... Oui, pourquoi ? Il s'est passé quelque chose ? » Demanda la Nadivh tout en sortant du sommeil, lutant pour ne pas pester contre cette enquiquineuse qui l'avait tirée de son songe divinatoire. « Non, je vous apportais simplement votre souper... » « Bien, vous pouvez le laisser sur mon bureau, merci. » répondit simplement la magicienne, s'apprêtant déjà à retourner sous sa couette pour continuer son échange onirique avec celle qui la hantait. « C'est que... » L'hésitation de la domestique stoppa Shiva, qui posa son regard sur elle. Elle ne prononça pas un mot mais son expression faciale exigeait très clairement des explications rapides. « C'est que... vous dormez beaucoup, ces derniers temps. A chaque fois que l'on vient vous apporter à manger, vous dormez. Lorsqu'on vous réveille, vous semblez avide d'y retourner dès que l'on a tourné les talons. Vous oubliez de vous nourrir, s'en devient presque alarmant. Votre état de santé nous préoccupe, vous savez. » Cette remarque agaça la captive au plus haut point, ne croyant pas une seconde à la bonté sincère de ses geôliers. « Sans doute est-ce dû à mon enfermement prolongé dans cette simple chambre. L'isolement me rend malade, il n'y a rien d'étonnant à cela, n'est ce pas ? Sans doute feriez-vous mieux de me rendre ma liberté de mouvement, au moins dans cette aile, afin que je puisse retrouver un peu de couleurs. » accusa la blonde. Son ton était agressif. Elle s'en voulait un peu de s'en prendre à cette pauvre domestique qui, pour une fois semblait honnête et ingénue dans son inquiétude, mais elle était sa seule cible. La Mère ne lui rendait plus visite, elle ne pouvait donc pas s'en prendre directement à elle pour se plaindre. S'en prendre à la messagère ne résoudrait rien mais cela lui faisait du bien. La domestique n'insista pas et déposa le plateau là où le lui avait indiqué la Nadivh puis quitta la pièce sans rien ajouter de plus.

Shiva resta allongée dans son lit pendant plusieurs secondes. Elle passait beaucoup de temps à dormir, oui,  puisque c'était le moyen qu'avait trouvé Vulpina pour communiquer avec elle. Mais ces siestes n'avaient rien de reposantes. Elle s'était observée la veille dans le miroir de sa commode : elle avait une mine épouvantable, le visage émacié et des cernes sous les yeux. Même si elle se méfiait toujours de ces échanges, ils lui avaient permit d'en apprendre beaucoup sur celle qui vivait en elle. Comment la marque avait été découverte, comment elle avait prit la tête de sa famille, et, à l'instant, comment sa propre lignée était née. Le début des Nadivh. Malheureusement, il restait encore bien des zones d'ombres. Cette domestique était arrivée au pire moment possible. Elle ne doutait néanmoins pas que son parasite prendrait soin de lui montrer à nouveau ce passage, si elle le jugeait nécessaire. Elle lui faisait confiance, en quelque sorte. C'était étrange à dire, après avoir passé son existence entière à la haïr et à la repousser. Mais étrangement, ces échanges secrets semblaient lui avoir ouvert l'esprit sur de nouveaux horizons. Vulpina avait eut de nombreuses occasions de s'emparer de son corps et de la conduire à sa perte : elle n'en avait rien fait. Un contrat implicite s'était formé entre elles, et même si la magicienne restait encore sur ses gardes, elle ne voyait aucune raison de s'alarmer tant que sa moitié ne lui donnait pas de bonnes raisons de le faire.
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Jeu 03 Oct 2019, 15:49


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"Viens, on a qu'à dire que ta poupée, c'est la vilaine sorcière et qu'elle veut capturer la mienne, parce que la mienne c'est la princesse et qu'elle est trop jolie." Ariane esquissa une moue un peu déçue. « Quoi, mais pourquoi ce serait moi la sorcière ? » protesta-t-elle, mécontente. "Bah, parce que ma maman elle a dit qu'en toi, il y avait une vraie sorcière qui dormait. Alors c'est normal que ce soit toi qui joue la méchante." répliqua la rousse d'un air entendu. "Moi, je saurais pas comment faire ça, parce que je suis une gentille. Je suis une magicienne, une vraie." Ariane se mordilla la lèvre pour contenir les larmes qu'elle sentait déjà commencer à lui brûler les yeux. Elle inspira profondément puis déglutit avant de répondre. « D'abord, je suis une vraie magicienne aussi. Et puis de toute façon, ta poupée elle est même pas jolie alors ça peut pas être une princesse non plus ! Et puis en fait, on s'en fou qu'elle soit jolie ou pas. Ce qui compte, c'est qu'elle soit intelligente. » La camarade fronça les sourcils, visiblement contrariée par le commentaire de la brune. "Retire ce que t'as dit ! Ma poupée elle est très jolie d'abord !" « Non ! » "Si ! Dis le !" « Non, elle est moche ! » Béatrice se mit à pleurer à chaudes larmes, attirant les regards des femmes qui les surveillaient. Ariane, à ses côtés, se mit sur ses pieds. "Béatrice ? Qu'est ce qu'il y a ?" "Ariane elle a été méchante avec moi !" se plaignit la gamine tout en continuant de pleurnicher. Ariane ouvrit la bouche pour se défendre mais s'arrêta avant même de commencer : les regards sombres que les deux gouvernantes jetèrent sur elle lui indiquèrent qu'il était trop tard. Elle avait déjà été jugée coupable, et rien de ce qu'elle pourrait dire ne le changerait. C'était souvent comme ça, ces derniers temps. Depuis qu'on lui avait révélé qu'elle abritait en son cœur quelque chose de sombre, quelque chose de Mal et que la nouvelle s'était répandue, les choses n'étaient plus du tout comme elles l'étaient avant. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi. Elle était toujours la même Ariane. La même gentille fillette, pourtant, on la réprimandait plus promptement, on la soupçonnait dès qu'il y avait quelque chose, on ne la croyait plus. La magicienne sentit sa gorge se nouer. Elle se tourna vers sa cousine éloignée. Lentement, elle lui tendit sa propre poupée et la déposa sur ses genoux. « Tiens, tu peux avoir ma poupée, je te la donne. Tu peux dire que c'est une sorcière. C'est vrai qu'elle a un drôle de nez, alors c'est un rôle qui lui va bien. »

Un peu plus tard dans l'après-midi, la magicienne se trouvait assise sur un banc dans le jardin, un livre sur les genoux. Elle avait les yeux rouges d'avoir trop pleuré et son nez en était resté encore dégoulinant, si bien qu'elle avait essayé de se débarbouiller en s'essuyant sur sa manche. Ça n'avait pas eut grand effet. « A chaque fois que tu es triste, tu trouves un endroit dans mon jardin pour venir te changer les idées. » La fillette releva la tête vers la femme qui lui avait adressé la parole. La Mère. Elle avait un sourire rassurant aux lèvres, ce qui apaisa très légèrement sa peine. Ariane renifla disgracieusement. « Les autres sont devenus méchants avec moi. » expliqua-t-elle tout en tournant la page de son livre. « Réellement ? J'ai cru comprendre que c'était toi qui avait fait du tort à la petite Béatrice. » Ariane haussa les épaules. « Elle m'a traité de sorcière alors je lui ait dit que sa poupée était moche. » résuma l'accusée. Elle soupira, visiblement très affectée par cet événement, tandis que l'adulte venait prendre place à ses côtés. « Est ce que c'est vrai ? » « Quoi donc ? » « Est ce que je suis vraiment devenue une sorcière ? » La Mère garda le silence pendant quelques secondes qui semblèrent durer une éternité à l'enfant, pire qu'une torture volontaire. « Je ne sais pas. Qu'en est-il au fond de ton cœur ? Souhaites-tu devenir une mauvaise personne et faire du mal à autrui ? » Ariane secoua vivement la tête, ce qui fit germer un sourire maternel sur les lèvres de l'aïeule. « Dans ce cas, tu n'es pas devenue une sorcière. » conclut celle-ci. La Nadivh esquissa un petit sourire timide, rassurée par cette réponse sans pour autant être totalement convaincue. « Alors pourquoi les autres enfants ne veulent plus jouer avec moi ? Et pourquoi, lorsqu'ils le font, me donnent toujours le mauvais rôle ? » « Je pense que c'est parce qu'ils ne te comprennent pas. Ils ont un peu peur de ce que tu représentes parce qu'ils ne te connaissent pas comme toi et moi te connaissons... Toutes les deux, nous savons que tu es une bonne personne, et que tu le resteras. Alors tu dois le leur montrer également. D'accord ? » Ariane hocha la tête. « Et puis, je vais te donner une technique secrète. » La femme fouilla dans l'une des poches de sa robe et en retira une brindille qu'elle déposa dans la main de la fillette. « Les magiciens possèdent un don précieux et unique : la Valse Créatrice. Les sorciers sont dépourvus de cette magie. Alors, lorsque tu veux leur montrer ce que tu es, tout au fond de ton cœur, utilise ton pouvoir pour modeler la matière. Tu penses que tu peux faire ça ? » « Oui... » « Bien, alors montre moi. » La disciple ferma les yeux pour se concentrer. Entre ses mains closes, une lueur bleue brilla. Lorsqu'elle révéla ce qu'il y avait entre ses paumes, elle put voir que la brindille droite et robuste s'était arrondie, assouplie pour former une boucle. « Voilà ! Une vrai magicienne. » déclara la Mère avec un sourire de plus.

Un silence paisible s'installa entre les deux Nadivh, tandis qu'elles laissaient leurs regards se poser sur la végétation qui les entourait. « Veux-tu que je te montre mon jardin secret ? » proposa soudainement la plus âgée. « Votre jardin secret ? » répéta la jeune fille, curieuse et excitée. « Ca oui alors ! » s'exclama-t-elle après que la plus grande ait confirmé. La Mère conduisit alors la fillette à travers le haut labyrinthe, comme elle le ferait, des décennies plus tard, avec sa réincarnation. A peine Ariane eut-elle posé les yeux sur l'immense arbre qui se dressait au centre du jardin qu'elle laissa une exclamation admirative lui échapper. « Il est magnifique ! » « Il nous est très précieux, c'est pour cela que nous en prenons autant soin... » Ariane s'approcha du végétal et posa sa petite main sur l'écorce rugueuse du tronc. « Aussi longtemps qu'il ira bien, notre famille restera prospère et loin de ses ennemis. » prédit la femme. « Non ennemis... Les Raagus... » conclut la magicienne. La guerre faisait rage depuis des décennies entre ces deux clans rivaux. Une guerre silencieuse qui avait commencé avant même sa naissance, qui dépassait sa compréhension. « Et... Comment êtes vous certaine que je sois... Vous savez... Comme vous m'avez expliqué. Qu'une sorcière dors en moi. » La Mère hésita un instant. « C'est compliqué à expliquer. Tout ce que je peux te dire, c'est que je suis certaine de ce que j'avance. Tu me fais confiance, n'est ce pas ? » « Oui. » « Dans ce cas, sache que ce n'est pas... grave. Car tu es plus forte qu'elle. Cette sorcière qui sommeille en toi... C'est une force, qui nous donnera un jour l'avantage ! C'est elle qui dirigeait nos ennemis et, maintenant que tu la gardes enfermée loin d'eux, nos adversaires s'affaiblissent. Bientôt, ils ne seront plus une menace pour nous, et tout ça grâce à toi. Aussi longtemps que tu la contrôleras, il ne nous arrivera rien. » « Mais... comment je ferais si un jour elle se réveille ? » « Ce jour là, tu devras venir me le dire immédiatement. C'est compris ? » « Très bien. » « Mais je ne me fais pas de souci. Une jeune fille aussi douée et intelligente que toi... Que dis-je ! Une magicienne aussi bonne et douce que toi, il n'y a aucun risque pour que tu laisses échapper une once de méchanceté ! » Cette mascarade fit rire la petite fille.

Shiva posa son regard sur la Mère, qui le lui renvoyait, imperturbable. « Alors, l'air frais vous a-t-il revigoré ? » s'enquit la femme. « Tout à fait. Je me sens bien mieux. Mais après m'être promenée toute la journée, je dois avouer être épuisée. Je ne ferai pas long feux ce soir non plus. » « C'est de la bonne fatigue. » « C'est ce qu'on dit, en effet. » confirma la blonde. Elle avait meilleure mine que les jours précédent. A force de se plaindre, elle avait à nouveau obtenu le droit de se promener et de quitter sa chambre. Bien sûr, elle était toujours accompagnée d'un garde du corps et d'une gouvernante chargés de la surveiller en permanence. Mais elle avait de nouveau droit à se balader dans l'aile du manoir qui lui était réservée et elle avait même droit à des promenades dans le jardin lorsqu'il n'était pas trop bondé. Cela signifiait qu'elle dormait moins et donc qu'elle rêvait moins. C'était un peu rageant pour elle, puisqu'elle n'avait toujours pas trouvé d'autre moyen de communiquer avec Vulpina sans perdre le contrôle et qu'elle n'avait pas d'autre piste pour trouver des réponses à ses interrogations. Mais cela lui laissait plus de temps pour se remettre les idées en place, pour prendre du recul et recoller ensemble les morceaux. « Vous a-t-elle rendue à nouveau visite ? » s'enquit la matriarche. « Vulpina est restée discrète, ces derniers temps. » mentit la jeune. « Une aubaine. » « Un soulagement. Je me rapproche de la guérison, pourrait-on dire. » « C'est encore trop tôt pour le dire. » « Bien sûr, il ne faut pas précipiter les choses. Mais c'est un début, n'est ce pas ? » « Tout à fait. »  Nouveau silence. « Vous-êtes vous décidé à répondre à mes questions ? »  Le regard froid de la Mère répondit sans qu'elle n'ait à entrouvrir les lèvres. Le regard d'un serpent près à étouffer sa proie. Dolorès était après tout née sous le signe des vipères, malgré sa renaissance sous la protection des aigles. Un détail que Shiva n'oublierai plus après avoir assisté en souvenir à certains événements. « Je pense que nous en avons fini pour aujourd'hui, Shiva. Je te laisse retourner à tes appartements. Léon t’escortera jusque là-bas. »
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Stanislav Dementiæ
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Jeu 03 Oct 2019, 17:10


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Des larmes coulaient le long de ses joues. Elle était tout bonnement incapable de les retenir. « Dolorès je t'en supplie, aide moi. » Ariane s'approcha de la matriarche qui la toisait avec un mélange de dégoût et de crainte que la jeune femme refusait pourtant de voir. « Je... Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive ! » Son corps tout entier était pris de spasmes compulsifs, la faisant trembler des pieds à la tête. Elle en avait du mal à marcher, à avancer. Déboussolée, la brune tendit la main devant elle pour essayer d'effleurer son amie et confidente. « S'il te plait Dolorès, explique moi ce qu'il se passe... Pourquoi... Pourquoi est ce que tout ça m'arrive ? » Sa voix était à peine perceptible à travers ses sanglots déchirants. « Elle se réveille. » Ariane fronça les sourcils, incertaine. « Tu veux dire que.... » « Le Mal qui t'habite depuis ta naissance a commencé à te ronger de l'intérieur. Tu pourries. Elle commence à te consumer. Bientôt, il ne restera plus rien de toi. Bientôt, tu ne t'appartiendras plus. Elle aura pris le contrôle et il nous sera impossible de te récupérer. De te sauver de son maléfice. » expliqua avec calme la magicienne. Son visage était devenu impassible, quoi qu'on eut pu y déceler une trace de haine si l'on était attentif. Ariane ne l'était pas, trop submergée par la panique. « Quoi ? Mais... que vais-je faire ? Comment puis-je lui échapper ? S'il te plais Dolorès, il faut faire quelque chose pour empêcher cela ! » s'époumona la brune, au bord de l'inconscience. « Nous sommes bien d'accord. Mais ne t'en fais pas. Je compte bien te défaire de ce maléfice et nous libérer tous de son emprise. » Il y avait quelque chose de menaçant dans ces paroles. Ariane eut tout juste le temps de s'en rendre compte avant de sombrer dans les bras du chaos.

Le corps chétif de la magicienne cessa aussitôt de trembler. « Je ne te savais pas capable d'autant de froideur face à la détresse de l'une de tes amies. » déclara la voix d'Ariane. Pourtant, c'était bien la sorcière qui s'exprimait à travers ses lèvres. « Bonjour, mère. Cela faisait bien longtemps. » « Longtemps en effet. Mais je dois te remercier pour cela, n'est ce pas ? C'est grâce à toi, en partie, que cette jeune femme m'a échappé aussi longtemps. Très intelligent de lui faire boire en secret cette potion pour me garder endormie. Malheureusement, ses effets sont devenus inefficaces. » Dolorès garda un instant le silence face à la femme qui s'était redressé et flânait désormais dans son bureau. L'obscurité de la salle, illuminée de la lueur lunaire et de quelques bougies, ne parvenait pas à dissimuler le visage de la mage noire. « Ne t'en fais pas, j'ai d'autres tours en poche pour te renvoyer là d'où tu viens. » « D'autres tours ? » Vulpina fit face à sa descendante. « Mmh oui, sans doute. Je dois avouer que je me suis longuement demandé comment tu étais parvenue à trouver la recette de cette potion. Mais la réponse me semble désormais claire comme de l'eau de roche. Tu sais où se trouve mon grimoire. » La magicienne ne répondit pas. Elle n'en avait pas besoin et elle ne perdrait pas son temps à essayer de démentir. « Et je suppose que tu n'as pas l'intention de me le rendre, même si je te le demande poliment ? » « Tant que je le cacherai, tu ne chercheras pas à t'enfuir ni même à résister. Il t'est trop précieux. » La servante du Chaos esquissa un rictus dédaigneux. « Tu sembles bien sûre de toi. Ca ne te ressemble pas. La gamine pleurnicheuse et pleine de doute que tu étais me manque... Je t'ai trop bien élevée. » Dolorès ignora ce commentaire. « Comptes-tu disparaître ou vais-je devoir t'y obliger ? » « Quoi partir ? Déjà ? N'as tu pas envie de profiter de ces retrouvailles en famille ? » « Vas-tu faire souffrir cette pauvre enfant, qui ne t'a rien demandé ?! » La sorcière partie dans un grand rire. « Effectivement. Cette magicienne n'a rien demandé. En revanche, toi... » Vulpina laissa sa phrase en suspend. « Savais-tu qu'une coexistante paisible entre mes hôtes et moi-même est possible ? Que bien souvent, leur personnalité déteint sur la mienne et qu'au bout du compte, mes désirs deviennent les leurs et les leurs deviennent les miens ? A ton avis, pourquoi es-tu née ? Pas parce que je le souhaitais. Non. C'était Clarisse qui en mourrait d'envie. » Cette révélation ne sembla pas émouvoir celle qui l'écoutait. « La bonne nouvelle, c'est que cette hôte ne désire qu'une chose : te plaire et satisfaire le moindre de tes souhaits. La paix et la sérénité. Et, en quelque sorte, c'est également ce que je cherche. » « Cesse d'essayer de m'embobiner. Je ne crois pas à tes mensonges. » « C'est pourtant la vérité. Je voudrais que cette guerre qui décime les miens cesse. Et tu sais que je serais capable de t'apporter cette paix, cette trêve dont tu as également besoin. » Dolorès fut incapable de retenir le très léger haussement de sourcil qu'elle fit, révélant à la sorcière son intérêt. « Les Raagus m'écouteront. Depuis le temps que j'ai disparu, ils doivent chercher désespérément à travers leurs rangs un enfant portant la Marque. Un enfant m'abritant. Ils ont sans doute compris que je suis dans vos rangs. Mais si tu me laissais leur parler... Je pourrais régler le conflit qui nous oppose depuis des années en quelques heures seulement. » Dolorès sembla réfléchir à la proposition un instant. Elle se leva de son fauteuil puis s'approcha du corps d'Ariane. Lorsqu'elle fut à quelques centimètres seulement de celle qu'elle redoutait, elle esquissa un sourire. « C'est toi qui m'a appris à toujours se méfier de mes adversaires. » Elle ne prit pas le temps de finir sa phrase pour injecter le sédatif contenu dans la seringue dans le bras de sa protégé. « Maintenant, laisse cette jeune femme tranquille et disparais pour toujours. »
_______________

La tête d'Ariane roula sur le côté. Elle était à bout de souffle. Son corps à moitié dénudé et humide tremblait. De chaud. De froid. Elle ne savait plus. Son monde entier était un véritable chaos auquel elle ne comprenait plus rien. Ses bras et ses jambes étaient tendus par des chaines de métal, l'entravant et la maintenant immobile. Deux silhouettes se tenaient devant elle. « Qui es-tu ? » pressa l'homme. « A-Ariane... » croassa la magicienne d'un faible filet de voix. Aussitôt, l'homme plongea une louche dans un sceau d'eau et s'approcha de sa cible pour la laisser boire. Les yeux verts de la prisonnière se posèrent sur les angles dures de sa figure. Il avait un air sévère, inquisiteur. Une épaisse tignasse noire et une barbe naissante encadraient son visage. Ariane le dégouttait. Elle le savait. Elle dégouttait tout le monde. Une larme coula le long de sa joue. « S'il vous plait... Relâchez-moi... » « Silence ! » « Dolorès, je t'en supplie... C'est moi, Ariane... Je te le promets, elle est partie... » La femme resta dans la pénombre, sans bouger. L'homme lui servit une seconde louche d'eau. « Est ce qu'il serait possible que je le revois ? Juste une dernière fois ? Mon Ladéric... Mon fils... » « J'ai dit silence ! » Ariane sentit sa tête lui tourner. Une envie de vomir la secoua. Elle se mit à tousser.

« Nous allons pouvoir recommencer le rituel. » « Non... » « Bien... Je vous fait confiance. » déclara enfin Dolorès. « Non, s'il te plait... Ne le laisse plus me faire de mal. S'il te plait, tu peux arrêter ça... » La mage blanche s'approcha à la lumière du cachot. « Pardonne moi, Ariane. Mais je n'ai pas le choix. C'est la seule façon de l'arrêter... » Ariane sentit sa gorge se tordre. « Mais... N'est ce pas possible de coopérer avec elle ? Elle semblait sincère et... et... Non... Non ! » Ariane commença à paniquer, devenant hystérique à mesure que l'homme s'avançait. « Nous avons chacun nos malédictions... La tienne a simplement été de naître le mauvais jour... » L'homme se mit à psalmodier dans une langue inconnue. Il leva les mains au dessus de sa tête puis vint les placer sur l'un des flans d'Ariane. Il traça un pentacle qui mordit la chaire, arrachant un dernier cri à la jeune femme qui savait quel tragique destin on lui réservait désormais. Au bord du désespoir, elle se laissa envahir par le mal qu'on lui avait toujours dit retenir. Elle se laissa annihiler jusqu'à la moindre parcelle de son être par la magie noire, sans même s'en rendre compte. La folie luisait à travers ses yeux lorsqu'elle prononça ses dernières paroles. « Une malédiction ? Tu en voulais une ? Alors en voila ! Toi qui craint par dessus tout celle que j'abrite, c'est de sa main que tu périras. Lorsque le temps sera venu et que je serai réapparue, les colombes périront pour laisser place aux corbeaux et lorsque la dernière t'échappera, elle te portera le coup de grâce ! » L'homme qui n'avait cesser son incantation, parlant de plus en plus fort pour essayer de couvrir les menace de celle qu'il essayait d'exorciser, apporta un dernier coup sur le front de sa cible qui se tût instantanément. Pendant un instant, rien ne se passa. Puis les yeux de la femme se révulsèrent, son corps tremblant plus violemment qu’auparavant, puis tout se stoppa.

Shiva se réveilla dans un sursaut, le souffle cours et le cœur battant. Elle fut prise d'un haut le cœur et se pencha par dessus son lit, par réflexe. Elle ne cracha rien. Elle tremblait des pieds à la tête, hantée par le songe qu'elle venait de faire. Elle ne comprenait pas ce dont elle avait été témoin. Plutôt, elle ne voulait pas comprendre. Elle refusait de croire que la Mère ait pu être spectatrice de l'exécution de son amie sans rien faire. Qu'elle ait pu faire preuve d'autant de cruauté. Vulpina mentait. On l'avait prévenu à maintes reprises ! C'était une sorcière. Elle était là pour instaurer le chaos. On ne pouvait pas lui faire confiance. C'était trop dangereux. La magicienne se leva de son lit et attrapa sa robe de chambre qu'elle enfila par-dessus sa nuisette. Sans faire attention au garde qui se mit à la suivre, elle quitta sa chambre, descendit les escaliers au pas de course puis fonça à l'extérieur. Ses pieds nus sur le gravier lui firent mal mais elle ignora la douleur, continuant à courir aussi vite que ses jambes la portaient. Nefraïm. Elle était soudainement prise d'une envie irrépressible de revoir son époux. De le retrouver. Et c'est ce qu'elle ferait, même si c'était la dernière chose qu'elle ferait.
1846 mots



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Dim 13 Oct 2019, 12:54


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Les secrets du passé



Shiva retint un nouveau sanglot. Silencieusement, elle vint essuyer ses joues humides avec le mouchoir qu'elle teanait fébrilement entre ses mains. Le mouchoir qu'elle avait cousu elle même, malgré sa maladresse, lorsqu'elle avait su qu'elle était enceinte de son premier enfant. Un mouchoir sur lequel elle avait brodé les initiales du bébé à venir et la date de ce jour béni où il viendrait au monde. Du moins, c'est ce qu'elle croyait. Se mordant la lèvre, elle essaya de se redresser pour reprendre contenance et cacher ses états d'âme, quand bien même ce soit inutile. Elle avait l'impression que ses émotions jouaient avec elle, qu'elles s'amusaient à faire le yo-yo. Un jour ravie et rassurée par de bonnes nouvelles, le lendemain effondrée et démotivée par de mauvais présages. Elle était tout bonnement perdue, ne sachant pas quoi faire. Qui devait-elle croire ? A qui pouvait-elle faire confiance ? A Dolorès, cette femme qui l'avait manipulée jusqu'ici et dont elle s'était toujours méfiée inconsciemment. Ou bien à Vulpina, cette Sorcière dont on l'avait toujours mise en garde depuis le jour de sa naissance. Cette femme qui faisait partie d'elle et dont elle ne pouvait se débarrasser, malgré tous ses efforts. Malgré son désir le plus profond et sa répulsion à son égard... En vérité, le choix semblait évident, non ? La Mère était une magicienne. Elle ne pouvait pas se montrer aussi cruelle, ne pouvait faire du mal à autrui comme le prétendait les visions montrées par la mage noire. Si tel avait été le cas, elle aurait à son tour été rongée par le mal, rejoignant ses ennemis. Oui, l'explication était simple : Vulpina avait mentit, elle avait essayé de la contrôler, elle, Shiva, en essayant de la manipuler pour lui faire croire ce qu'elle voulait et obtenir d'elle ce dont elle avait besoin. Sans doute ce grimoire dont elle avait entendu parler lors de plusieurs songes. Oui, c'était la seule solution possible. Oui mais... Et si Dolorès pensait avoir fait le bien ? Si elle était persuadée d'avoir fait ce qu'il fallait pour protéger leur famille ? Et si elle s'était simplement résolue à faire ce qui était nécessaire ? Un mal pour un bien. Ces pensées ne cessaient de tourner en rond dans l'esprit de la blonde. Une possibilité qui la glaçait d'effroi : si Dolorès avait été capable de réserver un tel sort à Ariane, alors que les deux femmes avaient partagé un lien affectif... Que pourrait-on bien lui réserver si Vulpina se montrait trop virulente, trop incontrôlable selon leurs goûts ? Il devenait primordial de couper tout pont avec elle. De la repousser le plus loin possible, de l'enfouir au fond d'elle-même. Et pourtant... N'était-ce pas injuste ? N'était-ce pas elle, cette soit disant ennemie, qui l'avait mise en garde ? Qui l'avait, en quelque sorte, prévenu des dangers qui l'entouraient ? La gorge nouée, Shiva passa un doigt sur la broderie. Ses lèvres tremblèrent à la pensée de l'enfant qu'elle avait perdu. Ou plutôt, des enfants que Vulpina avait assassiné, les uns après les autres. Seule la pire des créatures pouvait se montrer aussi... cruelle ? Le mot n'était même pas assez fort pour exprimer le ressentiment qu'éprouvait l'hôte. Voilà bien une preuve qu'elle ne pouvait pas faire confiance à cette sorcière, n'est ce pas ? C'était-elle qui, dès sa naissance, lui avait pourri l’existence, l'avait éloigné du bonheur et de tout ce qui aurait été bon pour elle... Du moins, c'est ce qu'elle voulait se forcer à croire. D'après ce qu'elle venait de voir, il n'était pas si compliqué de comprendre pourquoi la mage noire se montrait réticente à l'idée d'avoir un nouvel enfant. La seule fois où elle l'avait accepté, les choses s'étaient retournées contre elle. Ca n'excusait en rien ses actes barbares, mais Shiva parvenait à la comprendre un peu plus. Même si ce rapprochement était infime. La magicienne soupira longuement et bruyamment. Elle ne savait plus quoi faire. Elle avait bien pensé essayer de contacter Ladéric, le fils d'Ariane, se disant qu'il détiendrait sans doute des éléments de réponses pour l'aider à y voir plus clair. Mais elle craignait que toute tentative pour essayer de rentrer en contact avec lui n'éveille les suspicions de Dolorès. Demander à parler avec l'unique héritier de celle qu'on avait essayer d'effacer des mémoires... Juste après que Vulpina lui ait montré cet étrange registre des naissances... La coïncidence aurait été trop grande pour ne pas devenir suspecte. Shiva s'était donc contacter d'attendre bien sagement que quelque chose se passe, aussi loin des regards que possible. Elle n'avait plus essayé de s'enfuir, plus essayé de lutter. Elle était devenue docile.

« Shiva ? » La voix éveilla un ras-de-marrée sentimental dans la poitrine de la jeune magicienne, qui se tourna subitement pour faire face à la nouvelle venue. « Maman... » Ca avait été un simple murmure, comme si elle n'osait y croire, de peur de la voir disparaître si elle y croyait trop fort. Pourtant, dès l'instant où la femme d'âge mûr ouvrit ses bras, sa fille courut pour s'y blottir et éclata en sanglot, abandonnant une bonne fois pour toute ce masque qu'elle essayait de tenir en permanence. « Chhut, ma toute petite... Tout va bien aller. » assura la plus âgée tout en passant une main protectrice dans la chevelure argentée de son enfant. Les deux femmes restèrent enlacées ainsi pendant plusieurs minutes, le temps pour Shiva de s'apaiser et d'arrêter de pleurer. Elles prirent ensuite place ensemble sur le banc où était assise Shiva l'instant auparavant. « Que fais-tu ici, Maman ? » « J'ai entendu dire que tu n'étais pas au mieux de ta forme... » C'était un euphémisme. « On m'a dit que tu ne mangeais plus correctement, que tu avais des nuits agitées. Que tu ne coopérais pas avec la Mère... » « Non, c'est faux. » protesta Shiva avant de se raviser, sous le regard de sa mère. « C'est que... C'est tellement... injuste ! Je suis seule, ici ! On ne me laisse rien faire ! Je n'ai même pas le droit de voir Nefraïm, ou de te voir toi, avant aujourd'hui. » Madame Nadivh esquissa un sourire sans joie tout en replaçant une mèche de cheveux derrière l'oreille de sa fille. « Je sais que ça te rend triste, tout ça, et que tu ne comprends peut-être pas tout ce qu'il t'arrive... Mais tout cela, c'est pour ton bien. » assura la mère. « En es-tu absolument sûre ? » « Bien évidemment ma chérie. » La blonde sentit sa gorge se serrer. Sa mère semblait si certaine de cette vérité. Mais était-elle au courant. Savait-elle ce qu'il s'était peut-être passé, il y a plusieurs décennies ? Ce que Dolorès avait autorisé, sous prétexte de protéger les leurs ? Mais qu'en était-il de sa protection à elle ? A quel moment accepterait-on de la sacrifier pour le bien commun ? Non, bien sûr que non. Personne n'était au courant, mis à part la Mère elle-même. Autrement, quelqu'un se serrait forcément révolté, n'est ce pas ? Shiva refusait de croire que sa mère la laisserait subir le même sort qu'Ariane, d'autant plus si elle était au courant de ce qu'il s'était passé au couvert des regards. « Tu n'as pas l'air convaincue. » continua, surprise, madame Nadivh. « Si... Si, je te fais confiance. Je vous fait confiance, plutôt. » se repris maladroitement Shiva. « Je suis simplement surprise de te voir. Je ne m'y attendais pas, ça me fait tout drôle. » L'immaculée prit sa mère entre ses bras et la serra fort contre elle. Elle respira son parfum qui la plongea aussitôt en enfance, une enfance qui avait été loin d'être traditionnelle mais dont on avait à minima préservé l'innocence. Cette simple odeur de lavande et de chèvrefeuille la submergea d'un sentiment de sécurité et de sérénité. « Oh oui, je suis tellement heureuse de te revoir aussi. Tu m'avais tant manqué ! » La blonde fut prise d'un sourire qu'elle partagea avec sa visiteuse tout en se séparant d'elle. « D'ailleurs... Comment as-tu pu venir jusqu'ici ? » « Eh bien, la Mère s'est rendue compte de ton état un peu... disons déprimé. Et elle a voulu arranger les choses. Faire en sorte que tu te sentes mieux. Alors elle m'a proposé de venir te remonter le moral. Elle a pensé que ça te ferais du bien de me revoir un peu. C'est gentil de sa part, n'est ce pas ? » La blonde sentit son corps se raidir en entendant les paroles de sa mère. « C'est elle qui t'a proposé cette visite? » Ca lui semblait louche. Bien trop beau pour être vrai. La Mère n'autoriserais sans doute pas une visite si elle ne pouvais pas en retirer quelque chose en retour. Peut-être des informations ? Peut-être pensait-elle que Shiva se confierait plus simplement à sa génitrice plutôt qu'à ses servantes ? Ou bien... Devenait-elle simplement paranoïaque ? Se faisait-elle du souci sans raison valable ? Ou bien sa mère était-elle capable de la trahir ainsi ? Shiva sentit sa tête lui tourner lorsque sa mère acquiesça. Avec difficulté, elle se reconstitua un visage impassible, celui qu'on lui connaissait le plus souvent. « Bien que dirais-tu de venir prendre le thé avec moi ? Je vais te raconter les dernières nouvelles magiciennes, et ça risque de prendre un peu de temps ! » plaisanta la magicienne. « Oui, c'est une merveilleuse idée. » répondit Shiva avant de se lever pour suivre sa génitrice.

Le duo marcha jusqu'à un petit jardin privé,où une table de jardin avait été dressée. Des petits gâteaux joliment présentés dans des assiettes en porcelaine côtoyaient deux tasses de thé fumant. « Madame Nadivh... » salua le majordome tout en tirant la chaise de l'invité. Le garde du corps de Shiva s'occupa de tirer la sienne, et la blonde prit place avec un sourire factice. « Tout ça m'a l'air délicieux ! » s'enthousiasma la cinquantenaire devant ce goûter qu'on leur avait préparé. « Ne boit pas ce thé ! » Shiva sentit sa gorge se nouer tandis que la petite voix se mettait à répéter en boucle cette phrase. Elle ne savait pas s'il s'agissait de Vulpina qui resurgissait de son subconscient, ou bien juste son instinct qui la mettait en garde... Dans un cas comme dans l'autre, elle était plutôt d'accord : elle ne souhaitait pas avaler quelque chose qu'elle n'avait pas vu être préparé pour elle. Ariane s'était faite avoir, avalant à son insu les décoction de la Mère. La magicienne chercha des yeux un moyen de distraction. Son regard se posa sur un peau de fleur, posé sur le rebord d'une fenêtre, à quelques étages au dessus d'eux. C'était parfait. La blonde attendit que le majordome retourna prêt de son chariot après qu'elle lui ait demandé du sucre, puis elle fit basculer par télékinésie le vase, qui s'éclata en morceau sur le sol, à quelques centimètres seulement du domestique. La surprise attira l'attention de tout le monde, sauf Shiva qui profita de cette diversion pour échanger les deux tasses disposées sur la table. « Oh par Suris ! Vous allez bien ? » demanda Shiva, faussement inquiète en se levant.
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Stanislav Dementiæ
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Dim 16 Aoû 2020, 11:10


Image de Vittoria Barulli


« Excuse-moi, j’ai encore trop parlé, n’est-ce pas ? » s’excusé Claudia d’un air désolé. Shiva lui répondit par un sourire. « Mais non voyons, c’est moi qui vous ai posé ces questions. Et puis, pour être honnête, pouvoir entendre quelqu’un me parler avec autant de facilité et de spontanéité, ça m’avait manqué… » Depuis qu’elle était retenue dans ce palais aux cages dorées, les véritables conversations s’étaient faites rares. La mage bleue ressentait sans cesse les regards en biais, l’espace légèrement plus prononcé autour de sa chaise, les messes basses qui se voulaient discrètes mais qui n’échappaient pas à ses oreilles attentives… Elle devait sans cesse porter un masque pour affronter ces parades de façade. Faire semblant de s’intégrer tout en ressentant plus que jamais qu’elle n’était pas la bienvenue. Les choses avaient empiré depuis sa désespérée tentative d’évasion. En invitant sa cousine, elle avait eu espoir de vivre autre chose. Elle n’avait pas été déçue : Claudia, trop réjouie à l’idée d’enfin pouvoir revenir au domaine familial, passait davantage de temps à apprécier le lieu qu’à juger sa compagne. « Mmh oui… Ca n’a jamais été facile, surtout pour toi. C’était déjà comme ça, lorsque nous étions enfant. » « Heureusement que tu étais là, déjà à l’époque… Tu empêchais les autres de me voler mes jouets. » Un sourire nostalgique s’invita sur le visage des deux femmes. La blonde finit par secouer légèrement la tête. « Et donc… Ce garçon dont tu m’as parlé… » Le teint de la cousine s’empourpra quelque peu. Elle glissa un regard derrière elle. Le garde continuait à les suivre mais il était à une distance raisonnable : il ne pourrait pas l’entendre, si elle ne parlait pas trop fort. Inspirant profondément, la jeune femme se laissa aller aux confidences.

Shiva écoutait les paroles de son invité sans être totalement attentive. Elle se concentrait davantage sur le chemin qu’elle leur faisait emprunter. C’était, après tout, ce qui lui importait véritablement. Cette promenade pour pouvoir bavarder tranquillement n’était qu’un prétexte pour permettre à la jeune femme d’explorer le domaine en même temps qu’elle le faisait visiter à la seconde Nadivh. Depuis le rêve où Ariane s’était fait assassiner – car il n’y avait, selon elle, aucun autre mot pour décrire ce qu’il s’était passé dans cette cave – Vulpina n’était plus intervenue. Elle ne s’était plus invitée dans ses rêves, comme si elle avait finalement terminé de raconter son histoire… Cette idée rassurait autant qu’elle effrayait la blonde. Sa première réaction avait été de tout nier en bloc, de rejeter la faute sur cette vipère qui diluait son poison dans sa conscience… Et pourtant, une part d’elle-même ne pouvait s’empêcher de lui faire confiance. Comment expliquer autrement pourquoi elle s’était mise à chercher de partout dans le domaine l’endroit qu’elle avait vu en rêve ? Elle se répugnait à la simple idée d’agir ainsi, mais le soudain silence de son parasite la rendait nerveuse. Elle avait désespérément besoin de réponses, et maintenant que la mage noire ne les lui fournissait plus, elle devait se débrouiller pour les trouver elle-même. D’une façon ou d’une autre… Le stratagème qu’elle avait mis en place pour parvenir à ses fins la gangrénait de culpabilité. Pas suffisamment cependant pour l’empêcher de passer à l’action : sa peur de l’inconnu surpassait amplement la honte.

La jeune femme attrapa sa cousine par le bras et l’invita silencieusement à tourner dans une petite allée secondaire du jardin. Elle continuait à discuter comme si de rien était. Finalement, elle portait encore son masque, comme toujours. Il lui était devenu plus tenace qu’une seconde peau. Elle ne savait plus vraiment comment s’en défaire. Les deux femmes continuèrent à marcher sur quelques centaines de mètres avant qu’une maison secondaire apparaisse derrière les haies et les arbres. C’était là qu’elle désirait aller.

Shiva inspira profondément pour se concentrer. Ces dernières semaines, elle s’était entraînée. Elle avait pu constater en rêve que certains hôtes étaient capables d’user des dons de Vulpina. Alors elle avait décidé de faire de même. Elle avait utilisé les domestiques postés à sa surveillance comme des cobayes. Elle parvenait désormais à sécréter du poison, comme la vipère qu’elle abritait, ainsi qu’à paralyser temporairement ceux qu’elle touchait. Discrètement, l’hôte érafla du bout des ongles la peau laiteuse de sa victime. « Oh pardon. » s’excusa-t-elle platement. « Ce n’est rien. » la rassura Claudia avant de continuer son récit. Le poison réagissait rapidement mais il y avait toujours un léger temps de décalage entre l’ingestion et les premiers symptômes. Le temps qu’elles arrivent à hauteur de la chaumière, la seconde magicienne avait commencé à suer, sa respiration s’était faite légèrement plus haletante. « Claudia ? Que vous arrive-t-il ? » feignit Shiva. « Je…Je ne sais pas… Je… Je ne me sens pas bien… » La demoiselle se tordit de douleur tout en poussant un cri apeuré. Voyant la scène, le garde qui surveillait la prisonnière s’approcha à grande vitesse. « Que se passe-t-il ? » « Je ne sais pas, je pense qu’elle fait un malaise… » Claudia gémissait, ses mains contractées autour de son ventre. « Vite, allez chercher un médecin ! » Le jeune garçon sembla hésiter. Son rôle était de garder un œil sur Shiva et, surtout, de ne pas la lâcher un instant du regard. La Nadivh avait volontairement organiser sa sortir en sachant sciemment qu’il s’agirait de ce nouveau garde – il était jeune, inexpérimenté. Il était encore impressionnable. « Qu’est ce que vous faites planté là ! Aller chercher du secours ! VITE ! » « Euh ! Oui je… Ne bougez pas ! » implora-t-il avant de tourner les talons et de courir. Shiva se retint de soupirer de soulagement. Reportant son attention sur Claudia, elle passa l’un de ses bras autour de ses épaules et l’aida à avancer jusqu’à la demeure. Là, elle l’installa contre un mur. Elle prit son visage entre ses mains. « Je vais aller à l’intérieur de la maison pour essayer de trouver quelque chose pour vous aider, d’accord ? » La jeune fille ne put pas répondre. Shiva venait de la paralyser : elle était seule, enfin. Elle devait se dépêcher. Elle n’aurait pas beaucoup de temps avant que le garde revienne accompagné et que les effets de son poison s’amenuisent.

Shiva s’approcha de la porte d’entrée. Fermée à clé. Sans se préoccupée d’être discrète, elle brisa un carreau de la fenêtre voisine et passa la main à travers elle pour l’ouvrir. Elle s’infiltra à l’intérieur. La fenêtre débouchait dans un petit salon austère. Pour toute décoration : un tapis rouge avec une table basse où reposait un vase avec une fleur. Les murs étaient recouverts d’étagères de livres poussiéreux. Deux canapés et une chaise à bascule étaient là pour s’asseoir. La magicienne ignora la pièce et couru dans la salle suivante. La cuisine. En plus de la porte qu’elle venait de franchir, la pièce débouchait sur deux endroits que Shiva inspecta : une cave à vin et la salle à manger. La jeune femme fouilla les pièces les unes à la suite des autres, cherchant désespérément un chemin vers cette salle de torture qu’elle avait vu en rêves… Les chambres, la salle d’eau, le bureau. Rien. Shiva serra les dents. Elle avait déjà cherché partout, toutes les autres maisons du domaine. Celle-ci en particulier lui avait toujours semblé être la cachette idéale : le cottage avait été construit à l’écart, protéger des curieux par un petit bosquet qui le rendait difficile à trouver à moins de déjà connaître son emplacement. Une entrée secondaire au domaine se trouvait non loin, ce qui permettait aux visiteurs d’entrer et sortir sans se faire remarquer – idéal également pour faire disparaître un corps. Tous savaient que la Mère recevait ici des invités spéciaux. On y avait aperçu des membres de la famille Hautbourg et certains de leurs partisans. Beaucoup de rumeurs tournaient autour de cette maison, sans que personne n’ose en parler ouvertement… Oui, il s’était agit de la cachette parfaite. Alors pourquoi ne parvenait-elle pas à trouver cette satané cellule ?! Se pouvait-il qu’elle se soit trompée ? La prison se trouvait-elle dans le labyrinthe ? Ou bien, était-ce même hors du domaine ? Non. Shiva n’y croyait pas un instant : la Mère n’aurait pas pris le risque d’exporter ses soucis hors de chez elle, là où elle était maîtresse, où son contrôle était absolu.

Shiva sentit des larmes brulantes couler sur ses joues. Il s’agissait de larmes de fureur. Avait-elle fait tout cela pour rien ? Avait-elle infligé de terribles douleurs à un être cher pour ne rien trouver ? Avait-elle risqué de se faire attraper en train de fouiner pour des hypothèses infondées ?! Son corps se mit à trembler. Il lui fallut quelques secondes pour se calmer.

Alors qu’elle s’apprêtait à retourner auprès de Claudia – son temps était bientôt écoulé – la magicienne fut prise de violents tournis. Sa vision se brouilla et, comme si elle n’était plus maîtresse de ses mouvements, elle sentit son corps se mettre en marche. Lentement, elle retourna dans le salon, puis dans le couloir menant aux chambres. Là, elle s’arrêta devant une tenture représentant l’emblème de la famille Nadivh. Elle se vit tirer le tissu. Derrière, rien qui ne sortit de l’ordinaire : le mur de bois continuait. Pourtant, lorsque son corps s’appuya dessus, un déclic lui indiqua qu’elle venait d’activer un mécanisme. Sous ses yeux incrédules, une porte dérobée s’ouvrit. L’excitation gagna ses veines et la jeune femme aurait voulu se jeter dans les escaliers qui descendaient dans un sous-sol. N’étant toujours plus maîtresse de son propre corps, elle ne bougea pas – c’était, encore une fois, aussi terrifiant que galvanisant. Sa main se tendit dans les airs. Elle heurta une surface dure, invisible, qui grésilla sous ses doigts. Elle sentit la magie traverser ses veines, se déverser dans sa mains… Sa paume s’éclaira d’une lueur bleutée. Lentement, la lueur se teinta de mauve puis de pourpre. Sous ses doigts, la barrière tremblait violement, la vue derrière elle était devenue floue. Plusieurs secondes furent nécessaires pour faire céder la barrière : d’un seul coup, son bras se tendit, elle put traverser le seuil de la porte cachée. Mais Shiva ne s’en inquiéta pas un instant. Elle était bien trop désemparée par ce qu’elle venait de voir. Sa magie… Que s’était-il passé ?! Le rouge était la couleur des monstres. Celle des sorciers. Comment avait-elle pu en user ? La nausée s’empara d’elle. Elle aurait voulu s’arrêter. Faire demi-tour. Elle n’avait plus du tout envie d’entrer dans cette cave. Elle ne souhaitait plus découvrir les secrets qui s’y cachaient. Malgré elle, son corps s’avança.

Un cachot. Les murs de pierre étaient marqués de pentacles. En quelques pas seulement, Shiva se trouva dans la cellule où Ariane avait été détenue. Se trouver dans cet endroit raviva son envie de vomir. Rien ne se passa. La magicienne se sentit faire demi-tour. Elle se dirigea vers une porte en bois, dont elle fit fondre la serrure en y apposant les doigts. D’un geste de la main, elle usa de télékinésie pour ouvrir la porte. Il s’agissait d’un bureau étroit, où de nombreux grimoires et parchemins étaient stockés. La blonde usa d’une lame qu’elle trouva sur une table pour s’entailler la paume puis leva les bras. De sa bouche se mirent à sortir d’étranges paroles qu’elle ne comprenait pas : des mots dans une langue étrangère. Soudainement, un épais grimoire s’envola de son étagère pour atterrir entre ses mains. Sans savoir pourquoi, Shiva se sentit jubiler. Cette réaction la terrorisa. Soudainement, la magicienne reprit le contrôle de son corps : elle put lâcher le livre, qui s’étala au sol dans un bruit sourd.

« Mon enfant… Qu’avez-vous fait ? » Shiva se retourna en sursautant. Devant elle se tenait Dolorès. Son regard n’avait jamais été aussi dur.
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Dim 16 Aoû 2020, 12:57


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Shiva ne baissait pas les yeux. Elle ne s’avouerait pas vaincu. Dolorès avait beau l’avoir enchainé, elle ne lui ferait pas le plaisir de détourner le regard. La Mère était installée sur un siège, face à sa descendante. Ni l’une ni l’autre ne parlait. Elles se contentaient de défier l’autre. Finalement, ce fut la plus jeune qui céda. « Alors ? Qu’allez-vous me faire ? » Silence. « Allez-vous me torturer comme vous l’avez fait avec Ariane ? » Ce nom sembla faire réagir la Mère. Un léger trouble traversa son visage impassible avant de disparaître aussi vite qu’il était apparu. Elle soupira. « Je ne te ferai pas l’affront de te demander comment tu es au courant de l’existence d’Ariane. Je me suis douté que ma mère t’en parlerais dès que je t’ai trouvé en train de fouiner dans notre arbre généalogique. » La mage observait la réaction de sa captive. « Mmh… Ton manque de réaction m’apprend donc que tu étais aussi au courant pour cela… Ma propre mère est ce démon répugnant qui grandit en toi… » Dolorès se leva. Elle se tenait parfaitement droite, les mains jointe dans le dos. Elle dépassait Shiva d’une tête. « Tu comprends donc pourquoi je considère comme ma mission de l’éradiquer. De faire disparaître la menace qu’elle représente… » « Vous voulez dire me tuer. » « Si je dois en arriver là, je n’hésiterai pas, en effet. » répondit la femme. Sa réponse vrilla les entrailles de la prisonnière. « Mais j’ai appris de mes erreurs. Ton exécution n’arrivera qu’en dernier recours. Tu m’es bien plus précieuse vivante que morte. » L’incompréhension marqua les traits de la jeune fille. « Tant que tu vis… Vulpina ne se réincarne pas en quelqu’un d’autre. Ce qui veut dire qu’elle n’essaye pas de nous nuire. Les Raagus sont presque tous morts et, sans elle pour les diriger, ils n’ont aucune chance de se relever de l’hécatombe qui a eu lieu dans leurs rangs. Sans elle, nos pires ennemis ne sont plus une menace. Leur veine tentative pour t’atteindre et élever à nouveau leur chère reine n’aboutira jamais. » Shiva fronça les sourcils. Entendre parler d’elle de la sorte lui donnait l’impression qu’elle n’était qu’un outil pour neutraliser les mages noirs. La pièce d’un échiquier. Dont la valeur était importante, mais dont on pouvait toujours se débarrasser si besoin. « Êtes-vous en train de prétendre que vous avez essayé de me protéger ? » « Tu ne vois peut-être pas les choses de cette façon, effectivement. Néanmoins, je peux t’assurer que ta sécurité, et celle de notre famille, a toujours été ma seule priorité. » Un sourire amer se dessina sur le visage de la détenue. « Ma sécurité… Elle ne comptait que pour vous assurer que Vulpina reste sous votre emprise ? » Dolorès ne répondit pas. Elle se contentait d’observer avec froideur celle qui lui tenait tête.

« Que t’a montré cette Vipère ? » Shiva s’adossa contre le mur de pierre. L’irrégularité de son support était désagréable. Pas autant que cette confrontation : la proximité avec la Mère la faisait étouffer. Elle garda le silence. « T’a-t-elle montré qu’une cohabitation entre vous deux était possible ? Est-ce pour cela que tu es devenu son pantin aussi facilement ? » Le regard de Shiva se durcit. Était-ce véritablement ce qu’elle était ? Le pantin du Mal et du Vice ? N’était-elle devenue que la marionnette d’une manipulatrice ? Pourtant, qui s’était montré la plus manipulatrice jusqu’ici ? Qui avait toujours contrôlé sa vie, depuis son enfance ? Qui lui avait agité des promesses sous le nez pour s’assurer de sa docilité ? Qui lui avait caché la vérité ? Finalement, elle n’était plus certaine de savoir qui était rongé par le Mal. « T’a-t-elle montré les atrocité commises dans ses vies antérieures ? Les meurtres qui lui ont valu ce charmant sobriquet… La Cartomancienne. » Un rire s’échappa des lèvres de l’interrogatrice. « Non. Bien sûr que non. Elle ne t’a probablement rien montré qui pourrait t’effrayer. Te faire douter d’elle et de ses motivations. Savoir qu’elle a commis des monstruosités est bien différent d’en être le témoin. Tant que tu ne le vois pas de tes propres yeux, ta conscience reste endormie. Elle peut te manipuler à sa guise… Petite sotte. Je te croyais plus intelligente que cela. Moins crédule. » « Désolée d’être une telle déception. » « Ne joue pas les victimes. Je t’ai mise en garde contre cette Vipère. Au lieu de m’écouter, tu as préféré te tourner vers elle. Tu ne fais que récolter les conséquences de tes décisions. Es-tu véritablement étonnée ? » « Que ces conséquences viennent de vous ? Peut-être bien. Toute ma vie, on m’a rabâché que les sorciers étaient les plus infâmes des êtres qu’aient connu ces terres. Pourtant, ce n’est pas eux qui m’ont enfermé dans une prison. Pas eux qui me retiennent dans ce cachot. » « Vois le bon côté des choses. Tu es encore vivante, et si tu coopères, tu le resteras encore longtemps. » Et quel genre de vit lui réservait-on ? Shiva tremblait légèrement. Ce n’était dû à la température. « Tant que la magie bleue coule dans tes veines, tu n’auras rien à craindre de nous. » La gorge de la jeune fille se noua. La Mère était-elle au courant de ce qu’il s’était passé, lorsqu’elle avait ouvert la barrière ? C’était impossible. Personne n’avait pu la voir. « Je reviendrai vérifier ton état dans quelques jours. D’ici là, reste sage. Et ne fait pas de sottise. » La Mère s’approcha de la porte et se stoppa juste avant de sortir. « Et pour ton information, même si tu n’as pas jugé nécessaire de le demander… Claudia va bien. » La culpabilité fit vibrer le cœur de la coupable.

Shiva sursauta en entendant la porte de sa cellule s’ouvrir. Ce devait être l’heure de son repas. Une domestique passait plusieurs fois par jour pour la nourrir – ses chaines l’empêchaient d’utiliser ses bras et l’on refusait de la relâcher de ses entraves, puisqu’il s’agissait d’un moyen d’annihiler sa magie. Émergeant péniblement du sommeil agité dans lequel elle était plongé – elle ne rêvait plus de Vulpina, sans doute que les chaînes bloquaient leur communication, ou bien cette vipère l’avait tout simplement abandonné – la blonde ne remarqua pas immédiatement que quelque chose clochait. Quelque chose était différent de d’habitude. La petite femme s’approcha de la captive. Elle avait les joues rouges, comme si elle avait été soumise à un intense effort physique. « Est-ce que vous allez… bien… » Sans comprendre ce qu’il se passait, Shiva observa la domestique glisser une clé dans ses menottes. Ses bras tombèrent comme des poids morts de chaque côté de son corps. L’inconnue s’occupa ensuite à ses chevilles, changeant de clé pour chaque serrure. « Qu’est-ce que… Pourquoi faites-vous cela ? » « Il faut se dépêcher. Nous n’avons pas beaucoup de temps. » « Que voulez-vous dire ? » Pour toute réponse, l’inconnue lui donna une craie bleue, semblable à celle qu’elle garda dans sa main. « Aidez-moi à tracer un pentacle de téléportation. » « Quoi ? Je… Je suis incapable de faire fonctionner un tel pentacle. » La femme esquissa un sourire. « C’est pour ça que je suis ici. » Sans rien ajouter, elle s’accroupit et commença à tracer le pentacle. Shiva hésita un instant. S’agissait-il d’un test ? D’un piège ? « Les gardes… » « Je les ai endormis. Des somnifères dans leur vin et leur eau. Ils ne se souviendront de rien en se réveillant et ne trouveront qu’une cellule vide. Enfin, seulement si tu te décides à te dépêcher ! Je risque ma peau pour toi. » « Pourquoi ? » insista la magicienne. La servante soupira. « Je ne compte pas laisser ce qu’il s’est passé avec Ariane se répéter une fois encore sans réagir. » « A-Ariane ? Vous la connaissez ? Est-ce que – » « Je comprends que tu ais des questions, mais ce n’est pas le moment d’y répondre. Sois patiente. Tu comprendras tout, très bientôt. » Shiva se mordit la langue. « Où est ce que ce portail va m’emmener ? » « Dans une écurie, au sud du domaine. Nefraïm t’attend là-bas. Il t’accompagnera dans un lieu sûr. » « Nefraïm ? » Le nom de son époux fini de convaincre la fugueuse. De toute manière, n’importe où était toujours mieux qu’ici. Du moins, c’est ce qu’elle s’imaginait.

La blonde s’accroupit et traça sa moitié du pentacle. Une fois fait, la domestique lui demanda de se placer au centre avec un sac de provisions. Shiva esquissa un sourire. Elle allait enfin pouvoir partir de ce terrible endroit. Partir… Et retrouver l’amour de sa vie. Nefraïm… Il ne l’avait pas oublié. Cette simple idée fit battre son cœur avec plus d’excitation. Elle inspira grandement, remplissant ses poumons de l’air putride de la cellule… Pour la dernière fois. Le passage lui donna la nausée. Lorsque ses pieds touchèrent le sol, de l’autre côté du portail, ses jambes flanchèrent et elle tomba. Quelqu’un la rattrapa. « Attention à vous. » Shiva releva le visage vers l’homme qui lui était venu en aide. Ce n’était pas son Ange. Elle ne connaissait pas cet homme. Il était inquiétant, quelque chose dans son regard la mettait mal à l’aise. « Je… euh… Où est Nefraïm ? » La magicienne ne le voyait nulle part. En réalité, elle ne se trouvait pas du tout dans l’écurie dont avait parlé la servante. Le sort avait-il mal fonctionné ? L’avait-on envoyé ailleurs par mégarde ? Peu importait. Tant qu’elle n’était plus dans le domaine des Nadivh, cela lui suffisait. Elle pourrait toujours retrouver son âme-sœur d’ici. « Nefraïm ? » « Où sommes nous ? Je… Je dois retrouver quelqu’un… Je – » « Ah. C’est vrai. Vous m’aviez prévenu que vous risquiez d’être désorientée… Je ne m’attendais pas à ce que cela soit si prononcé. » « Que… Qu’est ce que vous racontez ? » « Dans ce cas… » L’homme frappa Shiva. La seconde suivante, elle pendait entre ses bras, inconsciente.

Vulpina grogna en portant une main à sa tempe. « Vous n’étiez pas obligé de me frapper aussi fort. » accusa-t-elle. Un sourire moqueur se dessina sur le visage de son complice. « C’est vous qui m’avez demandé de prendre les mesures nécessaires pour la neutraliser. Vous aussi qui m’avez dit qu’elle pourrait se montrer récalcitrante à l’idée de me suivre. J’ai simplement éradiqué toute complication possible. » « Je vous imaginais davantage user de votre charme plutôt que de la violence. » « C’est bien mal me connaitre, ma chère. » Un silence s’installa quelques secondes. Les deux sorciers se toisèrent. « Bienvenue parmi nous, Cartomancienne. » Vulpina pencha la tête en arrière. « Ce que c'est bon d'être enfin libre. »
1805 mots



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