Promenade dans les égoûts
Solo

« Alors, euh… il me manque… juste une goutte de jus de chaussette. » Myrddhin s’éloigna de son matériel de potions et enleva sa chaussure. Il avait couru à travers les rues sur de bons kilomètres, désireux de sortir de son quartier à chaque fois qu’il complotait contre Fawëlysa, juste par précaution. Ses amis ne l’appréciaient pas et, pour tout dire, il avait peur des représailles s’ils le prenaient sur le fait. Cette semaine, il avait décidé de montrer à l’Alfare la puanteur de son âme en lui décoctant une potion qui shlingue. S’il avait bon et qu’il suivait la recette comme il fallait, quelques gouttes sur sa peau suffirait à insuffler une puanteur qui pouvait durer des jours. Son odeur de jus de chaussette l’accompagnerait partout : elle ne pourrait plus l’oublier, elle qui aimait tant se badigeonner de parfum tous les matins.

Soudain, un claquement abrupt résonna juste au-dessus de lui. Myrddhin sursauta et laissa tomber le cadavre de la fourmi qu’il était en train de dépecer pour en détacher une patte. Il eut à peine le temps de lever la tête et d’entendre les cris d’un vieux Monsieur qui portait le collier caractéristique des Nägs qu’une explosion le souffla et le projeta vers l’arrière. Une épaisse fumée noire s’amoncela au-dessus du chaudron miniature, répandant une odeur répugnante de cadavre mêlée de vieille chaussette autour de lui. Le garçon plissa le nez de dégoût mais sourit, fier de son œuvre involontaire. Au-dessus, l’homme toussa bruyamment. « Quelle infâmie ! Sale gosse, tu vas voir ! » Il pouffa en voyant une veine grossir sur le front du Näg, mais il se tut quand il commença à enjamber la fenêtre pour sauter sur lui.

Une décision rapide devait être prise : il devait sacrifier son chaudron miniature et fuir. Alors il se leva et prit les jambes à son cou. Le garçon courut à toute vitesse à travers les ruelles du quartier des tanneurs sans oser se retourner. Il entendait l'Alfar souffler bruyamment en le coursant : il ne l'avait pas encore semé. Soudain, il remarqua une voiture qui était à l'arrêt en plein milieu des pavés, les chevaux se grattant tranquillement en attendant de repartir. Il se glissa dessous maladroitement et tourna à gauche, espérant que le domestique ne le voit pas. Mais en se retournant, il constata qu'il avait la capacité de voler ; il s'était élevé au-dessus de la voiture et avait ses yeux bleus fixés sur lui, prêt à en découdre. Myrddhin se retourna et eut tout juste le temps de constater qu'il arrivait au bout d'une voie sans issue. Il ralentit et s'écroula à moitié contre le mur de pierres. Il était coincé ! Comment allait-il faire ?

Alors, son regard se posa sur son salut : une petite ouverture à ras du sol —trop petite pour le domestique, mais suffisante pour l'Orine. Peut-être. Il n'en était pas certain, mais il n'avait pas le choix : c'était un mauvais grimpeur et les grilles du portail, son autre seule issue, lui donnaient la frousse. Il se détourna du domestique et courut vers l'ouverture qui s'enfonçait dans l'obscurité. Il s'allongea parterre et rampa comme une larve. Il rentrait dans le trou, mais il était si petit qu'il pouvait à peine bouger à l'intérieur. Sa progression était lente. Soudain, il entendit la porte céder derrière lui. Les battements du palpitant de Myrddhin s'accélèrent et il se tortilla plus vite. Un liquide visqueux se repandait sur ses mains et partout sur ses vêtements, accompagné d'une odeur d'humidité latente, comme un vieux marais. Mais il s'en fichait.

Soudain, ses mains plongèrent dans le vide : l'ouverture débouchait sur un couloir. *Enfin !* Il continua à se tortiller, contre la pierre mouillée et tendit les bras pour ne pas tomber tête la première. Il y était presque. Mais d'un coup, il se sentit reculer : la saleté de Nag lui avait pris la cheville et le tirait vers lui. Sa rage explosa et il se débattit de toutes ses forces. Il continuait à glisser et tenta de se raccrocher à ce qu'il pouvait, mais les parois étaient trop humides. Enfin, sa main droite rencontra une résistance. Il s'y agrippa de toutes ses forces et tenta de se défaire de la prise de l'Alfar en secouant les pieds. Il avait trouvé une irrégularité dans la paroi de pierre et parvenait à regagner du terrain, petit à petit. Soudain, il sentit la prise de son adversaire se relâcher. Myrddhin n'eut pas eu le temps de réagir : il se hissa vers l'intérieur de l'égoût et, emporté par son élan, atteignit le trou et s'engouffra dedans, la tête la première. Il poussa un cri de surprise et parvint à se retenir sur le muret avec ses chevilles. Ce fut assez pour retenir sa chute une seconde, mais il glissa à cause de l'humidité et s'effondra enfin parterre.

Il fallut quelques secondes à l'Orine pour s'habituer à l'obscurité et à distinguer les couloirs de l'égout. Deux choix s'offraient à lui : ressortir ou poursuivre dans un passage bas. Le problème étant que l'Alfar pouvait l'attendre à la sortie. Son regard se posa sur le passage et il s'accroupit pour tenter d'en voir le bout, mais il distingua seulement la forme de racines qui recouvraient une partie du passage. Myrddhin n'appréciait guère se salir, mais il se sentait à l'aise dans les lieux humides et sombres comme ces égouts ; ils lui rappelaient les cachots des Mayfair et les doux cris des esclaves sous son emprise. Ce dernier ferma les yeux et s'imprégna de ses précieux souvenirs. *Ah... Amestris... mon doux et cruel foyer.* Puis, revenu à la réalité, il posa ses mains sur le sol froid et rampa dans le passage sans savoir où il allait. Le principal étant qu'il s'amusait follement.

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