Elzéar regardait la foule grouillant sur la place, depuis sa fenêtre au second. Le troisième plateau voyait passer des têtes huppées, coiffées de maints apparats, et se presser de rejoindre leur quartier. L'homme n'avait cure de ce qu'il se passait en réalité... Ses yeux observaient l'extérieur, vidé de tout sentiment. Les pas qui résonnèrent cependant dans le couloir le sortirent de ses pensées. Elzéar était un Alfar plutôt grand et majestueux. Il avait la perversion d'âme que l'on attendait de cette race, tout en arborant l'élitisme dans ses gestes, ses paroles et son comportement. Chaque gradé, dans ce palais, représentait, finalement, une sorte de perfection tangible que les Alfars ne se forçaient pas à entretenir tant ils le portaient sur eux.

« Sieur De Lussac, bienvenue. » Loin des formules de politesses, tout était au contraire orchestré au millimètre. Leurs échanges n'étaient que codes et respect de la norme sociétaire. Ce type était l'un des quelques élus, si on pouvait dire, qui avaient su attirer l'attention des pontes de cette ville. Ainsi, Elzéar invita l'hôte à s'asseoir dans un des fauteuils capitonnés de son bureau, alors que lui s'appuya contre celui-ci. Ses cheveux mi-longs étaient plaqués sur les côtés vers l'arrière, mettant en valeur son visage saillant et anguleux, aux coins traduisant la sévérité « Bien, voyez vous, nous manquons cruellement de temps. En plus de la guerre des Dieux suprêmes, il s'avère que nous avons nous-mêmes nos batailles contre certains. En effet, les Béluas sont de farouches opposants et les Elfes ne désemplissent jamais. Seulement, si nous menons de front ces combats, il y en a qui doivent disons... Rester dans l'ombre. » Se décollant de l'office, il en fit le tour pour s'asseoir sur son propre fauteuil « J'ai entendu beaucoup parlé de vous et votre famille. Une affaire regrettable... Nous n'oublions rien mais disons que nous avons la clairvoyance de ne pas jeter au rebut le potentiel qui s'offre à nous. » Faisant mine de chasser une poussière de sa manchette, il continua « Ainsi nous en venons à croire que vous pourriez être un acteur de qualité dans notre politique gouvernementale. Quelqu'un qui connaitrait autant sa place que ses multiples talents, et qui saurait les employer à souhait. C'est pour cela que nous vous avons convoqué. » Elzéar sortit d'un tiroir du bureau une liste avec deux noms dessus. La faisant glisser jusqu'à l'Alfar il argumenta « Ce sont deux capitaines assez éminents. Saërel Wëluann est une Haut-Elfe, surement l'une des meilleures tireuse d'élite. Elle embroche nos hommes à vue, qu'importe où ils se trouvent. Mais comme tout archer, sa faiblesse est au corps à corps. Vous étant qualifié comme bien meilleur qu'un simple soldat, c'est à vous que revient la charge de l'abattre. Si nous faisons tomber sa tête, le reste du bataillon s'en retrouvera confus. Au dernière nouvelles, nous l'avons vu traverser la forêt aux mille clochettes. Ce qui serait intéressant pour vous, serait justement de la faire sortir de sa zone de confort... Vous voyez. » Haussant les sourcils pour appuyer sa description il laissa un petit temps de latence avant d'enchainer « Bien ensuite le Bélua Sindar Mâlekron. Un monstre aussi grand qu'hideux, à la force colossale. Il est un meneur d'homme, un orateur qui ferait pencher chaque ennemi de son côté s'ils l'écoutaient. C'est avec honte que je vous annonce que c'est ce qu'il s'est passé. Sans savoir comment, il envoûte nos soldats pour les faire approcher sans défense, puis les achever. Nous avons perdu une quantité astronomique d'hommes et de femmes comme ça. Mais ça ne peut plus durer. Si nous arrivons à dégager le terrain de ce genre d'infamies, nous aurons au moins le loisir de pouvoir lever les camps pour partir, sans risquer de coup dans le dos. » Elzéar laissa l'Alfar regarder et imprimer les deux noms dans son esprit, avant de claquer des doigts. Aussitôt le vélin se mit à brûler « Nous demandons donc adresse, intelligence et savoir-faire. Votre but ne sera pas de faire du zèle ou de jouer les héros mais de vous limiter à la mission. Mais vous êtes un homme d'esprit, alors ça, vous le saviez déjà !  Des questions ? » Au contraire, Castellan lui paraissait légèrement dépassé par les évènements et l'annonce, mais le test commençait à partir de maintenant...


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L'Alfar regarda par la fenêtre un instant, ayant entendu un bruit infime venant d'en bas. Sans alerter son invité, il daigna alors tourner la tête vers lui pour répondre « Vos compagnons feront partit des troupes si vous le souhaitez. » Cela faisait toujours des bras en plus mais si ces derniers mourraient, le haut placé n'en avait cure. Si cela pouvait lui apporter du réconfort que de se voir assisté par deux plus incapables que lui, c'était tout à son aise. Ce qui comptait, après tout, c'était le résultat « Entourez-vous des bonnes personnes. » C'était un conseil à ne point prendre à la légère, surtout venant d'Elzéar.
Alors que l'homme fouillait méticuleusement dans son tiroir à la recherche d'un portrait valable de ses cibles, un haut-dignitaire entra sans plus tarder « Lumlet ? Que faites vous ici ? Les champs de batailles ne vous plaisent plus... ? », « Moins de sarcasme je vous prie. Sieur, mes hommages. » Relevant les yeux, l'Avatar regarda alors le riche émissaire saluer courtoisement l'invité dans son bureau. Lumlet en faisait toujours trop, mais c'était avant tout sa personnalité. Lorsqu'ils eurent fini de se faire des ronds de jambe, Elzéar enchaina « Alors ? », « Les... cibles. Vous savez... », « Parlez franchement, il est dans la confidence. », « Oh je vois... Bien donc je disais : les cibles, elles ont été abattus. », « Pardon... ? », « Ca me dépasse également. Je n'ai pas su comment mais il semblerait que ce soit le cas. On m'en a rapporter la preuve... », « La preuve ? », « Oui. On a trouvé leur corps un peu ex-centré à leur camp... » Elzéar le regarda sans mot dire. Tout cela ressemblait à un piège. Voilà dix minutes qu'il décrivait combien ils étaient talentueux et increvables, mais évidement il suffit qu'il en parle pour rompre le mythe... « Hé bien... Si tout cela est vrai, on peut dire que l'affaire est résolue. Qu'attendons nous pour les piétiner ? », « Hé bien justement... Si nous n'avons pu les abattre, c'est que quelqu'un s'est porté volontaire à notre place. Sans que nous ne sachions qui c'était et dans quel but. Nous sommes deux à œuvrer dans le même sens mais jusqu'à quand ? Mes collègues et moi craignons que ces assassins de l'ombre ne s'en prennent à nous à la toute fin... » De plus en plus méfiant, Elzéar jugea de pied en cap son interlocuteur. Il laissa planer un silence nécessaire, embarrassant le type en face de lui.

« Bien... Monsieur De Lussac quand une porte se ferme une autre s'ouvre dirait-on. Comme vous venez de l'entendre les données sont très floues mais voilà la théorie : soit c'est un traquenard, soit il y a quelqu'un qui ne nous veut pas que du bien mais, dans les deux cas je suis persuadé que nous allons payer le prix fort. C'est pourquoi je vous recommande auprès de Lumlet d'Arthri, qui saura vous accompagner dans votre nouvelle mission. », « Hein ? » Elzéar leva la main pour empêcher qui que ce soit de parler « Vous allez vous infiltrer dans les trois camps ennemis. Nous allons vous donner de quoi vous faire passer pour l'un d'eux à chaque fois, mais il faut que vous découvriez ce qu'il se trame exactement. Les hommes sur notre champ de bataille, sont assez connus. Alors que vous... Personne ne connait votre visage. Ca nous sera utile. », « Attendez... Avatar, vous ne pouvez pas... », « Oh que si. VOUS avez échoué » Son ton était acerbe, acide et l'atmosphère de la pièce avait totalement changé « C'était à nous de tuer ces individus et vous vous êtes fait devancé par trois misérables invisibles. Alors vous n'êtes pas en position de discuter mes ordres Lumlet. Vous resterez à la base gentiment pendant que Castellan ira espionner et s'infiltrer chez qui de droit ! » Le vent devint glacial et si le palais était très bien isolé, il semblait qu'un blizzard traversait le bureau. Après quelques secondes, sieur d'Arthri se tourna vers a nouvelle recrue « Suivez-moi. Nous avons beaucoup de travail. »

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Lumlet indiqua à Castellan de rentrer chez lui préparer un balluchon et prévenir ses proches qu'il ne rentrerait pas de si tôt. Le dignitaire lui donna rendez-vous dans le bas-plateau, au niveau des portes de la ville. Grâce à un laisser-passer royal, le type sortit avec l'Alfar. Sur le chemin menant à la base, son supérieur lui expliqua « Je suis désolée pour le comportement d'Elzéar. Il devient exécrable quand quelque chose ne se passe pas comme il l'avait prévu. J'espère que nous arriverons à redresser le tir... » Se frottant la joue, il passa à travers quelques fourrés avant d'ajouter « Votre mission sera très simple. Il faudra vivre dans chaque camp le minimum de temps que vous jugerez nécessaire pour mener l'enquête et comprendre ce qu'il s'est passé. Je ne doute pas que certains d'entre eux doivent être totalement vide, mais les camps principaux seront plutôt bien protégé je pense. Nous verrons ça avec le stratège, Fälyer, mais j'ai bien peur que la tâche ne soit plus compliquées que ce qu'envisage Elzéar... Enfin quoi qu'il en soit, on vous enchantera et on vous fournira de quoi pallier à vos faiblesses. » Maintenant, il ne manquait plus qu'à trouver la couverture parfaite « Comment vous sentez vous ? Vous avez l'air d'être un peu là par hasard... On ne vous a pas trop bousculé ? » Disons que ces questions étaient plus de la curiosité qu'une quelconque forme d'empathie ou de compassion.

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