Elle était la première témoin de son existence, de son unicité. Elle était l'eau source de sa délivrance et indépendance. Elle lui avait prouvé qu'on pouvait vivre, tout en étant enchaînée. Elle était douce, timide, pure, fragile, mais au caractère décidé, sincère et téméraire. Elle pratiquait le tir à l'arc, comme une intrépide chevalière. C'était au cours d'une de ses cavalcades que Lana en fit la connaissance. Sa beauté lui valait d'innombrables prétendants, mais peu se voyaient octroyés le droit de répondre à son énigme. Bon nombre avaient échoué avant qu'elle ne trouve l'étalon, le prince des mille et une nuits qui la fit plier à ses envies. Il était beau, charmeur. Il savait parler aux femmes, faire chavirer leurs coeurs. Il avait une certaine richesse, du fait d'un héritage lointain. Il était combattant, courageux, mais attachant de par son sérieux et ses sentiments. Elle s'était dévouée à son être, corps et âme. Elle satisfaisait ses moindres désirs, paupières closes, délivrée à sa seule volonté. Il lui achetait de belles fabriques à partir desquelles de majestueux kimonos naissaient. Des joyaux à ses cheveux, aux chignons de couleur noir, un rouge saignant à ses lèvres, elle était belle, épanouie. Le bonheur lui réussissait bien. Ils avaient vécu de belles époques, quelques hauts et bas venant les agrémenter. Elle chantait sans cesse les louanges d'une nouvelle ère, contrairement à ceux d'une vieille époque désormais révolue. Elle dansait au plaisir de ceux qui pouvaient la contempler, toujours plus élégante. Elle était une femme accomplie, une orine qui a trouvé chez son maître la paisible tempérance. Elle portait le doux nom d'Ageha.
« Ma Lana, as-tu déjà songé à trouver ton propre chemin ? » L'orine répondit négativement de la tête, baissant les yeux faces aux exigences de son engeance.
« Je sais qu'il doit t'être difficile de te voir exiger une telle chose… » ,
« Je suis son clone. Je suis censée être sa copie parfaite. Pourquoi… n'ai-je pas le droit de vivre avec la même liberté ? » ,
« Tu ne fais pas partie des nôtres depuis très longtemps. Tu n'as pas grandi avec ce fardeau, avec l'espérance de trouver ce maître qui deviendrait ton absolu. Mais comme tu peux le voir, c'est l'aboutissement de notre vie » La belle ne paraissait pas convaincue, étant certaine que trouver l'amour dans une promesse, dans une main tendre, dans un souffle de proximité était bien plus à son goût qu'à travers le Lien qui les asservissait.
« Qu'en est-il de votre liberté ? » ,
« Nous l'obtenons à travers eux. À travers cet homme qui devient l'Unique. Celui pour lequel nous sommes prêtes à tout. Devenir l'orine de ce dernier, ne te semble pas l'ultime preuve d'amour ? » À ces paroles, Lana n'eut à répondre qu'un silence prolongé. Elle fut tentée de répondre ''oui'', elle fut tentée de rechigner face à son explication. Elle n'allait pas à l'encontre de ses racines, mais cherchait à les comprendre. Elle qui n'avait les souvenirs que d'une enfance passée à pleurer, à maudire les deux races antagoniques qui avaient donné naissance à Sherry, son originale. Elle partageait ses souvenirs. Ils avaient été encrés en elle, et la jeune femme s'était inconsciemment attachée aux réprouvés à travers ces derniers. Elle avait vécu cette histoire, en quelques secondes à peine à la naissance. Comment lui en vouloir d'avoir peine à s'adapter ?
La rousse avait donc pour habitude de fréquenter le couple, les cycles qui suivirent ses premiers pas en ce bas monde. L'orine lisait en sa présence des livres, pour ensuite en passer à des histoires qui relevaient de son vécu. Elle lui narrait des contes, des mythes qu'elle avaient entendus. Elle l'informait et la mettait en garde contre les êtres dangereux qui peuplaient ces terres. Obsédés par leur exquise apparence, ils cherchaient à les posséder, quitte à les maltraiter, quitte à mentir et tromper pour les obtenir. Ils étaient prêts à tout, surtout vu le temps de conflit qui approchait. Elle lui récitait les mêmes poèmes, chansons et sornettes auxquelles elle avait eu droit lorsque sa mère était encore vivante. Elle s'attacha à la rousse, comme à la petite sœur qu'elle ne put jamais avoir. Elle avait lu à ce sujet également. Le lien, l'affection que l'on ressent envers un être qui partage son sang. Elle en rêvait, innocemment.
Hélas, la belle époque ne dura pas éternellement. La guerre vint frapper les peuples, vint scinder en deux toute nation dont les croyances ne seraient pas homogènes. Des groupes de traîtres virent le jour, des rebelles occupaient maintenant des terres qui avaient toujours été paisibles. Son propre peuple, ne s'en sortirait pas indemne, elle le savait. Pour se protéger, simple prétexte qu'il fournit, le couple s'expatria, avant les premières attaques subies en terres pourtant neutres. Avant l'appel lancé afin de récupérer les orines enchaînés pour que leurs croyances deviennent les mêmes que celles de leurs maîtres débauchés. Avant que le monde ne devienne complètement fou. Et ce, sans un seul retour. Sans ne jamais dire un mot. Sans ne laisser une seule parole de réconfort. Lana avait trouvé un logis vide, déserté. Elle y avait trouvé des souvenirs, que des bribes de moments passés en leur présence. Rien ne montrait qu'ils avaient été attaqués ou violentés, amenant à la conclusion évidente que la fuite était un minimum préméditée. Elle se sentit d'abord désemparée. Vint ensuite le tour du chagrin. Il prit contrôle de son coeur, jusqu'à qu'il se serre, qu'elle sente des échardes de trahison le transpercer. Une vague d'inquiétude ébranla le navire qui vaguait jusque là dans des eaux calmes. Des larmes commencèrent à couler sur ses joues, sans que son expression ne change. Elle monta à l'étage, trouvant ses robes éparpillées un peu partout dans ce qui avait été autrefois le berceau de leur relation. Une fine odeur de parfum planait encore dans la pièce, preuve qu'ils ne l'avaient quitté que depuis peu. Une broche au sol, celle que chérissait le plus Ageha notamment, brisa le visage impassible qu'elle avait voulu garder. Son masque qui était sensé la protéger, et qui au final n'a fait que lui montrer à quel point elle tenait à ce havre de paix qui était le sien. L'orine n'avait pu partir, en toute connaissance de cause. Elle n'aurait pu la quitter sans dire mot. Elle avait dû y être contrainte, sans quoi elle serait venue pour lui présenter ses adieux. Cette broche aurait même pu être sa façon de lui transmettre un message. De lui faire comprendre qu'on l'avait emportée à son insu… Sur ces mots, Lana se crut psychotique. Elle crut s'être attachée à du vent, à une femme qui n'avait finalement de beau que l'apparence et d'émouvant que les restes de sa douce voix.
Mais elle voulut y croire tout de même. Elle voulut parier que tout était réel. Elle était naïve, crédule. Lana était facile à duper, autant que nous l'avons tous été un jour. Elle n'avait pas encore appris la vie cruelle qui l'attendait, et à quel point le sang coulait facilement en ces terres. Elle avait tout à apprendre, mais peut-être étais-ce là un rayon d'espoir que de défier toute rationalité. Elle partit, quitta les lieux pour rejoindre la sublime dont elle n'était que la pâle copie. Elle avait un pouvoir dont elle ne pouvait imaginer la portée, elle qui souffrait encore des marches prolongées, et des efforts trop insistants. Elle qui n'avait de charismatique que son apparence et d'éloquent que des mots creux auxquels elle essayait de donner un sens. Elle était la seule à même de l'aider. Sherry entendit son appel, et accourut, telle une mère dont la progéniture pleure et se lamente.
« Que t'est-il arrivé ? » Elle tomba à genoux devant la réprouvée, essoufflée, ses habits complètement froissés. Son mari l'avait suivie, au cas où. La jeune annonça au couple la supercherie, ignorant comment elle pourrait bien les retrouver.
« Je suis sûre qu'ils sont quelque part. Il faut que je la retrouve ! » D'une main attendrie, Sherry s'abaissa pour caresser sa joue.
« Es-tu de certaine de ce que tu avances ? » ,
« Je ne serais pas venue vous voir autrement ! Si j'avais quelqu'un d'autre à qui recourir... » Ses paroles étaient des lames, mais elles étaient fondées. La rousse avait trempée elle-même l'acier qui avait servi à les forger.
« Je t'emmène là où ils se trouvent. Je te défendrai en cas de besoin, si tu te retrouves en danger. Mais c'est tout ce que je pourrai pour toi » Lana acquiesça, pleinement consciente de ce que cela impliquait. Un manoir sombre les attendait. Délaissé par ses véritables propriétaires, de nombreux réfugiés y avaient élu domicile. Il était perdu dans des terres arriérées, là où très peu d'individus viendraient volontairement fouiller. La réprouvée les téléporta, mais c'était ensuite à l'orine de trouver celle qu'elle était venue quérir. Sherry ne lui dit mot, la laissant tracer sa propre voie, faire ses propres expériences. C'était le rôle d'une mère que la belle endossait là, sans en avoir conscience. Elle la chérissait plus qu'elle ne le réalisait elle-même, aveuglée par les écarts que la petite avait commis et qu'elle peinait à lui pardonner. On ne bafouait pas un lien de sang, pas aussi facilement en tout cas.
« Ageha !! » Ces cris retentirent pendant des dizaines de minutes avant de trouver oreille qui les reconnaisse. De larges portes noires, dont le choc violent fit voleter des grains de poussière, sortit une merveilleuse créature. Ses joues étaient salies, marquées d'un hématome qui vint gâcher son teint uni ; son nez rouge de la froideur qui y régnait. Ses lèvres étaient toujours du même rouge éclatant qu'elle peignait tous les matins, mais ses poignets avaient perdu leurs bijoux et gagné à la place des cordes laissant des traces. Ses cernes étaient creusées par les nuits passées à sangloter et les accords mélodieux de sa voix s'étaient taris. Sherry assistait à la scène, mais ne dit mot.
« Lana ! » C'est avec douleur qu'elle articula son nom.
« J'ai cru devenir folle en te cherchant ! » ,
« Je ne pensais pas te revoir un jour ! Oh Dieu Unique, comme je suis heureuse ! » Elles s'enlacèrent, tremblantes.
« Viens ! Nous devons partir » Elle lui saisit la main, trouvant -avec surprise- une certaine résistance à l'autre bout.
« Je ne peux pas ! Je ne me dois… pas de le quitter ! » ,
« Ce n'est pas parce que c'est ton maître que tu dois rester aveugle ! Ageha ! Viens avec moi » ,
« Je ne peux pas laisser ma vie derrière moi ! T'imagines tout le mal que je me suis donnée ? Il est… tout pour moi. Ce serait trahir ma race, ma personne que de m'enfuir d'ici » ,
« Il cherche à te faire trahir tes origines de toute manière ! Ton Dieu est l'Unique, et ton maître veut te faire croire le contraire. Il t'exploite, il te manipule. Ta race t'acceptera volontiers. Ils m'ont contactée pour m'avertir de ce danger. Ils m'ont demandé de te ramener ! » Ageha la regardait avec des yeux ronds, humides, émue. Lana tomba à genoux devant elle, passant ses bras dans son dos pour l'envelopper entièrement. Elle haussa un peu plus la voix.
« Suis-moi je t'en prie. Rentrons ensemble ! Tu trouveras quelqu'un qui te rendra… réellement heureuse »,
« Lana. Détrompe-toi. Je l'ai été. J'ai été heureuse ces dernières années. Et qui sait si je le serai autant un jour... » L'orine l'aida à se lever avant de quitter le manoir. C'est un lit vide que l'homme dut trouver à son retour. Qui sait la folie qui le traversa à cet instant précis. Ce qui est sûr, c'est que la rousse accompagna son amie à bon port, s'assurant qu'elle était bien prise en charge. Elle attendit son rétablissement avant de la quitter. Désolée, rassurée, elle vit que son amie avait retrouvé le sourire. Son nouveau maître semblait charmant.
Elle se sentit seule.
æ 2 135 mots æ
- Spoiler:
Gain : 1 point d'intelligence + 1 point de force + 2 points de charisme pour [LANA] compagnon de Sherry
( +1 pro-Sympan, je précise au cas où )
Merci pour ce LDR (malgré ma participation tardive)!