Savourant le fouet du vent sur son visage, la jeune fille contemplait avidement l'immense étendue d'eau. Celle-ci était si grande, que sa seule limite était l'horizon. Cela faisait maintenant des heures que Naryaa se tenait sur le pont d'un navire marchand à destination du continent dévasté.
Un jour, ou plutôt une nuit, Falès s'était approché d'elle. Comme d'habitude, elle n'avait pas anticipé sa venue, tellement sa démarche était silencieuse. Sans préambule, il lui avait déclaré que sa formation s'arrêtait. Décontenancée, la jeune Bélua avait réclamé des explications. On ne renvoyait pas quelqu'un d'une manière aussi cavalière ! D'un air vague, il lui expliqua le plus sérieusement du monde, qu'il avait lu dans les étoiles qu'il devait se rendre sur le continent dévasté le plus rapidement possible. Or, ne sachant pas pour combien de temps il en aurait, il n'était évidement pas question de laisser la petite Bélua être du voyage. Celle-ci s'indigna devant cette décision. Elle était quasiment une adulte à présent et découvrir de nouvelles contrées l'aiderait à parfaire ses connaissances ! A force d'arguments et de persuasion, ou peut-être la lassitude de Falès suite à tant d'énergie déployée avait-elle prit le dessus, il accepta. Folle de joie, Naryaa avait écrit quelques lignes à sa mère pour lui faire part de son prochain départ, histoire qu'elle ne s'inquiète pas pour elle.
Lorsque le bateau accosta, l'adolescente frétillait d'impatience. Malgré l'appellation du continent, les terres n'avaient pas l'air bien différentes de ce qu'elle avait toujours connu. Après une marche de plusieurs heures, les deux compagnons purent enfin apercevoir au loin les murailles du domaine d'Extalia, illuminées par les premières lueurs de l'aube. C'est là que Falès lui fit ses adieux. Il lui rappela de revenir à cet endroit au bout du dixième jour, lui remit une bourse qui couvrirait toutes ses dépense et la mit en garde contre les mauvaises rencontres. Tapotant son petit poignard dissimulé dans une couture de sa manche droite, Naryaa lui promit de se montrer prudente. Rassuré, l'homme fit volte face, laissant l'adolescente toute à sa joie de pouvoir explorer ce nouveau monde qui s'offrait à sa curiosité.
Elle eut comme un choc en franchissant les murailles du domaine, gardant l'accès au village de Panem. Elles étaient tellement hautes et imposantes ! Dire que le domaine avait abrité des dragons autrefois ! Naryaa resta un instant à les contempler, perdue dans des rêves abritant ces créatures disparues, puis se mit en marche jusqu'au village. Malgré l'heure matinale, les rues étaient déjà animées ; couvertes d'échoppes, de boutiques, d'étalages et de maisons. Rien à voir avec la poignée d'habitations et de bâtiments municipaux de son village natal. Sa première mission allait être de trouver une auberge pour y réserver une chambre. Cela ne l'aurait pas dérangée de dormir à la belle étoile, mais Falès l'avait prévenue que ce genre de comportement n'était pas admis dans une ville, à moins de vouloir passer pour une mendiante. De plus, il n'était pas très prudent pour une jeune fille de son âge de se retrouver seule la nuit tombée. Aussi, c'est avec résignation qu'elle entreprit ses recherches. Celles-ci ne furent pas longues, puisque quelques mètres plus loin, elle repéra une enseigne, « L'auberge de la nuit paisible ». Falès aurait sans nul doute approuvé ce choix. Poussant la porte poussiéreuse, elle entra dans un établissement de taille modeste, mais visiblement propre et bien entretenu. Elle y fut accueillie par une femme d'âge mûr, à l'air plutôt aimable. Naryaa lui demanda une chambre pour dix nuits. Si la femme eut un froncement de sourcils lorsqu'elle annonça qu'elle serait seule, elle accepta le règlement sans broncher, puis la conduisit jusqu'à sa chambre. Celle-ci était minuscule, mais cela serait largement suffisant pour le temps réduit qu'elle comptait y passer. Une fois son maigre bagage déposé, elle salua la gérante de l'auberge et c'est d'un pas léger qu'elle ressortit dans les rues pavées de la ville.
Maintenant, elle était prête pour son premier objectif : se rendre à la fameuse bibliothèque de Leya. Auparavant, la jeune fille prit soin de faire taire les protestations de son estomac vide, en achetant une miche de pain chaude à un marchand. Elle allait en avoir besoin de toute son énergie, puisque selon Falès, la bibliothèque se trouvait au sommet de l'une des tours de l'Adir. Arrivée aux pieds du château, elle fut saisie d'émerveillement. Elle n'avait jamais rien vu d'aussi grand de sa courte existence. Combien de personnes pouvaient résider ici ? Des centaines, des milliers peut-être ?
Malheureusement, elle ne pourrait assouvir sa curiosité, puisque seule la tour abritant la bibliothèque était autorisée aux visiteurs étrangers. Pour le reste, il fallait pouvoir montrer patte blanche. Ou transgresser les règles à ses risques et périls...
Une fois la longue ascension terminée, Naryaa se sentait à la fois épuisée, mais ivre de joie de se trouver entre ces murs. Irrésistiblement attirée par tous ces livres à portée de main, l'adolescente ne prit même pas le temps de faire attention au somptueux décor qui l'entourait. Immédiatement, elle chercha le rayon consacré aux plantes et aux herbes. Prenant un livre au hasard, elle se rendit compte qu'il n'était pas rédigé dans une langue qu'elle pouvait comprendre. Déçue, elle s'empara d'un autre ouvrage, le sélectionnant avec plus d'attention cette fois. Il s'intitulait «Herbes et plantes du jardin : l'art des soins ». Soulevant avec peine l'énorme ouvrage, elle le déposa sur la table la plus proche et entreprit de commencer sa lecture. Il était rédigé sur un vélin d'excellente qualité, même si l'écriture se révélait assez difficile à déchiffrer. Surtout qu'elle rencontrait certains mots ou formulations qu'elle n'avait jamais vus auparavant, ce qui rendait la compréhension moins aisée. Cependant, ce livre était une vraie mine d'informations et Naryaa regrettait de ne pas avoir emporté un support pour prendre des notes. Elle espérait que sa mémoire serait assez vive pour retenir un maximum de connaissances. Entièrement centrée sur sa lecture, elle perdit la notion du temps, ainsi que de la conscience de son environnement. Une catastrophe pouvait bien se dérouler en face d'elle, la jeune bélua ne s'en rendrait même pas compte...
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