Changer sans pour autant oublier celle que l'on était... Cela revenait à accepter nos actes passés ? Je savais qu'il était presque impossible de tirer un trait sur notre vie antérieure si cette dernière n'avait pas été simple... Comment pourrais-je pardonner ce que ce monstre m'avait fait subir ? Comment pourrais-je accepter la vision cauchemardesque que j'avais créer sans pour autant sombrer dans la folie ? Une seule réponse s'imposait à moi... L’oubli. Oublier ce passer, s'effacer la mémoire... C'était peut être ce qu'il y avait de plus simple... Mais avec cette méthode, je me méfiais des retours de bâtons, du jour où notre esprit capricieux nous enverra des souvenirs beaucoup trop affreux à supporter. Car même si l'on voulait ne plus rien se rappeler de nos mauvais agissements ou de nos tortures, notre corps, lui, n'oubliait pas. Et toutes ces visions de notre précédente vie devaient bien rester là, enfouie profondément dans notre cerveau, inaccessibles mais bien présents et prêt à ressurgir à la moindre occasion... C'était à mon sens beaucoup trop dangereux et mieux fallait-il tenter de se construire malgré ce que l'on a vécue. Les dieux étaient bien facétieux de nous avoir créé si compliqués.

Alors il me fallait lui répondre, tout en choisissant mes mots. L'avantage étant qu'en communiquant ainsi par le papier, il m'était beaucoup plus facile de prendre le temps de trouver la bonne réponse. Le pouvoir de l'écrit était à mes yeux absents beaucoup plus puissant que celui de la parole. Toutes ces émotions que l'on peut ressentir à travers une voix sont beaucoup moins perceptibles par l'encre et la plume, a moins que l'écrivain ne s'attarde à les transmettre. Quand à Kanae... je ne savais exactement quels étaient ces mauvaises actions dont elle s'en voulait, et à vrais dire, même si ma curiosité me criait de lui en demander plus, ce n'était pas si important que je le sache. Pour le moment, celle-ci était en pleine restructuration mentale... et je me devais de l'aider à y voir plus claire, d'autant plus que sa façon de réagir m'était très instructive...

<< Peut être peux-tu te chercher un objectif pour te racheter de tes actes passés. Tu ne pourras pas vivre éternellement en te rappelant tous ces mauvais souvenirs et les cacher, et ils te bloqueront toujours pour te reconstruire. Alors trouve ce qui peut rattraper cela, et une fois que tu seras quoi faire, je pense que tu seras capable de sortir d'ici. >>

C'était assez logique en soit. Racheter ses erreurs... Cela me rappelait quelques comptes dans lesquels l'anti-héros tentait de faire le bien pour se pardonner à lui-même ce qu'il avait fait de mal. Bien sûre, ils souffraient tous moralement et mentalement, mais à la fin de l'histoire, ils avaient atteints leurs butes et vivaient heureux. C'était assez utopique en soit, mais la vie m'a apprit qu'il existe une part de vérité dans chaque roman. Les écrivains sont pour moi des hommes bien sages qui tentent de transmettre leurs idées et leur sagesse au plus grand nombre, par le moyen de communication le plus fidèle à sa pensée, l'écrit. Oui, j'avais toujours aimé lire et c'était un point que je partageais avec ma sœur, même si celle-ci se contentait de parcourir les ouvrages que notre précepteur nous ordonnait d'étudier. Des livres soigneusement choisit pour mieux nous endoctriner dans notre rôle de parfaite épouse... Plus je regardais un arrière et plus je me rendais compte que mon enfance n'en avait pas été une. Je me sentais tel l'oie que l'on gave pour mieux la vendre... C'était répugnant et mes poings se crispèrent un instant sous l'émotion.

Je me concentrais à nouveau sur les dires de la jeune Ombre. Mon idée d’apprentissage par l'observation semblait lui plaire mais il est vrais qu'elle n'était pas dans le meilleur endroit du monde pour cela... Et l'on revenait toujours à la même chose, rien ne changerait pour elle tant qu'elle ne parviendra pas à sortir de sa prison. Et je me sentais un peu désolée et frustrée de ne pas en savoir d'avantage sur les Ombres pour pouvoir la renseigner... Pourquoi une Ombre ne peut pas quitter le lieu de son suicide ? Pourquoi n'a-t-elle pas de corps ? Combien de temps mettait-elle exactement à pouvoir sortir ? Je n'en avais pas la moindre idée et cela me dépitait. J'essayais toute fois d'encourager Kanae, puisque c'était la seule chose dont j'étais capable pour le moment...

<< Alors il faudra que tu apprenne une fois que tu pourras aller observer le monde extérieur par tes propres moyens. Tu dois réussir à sortir d'ici. Mais je suis certaine que c'est possible et que tu y arriveras. Ce n'est qu'une question de temps. Peut être que la clef est justement de te décider sur ce que tu feras de ta vie désormais. >>

J'avais appris que pour chaque problème, il existait une solution, plus ou moins radicale. Quelque chose l'empêchait de partir d'ici et mon petit doigt me disait que cela avait un rapport direct avec ses états d'âmes et ces sentiments nouveaux qu'elle ressentait. Kanae allait devoir se restructurer, se contrôler un minimum et savoir ce qu'elle allait faire maintenant que sa vie avait changé à jamais. Finalement, tout n'était qu'une question de réflexion et d'introspection. Ce n'était évidemment pas ce qu'il y avait de plus simple au monde, mais pas non plus insurmontable... Contrairement à mon problème... J'avais mal sans ma tête et tant que je ne la retrouverais pas, je continuerais à avoir mal... Et mon handicap était décidément bien compliqué pour effectuer mes recherches.

Puis vint finalement l'heure de sa réponse à toutes mes questions, et c'est sans réelle surprise que je découvris que finalement, elle ne savait pas vraiment non plus le pourquoi du comment elle était restée auprès de son amie. Mais le mot faiblesse revenait encore, comme une obsession. Sa vision du monde lui avait été totalement imposée et elle ne s'était jamais posés de questions... jusqu'à rencontrer cette femme qui lui a montré qu'une autre vie était possible... Mais imprudente et probablement aveuglée par ses découvertes, elle avait indirectement causé sa mort... et privé de cette femme qui lui donnait peut être au fond d'elle une sorte... je n'étais pas certaine... d'espoir, elle s'était donné la mort. En tout cas, c'est ainsi que je voyais les choses par rapport à ce qu'elle me racontait. Une question me vint alors à l'esprit, qui prenait plutôt une forme de proposition...

<< Je commence à comprendre... Plutôt que de te sentir forte ou bien de te sentir faible... n'aimerais-tu pas te sentir libre ? >>

Ah la liberté... le plus cher désir humain ? Être libre de penser ce que l'on veut, d'agir comme on l'entend, d'aimer et détester ce que l'on souhaite... Quelque part, chacun à sa manière, nous cherchions tous à être libre... Et peut être que le plus beau cadeau que nous ont fait les dieux n'est pas tellement la vie, mais ce fameux libre arbitre qui nous permet de faire nos propres choix, bien que cela ne soit pas toujours des plus évident.

-Je vais sans doute te paraitre horrible, mais tu sais je n'arrive pas a vraiment m'en vouloir pour mes actes passés. Je connais les conséquences, mais le seul acte que je regrette, c'est vraiment d'être restée avec elle. Le reste pour moi ça reste quelque chose de normal, quelque chose de naturel qu'il me fallait faire pour avancer. Alors, essayer de me racheter, j'ai plus l'impression qu'avant de passée a cette étape, je vais devoir apprendre un tout autre mode de vie, un qui est en total opposé avec celle que je suis depuis ma naissance et tu voies, ces quelque chose qui me fait peur, je ne sais pas ce qui m'attend, je ne sais pas comment faire, je ne sais rien en gros, mis à part ce que l'on m'apprend depuis ma naissance. Mais oui, je crois que je vais devoir faire un grand travail sur moi même si je veux continuer a avancé, mais bon...

Je devais semblée vraiment défaitiste en faite, mais c'était comme ça. Mais je savais qu'elle avait raison, il me faudrait certainement du temps et de la patience, mais bon, ce n'est pas comme si j'avais vraiment le choix non plus. Et puis l'avantage, c'est que du temps maintenant j'en avais et quitte a me retrouver coincer dans un endroit, autant que ça serve, comme elle me l'avait dit ensuite, je devrais apprendre une fois sortie, mais pour cela, il fallait d'abord que je travaille sur moi même. Bon comme j'étais coincée, ben quelque part j'avais plus que ça à faire. D'ailleurs, soudainement je me demandais si ce n'était pas pour ça que je me retrouvais coincer ici, enfin moi... toutes les nouvelles ombres, peut être que c'était pour nous permettre de réfléchir a nos actes passés finalement, même si continuais a trouver ça quelque peu cruel, mais ça ne m'empêchais pas de me faire une idée de la raison finalement.
Mais finalement elle me demandait si je ne voulais pas plus simplement me sentir libre. Je la regardais un moment, croyant qu'elle se foutait quelque peu de moi. Après tout elle savait parfaitement que je me retrouvais coincer ici, alors qu'elle me lâche quelque chose ainsi, avouée que ça faisait quand même mauvais genre non. Mais âpres quelque temps, surtout en repensant au début de sa phrase, je compris que ça n'avait rien a voir avec le faite que j'étais coincée dans cet endroit, bien au contraire, elle pensait plutôt a autre chose, un autre un état plus psychologique plutôt que physique. Je devais avouer que je n'avais jamais vu les choses sous cet angle.
Êtres libres, me sentir libre surtout ? Comment ? Je n'avais jamais vraiment eu l'impression de me retrouver prisonnière de quoi que ce soit. J'avoue que je ne savais pas vraiment ce que je devais lui répondre sur le coup, est-ce qu'elle avait raison ? Si c'était le cas, comment ça se faisait que je n'avais jamais rien senti, enfin ressentie plutôt ?

-Je ne sait pas vraiment à vrai dire. Tu voies je ne me suis pas sentie prisonnière de qui que ce soit, mais maintenant que tu me le dis, j'étais peut être dans une cage dorée, enfin... disons plutôt que je ne me rendais peut être pas compte, car c'était normal. Mais sans m'en rendre compte, comment faire pour me libérer. J'ai comme la mauvaise impression que mon cas est tout simplement deseperé en faite.

Et autant dire que ça ne me plaisait vraiment pas, mais qu'est ce que je pouvais faire d'autre ? Essayer de me dire que tout allait bien se passer ? Que j'allais réussir dans quelque chose que je ne savais même pas par où je devais commencer. De faire de mon mieux pour quelque chose dont je ne me rendais même pas compte. J'étais vraiment pitoyable sur le coup et je devais avouer que ça faisait monter en moi une certaine colère, je ne comprenais pas comment je pouvais être comme ça, j'en voulais à moi même, je ne voulais pas continuer à vivre, enfin... comme ça. Pourtant j'étais belle et bien coincer à chercher des réponses qui ne viendrait peut-être jamais, malgré tous les efforts que cette jeune femme faisait pour m'aider avec ses connaissances. Ça m'avait déjà bien été utile d'ailleurs.

Non Kanaë, tu ne me parais pas horrible, bien au contraire... Je me reconnaissais en ses paroles, moi qui n'avait ressentis aucun culpabilité lorsque j'avais froidement assassiné tous ses hommes... alors même que j'étais de nature angélique et altruiste. Je rajouterais même que de les voir s'étouffer, agoniser puis lentement mourir un à un avait été une certaine... source de joie pour moi. Alors je me rappelais les mots de ce vieil homme mystérieux que j'avais rencontré lors de mon éveil... "La nature d'une personne change lorsqu'elle devient Dullahan"... Mais... ma nature n'avait-elle pas déjà changé avant ma mort ? Finalement, cette nouvelle personnalité n'est-elle pas uniquement un développement de ce que j'étais condamnée à devenir ? Probablement... De toute façon, jamais je n'en découvrirais la solution. Petit à petit, je comprenais un peu plus ce qu'étais... non... qui était la jeune Ombre face à moi. A passer mes nuits dans les bas quartiers de la ville, j'avais entendue des rumeurs... été spectatrice de beaucoup d'évènements que l'on jugerait immoraux... Et la présence de puissantes familles d'assassins n'était pas à ignorer. L'humain, dans sa quête de puissance éternelle, avait toujours eu besoin de se débarrasser de concurrents un peu trop envahissants... ou bien de se venger de tel ou tel personne qui avait pu le blesser. C'est assez logique de penser que d'autres humains ont pu trouver là un moyen de se faire de l'argent... "Combien vaut une vie ?" Beaucoup répondront qu'elle n'a pas de prix... alors y mettre fin coûte très cher. Oui, Kanaë devait être une assassin issue d'une grande famille. C'était maintenant évident.

Avais-je peur pour autant ? Non. J'étais moi-même une meurtrière. La différence était que je l'étais devenue, alors que la jeune fille avait été élevé en tant que tel. Elle n'avait pas eu le choix, on lui avait tout imposé depuis sa naissance... Apprenez à un enfant que tuer est normal depuis qu'il est en âge de comprendre une phrase et cela lui paraitra alors l'acte le plus naturel du monde d'assassiner d'autres hommes. Son éducation avait du être bien difficile... du point de vue d'une personne extérieure comme moi, qui avait été élevée dans le but de servir un mari. Il était évident que si elle désirait changer de vie, elle allait tout d'abord devoir apprendre d'autres façon de vivre... et l'on n'oublie pas son éducation comme ça. J'en ai eu l'exemple quand stupidement, j'ai crus qu'en avouant mes crimes et ceux de ce monstre, la peine que j'encourais serait allégé. "Fautes avoués à demi-pardonnés" me répétait ma nourrice. Foutaise. J'aurais du me taire et fuir, comme le font tous ceux ayant un jour du tuer. Peut être que finalement, même si ma sœur n'a rien fait pour m'aider... je suis la plus fautive concernant ma mort... Non. C'est à cause de mes parents que j'étais -et suis encore- ainsi. Ma famille est la seule coupable. Je suis innocente et c'est dans mon droit de vouloir me venger. Je n'ai rien fait de mal, assurément.

<< Je comprends ta situation, je crois. J'ai été élevée comme une future maîtresse de maison et j'ai du faire face à la réalité du monde et à la véritable nature de mon mari. Il m'a fallut changer, pour ma survie. Bien entendue, ce n'est pas la même chose pour toi. Tu n'est pas obligée de changer, mais tu en as l'occasion. Ce n'est surement pas la voie de la facilité que tu emprunteras en souhaitant avoir une nouvelle vie, différente de ce que tu as toujours connue. Mais tu es la seule à pouvoir décider de ce que tu feras demain. Tenter de changer en quelque chose d'encore inconnue ou bien reprendre tes activités d'autre fois. >>

Son cas était loin d'être désespéré. Elle avait une infinité de choix qui s'offraient à elle, tous plus ou moins difficiles. Passer le restant de son existence ici... Devenir quelqu'un d'autre... Continuer à exercer son "métier"... Retourner auprès des siens -bien que cette solution ne me semble pas envisageable-... Malgré le fait qu'elle était devenue une Ombre et que pour le moment, elle ne possédait ni véritable corps, ni capacité à sortir d'ici, je la trouvais fort chanceuse. Mais moi, qu'est-ce que j'avais comme possibilités d'avenir ? Arrêter de chercher ma tête et tenter de me débrouiller sans ? Non, la douleur que je ressens constamment est trop forte. Je ne pourrais rien faire tant que je ne l'aurais pas retrouvée. Mais au moins, j'avais un objectif réel qui me poussait à aller de l'avant... et condamnait peut être par la même occasion cette autre personne gentille que j'étais à disparaitre... Je me demandais alors, après toutes ces bonnes actions que j'avais pu faire, si les dieux n'auraient prit en compte que mon dernier acte avant ma mort... Serais-je allée au paradis ou en enfers ? Il me faudra un jour le leur demander... bien que comme toujours, mes questions resteraient sans réponses...

Je l'avais regardé un peu surprise quand elle m'avait dit qu'elle croyait me comprendre. Visiblement, elle aussi avait eu une vie ou on lui avait dit quoi faire, comment agir, sans même lui expliquer quelque chose n'allait pas dans ce comportement. Certes ça restait quelque chose de différent, mais en même temps c'était assez similaire. On avait tous deux vécu de la façon que nos parents le voulaient, sans doute sans se posée la moindre question. Et finalement on s’était rendu compte que ce n'était peut-être pas la meilleure des façons de faire, qu'il y avait autre chose. Est-ce que l'on avait toutes les deux voulu changer ? Si c'était le cas, pourquoi est-ce que ça avait fini ?

-En faite, si je comprends bien, on a toutes les deux voulu connaitre autre chose, mais si on voulait quelque chose que l'on pouvait juger mieux, même si on ne s’en rendait pas vraiment compte. Pourquoi est-ce qu'il a fallu que ça nous coûte la vie ? Pourquoi n'avons nous pas pu atteindre ce changement sans payer un prix assez lourd ? Je sais que la vie n'est pas toujours juste, mais là je trouve qu'elle va trop loin. Surtout que nous ne sommes certainement pas les seuls à en avoir souffert. Enfin je ne sais pas dans ton cas, mais moi... m*rde pourquoi est-ce qu'il fallait qu'elle aussi perde la vie, elle ne le méritait pas elle était tellement gentil...

Repenser à elle faisait naitre en moi un sentiment de rage que j'allais avoir du mal à contrôler si ça continuait. Mais je trouvais cela tellement injuste que je ne savais pas faire autrement. J'en voulais à mon frère qui avait commis le crime, j'en voulais à mes parents qui ne m’avait pas laissée vivre ma vie comme je le souhaitais. Quelque part je lui en voulais à elle de ne pas avoir compris le danger que je représentais. Mais surtout j'en voulais à moi même. Car j'avais beau me dire qui avait commis, qui avait donné l'ordre, ça ne changeait rien. Si j'avais pris la décision qu'il fallait a l'estoque, rien de tout ça ne serait arriver et ça personne n'arriverait a me l'enlever de la tête.

- Mais toi comment tu as fait ? Visiblement toi aussi tu as été élève d'une manier sans connaitre autre chose. Comment as-tu réussi à prendre la décision de vouloir changer et comment y arrives-tu maintenant ? Depuis ta mort, tu te comportes certainement plus de la même manier qu'à l'époque ou tu vivais avec tes parents n'est-ce pas ? Pourtant de ce que tu me dis et de ce que je voie, j'ai comme l'impression que tu me parles de deux personnes totalement différentes. Comment as-tu réussi à changer à ce point ? Est-ce que quelqu'un t’a aidé ? Ou est ce que c'était plus par ce que tu avais plus d'occasion de voir le monde ou quelque chose comme ca.

En voyant d'autres modes de vie, je supposais qu'elle était capable de se rendre compte que quelque chose n'allait pas et du coup elle arrivait a comprendre que quelque chose n'allait pas et qu'elle pouvait vivre d'une autre manier. Mais encore fallait-il avoir le courage de changer aussi et elle l'avait eu. Je me demandais vraiment comment elle avait réussi à passer le pas. Bon d'accord, comme je lui avais dit, le fait qu'elle puisse sortir devait quand même assez bien l'aider, je doutais qu'elle restât enfermer. Mais moi j'étais complètement recluse dans cette maison qui me rappelait pourtant tant de mauvais souvenirs. Qu'est ce que j'allais pouvoir faire maintenant ?

-En faite, je me dis que vu que toi tu as réussi, peut être quand m'expliquant un peu ce qui c'est passer pour toi, j'arriverais a comprendre et du coup je pourrais prendre exemple en quelque sorte tu comprends ?

Si elle acceptait de m'expliquer, je crois que j'aurais vraiment plus facile, car j'aurais au moins quelque chose sur quoi me baser et j'aurais moins l'impression de me jeter dans le vide. Enfin, encore fallait-il qu'elle accepte de m'en dire un peu plus et s’ait, elle n’en était pas obligée.

La jeune Ombre se mit soudain à me poser beaucoup de questions à la fois et je commençais à mieux percevoir ce qu'elle désirait. Toute notre vie et notre mort tournait désormais autour d'une seule notion. Le changement. Et nous n'en étions même pas au chapitre de se poser la question de changer en bien ou en mal - pour moi, je ne me posais pas cette question, c'était une certitude, la nouvelle Melody était d'une nature bien plus sombre que l'ancienne - mais au passage de notre vie qui nous demandant d'accepter cette possibilité de changement et d'œuvrer dans son sens ou non. Même si ma personnalité profonde avait radicalement changé de ce que j'étais à l'époque où je vivais encore avec mes parents, il me restait encore le choix de me laisser aller à cette nouvelle facette de mon esprit ou bien de le repousser aussi fort que je le pouvais et de m'accrocher à ce que l'ancienne moi était. Et ce choix, je savais au fond de moi qu'il n'était pas encore décidé, bien que ma volonté ferme de me venger de ma sœur et de me servir d'elle était inébranlable. Je pouvais tout aussi bien me montrer violente dans mes propos uniquement vis à vis d'elle et de rester ouverte aux autres, comme je le faisais ici avec Kanaë. Tout dépendait de ce simple choix de vie, à l'heure où je me trouvais à l'intersection de mon chemin de vie... Me laisser aller à devenir mauvaise ou bien résister et rester tel que je l'étais. Même si nos proches ou simplement les personnes que nous croisions ont le pouvoir de nous influencer, la décision finale nous revient de droit et il me semble que nous devons nous battre avant tout pour garder cette liberté de choisir.

Maintenant, il me fallait me demandé ce qui avait provoqué ce fameux changement qui s'opérait malgré moi dans mon esprit. L'homme qui m'a révélé ma nature de Dullahan avait mentionné le fait que cette renaissance en cet être sans tête si unique était étroitement lié à ce que je ressentais. L'Ombre soulevait un point important auquel je n'avais pas encore réfléchit... Pourquoi ce changement ? En quoi était-il nécessaire ? Et en y réfléchissant mieux... n'avais-je pas déjà commencé à devenir une autre moi lorsque mon mari me révéla sa véritable nature et ses dessins à mon sujet ? La réponse était oui. Lorsque je me remémorait la jeune demoiselle innocente que j'avais jadis été, au grand jamais je n'aurais pu imaginer cette image innocente de mon être commettre un crime. Et pourtant... j'avais au bas mot mit à mort une dizaine de personne... et ce qui était peut être le plus alarmant est le fait que j'en ai ressentie une joie et une satisfaction intense. Je devais donc remonter à cette époque là pour répondre à Kanaë et l'aider du mieux que je le pouvais.

Les Aetheri sont bien capricieux et j'ai bien l'impression qu'ils aiment nous mettre à l'épreuve de la pire façon qui soit... Tu ne pourras jamais savoir pourquoi vous en êtes arrivé à mourir, elle et toi. C'est une suite de cause à effet bien trop complexe et douloureuse à suivre... Il te faut te focaliser sur le présent, c'est tout ce que tu peux faire dans ton état. Peut-être que le temps du changement n'était pas venu, tout simplement. C'est impossible à dire précisément...

Effectivement, j'ai été élevée dans le seul et unique but de servir au mieux un mari, de tenir une maison et de procréer. Mes parents m'ont marié à un riche marchand, et au début, j'étais heureuse de ce changement de lieu de vie. Mais il s'est avéré bien vite que cet homme que j'ai épousé ne me voyait d'aucune autre façon que comme une de ses marchandise... Cette vérité et les souffrances que j'ai endurés ont été comme une gifle donnée par la vie elle même. J'ai changé dans la douleur et dans la peur, et si je ne l'avais pas fait, je serais morte. C'est mon instinct de survis qui m'a poussé à changer, c'était instinctif. C'est encore aujourd'hui, même après avoir vécue l'expérience de la mort, la pire leçon que la vie m'ait donné. Et lorsque je repense au tout début de mon mariage, je revois des signes avant-coureurs de ce qui allait se produire, mais j'étais encore bien trop innocente et naïve pour les voir. Ce changement qui s'est opéré en moi et qui m'a fait passé de la jeune fille innocente à la meurtrière que les juges ont décrit le jour de mon procès... Ce changement s'est opéré afin que je survive. Et quelque part, oui, j'ai échoué, mais je vois ma nouvelle vie de Dullahan comme l'occasion de recommencer et de ne pas refaire les mêmes erreurs.

Je ne sais pas si te raconter mon histoire plus en détail pourra t'aider, mais sache que je comprends ta situation et que je t'aiderais autant que je le peux et que tu le désire. Et ne t'inquiète pas pour moi, cela ne me tuera pas.

J'espérais sincèrement pouvoir lui rendre service et lui éviter tout ce que j'avais bien pu subir. Cette douleur, je ne la souhaitais à personne, hormis ma sœur, bien entendue. Kanaë me semblait relativement perdue et finalement, même si c'était d'une tout autre manière, ignorante de ce qu'était véritablement la vie. Je me rendis alors compte que tout cela, tout ce qui nous était arrivé, était la faute d'une seule et même chose commune. Notre éducation. Je ne désirais avoir d'enfant, mais si un jour, cela m'arrivait, je souhaitais de tout mon être ne pas commettre l'erreur de bercer ma progéniture dans l'illusion d'un quelconque mode de vie. Et il me sembla alors que cette fameuse quête du bonheur dont tous les humains parlent tant passe avant tout par la connaissance de la vie. Une vie bien complexe, aux multiples visages et aux multiples choix qui s'offrent à nous tout au long de notre existence. Exister... oui... voilà une chose bien compliquée.

Les Aetheri? À oui ces êtres que l'on disait puissant, des sortes de dieux au multiple pouvoir. Je n'avais jamais vraiment arrêté mon opinion sur eux, tout simplement, car je m'en fichais qu'ils existent ou pas. Même si maintenant que je le trouvais dans cette situation, peut être que ça m'aurait été quelque peut utile de le savoir, car ils devaient certainement connaitre un moyen de me sortir de là. Enfin comme elle le disait, ils jouaient avec notre destin, alors bon, j'avais quelque doute.

- C'est compliqué de se focaliser sur quelque chose que l'on n’a jamais fait. Je veux dire, depuis toujours mon présent était donc d'obéir aux ordres et me retrouver libre de mes choix, c'est... flippant quelque part ? Je n'aurais jamais penser a devoir le faire, je ne pensais pas devoir apprendre a le faire et pourtant. Je t'envie quelque part, pas pour ta mort et ton état bien évidement, mais tu as déjà réussi a passée cette étape, enfin en même temps c'est peut être trop différent pour que l'on puisse réellement comparée, mais bon, au moins tu sais exactement quoi faire, tu as ton but.

Même si on pouvait le juger non louable pour les yeux des autres, au moins elle savait comment avancer et c'était déjà pas mal. J'avais souri a se dernière phrase, c'était quelque peut amusant de l'entendre alors que nous étions toute les deux mortes quelque semaines auparavant. Elle m'avait expliqué plus en détail ce qui lui était arrivé, étrangement, je trouvais cela injuste pour elle. Après tout, elle avait juste fait ce que l'on lui demandait, enfin jusqu'à maintenant en tout cas. Est-ce que l'on pouvait vraiment lui en vouloir pour ce qu'elle avait fait ?

- Tu recherches ta soeur, car elle ne ta ne pas aider, mais tes parents ? Ne sont-ils pas la base de tout ton malheur ? Ses eux qui ton marier a quelqu'un qui ne valait pas la peine et qui a fait de ta vie un cauchemar, pas ta soeur. Enfin, maintenant, je ne sais pas quel âge ils ont, peut-être sont ils déjà morts ?

Pour moi c'était eux les premiers responsables, tout comme les miens étaient responsables non seulement de la mort de mon amie, mais en plus de l'éducation que j'avais reçue. Donc elle devrait aussi vouloir se venger d'eux non ? Ou peut-être que justement son éducation lui permettait de comprendre ses parents ? Ce qui était possible, même si personnellement je ne crois pas que je le comprendrais réellement.

- En faite ces injustes, tout ça par ce que ton mari était quelqu'un d'influent, tu aurait du te taire et ne jamais réagir ? En faite, je me demandais quelque chose. Pourquoi est-ce que tu n'as pas essayé de fuir ? Tu serais arrivé a un meilleur résulta tu ne crois pas ? Enfin, d'après ce que j'ai compris, quand tu auras trouvé ta tête ça ira mieux pour toi, si j'arrive a sortir d'ici, je t'aiderais, je chercherais de mon cotée si je ne trouve pas des informations sur celui qui la détient actuellement.

Ce serait un juste retour des choses. Certes j'étais toujours coincée, ses paroles m'avaient quelque peu rassurée, sans réellement me soulager pour autant et je savais que mon état n'irait pas en s'améliorant avant un bon moment. Mais au moins maintenant je savais exactement ce que j'avais à faire et si c'était le cas, c'était bien grâce à elle. Il fallait juste que j'arrive à mettre en pratique tout ce qu'elle m'avait dit maintenant et quel meilleur moyen que de la remercier de la sorte ? Je n'allais pas partir a sa recherche a proprement parler, ce n'était pas a moi de le faire, elle voulait que ce soit sa soeur, mais je pouvais toujours rechercher quelque information a son sujet qui sait.

Je sentais petit à petit que nous arrivions au terme de cette discussion. Parler ainsi avec cette jeune fille qui se trouvait être dans une situation similaire à la mienne m'avait fait le plus grand bien ! Grâce à elle, je parvenais désormais à mieux comprendre ce qui me poussait tant à vouloir m'en prendre à ma grande sœur, et à canaliser cet océan de haine que je ressentais contre elle. Tout était clair dans mon esprit, et c'était une véritable chance en soit. Mon plan était précis, et quoi de plus merveilleux que de savoir avec précision quel chemin de la vie emprunter ? Jusqu'ici, je n'avais jamais eu de choix. Condamnée à obéir à mes parents, à ma nourrice, puis à mon mari et au final, courber l'échine sous le poids de la sentence prononcé par le juge, qui me priva de ma tête. Aujourd'hui, tout était différent. J'étais peut-être recherchée, mais je me trouvais libre d'aller où je le souhaite et d'agir comme bon me semble. Je suis déjà morte, c'est un fait, alors à moins de me laisser enfermer, que pourrait-il m'arriver de pire ? Une forme de bonheur naquit de ma haine prenait place en moi, de manière assez malsaine... Je me retrouvais en quelque sorte au dessus des lois, puisque même celles-ci ne purent me priver de ma vie et de ma liberté de penser. Les Aetheri régnaient peut-être en maîtres sur nos destins d'êtres humanoïdes, mais pour ma part, en renaissant Dullahan, j'avais de plus en plus l'impression de m'être affranchie de leur main-mise sur mon existence. Et cela avait quelque chose de particulièrement jouissif ! Mais je m'égarais, et les heures tournaient bien plus vite que je ne le pensais ! Il était temps que je réponde à Kanaë.

<< Si l'on t'avais prévenue que tout ceci allait arriver, cela n'aurait plus eu lieu d'exister ! Il te faut transformer tout ce qui t'arrive en une plus grande force que ce que tu as connu. Mon but, je me le suis inventé. Rien ne m'assure, au fond, que retrouver et torturer ma sœur arrangera mes problèmes; mais pourtant, c'est ce que j'ai décidé de croire et je n'en démordrais pas tant que je ne serais pas arrivée au bout de mon but. Trouve-toi un but, peut importe ce qu'il est, et n'en change pas tant que tu ne l'auras pas accomplit. C'est le moyen le plus rapide d'avancer dans la "vie", à mon sens. >>

Lorsque j'écoutai Kanaë me questionner sur l'implication de mes parents concernant mon malheur, il est vrai que je n'avais pas songé un seul instant à leur responsabilité ! Je la remerciais intérieurement de me faire pencher sur cet intéressent point de vue... Oui, ils m'ont mariés... mais curieusement... Je garde l'intime conviction qu'ils ont fait cela en pensant bien. Probablement beaucoup plus au bien de leur bourse qu'au mien, mais cela restait néanmoins dans une bonne optique, et pas celle de me faire souffrir. Et après tout... personne ne le connaissait sous sa véritable apparence, perfide serpent que ce monstre était, caché sous de bonnes manières et de grands sourires hypocrites ! Nombreux et nombreuses étaient les hommes et les femmes qui se firent détrousser par ses pupilles de requin ! Non... si je devais reprocher quelque chose à mes parents, ce serait probablement de ne pas avoir cherché plus que cela un meilleur partit pour moi, à l'instar de Milady et de son Juge. Ma vie aurait probablement été aussi douce que la sienne... Et je n'aurais pas tout ce sang sur mes mains. Mais bon, de toute les façons, on ne refait pas le passé et à trop imaginer une histoire que je vivrais jamais, je risquais bien de m'empoisonner et de tomber dans une profonde mélancolie.

<< Mes parents étaient ignorants de celui qu'était réellement l'homme à qui ils m'ont mariés. Tout comme on ne peut en vouloir à un enfant qui casse par erreur un objet important pour nous, je ne peux pas leur en vouloir de m'avoir fait subir quelque chose dont ils n'imaginaient même pas l'existence. Et puis après tout, leur seul but était de me trouver un riche mari qui saurait subvenir à mes besoins et honorer la réputation de notre famille. Soit un but plus qu'honorable pour des parents qui ne s'intéressaient pas plus que cela à notre existence, à Milady et à moi. Et puis... je ne sais même pas ce qu'ils sont devenues... Ce sont des gens pour qui le voyage prime sur la vie de famille. Ma sœur est la vraie responsable, car elle avait le pouvoir d'agir afin que je ne perde pas la tête. >>

Et puis de toute manière, même si je parvenais à retrouver la trace de mes parents, que pourrais-je bien leur dire ou leur faire ? "Votre fille s'est faite décapitée pour avoir tué son mari !" ? Non, c'est idiot et cela ne m'apporterait même pas la moindre satisfaction personnelle... Tout ce que je pourrais obtenir d'eux serait de l'argent, et je n'en ai que faire à présent où les contraintes physiques de survie habituelles ne m'entravent plus. La simple idée de les rencontrer à nouveau ne provoquait en moi qu'un vague sentiment d'inintérêt. Je me demandais si il en était de même pour la traitresse, qui avait toujours fait preuve d'un grand respect et d'une belle démonstration écœurante d'amour pour nos géniteurs... Avait-elle cherchée à les revoir après notre départ du domaine familial ? Si c'était effectivement le cas, cela me ferait un argument de plus afin d’alourdir sa conscience... Égoïste grande sœur qui rends visite à ses parents mais pas à la personne qui avait toujours partagée sa vie jusqu'ici... J'en frémissais de joie rien qu'à m'imaginer son visage meurtrit lorsque je lui annoncerais la cruelle vérité...

<< Si j'avais gardé le silence, il aurait vendu jusqu'au moindre organe que possède mon corps ou bien aurait laissé certains messieurs m'user comme bon leur semblait et je serais morte de toute façon. Là, au moins, il ne nuira plus à personne. Et je ne pouvais pas non plus fuir... un homme de son importance, marchand qui plus est, avait un réseau très complet d'hommes à son service. Il m'aurait retrouvé avant même que je parvienne aux portes de la ville. Non... je crois que je n'avais pas d'autres choix que de l'assassiner pour vivre. >>

Plusieurs fois, j'avais été témoin de ce qu'il avait fait subir à ceux qui avaient tenté de se montrer plus intelligents que lui... Plusieurs fois, je l'avais vu rouer de coups de pauvres femmes qui ne lui avaient pas apportés assez d'argent ou avaient refusés de lui obéir... Et plusieurs fois, je l'avais vu ordonner la mort de tel ou tel personne qui était venue implorer sa clémence... et dont j'avais du ensuite nettoyer les restes... Cet homme était un monstre et la peur m'avait toujours empêché d'agir. Jusqu'à ce que je rencontre cette femme qui m'avait vendue ce délicieux poison, clef de mon salut et de ma condamnation... Il me faudra d'ailleurs penser à la remercier et honorer ma dette dès que j'en aurais l'occasion ! La dernière proposition de la jeune fantôme, quand à elle, me surpris agréablement ! Je ne m'attendais pas à ce que cette dernière me proposa son aide, et il vas s'en dire que je ne pouvais décemment pas refuser une main tendue de la sorte ! Elle devait être capable de se renseigner bien mieux que je ne le ferais, avec mes manières qui restaient trop proches des mondains... Si j'avais pu, mes yeux se seraient illuminés de joie et d'intérêt. A la place, je me contentais de poser une main sur son épaule translucide, mimant le fait que je la touchais, en signe de gratitude.

<< Je te remercie pour ta proposition, et sache que si jamais tu parviens à sortir d'ici et à m'aider dans la recherche de ma tête, je serais te récompenser comme il se doit. Si je peux faire quoi que ce soit pour t'aider, n'hésite pas un seul instant. Le jour vas bientôt se lever et je vais devoir me remettre en route avant que des gardes n'arrivent dans cette rue... Mais sache que je reviendrais, et je suis persuadée que l'on se reverra. >>

J'attendais en scrutant la fenêtre ce qui allait probablement être les derniers mots que nous allions échanger pour cette rencontre. Déjà le soleil perçait les interstices du bois sombres de sa lumière jaune aveuglante, et bientôt, c'est tout le quartier résidentiel qui allait s'éveiller et entamer une nouvelle journée remplit de peines et de joie, de mort et de vie. Mon chemin était encore long, et je savais pertinemment qu'il serait semé de nombreuses embûches, mais j'avais fois en mon avenir, et ces paroles échangés avec la jeune demoiselle resteront gravés dans ma mémoire. J'avais hâte ! Si hâte de revoir ma chère sœur ! Et j'imaginais alors un sourire des plus sadiques se dessiner sur mon visage, à défaut de ne pouvoir encore le faire...

Me servir de ce que j'avais vécu ? L'utiliser pour que ça devienne une force ? Pourquoi pas, j'avoue même que je trouvais l'idée assez bonne. J'espérais seulement que ça porterait vraiment son fruit à l'avenir. Mais ensuite ? Elle me parlait donc de me trouver d'un but et qu'une fois que je l'aurais trouvé, je ne devais pas m'en éloignée, que je devais tout faire pour réussir a l'atteindre. Oui je veux bien, mais quand ? La vengeance comme elle ? C'était ce qu'elle voulait, pourtant elle-même n'était pas certaine du résultat final de son acte. Du coup, est-ce que l'on pouvait conclure que c'était une bonne idée ? Je n'en étais pas certaine et puis, quelque part oui je pouvais me venger a mon tour, mais pour le moment je n'étais simplement pas assez forte...

- Je crois que la première chose que je dois faire, ces devenirs plus forts, aussi bien physiquement bien évidement, mais mentalement. Mais ça me semble vraiment compromis. Enfin je verrais bien avec le temps, je suppose. Mais oui, je crois que c’est la meilleure des choses que j'ai à faire pour le moment, je verrais bien par après. Après tout je suppose que je ne suis pas obligée d'avoir qu'un seul but.

Je fus cependant surprise quand elle me dit qu'elle n'en voulait pas à ses parents. Comment avait-elle réussi à avoir assez de recul pour se dire cela les concernant, alors qu'elle en était complètement incapable au niveau de sa soeur ? Quelque part je trouvais cela paradoxal, mais si c'était son avis, elle devait avoir de bonne raison de le penser. J'espérais seulement pour elle qu'elle ne faisait pas erreur. Car quelque part ses parents avaient certainement voulu réellement qu'elle soit heureuse, en lui donnant peut être de l'amour, même si c'était d'une manié différente de ce que l'on pourrait croire. Contrairement a mes parents qui m'ont vu que comme une arme, un nouveau moyen de leur rapporter de l'argent, d'accomplir plus de contrats.
Elle m'avait alors expliqué que pour elle, la fuite n'avait jamais été envisageable à cause des contacts qu'avait son mari un peu partout. Ces vrai que fuir quelqu'un comme ça n'était sans doute pas évident, tout comme je n'aurais jamais pu fuir mes propres parents, quelque part la mort était le seul moyen que j'avais trouvé pour gagner ma liberté, mais encore fallait il que je la trouve totalement, car pour le moment je me trouvais bien coincer dans cette fichue maison.

-Je comprend, vu tout ce que tu me dis, il aurait été vain de croire que tu y serais arrivé. Dommage que tu n'avais personne pour t'aider à l'époque, mais après tout qui t'aurait cru n'est-ce pas ? D'après ce que tu me dis il cachait bien son jeu, du coup personne n'aurait voulu croire tout ce qu'il te faisait subir, je suppose.

C'était un triste constat. Finalement, elle réagit plutôt bien a ma proposition d'aide, ce qui me soulageait, elle voulait me rendre l'appareil et je jetais alors quelque instant un regard vers cette femme. Je ne m'étais pas vraiment attendue à ce qu'elle me propose quelque chose comme ça.

-Ca ira, tout ce que tu m’as dit aujourd'hui me suffit largement. Je comprends que tu doives partir et j'espère que je pourrais bientôt te revoir dans un autre lieu. Dans tous les cas, comme promis j'essayerais de trouver des indices, soit sur ta tête, soit sur ta soeur.

Bon, quelque part ça me rendait triste qu'elle doive partir, mais je savais qu'elle n'avait pas vraiment le choix, mais l'idée de me retrouver à nouveau seul ne me plaisait pas vraiment. Il fallait vraiment que j'arrive rapidement à sortie d'ici une fois qu'elle serait partie.

Le jour commençait à se lever, illuminant les rues malfamées de ce quartier. Et tels des rats fuyant un navire qui prenait l’eau, je pouvais voir de la vermine de la pire espèce s’enfuir des divers maisons avoisinantes. Certains étaient peut-être des contrebandiers, des voleurs, des assassins ou des violeurs… et tous disparaissaient au coin d’une rue, par une porte dérobée ou bien enfourchaient vivement une pauvre monture avant de la rouer de coup, forçant leur départ. Il m’arrivait par moment de croire reconnaître un visage, une expression malsaine ou bien un habits, porté par ce que mon esprit détruit analysait comme appartenant à l’un de mes bourreaux. Je finis par parvenir à me soustraire de cette vision qui ne réveillait en moi que de vieux cauchemars bien réels.

Devenir plus forte physiquement et mentalement ? Cela me semblait d’une logique implacable, et je l’étais probablement devenue malgré moi au fil de mes douloureuses épreuves. Kanae avait raison sur un point… personne ne m’aurait crus à l’époque si j’avais dénoncé les agissements de mon mari… hormis ma sœur… ce qui ne faisait qu’alourdir encore le poids des reproches que j’avais à lui faire. Si elle ne s’était qu’un tant soit peu occupée de sa famille et de ce qu’il était advenue de moi, j’aurais pu la convaincre d’en parler à son mari, qui m’aurait alors assurément sauvée plutôt que condamnée… Je la détestais pour cet avenir dont elle me privait, et qu’elle devait me rendre par n’importe quel moyen.

« Personne ne m’aurait cru, sauf ma sœur, femme de juge. Mais elle était bien trop occupée par sa petite vie parfaite pour ne me rendre ne serais-ce qu’une seule visite. Elle m’a oublié et c’est cette vision d’horreur de voir sa petite sœur sans sa tête que je veux graver dans son esprit. »

Mais les minutes s’écoulaient avec une vitesse que j’aurais aimé pouvoir maitriser. Plus personne ne bougeait au dehors, et je craignais qu’il ne soit déjà trop tard pour m’enfuir de ce guêpier dans lequel je m’étais retrouvée. Il me semblait même entendre au loin le pas militaire des gardiens de la paix de cette citée. Je devais sortir, et vite… Alors, je me mis à faire les cents pas dans toute la pauvre maisonnée, à la recherche d’une porte de sortie bien plus discrète que celle qui m’amenait directement au dehors. Mais rien… si ce n’est une fenêtre… que j’allais donc devoir briser. Intéressent… Allais-je saigner ? Je m’approchais une dernière fois de la table, afin d’écrire mes dernier mots d’au revoir à cette jeune fille qui allait avoir un très long chemin à parcourir…

« Je suis certaine que nous réussirons à prendre notre destin en main. Ne perds jamais espoir et rappel-toi que désormais, tu n’es plus esclave que de toi même. Je pense que tu n’auras aucun mal à me retrouver… Et sur ce, je te dis au revoir, Kanae. »

Puis je reposais rapidement mon outil d’écriture avant de me précipiter vers la vitre. Je ne craignais pas de la briser, puisque son corps n’était pas matériel, et c’est donc sans la moindre hésitation que je me servis d’une chaise afin de la jeter difficilement sur le verre. Par chance, le fait que nous nous trouvions dans une bâtisse délabrée faisait que les fenêtres n’étaient pas plus solides que les murs… Elle se brisa dans un vacarme assourdissant, et j’entendis alors au loin un « par-là » prononcer. Je n’avais plus le temps, et ignorais les quelques petits bouts de verre qui s’étaient plantés dans mes mains et mes bras. Prenant mes jambes à mon cou, je fuyais ce lieu qui m’avait permis de faire cette si étrange mais utile rencontre, et disparus dans le dédale des rues du Quartier Résidentiel…