« Effectivement, elle n'est pas de tout repos… C'est une lutte de tout les instants, non seulement pour retrouver notre tête avant que qui que ce soit de malintentionné ne la retrouve mais aussi pour ne pas sombrer dans la folie, car souffrir à chaque instant, je peux vous assurer que cela met vos nerfs à rude épreuve. Il paraitrait même qu'un Dullahan nouveau né change de personnalité du tout au tout. »

Même si j'étais encore assez sceptique quant à cette dernière information, puisque je n'avais pas vraiment eu l'impression de changer radicalement entre ma vie et ma mort. Petite, oui, je n'avais rien de semblable à la femme que j'étais aujourd'hui. Gentille, honnête, le cœur sur la main, toujours prête à rendre service aux autres, écoutant les vieilles personnes me raconter leurs histoires, jouant avec les gamins des rues… J'étais insouciante et terriblement faible. Il n'y avait rien de bien ou d'intéressant chez cette ancienne moi, et maintenant, il me semblait presque dérisoire de penser que j'ai pu être une telle personne. Mon mari m'avait transformé en une sorte d'esclave docile, qui ne savait même plus pleurer face aux horreurs qu'il me faisait subir. Mais apparemment, il ne m'avait pas si bien dressé que cela, puisque mon instinct de survie fut le plus fort, et que j'en vins à le tuer. Malheureusement, je ne me rappel pas bien les circonstances qui m'ont poussés à me rebeller… Peut-être étais-ce simplement après l'avoir entendue accepter de vendre encore un de mes organes… La peur donne des ailes, dit-on.

« De l'aide… J'ai l'impression que c'est bel et bien le cas, et je vous remercie par avance. Je ne fais habituellement confiance à personne, surtout à un homme qui se montre aussi mystérieux envers moi mais… A situation désespérée, réaction désespérée. Je cherche ma tête depuis presque une année, et je n'ai pour le moment eut aucune piste sérieuse ou tout bonnement intéressante… Mais si vous ne voulez pas de la pierre, et donc de mon marché, je pourrais tout aussi bien la revendre pour un bon prix. »

Il me semblait pourtant que l'affaire était déjà entendue. Pourquoi l'avoir choisis lui plutôt qu'un autre ? Commençais-je à songer que Milady ne suffirait pas pour retrouver ma tête ? Qu'il était grand temps que j'étende mes moyens ? C'était possible et cela m'effrayait quelque peu. Mais après tout, j'étais suffisamment prévoyante pour, sinon empêcher l'alfar de me doubler, au moins limiter la casse. Il ne me semblait pas être de ces gens qui souhaitent s'entourer de multiples compagnons de voyage et si jamais il s'avérait que ce dernier me rend ma tête, il me sera probablement possible d'envisager un accord à l'amiable, afin que ma liberté ne me soit pas reprise. Quant à sa question concernant ma mort… Je n'étais pas particulièrement enclin à en parler dans une ville qui me recherchais comme un vulgaire fugitif, mais je devais bien pour une fois continuer la ligné de mes exceptions. Mais je prenais tout de même le soin de me pencher vers lui, en chuchotant.

« La vengeance, hein ? C'est quelque chose que je connais bien, croyez-moi. Si ma tête est descendue de mes épaules, c'est pour un meurtre, d'une personne importante dans cette ville. J'étais… sa femme. Et disons que je faisais partit de ses marchandises de luxe, moi ainsi que mes organes. Un jour, mon instinct de survie fut plus fort que lui, et depuis, le poison est l'un de mes meilleurs amis. Sept à avoir trépassé par mon œuvre. » Je prenais une petite pause, soufflant lentement. Me remémorer ces instants provoquait toujours en moi de bien curieuses réactions… « Le mari de ma sœur m'a jugé, et sa sentence était la décapitation. Quant au pourquoi de la guillotine magique, j'ai interrogé le bourreau, qui m'a affirmé avoir été payé par une étrange personne pour l'utiliser. Mais je n'ai jamais retrouvé la trace de cet homme. »

La Mort, voilà un sujet bien singulier. Elle avait toujours plané au dessus de ma tête et de celle de ma sœur. Milady s'était suicidée, souffrait maintenant de la pire façon qui soit, sans rien ressentir, et contrairement à moi, elle n'avait pas l'espoir que sa situation change… Mais elle l'avait mérité. Pour ne pas m'avoir sauvée, pour ne pas avoir prit soin de moi après notre mariage, elle qui vivait bien tranquillement et richement avec son juge, mon meurtrier. Elle seule était la véritable responsable de ma mort, et j'espérais que jamais ses tourments ne cessent.

« Ne vous en faites pas, j'ai l'habitude. Vous savez, il y a bon nombre de créatures qui vivent partiellement ou bien qui ont connut la mort. Les vampires, les zombies, les dullahans, les esprits – qui pour le coup, sont totalement morts mais existent toujours –. Je ne les vois pas, mais je les entends. Ils nous entourent, tout le temps, et ils n'ont pas d'âme, je crois. Mais peut-être devriez-vous rencontrer un chaman. Ils connaissent les esprits bien mieux que moi. Je ne suis qu'un cadavre en sursis, qui attend le retour de sa tête pour recommencer à vivre, rien de plus. »

Et je faillis ajouter les Ombres. J'espérais ne pas en avoir trop dit. Je savais parfaitement que je n'avais pas le droit de divulguer quoi que ce soit sur la race étrange de ma sœur, et je ne savais ce que je savais uniquement parce que je l'avais contrainte à parler. Mais j'avais de plus en plus l'impression que mes connaissances sur elle s'amenuisaient, comme si une force supérieure s'assurait que personne ne puisse connaître l'existence de ces êtres maudits… Et j'allais continuer la conversation, lorsque la porte s'ouvrit à la volée, réveillant l'assemblée. Un garde, en armure, épée à la main. Il venait pour moi. Je prenais alors mon corps spectral, afin de pouvoir traverser le mur derrière moi, et m'enfuir. L'indexe sur la bouche, je fis un signe de silence à l'alfar, tout en lui disant au revoir. Et je parvins à m'extirper de ce guêpier juste avant d'entendre un "Où est la Dullahan ?!". Il était temps que je m'échappe à nouveau de cette ville… Et que je reprenne la route.

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