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 [Événement] - Lux In Caelum

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Dim 17 Fév 2019, 11:40



Lux In Caelum



Les yeux d’Edwina se figèrent un instant sur le visage d’Isiode. Elle aurait difficilement imaginé cet Ange rire, à vrai dire. Ça ne lui déplaisait pas. Elle sourit en miroir, l’écoutant par la suite en silence. Elle pouvait sentir ce qui bouillait au fond de lui, ce qui hantait son existence, de jour comme de nuit. En un sens, le voir ainsi était beau. La beauté n’était pas forcément bénéfique et il semblait à la Reine que le fait de vouloir anéantir des êtres envers et contre tout n’avait rien de pur, rien de sain. Pourquoi cela l’aurait-il été venant d’un Ange ? Il était question de mort, d’êtres détruits, de civilisation annihilée. La souffrance était sans doute la même, éprouvée par un Ange ou éprouvée par un Démon. Pourquoi ces derniers ne pourraient-ils pas éprouver l’amour ? Y avait-il réellement qu’une seule forme d’amour, celui des contes de Faes ? Elle trouvait cet amour là bien ennuyeux, insipide et niais. Sans doute était-ce parce qu’elle ne l’avait jamais ressenti. Ce qu’elle imaginait s’avérait toujours plus merveilleux que la réalité. Ce qu’elle imaginait n’était pas forcément fait de merveilles. Et si demain les Démons détruisaient son peuple ? Serait-elle comme lui, Isiode, à jurer de les exterminer en retour ? Sans doute culpabiliserait-elle de son incapacité à défendre les siens. Seulement, une chose était certaine : elle trancherait la tête du Monarque Démoniaque – quel qu’il soit – qui oserait s’en prendre aux siens. Il n’y aurait pas d’attaque. Il n’y aurait pas de guerre. Elle faisait en sorte de savoir. Ingénue, disait-on. Tant mieux, que tous le croient. Finalement, l’Ange et elle n’étaient peut-être pas si différents, extrêmes. Seulement, lui semblait bien plus prévisible. Il se battrait jusqu’au bout. Il était un soldat, fait pour obéir aux ordres. Il ne s’écarterait pas de sa morale. Il ne plierait que lorsqu’il croiserait le regard froid d’Ezechyel.

« Je ne cherche rien, à vrai dire. Je me sens simplement vivante lorsqu’il est là. ». Elle pencha la tête sur le côté. « Vous savez, le temps passe et je demeure, encore et encore. Je suis si vieille que la Reine avant moi appartient à un passé qui n’est même plus enseigné dans les livres tant il est lointain. J’ai vécu tant de fins du monde supposées que ces dernières ne m’effraient même plus. Je crois être assez habile pour reconnaître mensonge et vérité. Je connais les ficelles, les astuces, les faux-semblants, les fausses manières. Tout ce monde qui gravite autour de moi n’est qu’une éternelle répétition, au quotidien. Je ne suis pas en train de vous avouer que l’extermination des Anges ne fut pas un événement dramatique. Seulement, je me rappelle de cette époque lointaine où Delix mit à mal la plupart des Démons. Je me rappelle de sa silhouette, de son visage, même. Cet homme irradiait de volonté et de détermination. Et quand bien même il fait partie des personnages les plus horribles de l’histoire, je ne peux m’empêcher de l’admirer, tout comme j’admire Orion Shidori qui m’aida à apprendre la couture entre deux funestes desseins. Ces personnes insufflent la vie par leurs actions funestes car elles rappellent au monde ô combien celle-ci est fragile. Elles rappellent aux éternels que, demain, tout peut s’arrêter et qu’il faut rester vigilent, à chaque seconde. Lorsque le Diable est avec moi, je me souviens que je suis encore vivante et que, si je baisse ne serait-ce qu’un instant ma garde, ma vie pourrait basculer à ce même instant. Il m'est difficile de savoir ce qu'il souhaite, de savoir quand il ment et c'est ce qui le rend intéressant. ». Elle sourit. « Vous savez, je ne cherche pas de protecteur. Si j’étais faible, la nature se serait déjà occupée de mon cas. J’ai besoin de côtoyer des êtres déterminés dans la voie qu’ils ont choisi et qui ne reculeront devant rien, quand bien même mon avis diffère du leur. On reconnaît les grands hommes et les grandes femmes à leur détermination à aller jusqu’au bout, peu importe les conséquences. ». Elle le regardait avec des yeux étrangement équivoques. « En tout cas, c’est ce que j’admire le plus chez quelqu’un. ».

« Votre vision de l’Ange place ce dernier au rang de simple outil. Ne plus avoir de sentiments revient à nier toute notion de bien et de mal. Le risque serait si grand si l’on admet que le système dans lequel opèrent les outils est vicié, si votre prétendue Justice n’est pas juste, si votre vision du bien s’avère tronquée ou si les ordres proviennent d’un tyran. ». Elle émit une pause. « Et puis, si vous souhaitez purifier totalement les Terres du Mal, vous allez devoir éliminer bien plus que les Démons. Êtes-vous réellement prêt à tuer des milliers d’innocents, quand bien même votre cause serait noble, Isiode ? ». À vrai dire, elle y avait déjà pensé. Devait-elle le lui avouer ? Hum. « C’est une idée qui a déjà traversé mon esprit à plusieurs reprises. Instaurer une paix durable me semble, en effet, parfois ne pouvoir s’exécuter que de deux manières : annihiler ceux qui risquent d’engendrer la guerre ou imposer l’ascendance d’une race sur toutes les autres. ». Seulement, elle savait que tisser des alliances solides rendait la guerre presque impossible à mettre en œuvre. « Je veux néanmoins croire, pour le moment, que les liens diplomatiques s’avèrent efficaces en situation normale. ». Elle disait cela ainsi car personne n’était venu aider les Anges, sauf elle, avec les moyens du bord. « Enfin, nous verrons bien. Sachez simplement que je veux moi-aussi protéger les vôtres. ». Elle se pencha légèrement afin de toucher l’eau avec sa main. « Vous dîtes que vous êtes un soldat mais je pense qu’il vous faudra être plus que cela si votre ennemi reste le Diable et ceux qui lui sont soumis. Il est bien trop imprévisible et joueur pour se laisser surprendre par des codes préétablis. Et puis, contrairement à vous, il peut se permettre de perdre des sujets simplement pour vous tromper ou satisfaire ses lubies. Votre ennemi n’a pas de limites. ». Parfois, elle commençait à croire qu’elle n’en avait plus, non plus.

Elle se redressa légèrement. « Et à vous ? Vous parait-il si fou ? ». Elle était curieuse de connaître son avis, maintenant qu’il avait digéré la nouvelle et qu’ils étaient, tous les deux, bien plus calme. L’ambiance de la soirée devait réellement jouer.

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Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

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Isiode et Isley
Ven 15 Mar 2019, 15:56


J’écoutais les propos de l’Ultimage sans mot dire avant de poser mon menton dans le creux de ma paume, pensif, sachant pertinemment qu’un Ange ou tout autre être sans sentiment n’était plus qu’une machine, un outil, et qu’entre de mauvaises mains, tout pourrait tourner au drame. Pourtant, dans ma vision des choses, cet état m’apparaissait comme étant le meilleur moyen pour acquérir la véritable Paix. Il s’agissait, en effet, d’un pari risqué, je ne disais pas le contraire, mais tout dépendait, définitivement, de sa finalité.

« Si, un jour, ma lame vient à les transpercer, c’est parce qu’ils ne seraient plus innocents depuis longtemps. Alors, suis-je prêt à éliminer bien plus que les Démons? La réponse est oui, lui fis-je savoir en conservant une expression neutre, sans pour autant détendre le sérieux de mes traits. L’Histoire nous rappelle constamment que nous ne sommes que des entités éphémères, que, du jour au lendemain, nous pourrions disparaître de la surface de cette Terre. Alors, pourquoi devrions-nous sans cesse craindre pour nos vies? Pour celle de notre famille, celle de nos amis, alors que nous pourrions tout simplement vivre, prospères et heureux. »

Je fixais la Reine Nilsson avant de baisser les yeux, émettant un vague soupir.

« Mes paroles peuvent vous sembler naïves, stupides et parfaitement surréalistes, mais le fait est que je crois en un monde en Paix, un monde dénué de fardeaux et de douleurs où tous les hères vivraient sans souffrance, sans guerre, sans peur de perdre, à tout instant, un être cher en raison de la cruauté d’un tiers. »

Puis, je fermais les yeux.

« Mais un monde en Paix, comme je le conçois, ne pourra jamais voir le jour par des jeux d’alliances, par des mariages arrangés : la diplomatie fait bien des choses, mais à prouver, plus d’une fois, qu’elle n’était que des paroles vides lancées par des sourds qui espèrent se faire entendre d’autres sourds. D’autant plus lorsqu’il s’agit des peuples du Chaos. Ils sont comme des enfants, croyant que tout leur est permis, parce que nous les laissons faire, sans rien dire, sans lever le petit doigt : ils repartent, tout simplement, sourire aux lèvres, sachant pertinemment qu’ils ne pourraient être atteints malgré tout ce qu’ils ont commis contre l’humanité. Et nous, nous ne faisons que les regarder installer leur œuvre et quand prendrons-nous les devants pour les empêcher d’agir, au juste? Je me le demande, parce que nous finissons toujours par intervenir au dernier moment, comme si, passé un seuil, la mort d’innocents devenait un véritable problème… »

Je reposais mon regard sur le visage de l’Ultimage.

« J’ai bien conscience que je ne suis pas un héros et encore moins un Dieu, mais si je ne peux pas sauver tout le monde, je peux tout de même faire quelque chose pour ce dernier : le préserver. De la menace, du Chaos, de la douleur et de la peur… Et pour se faire, il me faut me salir les mains. Je n’ai pas le choix, avais-je soupiré en levant deux doigts. Si l’ennemi ne connait pas de limites, voici donc ce qui s’offre à moi. Un : lui en imposer. Cependant, ce genre de créatures ne se plie devant personne si ce n’est des plus forts et encore, à la moindre occasion, ils n’hésitent pas à se jeter à notre cou comme des hyènes affamées. Deux : éliminer le problème à la source et, ainsi, s’éviter des problèmes à l’avenir… »

Je ponctuais mes dernières syllabes d’une courte pause, baissant mon bras.

« Si l’ennemi ne connait pas de limites, pourquoi nous en instaurer, nous aussi? Pourquoi rester passifs alors qu’eux, ils agissent et ce, sans conséquences? Mieux vaut prévenir que guérir et c’est pourquoi, il aurait fallu déraciner la mauvaise herbe avant qu’elle n’envahisse toutes les Terres. Ils sont puissants, incontrôlables et manipulent aussi bien qu’ils tuent, sans une once de pitié. Comme si les vies avec lesquelles ils s’amusent ne sont qu’un divertissement… Parce que, pour eux, le présent d’Edel n’est qu’un jeu, une distraction, alors que celui-ci possède beaucoup plus de valeur que ce qu’ils lui accordent. »

Je me passais une main sur le visage, écrasant mes bras sur mes cuisses en fixant les mains que je venais de joindre devant moi.

« Et c’est pour cela que je trouve vos propos bien tristes, votre Majesté. Je vous écoute et, finalement, j’ai l’impression que vous êtes lasse de cette Vie qui vous a été donnée, lui avouais-je en penchant légèrement la tête sur le côté, intrigué. Est-ce pour cela que le Diable vous fait sentir si vivante, parce qu’il n’est qu’un jeu pour vous, une distraction? » Me permis-je de lui demander.

Je ne comprenais pas très bien ce genre de rapport. Certes, pour l’avoir déjà expérimenté, je pouvais saisir pourquoi le flirt pouvait plaire à certains, mais était-il simplement possible de baser toute une relation sur un simple jeu?

« Quoi qu’il en soit, vous avez une drôle de façon de répondre aux questions, laissais-je tomber, poursuivant néanmoins sur ma lancée : « Fou » ne serait pas le mot que j’emploierais : je dirais plutôt… imprudent. »

Je relevais la tête dans sa direction, clarifiant aussitôt ma pensée.

« Parce que leur raisonnement est juste et loin d’être dénué de toute lucidité… Dans notre situation actuelle, j’oserais même dire que vous êtes déjà à la tête des Ailes Blanches et que l’Apakan en place n’est là que pour faire figure de proue. Après tout, le pouvoir de ma Reine, sur tous les fronts, est si faible que s’en est presque risible. Sa politique vient à un point où même son propre peuple la méprise… Lorsqu’elle a succédé à son père, elle représentait une Force, un Renouveau. Nous étions convaincus qu’elle était celle qui redorerait notre nation, en vain, car après toutes ces années, nous sommes toujours au même point. »

Je me tus quelques secondes, laissant mon regard suivre les courbes intangibles de l’eau, qui renvoyait la douce lumière des lampions du Lux In Caelum.

« N’importe qui qui nous entendrait maintenant s’accorderait à dire qu’entre vous et la Reine Asriel, vous seriez la plus à même de porter cette couronne sur votre tête, lui avouais-je sans détour en reportant mon regard sur son visage. Je ne sais s’il s’agit de modestie de votre part ou vous ne désirez simplement pas m’offenser, mais vous pouvez le dire clairement : l’Apakan Heylik est une piètre Souveraine. Elle n’a plus cette Lumière qui nous attirait tous, auparavant : elle baigne aujourd’hui dans un triste et morbide éclat et semble vouloir nous y plonger avec elle. Cela étant dit, je ne pourrais soutenir un tel plan, surtout s’il demande d’user de la carte de l’usurpation et du mensonge pour vous placer sur le trône. Loyauté ou naïveté, interprétez-le comme vous le désirez, mais mon instinct me dit que chuchoter ainsi de fausses rumeurs à l’oreille du peuple ne fera qu’empirer la situation, surtout par rapport aux Anges qui soutiennent les initiatives de la Reine et ceux qui ne vous font aucunement confiance; toute vérité finit, un jour, par être percée, après tout. »

Après, je ne voyais que le pic de l’iceberg, dans cette histoire, puisque je n’avais pu soutirer toutes les informations que j’aurais bien voulu avoir en main : les hommes que j’avais interrogé s’étaient montrés prudents, voire même très méfiants. Bon, pouvais-je véritablement leur en vouloir? Ils planifiaient de trahir la Reine. Quoi qu’on en dise, il s’agissait d’un crime passable d’emprisonnement, voire même pire… Cela étant dit, ils savaient également dans quel bois j’étais fait, et s’ils avaient songé à une alternative afin de rendre leur entreprise plus appropriée, ils l’auraient certainement mentionné, n’est-ce pas?

« Et puis, je n’imagine pas non plus que l’Apakan restera les bras croisés alors que le trône lui est chipé par l’Ultimage… Votre relation semble amicale, en surface, mais connaissant le caractère de l’Élue des Cieux, ça ne m’étonnerait pas si j’apprenais qu’il y a quelques frictions entre elle et vous. Enfin, ce ne serait une surprise pour personne. »

Je laissais apparaître un petit sourire sur le coin de mes lèvres, passant une main dans mes cheveux.

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It's a little price to pay for salvation
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Sam 06 Avr 2019, 12:28



Lux In Caelum



« Le problème réside dans le fait que nos familles ne sont pas toutes entièrement bénéfiques. » fit-elle remarquer doucement. Elle aurait aimé pouvoir être d’accord avec lui mais la réalité était bien plus cruelle. « Comment être certains de la frontière entre le bien et le mal ? Comment être certain que tuer le mal d’aujourd’hui ne tuera pas le bien de demain ? Je peux vous donner un exemple concret. Il vaudra ce qu’il vaudra à vos yeux mais… ». Elle hésita un instant, fixant le ciel avant de reposer son regard sur lui. « Mes parents étaient tous les deux maléfiques. Un Roi tyrannique qui a asservi son peuple des siècles avant que mon frère ne vienne récupérer le trône et une femme aux noirs desseins, elle-même issue d’une famille qui ne connut, ou presque, que des Sorciers. Pourtant, je suis aujourd’hui la Souveraine d’un peuple hautement bénéfique. Les notions de bien et de mal peuvent sans doute vous sembler aisées eu égard à votre race mais le sont-elles vraiment ? Que diriez-vous à une Ange qui voit son fils déchu par les péchés que les Démons ont distillé ? Qu’il fait à présent partie du mal et qu’il vaut mieux l’éliminer, au préalable, au cas où il commettrait un crime ? Que diriez-vous devant un Démon qui souhaite s’affranchir de sa condition, ne pas tuer, quand bien même le mal qui l’habite le pousse à le faire ? Qu’eu égard à sa race, il n’a aucune chance de changer et qu’il doit connaître le trépas ? ». Elle poussa un soupir, se prêtant soudain à un jeu étrange. Elle se mit à détailler les traits de son interlocuteur, comme si c’était la première fois qu’elle le voyait. Face à face et seuls, elle avait tout le loisir de l’observer, bien plus que lorsqu’ils s’étaient rencontrés précédemment. « Je ne dis pas que votre vision de la paix est mauvaise, simplement que tout est bien trop imbriqué pour que la souffrance n’en résulte pas. Annihilez tous les Démons et vous priverez les Réprouvés de leurs pères et mères, par exemple. Des familles pleureront leurs proches disparus et, sans doute me pensez-vous idiote mais je suppose que l’amour ne fait, lui, pas la différence entre le bien et le mal, entre les conflits et les alliances diplomatiques. Je suis certaine qu’un Ange pourrait tuer par amour. Sans doute est-ce aussi pour cela que la Justice existe, pour empêcher les vengeances personnelles, pour rappeler aux vôtres que tuer doit se faire selon des lois édictées, et non selon un simple courant de pensée qui pourrait s’avérer dangereux, pris dans le feu de l’instant présent. Après tout, chercheriez-vous à tuer les Démons s’ils avaient éliminé les Orishas ? Et, si oui, auriez-vous souhaité les tuer avec la même détermination ? ». Elle se faisait l’avocat du Diable. Seulement, elle devait bien admettre qu’il n’avait pas tort, quand bien même ses idées étaient-elles extrêmes. Elle ne les approuvait pas mais elle se demandait si elle avait raison de donner crédit au Monarque Démoniaque et à sa politique. Jusqu’ici, il ne l’avait jamais fourvoyée mais, objectivement, elle aurait bien du mal à faire comprendre tout ceci à quelqu’un. Comment expliquer qu’elle avait le sentiment que le Mal pouvait se révéler utile et nécessaire ? Aussi, sa vision était tronquée puisqu’elle ne côtoyait que la tête couronnée. Les Souverains savaient mettre de l’eau dans leur vin. Qu’en était-il des subordonnés ? Et puis, effectivement, dans les faits, il était le seul à avoir donner l’ordre d’attaquer la Terre Blanche. Sa faute était immense. Les remords ne semblaient pas hanter son esprit. Pouvait-elle vraiment l’accuser ? Les Anges eux-mêmes avaient essayé une approche similaire sous Delix. L’un et l’autre camp se feraient toujours la guerre car là semblait être la mission qui leur avait été confiée par le Créateur. Ne vaudrait-il mieux pas les annihiler, dans ce cas ? L’idée la fit doucement rire. D’autres avaient dû l’avoir avant elle. Pourtant, elle était idiote et la vérité était sans doute bien cruelle pour les Démons. « À vrai dire sans doute est-ce ainsi : les Démons sont le mal qui ronge la société, les enfants turbulents comme vous le dîtes, et les Anges sont là pour défendre ses intérêts, les adultes responsables. Cependant, tuer me semble légèrement extrême. Je ne dis pas que nulle sentence ne doit s’appliquer mais les prisons existent, les élixires existent. Comme un amant trop encombrant peut être rendu impuissant grâce à une potion, un Démon ou n’importe quelle autre créature maléfique peut être rendue inoffensive de la même façon. ». Dans sa contemplation des traits de l’Ange, elle voyait un homme déterminé. « Tuer par légitime défense me semble juste. Tuer le premier ne me le semble pas, cela briserait pour toujours la frontière entre le bien et le mal, au sein même de peuples qui sont censés représenter ces deux notions à la perfection. ». Elle réfléchit un instant. « Le souci, aujourd’hui, c’est que chaque race est bien trop frileuse. Certes, certaines d’entre elles ont beaucoup perdu lors de la Guerre des Dieux mais celles qui sont aujourd’hui en paix ne souhaitent pas connaître de nouveau la guerre. Quelle Souveraine ferai-je si, demain, j’annonçais à mes sujets que nous partions combattre les Démons ? Combien de vies seraient-elles remises en cause et… pour quel résultat ? ». Elle soupira. « Je regrette amèrement que personne ne se soit opposé aux Démons juste après la Guerre des Dieux. Depuis, ils ne font que jouir de leur victoire mais, effectivement, ils se pourraient qu’une seule bataille ne leur suffise pas, à termes. Sans parler des Anges qui sont prisonniers des Vils. ». Elle voulait réellement faire quelque chose. Elle avait plusieurs idées, à vrai dire.

Elle préféra éluder les propos concernant Zane. Elle commençait à être lasse. Elle comprenait les enjeux, les problématiques mais, ce soir, dans cette barque, elle se sentait cruellement impuissante à trouver une solution. Ses idées étaient bonnes mais prendraient du temps à se mettre en place. Quant au reste, le principal souci c’est qu’elle avait les mains liées par la volonté de l’Apakan. Le sort des Anges ne lui incombait en principe pas, seul celui des Magiciens devait lui importer. Pourtant, depuis des lunes, elle se souciait autant des deux peuples, une charge bien lourde à porter. Elle regardait toujours Isiode, l’écoutant au sujet de la Royauté angélique. Elle émit un petit rire lorsqu’il parla d’éventuelles « frictions » entre la Reine Heylik et elle. « Effectivement. » s’amusa-t-elle, sans pour autant fournir de détails. « Disons que les choses seraient bien plus simples si la Reine et moi nous entendions et marchions dans la même direction. Vous avez raison de dire que je suis bien plus puissante qu’elle. Les Anges se trouvent sur mes terres actuellement. Seulement, je vois ma position comme celle d’une femme qui n’arrête pas de tendre la main pour en aider une autre qui, au lieu de la saisir, préfère cracher en son creux. Je ne peux pas vous aider si je dois me heurter sans cesse à des résistances. Je pourrais, demain, décréter qu’à partir de maintenant, je suis la Reine des deux peuples mais cette résistance serait d’autant plus grande. Je pense que c’est pour cela que la Couronne des Cieux a été évoquée, pour que je puisse faire partie de votre peuple et me hisser au sommet de la race d’une façon officielle, en respectant parfaitement les règles, après avoir fait mes preuves, comme tout le monde. Le mensonge me dérange aussi, vous savez, mais peut-être est-ce là une solution plus viable que de m’imposer en tant que Reine sous mon identité véritable. ». Une « identité véritable » qui était déjà factice à la base, en plus de cela. « Je me demande néanmoins si c’est plus sage. Le temps passe, il s’écoule inéluctablement et votre situation ne s’améliore pas. Ce que je pense, véritablement, c’est que c’est à vous, Anges, de chasser la Reine actuelle de son trône pour lui trouver un remplaçant plus efficace. Pourtant, il semble qu’elle ait encore beaucoup d’adeptes. ». Elle marqua une pause. « Et puis, ce n’est pas évident. Vous savez, parfois, souvent même, je regrette de ne pas avoir un homme à mes côtés, un homme de mon camp à qui je ferai pleinement confiance, que j’aimerais et qui pourrait me soutenir dans les choix difficiles. Comme je l’ai dit, je n’ai pas besoin d’un protecteur. Je ne suis pas une princesse en détresse. Ce dont j’ai besoin, c’est d’un pilier, un soutien, quelqu’un de fort, qui sait où il va ou, du moins, où il veut aller. Je comblerais ses faiblesses. Il comblerait les miennes. Nos idées se compléteraient pour donner un projet viable. Cela aurait le mérite d’être une vérité dans un monde de mensonges et de faux-semblants. Alors, je me dis, si moi, Souveraine d’un peuple en paix, ressent ce manque, je pense qu’Asriel doit l’éprouver d’autant plus. Sa situation est loin d’être enviable, seule à décider du sort d’une race en ruine. Regardée, jugée, par le monde entier, devant supporter toutes ces voix qui s’élèvent à son encontre. Je suis certaine qu’elle essaye de faire de son mieux, qu’elle le croit, et le résultat me… peine. ». Elle détourna le regard, le plongeant dans les reflets des lampions qui dansaient sur l’eau. Elle resta, quelques instants, silencieuse. Il y avait des situations injustes, profondément tristes même. « Et vous, Isiode, y a-t-il quelqu’un dans votre vie à-même de vous soutenir ? Êtes-vous entouré ? ». Elle faillit lui demander s’il aimait une femme – ou un homme – et s'il avait des enfants mais s’abstint. C’était sans doute indiscret. Ils ne se connaissaient pas depuis longtemps. « J’imagine, de toute façon, que ce ne sera pas ce soir que nous changerons le monde alors je vous propose de profiter encore quelques instants du paysage en ma compagnie et de nous séparer. Si vous le désirez, vous pouvez dormir au château. Cela fera sans doute jaser mais, après tout, il vaut mieux de folles rumeurs vous concernant que concernant le Diable. ». Elle sourit. Elle avait envie de dormir, de plus en plus, et luttait pour ne pas somnoler malgré la mélancolie qui l’avait étreinte. Elle dormirait avec son Orine ce soir, encore. Elle aurait aimé dormir dans cette barque. Elle pouvait. Il lui suffisait d'opérer une légère transformation, de créer quelques couvertures, de s'étendre sur le sol et de fixer le ciel. Peut-être est-ce ce qu'elle ferait après le départ de l'Ange, en réalité. « Pensez-vous que ce soit raisonnable de ma part de dormir là, sans protection ? » demanda-t-elle, d'un air pensif.

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Isiode et Isley
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Isiode et Isley
Dim 16 Juin 2019, 06:02


Je me permis de lui retourner son regard, tandis que le sien me scrutait avec une attention qui ne me gêna guère, même si je pouvais sentir une sorte d’inconfort à savoir ses yeux m’observer de la sorte, sentant les prunelles de son regard me détailler comme si elles désiraient m’exposer. Pour autant, je conservais mon expression grave et stoïque.

« Comment être certains que tuer le Mal d’aujourd’hui ne tuera pas le Bien de demain? Répétais-je d’une voix faible lorsqu’elle se tut et, en une fraction de seconde, un nouveau rictus s’arracha de la commissure de mes lèvres. Vos parents étaient maléfiques et vous êtes, aujourd’hui, l’Ultimage. Très bien. Mais que serait-il arrivé si vous ne l’aviez pas été? Si vous aviez été une Sorcière? Si vous seriez morte? Un autre Souverain aurait eu votre place aujourd’hui. Peut-être aurait-il été meilleur? Peut-être pas? »

Je la fixais droit dans les yeux.

« Comment être certains que laisser en vie le Bien d’aujourd’hui ne fera pas naître le Mal de demain? Comment être certains que le Bien d’aujourd’hui restera le Bien de demain? Comment être certains que le Mal d’aujourd’hui sera le Mal de demain? Énumérais-je alors que mes épaules se redressaient doucement, comme pour signifier l’évidence même. Je ne le peux pas, votre Majesté. Je ne vois pas le Futur et, par conséquent, je ne peux que juger les actes du Présent et ceux du Passé, car je ne peux voir que ces derniers et ce qu’ils engendrent à ce moment précis de notre histoire. Et ce que je vois, aujourd’hui, c’est mon peuple souffrir et se déchirer. S’il s’était agi des Orishas, je me serais tout autant répugné, je me serais tout autant objecté et aurait souhaité rendre la Justice qu’ils méritent. Voici le véritable problème, Reine Nilsson : c’est qu’ils ne sont pas punis à la hauteur des atrocités qu’ils ont commis. Après tous les massacres qu’elle a perpétrés, a-t-on mis la Khælessi derrière les barreaux? Lui a-t-on administré un élixir pour réduire sa puissance? Lui a-t-on retiré ses pouvoirs pour amoindrir son influence? Et le Monarque, pourquoi se pave-t-il encore comme un paon? Pourquoi n’est-il pas enchaîné, jugé, emprisonné? Si nous pouvions régler ce problème sans guerre, sans effusion de sang, je serais ravi de connaître vos idées, mais à l’heure actuelle, ces gens ne peuvent – ou ne veulent – pas être enchaînés, et c’est pourquoi il faut les arrêter avant qu’il ne soit trop tard. J’ai bien conscience que vous ne désirez pas amener votre peuple dans une guerre qui ne vous concerne pas, je comprends, parce que vous, comme moi, aspirons à la paix! Mais, le sommes-nous véritablement? Le serons-nous demain? Ultimage, cela nous concerne tous et si nous ne faisons rien, les conséquences pourraient être terribles. »

Je déposais les paumes de mes mains de chaque côté de l’assise de la barque, m’étirant quelque peu vers l’arrière pour tourner mon visage vers le ciel. J’étais persuadé de mes dires. J’y croyais aussi fort que je croyais en mon idéologie, et c’est tout ce qui comptait pour l’heure.

« Qu’est-ce qui vous semble juste dans tout cela? Tuer le premier pour préserver ce que nous avons ou rester les bras croisés dans l’espoir qu’aucune autre guerre n’éclate – et elle éclatera, croyez-moi? »

Ma poitrine se gonfla soudainement avant que je ne relâche un long souffle en direction du ciel.

« J’ai pour raisonnement que le Mal se fait sans effort, naturellement, par fatalité, vous savez, lui avouais-je. Vous avez bien raison sur un point : la ligne est mince entre le Mal et le Bien. Pourtant, il est tellement plus facile de blesser autrui sous le coup de la Colère que de le pardonner. Il est tellement plus facile de se sauver soi-même que de sauver autrui… Le monde est égoïste, nous sommes égoïstes et tout ce que nous faisons, nous le faisons pour notre propre satisfaction. C’est pourquoi le Bien, le véritable Bien, est d’autant plus difficile à toucher, à atteindre. Parce qu’il s’agit d’un art, d’une véritable Force, vous ne pensez pas? Imaginez-vous la force que l’un doit déployer simplement pour exécuter une Justice impartiale alors que son cœur, ses désirs, l’intégralité de son être, souhaite corrompre cette Justice pour satisfaire son propre bien : cette force, votre Majesté, est absolument immense. »

Je continuais sur ma lancée.

« C’est pourquoi l’Ange qui se voit déchu a simplement été trop faible et s’est montré égoïste, simplement pour se satisfaire, sans penser à sa famille. Et un Démon qui tente de s’affranchir de sa condition? Ça n’arrivera pas, ça n’arrivera jamais. Les Péchés sont plus attrayants que les Vertus, et il est tellement difficile de s'en détacher, après les avoir consommés. »

Je fermais les yeux quelques instants avant de reporter mon attention sur la Souveraine. L’instant où elle se mit à parler de l’Apakan, je me mis à réfléchir sérieusement sur la condition de ma Reine, trouvant du sens dans les propos de l’Ultimage.

« Hum… »

Je conservais le silence pour un temps, me demandant simplement pourquoi ne demandait-elle pas l’aide des siens, si elle ne désirait pas l'aide des Magiciens? Tous ensemble, il serait plus facile d’améliorer notre situation et d’avancer, non?

« J’ai mon jumeau, mon père, mes frères d’armes, mon peuple, lui répondis-je instantanément. Ils sont ma famille; ils sont tout ce que j’ai. »

Pourtant, je la gratifiais d’un regard, étirant un sourire.

« Cependant, à la lumière de vos dires, j’aurais plutôt tendance à penser que je n’ai, en effet, personne qui puisse prétendre porter ce rôle dans mon cœur. Ce quelqu’un de particulier qui pourrait me compléter… »

Un instant, je restais muet.

« Autrefois, j’avais une telle personne, mais… ce lien s’est brisé et je crains qu’il ne puisse être restitué. »

Isley restait mon pilier, mon tout, celui qui, sur bien des points, me complétait, mais la chimie, l’union, l’harmonie qui nous liaient l’un à l’autre n’étaient plus désormais. Nous avions beau tenter de recoller les fragments brisés, il semblerait que nous placions les morceaux du casse-tête aux mauvais endroits. Tout cela à cause de cette revenante, cette Araya, qui parasitait nos existences… Doucement, je secouais la tête, redressant légèrement celle-ci à l’instant où la Magicienne me proposa de dormir entre les murs du château. Instinctivement, un sourire apparut sur mon faciès alors que je mouvais ma tête en signe de négation.

« Je vous remercie pour votre invitation, votre Majesté, mais je crains de devoir refuser. Mes partenaires et moi-même partons très tôt, demain matin, pour attraper le bateau qui nous reconduira jusqu’au Continent Naturel. »

Je pris une profonde inspiration, fixant le ciel nocturne. Dans l’ombre des nuages, derrière la lumière des lampions qui, petit à petit, disparaissait dans le firmament, j’étais en mesure de distinguer la silhouette ô combien filiforme du Dragon qui se laissait paresseusement bercer dans la brise du vent.

« Sans protection? Ne soyez pas ridicule, finis-je par laisser tomber après un moment de silence, tournant finalement mon visage dans sa direction. Mais je peux toujours resté pour vous tenir compagnie, pendant un moment. L’un de mes compagnons m’a demandé de profiter de la nuit, de cette fête, justement pour décompresser. »

J’eus une pensée pour Hiddleston, Travis et Edmund qui devaient admirer, tous ensemble, le même firmament. Leurs devoirs restaient une priorité dans leur esprit et pourtant, ils réussissaient à faire abstraction de ceux-ci, ne serait-ce que pour un instant, afin de profiter pleinement du moment. Un moment comme celui-ci, me dis-je intérieurement, tandis que le silence s’était doucement placé entre la Reine et moi. Le silence était bon, quelques fois, d’autant plus maintenant.

« Finalement, vous n’êtes pas si terrible. »

Je me permis de lui adresser un sourire avant de me redresser légèrement. Et dire que notre dernière rencontre s’était terminée sur la sortie précipitée de l’Ultimage en colère et de mon propre départ, l’esprit et le cœur tous deux irrités.

« Cela pourrait vous paraître surprenant, mais je suis ravi d’avoir pu m’entretenir avec vous. Sincèrement, c’était… intéressant, je suppose, admis-je sans vraiment connaître le mot adéquat qui puisse traduire mon impression. À regret, je vais devoir prendre congé. Cela dit, j’espère que la prochaine fois que nos chemins se croiseront, nous pourrons de nouveau nous parler de cette façon. »

Afin d’éviter tout risque de chavirage de la barque, je me levais soigneusement dans celle-ci avant de faire basculer, bien bas, mon buste vers l’avant.

« Au plaisir. »

Et en un claquement de doigt, une paire d’ailes blanches apparut dans mon dos. Je les tendis afin d’atteindre leur pleine envergure avant de me lancer doucement dans les airs, à quelques centimètres au-dessus de la barque.

« Et faîtes attention à vous, votre Majesté. »


| 1 470 mots


It's a little price to pay for salvation
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Mar 25 Juin 2019, 13:33



Lux In Caelum



L’Impératrice Blanche sourit. Elle avait changé de position, modifiant légèrement la barque pour s’étendre à l’intérieur de celle-ci. Elle se rappela les mots d’Isiode : Sans protection ? Ne soyez pas ridicule. Elle avait sans doute un petit côté adolescent pour choisir délibérément d’agir dans un sens contraire aux recommandations de l’Ange. Peut-être. Les yeux vers le ciel, elle se repassait la scène. Il y avait quelque chose de troublant chez lui. Il semblait jouer au jeu de la Statue de Marbre. Les jeunes Magiciens s’y amusaient fréquemment. L’objectif était de garder une expression neutre le plus longtemps possible, en essayant de passer outre la pression de l’extérieur. Les partenaires pouvaient tenter de faire rire la Statue ou de provoquer chez elle n’importe quelle réaction qui viendrait modifier sa position. Seuls les yeux étaient épargnés par le jeu. L’homme était une excellente statue de marbre. Il avait des émotions, oui, il pouvait sourire, mais il lui paraissait qu’il savait parfaitement cacher ce qu’il ne voulait pas montrer. Il l’intriguait, lui en tant que personne, bien sûr, mais également le discours qu’il lui avait tenu, ses réactions dans ses interactions avec elle. Il était ferme tout en étant bon. Il était passionné tout en se souhaitant fort. Il lui rappelait un poème qu’elle appréciait énormément. Une seconde. Son sourire disparut soudainement. Une autre. Elle modifia le cours de sa pensée, pour la faire revenir au discours de l’être ailé et uniquement à lui. Elle sentait son cœur battre dans sa poitrine. Ça lui faisait un effet étrange et, à vrai dire, elle n’avait aucune idée quant au rythme de ses battements : étaient-ils plus lents ou plus rapides ? Elle se sentait prise dans un dédale, sans vouloir mettre la main sur les causes de ce sentiment. Mais il avait raison, le Mal était bien plus facile que le Bien, bien plus attirant aussi car il n’appelait aucune responsabilité. Se laisser plonger dans la Luxure était un acte sans conséquence, aucune. Il n’y avait rien à construire sur les plaisirs de la chair. Ils ne comportaient aucun engagement, que la réalisation d’un caprice presque enfantin. À l’inverse, l’amour véritable supposait de s’exposer à l’autre, supposait une souffrance probable, un abandon de ses défenses. L’amour véritable supposait la construction, la confiance et la vérité. Il était impossible de paraître sur la durée, de cacher ses défauts. L’ego ne pouvait entrer en jeu, la lutte non plus.

Elle ferma les yeux, se laissant bercer par les faibles mouvements de la barque tout en essayant d’oublier son malaise. L’image d’Isiode lui apparut de nouveau. Elle essayait de deviner ses pensées, de percevoir les instants où ses traits n’illustraient pas pleinement ses émotions. Elle se crispa légèrement avant de se redresser dans un mouvement peut-être un peu brusque. La barque tangua un instant où elle resta immobile, fixant le lointain. « Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie et sans dire un seul mot, te mettre à rebâtir ; ou perdre d’un seul coup le gain de cent parties, sans un geste et sans un soupir. » murmura-t-elle doucement, comme s’adressant aux lampions qui flottaient doucement dans le ciel. « Si tu peux être amant sans être fou d’amour, si tu peux être fort sans cesser d’être tendre. Et te sentant haï sans haïr à ton tour, pourtant lutter et te défendre. » Elle se rappelait leur première rencontre, sa fin, plus exactement. Il était clair qu’elle ne lui avait laissé que peu de marge de manœuvre. S’en prendre à une Souveraine au sein même de son palais n’était pas envisageable. Pourtant, elle se demandait ce qu’il aurait fait en d’autres circonstances, si elle n’avait pas été Reine. Sa réaction, alors, lui paraissait la plus appropriée et sans doute était-il bien plus mesuré qu’elle. Reculer sans pour autant fuir, la laisser approcher jusqu’à ce qu’elle ait finie de lui montrer son mécontentement sans pour autant la confronter, jusqu’à ce qu’elle décide de partir, n’était-ce pas une forme de force ? Pourtant, elle savait qu’elle avait dû l’agacer. Il aurait pu réagir d’une autre façon. « Si tu peux supporter d’entendre tes paroles travesties pas des gueux pour exciter des sots, et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles, sans mentir toi-même d’un seul mot. Si tu peux rester digne tout en étant populaire, Si tu peux rester peuple en conseillant les Rois. Et si tu peux aimer tous tes amis en frère, sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi. Si tu sais observer, méditer et connaître, sans jamais devenir sceptique ou destructeur. Rêver mais sans laisser ton rêve être ton maître, penser sans n’être qu’un penseur. » C’était amusant. Elle trouvait que ceci lui correspondait. Pas totalement, parce qu’il était encore faillible mais… Elle ne savait comment l’expliquer. C’était simplement ce qu’elle ressentait, ce qu’il lui inspirait.

« Si tu peux être dur sans jamais être en rage, si tu peux être brave mais jamais imprudent. Si tu sais être bon, si tu sais être sage, sans être moral ni pédant. » Pour la première fois, elle ressentait ce qu’être un Ange signifiait. Par le passé, elle avait été attirée par le Mal, elle l’avait trouvé plaisant, enivrant. Elle était bonne, oui, mais par essence, par statut, par naissance. Jamais elle n’avait été attirée, vraiment, par le Bien. Jamais il ne lui avait paru hypnotisant. Le Bien était simplement un quotidien, un mode de vie, sans qu’elle n’y réfléchisse davantage. Seulement, en écoutant Isiode, elle désirait ce Bien. Sa voix avait éveillé quelque chose chez elle. Ce n’était qu’une discussion, mais voir cet homme, convaincu, ferme, lui tenir tête dans une conversation qui en aurait sans doute ennuyé plus d’un, avait transformé une infime partie de son être. « Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite et recevoir ces deux menteurs d’un même front. Si tu peux conserver ton courage et ta tête, quand tous les autres les perdront ; alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire, seront à jamais tes esclaves soumis et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire, tu seras un homme, mon fils. » Elle se tut un moment, comprenant qu’il avait eu un effet bien plus profond, sur elle, qu’elle ne l’aurait voulu. Elle rit, brièvement, avant de s’étendre de nouveaux au sein de la barque. Elle se sentait idiote. Elle restait fixée sur le sourire qui était apparu sur son visage, un sourire qui aurait pu paraître être une acceptation s’il n’avait pas refusé d’un signe de la tête. Bien sûr. Il était un homme de devoir. Il ne pouvait se permettre de se détourner du droit chemin et elle n’avait pas le droit de l’y entraîner, non plus. Elle inspira profondément et expira. Elle devait régler son problème pour qu’il n’en devienne pas un pour lui. Alors, elle utilisa la Mémoire Disparue pour annihiler certaines scènes de son esprit et faire taire ce qui devait être tu afin d’ôter ce poids dans sa poitrine.

Le Bien est nettement plus dangereux que le Mal pour quiconque n’est pas prêt à se mettre à nu, sans défense aucune, face à la Vérité.

1179 mots
Fin
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Si, R. Kipling

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Jun Taiji
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Jun Taiji
Lun 15 Juil 2019, 13:22



Lux In Caelum



Il s’était infiltré, semblable à l’air. Il aurait pu avoir honte s’il n’avait honte de rien. Ce n’était pas beau d’écouter aux portes mais, après tout, les Esprits le faisaient sans que les Mortels n’en soient outrés. Ils l’ignoraient, certes, ce qui aidait à gérer la situation. Il lui avait parlé de Lux in Caelum et l’Æther avait décidé d’aller voir de plus près. Certes, il aurait pu rester confortablement adossé à un arbre à des lieux de là pour visualiser le passé, avec ce Weltpuff étrange qui le suivait partout et tentait même de lui grignoter les orteils lorsqu’il était pieds nus, mais il avait décidé de se déplacer et de remonter le temps. Ce n’était pas bien méchant, rien d’offensif envers Caleb puisqu’il ne modifierait rien. Il voulait juste observer, invisible et impalpable, pour les Vivants, pour les Morts et pour chaque particule composant ce monde. Il n’aurait guère été là que les conséquences auraient été les mêmes. Parfois, il s’offrait de petits plaisirs comme ça, à fixer ceux qu’ils détestaient cordialement connaître leurs pires déboires, en boucle s’il le souhaitait. C’était petit et mesquin. Il adorait ça. Il avait été observé Aylivæ nue plusieurs fois après ce rêve étrange, simplement pour le plaisir. En devenant Æther, tous les possibles lui avaient été offerts et il se rendait compte de légers détails qui échappaient aux communs des Mortels, soit parce que leurs capacités étaient limitées, leur attention médiocre ou parce que ce qui était important avait lieu dans l’intimité. Le fait est qu’il connaissait bien Edwina. Il n’avait pas besoin de dons divins pour lire en elle. Ils avaient vécu dans un monde similaire, il l’avait vu faible contre l’attaque des Sans-Âmes, dans les bras de Naram-Sin, et puissante ensuite lorsqu’elle l’avait chassé de ses terres. Il l’observait depuis longtemps, bien avant la naissance du Diable dont tout le monde parlait. C’était malheureux que l’Impératrice Blanche et lui soient devenus si indissociables dans la bouche des commères. Cela changerait sans doute bientôt. Il avait du mal à le déterminer parce que l’avenir de la jeune femme était clairement d’un autre niveau qu’actuellement. Le seul problème dans l’équation était Zane lui-même. Suivrait-il ? Il l’espérait secrètement, rien que pour avoir le plaisir de lui coller son poing dans la face sans risquer de provoquer la mort du Roi et un tsunami de punitions à son égard. L’Œil était un vrai connard. Jun se demandait clairement pourquoi est-ce qu’il était allé voir Zane pour le convaincre de changer d’idée concernant cette guerre. Les Démons avaient soutenu les Ætheri de prime abord. Ensuite Sympan. Il se demandait à quel point lui-même avait pu se faire manipuler par Edel. Il haïssait le Diable mais ce n’était pas sa faute si sa blonde à lui avait décidé de se balader nue en Enfer, de faire un enfant avec ce… Il soupira. Edelwyn aurait pu trouver quelqu’un d’autre. Il lui fallait simplement être enceinte après les résultats finaux pour avoir le temps de prendre connaissance plus en détails de sa punition. Ce n’était pas du désir qu’elle avait ressenti à l’égard du Vil. C’était de l’utilité, parce qu’elle était ainsi. Il ne comprenait pas pourquoi lui. Hans n’avait rien de particulier. Il pouvait s’agacer autant qu’il le voulait, il savait bien qu’il n’y avait strictement rien de plus entre eux. Pourtant, quelque chose lui disait aussi qu’Edelwyn n’avait pas fait ce choix par hasard. Elle aurait très bien pu continuer d’engendrer avec son seul mari, ex-mari pour être exact.

La discussion entre l’Ange et la Magicienne avait un petit côté passionnant. Il l’écoutait certes d’une seule oreille mais il pouvait faire plusieurs choses à la fois sans être réellement inquiété par un souci de mémorisation. En regardant Isiode, il ne voyait rien de spécial. Les Anges avaient un petit côté ennuyeux que lui-même avait revêtu autrefois. Jun pensait néanmoins qu’il semblait avoir plus de caractère que d’autres. Sans doute bouillait-il intérieurement. Cela avait dû lui faire bizarre de se retrouver dans une barque à discuter d’égal à égal avec une Reine. Peu auraient accepté l’exercice, finalement, car il n’était encore personne, ou si peu. Pour autant, fort de sa longue existence, il savait que certains moments pouvaient être la base de toute une vie et de progrès faramineux. Il suffisait de trouver une motivation, un souffle nouveau pour s’envoler vers les sommets. Que voulait-il, cet homme qui semblait à la fois si proche et éloigné de l’Impératrice ? Bientôt, tout le monde parlerait de lui. C’était effrayant, en un sens, d’être ainsi jeté sous les feux des projecteurs pour le simple jeu du hasard. Il n’avait pas mérité cette fève, il avait simplement eu de la chance. Seulement, le hasard existe-t-il ? Là était la véritable question que cet Ange devrait se poser. Il y avait une raison à tout, sauf lorsque les Dieux décidaient de tester des probabilités par ennui, de placer le Souverain des Rehlas dans une situation chaotique. Certains s’en amusaient sans doute. C’était dur que d’être le Sin Luxinreïs, au moins autant que d’être le Suprême de l’Au-Delà par les temps qui couraient. Heureusement, Devaraj avait la folie comme amie. Il sourit, amer.

Ses « yeux » se posèrent ensuite sur le visage de la Magicienne. Oh, c’était si limpide, tellement qu’il se mit à rire silencieusement. Ça avait un petit côté cocasse, un petit côté fatalité qui s’abat impitoyablement. Il eut une idée de cadeau, soudainement. Il avait raison, ça valait le déplacement. Certains seraient verts.

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