*Je dois faire profil bas… ouais, ouais, c’est ça,* pensa ironiquement Zachary. Il se remémorait les injonctions répétées de sa responsable pédagogique. Une semaine après son retour après sa suspension de trois mois, elle l’avait convoqué dans son bureau pour “l’accueillir”, ou plutôt, le daronner. Les phrases toutes faites, semblables à celles de ses parents, se mélangeaient dans son esprit pour devenir une bouillie difforme. La mémoire du Lyrienn était sélective et celles-ci ne passeraient pas le filtre. Ce semestre à Basphel serait différent des précédents : désormais, il savait précisément où se trouvait la ligne qu’il ne devait pas dépasser… ou du moins, pas trop. Cette fois, il serait plus stratégique. *A commencer par ne plus me faire avoir par des canons diaboliques comme cette Susannah…* songea-t-il en avançant dans les couloirs de Basphel.

Il laissait ses pas l’emmener là où il n’allait jamais habituellement, dans des coins étrangers. Alors, un bruit familier le tira de ses réflexions : un couple d’ados était en train de se bécoter dans l’embrasure d’un minuscule escalier en colimaçon près d’un pont, à l’abri des regards indiscrets —sauf du sien. Un instinct de voyeuriste, couplé par son manque récent d’affection et sa faim grandissante, fit soudainement exploser son taux d’hormones. Il n’avait plus de conquêtes à Basphel. En trois mois d’absence, tout le monde l’avait oublié. On avait pas pris de ses nouvelles, personne ne s’était précipité pour fêter de retrouvailles malgré que ce fût un événement extraordinaire pour l’école. Le retour du prodige… en silence. *Ce sera temporaire,* songea-t-il en reniflant bruyamment. Le couple l’entendit mais n’interrompit pas son échange horriblement tentant de fluides baveux. *Pfff, quel culot.* Alors qu’il s’engageait sur le pont, son regard s’attardait sur le sujet de son envie. Sa respiration s’accéléra et sa démarche se raidit, comme pour le préparer à quelque chose qui n’allait pas arriver.

Cela l’empêcha de réagir à temps quand il entendit des bruits de pas anormalement proches de lui. Zachary se retourna pour regarder devant lui et eut à peine le temps de discerner la silhouette féminine qui s’approchait. Le blond tenta de se décaler mais son corps refusa de lui obéir. Au contraire, ses talons se tournèrent dans l’autre sens pour aller tout droit sur elle. L’élève ferma les yeux en se préparant au choc sans comprendre, mais il n’en fut rien : il ralentit, sentit ses bras se lever tous seuls et se refermer délicatement autour des hanches de l’inconnue. Zachary ouvrit grand les yeux : son corps fut éléctrifié tout entier par le contact doux et chaud de la fille pressée contre lui. « Mmmmh », laissa-t-il s’échapper en renforçant sa prise contre elle, se concentrant de toutes ses forces sur ses formes féminines : les cheveux qui lui chatouillaient le cou et la cambrure de sa taille. *Elle est si bonne.* Un avant-goût de paradis que l’heureuse élue voulait certainement prolonger aussi, ayant le privilège de sentir les pectoraux saillants et les larges épaules du mâle alpha.

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Le sens du paradis

Kalandra - Slow Motion

Comme à son habitude, Mazda longeait les murs. C’était d’autant plus vrai en ces périodes d’affluence entre deux cours : elle baissait alors les yeux pour regarder ses pieds plutôt que la direction dans laquelle elle allait. Elle n’avait pas pu apporter son coussin son cours – la professeure qu’elle venait d’avoir, celle de mathématiques, était méchante, en plus d’enseigner une matière horrible – alors l’Eversha voulait se rabattre sur un épais manuel qu’elle comptait dégoter à la bibliothèque, juste le temps de supporter cette journée dépouillée de son doudou. Elle n’ouvrirait jamais le bouquin en question. Le seul objectif de ce pavé serait de rester entre ses bras et d’être pressé contre elle. Il lui était déjà arrivé de procéder ainsi. Les livres n’étaient jamais aussi doux et réconfortants que ses coussins, mais ils l’aidaient à canaliser son stress et lui occupaient les mains. En attendant, ses doigts étaient fermement accrochés aux lanières de son sac de cours. Ses griffes se plantaient délicatement dans le cuir et y avaient déjà laissé plusieurs marques d’usure prématurée. Ses parents n’allaient sûrement pas être contents, mais elle s’en fichait.

Alors qu’elle marchait d’un pas soutenu en essayant d’ignorer les élèves qui la frôlaient de plus ou moins près, Mazda bifurqua dans une allée plus déserte que celle où elle se trouvait alors. Ce n’était pas le bon couloir si elle voulait se rendre rapidement à la bibliothèque, et pour tout dire, elle ne savait pas trop quel itinéraire elle allait devoir prendre pour s’y retrouver, mais la foule d’élèves avait commencé à lui devenir difficilement supportable. L’étudiante s’embarqua donc dans un dédale qu’elle n’avait jamais parcouru auparavant. Depuis son arrivée à Basphel, elle s’était contentée de retenir les chemins les plus utiles et rapides pour se rendre à ses cours, aux dortoirs ou aux autres lieux indispensables qui animaient le campus. Aussi ne savait-elle rien des rumeurs qui circulaient sur l’endroit dans lequel elle s’engageait. Mazda regardait toujours ses pieds quand elle se vit dévier de sa trajectoire. Ses doigts se délièrent de son sac à dos et ses bras, engourdis par la tension, se tendirent devant elle. Quand ils tentèrent à nouveau de se rejoindre, ils entouraient un corps étranger. Sa joue s’était écrasée contre l’épaule d’un individu qu’elle ne connaissait pas et plongée dans une soudaine rêverie, Mazda se mit à ronronner. Cela ne dura qu’une seconde ou deux, durant lesquelles elle ne réalisa pas tout de suite ce qu’il se passait. Mais en émergeant, elle battit plusieurs fois des paupières et, prise de panique et engoncée par l’étreinte, elle poussa une sorte de gémissement angoissé. Comme cela ne suffisait pas à la libérer, elle se mit à se débattre, toutes griffes dehors.

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Zachary poussa un long soupir en tenant la jeune fille dans ses bras, laissant une sensation de chaleur agréable l’envahir. Pendant ce temps, son esprit imaginait toutes sortes de scénarii qu’il avait lus dans les magazines pour adultes. Il n’avait pas vu à quoi elle ressemblait, mais l’adolescent n’en avait pas besoin pour que ses hormones s’enflamment plus vite qu’un Lyrienn de Feu en rogne. Sa prise se referma légèrement sur l’inconnue, la pressant un peu plus fort contre lui.

Il serra son nez contre ses cheveux et inspira fort pour renifler l’odeur de sa cible. Elle dégageait quelque chose de bestial qui la rendait encore plus enivrante. Le blond jura même sentir la personne en question vibrer contre son torse et émettre une sorte de vrombissement, comme une chatte qui aurait ronronné. Le blond avait vu assez d’histoires avec des Evershas pour savoir que c’était souvent des coups extraordinaires, même s’il fallait parfois y laisser quelques cicatrices. L’heureuse élue en était-elle une ?

Sa dernière réaction effaça ses doutes quand elle poussa un léger gémissement félin. Zachary l’interpréta comme un encouragement et il se tourna pour apposer un doux baiser sur sa joue. Mais avant qu’il ne puisse s’exécuter, l’inconnue tenta de se défaire de sa prise. Confus, le blond la relâcha et sentit plusieurs griffures lui lacérer les bras et la joue. Il bondit en arrière et la toisa de la tête aux pieds. Il replaça sa mèche et afficha l’expression la plus dédaigneuse qu’il put. L’aguicheuse ! Elle se jetait sur lui puis le repoussait ? « C’est quoi, ton problème ? » Tonna-t-il en levant sa main et en la posant sur son cœur, blessé par son rejet inattendu. Puis, la vérité le frappa comme une évidence. « Ohhhh... je vois. T’es timide, c’est ça ? » Ajouta-t-il d’une voix plus douce, volontairement grave, pour lui proférer un air plus viril.

Elle avait l'air jeune et perdue, comme un petit chaton abandonné. « T’inquiète pas. On peut aller à ton rythme, tu sais. » Le blond fit un pas vers elle et leva les sourcils deux fois pour signifier qu’il restait ouvert à toute proposition. Néanmoins, il se retint d’approcher plus près, peu désireux de se reprendre des coups de griffe. « Il faudrait y aller doucement sur les griffures par contre. J’aime bien, mais pas dans tous les contextes… » acheva-t-il. C’était certainement la séquence de drague la plus bizarre qu’il avait vécue jusqu’ici. Mais le bizarre ne le dérangeait pas, tant que ça pouvait le mener dans son lit.

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Le sens du paradis

Missio - Losing My Mind

-Lâche-moi, lâche-moi, lâche-moi !

Avec un temps de latence, ces mots avaient fini par sortir de sa gorge, alors que son agresseur se soustrayait lui-même à ses attaques. A grands coups de pattes inutiles et grâce à un équilibre douteux, elle parvînt enfin à reculer à une distance raisonnable du garçon. Le visage crispé, le dos voûté, un pied devant l’autre et les jambes fléchies, elle dévisageait l’adolescent avec méfiance, prête à montrer ses crocs et à lui sauter dessus s’il avait la mauvaise idée de l’étreindre encore. Même si ses mains étaient le long de son corps, ses griffes étaient toujours sorties et prêtes à le lacérer de toutes parts.

-Hmmmmmm ! Fit-elle, dans une piètre imitation de grognement félin.

Cela ne répondait à aucune des questions du blond, qu’elle n’avait de toute façon qu’à peine entendues. Elle ignorait ce qui lui avait pris, pourquoi elle s’était blottie dans ses bras. Ça n’était pas dans ses habitudes de demander de l’affection auprès d’inconnus. Les êtres connus lui étaient déjà parfois aux limites du supportables. Mazda recula d’un pas lorsqu’il daigna s’avancer. Elle n’aimait pas du tout son mouvement bizarre de sourcils, qui laissait supposer qu’il avait des idées derrière la tête, même si elle n’était pas certaine de connaître les idées en question.

-Lâche-moi !

Elle ne comprenait pas ce qu’il ne comprenait pas. Elle devait mal s’exprimer, mais ignorait comment le lui signifier plus efficacement. Son attitude agressive ne lui suffisait-il pas ? Que voulait-il, qu’elle lui fît des phrases complètes ? Cet humain était bête. Ils étaient souvent bêtes, mais celui-là l’était particulièrement. Elle n’était même pas sûre de savoir de quoi il parlait :  quel rythme ? Pourquoi aimait-il les griffures ? C’était stupide. Il devait certainement se moquer d’elle ; il ne serait pas le premier à le faire, ni même le dernier. On riait déjà d’elle parce qu’elle faisait partie de cet étrange groupe de chats et de chiens qui était arrivé d’un seul coup à Basphel. Et aussi parce qu’elle ne fournissait que peu d’efforts pour s’adapter.

-Laisse-moi passer. Je veux aller à la bibliothèque… Je veux pas tout ça.

Si elle était assez agile, elle pourrait le contourner, le semer, puis se cacher derrière les grands rayonnages du fond, ceux où quasiment personne ne s’aventurait parce que les livres exposés étaient grands et poussiéreux, souvent ennuyeux, parfois obsolètes. L’Eversha considéra l’espace libre du couloir. Sa porte de sortie. Elle reprit le contrôle de sa respiration et son visage se détendit soudain. Ses pupilles passaient de son camarade à son point de fuite. Sa famille aimait compter jusqu’à trois quand il s’agissait de se lancer au cœur d’un défi, mais en tant que chat, elle n’avait jamais usé de cette technique. Elle n’en avait pas vraiment. Quand il fallait sauter d’un point haut à un autre, elle le sentait. Le problème était que son corps de bipède était lourd, massif, et ne lui permettait pas d’avoir cette même aisance qu’auparavant. Encore aujourd’hui, Mazda détestait être sous cette forme. Elle décida d’essayer la méthode des trois secondes. Elle égraina les chiffres dans sa tête, puis s’élança. Elle s’écarta le plus possible de l’insolent et courut à toute allure dans les couloirs.

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