Assise sur un muret, je sentis mon estomac gargouiller. Je m’étais arrêtée là à cause des frottements de mes cuisses. Le soir, souvent, de grosses marques rouges constellaient ma peau grassouillette. Marcher longtemps était une véritable torture, surtout lorsqu’il faisait chaud. Néanmoins, rien n’aurait pu m’empêcher de manger. Je me levai donc, en songeant à ces deux petites fouines de Phèdre et Iphigénie à cause desquelles j’avais dû laisser un Magicien me soigner. Elles avaient dû subir le même traitement. Je ne me laissais jamais faire, surtout par des pestes trop conformes aux attentes de la société sorcière. Elles me le paieraient. Dès que je me perfectionnerais, je ferais se développer sur leurs ongles des mycoses qui s’y accrocheraient jusqu’à leur mort. Ce ne serait peut-être pas la seule zone que j’infecterais d’ailleurs. Puisqu’elles me préféraient Léonidas et avaient visiblement choisi un camp au détriment d’un autre, elles venaient de rejoindre celui de mes ennemis. Tout comme lui, elles tomberaient.

Arrivée à la boutique de viennoiseries, pâtisseries et confiseries, mes yeux s’arrêtèrent sur une offre alléchante. Malheureusement, la place à laquelle devaient se trouver plus tôt les biscuits en forme d’Ublys était actuellement vide. « Excusez-moi, j’aurais voulu en acheter. Il n’y en a plus ? » « Eh non malheureusement ! Nous sommes désolés pour se désagrément, Madame. Nous venons de vendre les derniers. » Mon regard suivit le sien. De dos, une fille s’éloignait déjà. Je ne remerciai pas mon interlocuteur et partis à la recherche des biscuits. Elle voudrait très certainement m’en donner un, d'une manière ou d'une autre.

Lorsque je fus à ses côtés, au prix d’un effort surhumain et de beaucoup de sueur versée, je reconnus Susannah. Tout Basphel parlait d’elle. Il s’agissait d’une Sirène. Et si… ? « Je vois que tu aimes autant les gâteaux que moi. » constatai-je, avec dépit. Je me voyais mal la torturer pour qu’elle m’en donnât. Elle était impressionnante de près. Mais justement, je pourrais peut-être l’utiliser. « Phèdre et Iphigénie m’ont dit que tu fricotais avec mon fiancé, Léonidas Taiji… » commençai-je. « Pas que je t’en veuille. À vrai dire, je le trouve plutôt quelconque et inintéressant, sans vouloir t’offenser. Néanmoins, j’aimerais éviter que cela s’ébruite. Rien de mieux pour ruiner la réputation d’un Sorcier que tout le monde sache qu’il se compromet dans les bras d’une Sirène avant le mariage. » Rien de mieux, vraiment. « Et si les jumelles le savent, elles ne doivent pas être les seules… » Mes yeux louchèrent sur les friandises. La magie de soin avait réduit à néant tous mes maux et la puanteur de mon corps. C’en était navrant, déplaisant, comme l'étaient les bains. Seules mes cuisses étaient échauffées.

443 mots

Il paraît que Susannah et Léonidas fricotent
Muscarine & Susannah

☙ Poppy - Motorbike

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Susannah savourait son gâteau. Ce n'était pas un simple biscuit, c'était une récompense. Claer pouvait être ingrate tant qu'elle voulait, Susannah avait néanmoins sauvé sa vie, et tout l'équipage l'avait vue faire. Cette bonne action n'avait plus qu'à remonter aux oreilles du personnel enseignant pour qu'ils reconsidèrent sa réintégration à son équipe de Puffball, et ça, ça méritait bien qu'elle fasse une entorse à son régime. Tout n'était pas gagné et il en faudrait sans doute encore avant qu'elle puisse convaincre son petit monde qu'elle savait se tenir, mais elle ne baisserait pas les bras.

Ses dents sectionnèrent l'ublys sablé comme elle aurait voulu le faire avec ces fouines de jumelles. La couleur du biscuit était la même que leurs cheveux et Susannah mâcha férocement. Une voix à son côté l'arracha à cette façon détournée de s'en prendre aux pestes blondes, à défaut de pouvoir leur arracher la gorge comme elle aurait préféré le faire. Elle pivota et leva les yeux sur Muscarine, facilement reconnaissable par son physique disgracieux. Si elle en faisait abstraction, Susannah la trouvait plutôt insignifiante, un peu comme un cochon égaré hors de son enclos, et elle haussa un sourcil sans répondre, attendant de voir ce que la Paiberym lui voulait.

« Léoniquoi ? Qui ça ? » intervint la bleue avec froideur. Elle savait parfaitement qui était Léonidas mais ne voulait pas qu'on la croit à se soucier de cette engeance de rats au point de tous les connaître. Si elle pouvait passer toute sa scolarité sans se frotter aux Sorciers, ça lui ferait les écailles. Elle avait cependant entendu ça et là des rumeurs entre Lana et lui car ils avaient passé l'épreuve du labyrinthe ensemble mais n'avait pas cherché à en savoir plus, persuadée que son amie ne s'abaisserait jamais à fricoter avec une telle crapule. La blonde avait toujours su se respecter et rester élégante en toute circonstance, ce qui participait aussi au fait qu'elle rechignait à lui parler de Johannês. Il lui arrivait d'avoir honte d'avoir des rapports avec un Gælyan, puis se rassurait en se disant que ce n'était pas comme si elle allait l'épouser, il était juste un excellent moyen de passer du bon temps.

« Elles ont dit ça ? Et tu les a crues ? » Lentement, les yeux de Susannah descendirent la silhouette de Muscarine puis remontèrent se planter dans les siens. Un soupir exaspéré lui échappa. Ces fientes de mouettes méritaient qu'elle revienne sur ses pas pour leur redonner une leçon. Elle pensa au Puffball et ravala son ire renaissante. « N'importe quoi. C'est absurde. Je n'y toucherai pas avec un bâton. » persifla-t-elle, agacée. Elle en avait entendu des rumeurs, mais celle-ci valait son pesant de perles. « Je me fiche de ton fiancé, tu peux te le garder, ou le manger. Ça m'est égal tout comme je me fiche que ça s'ébruite. Non mais franchement. » Elle leva les yeux au ciel.

Message I | 511 mots

« Bien sûr, pourquoi remettrais-je en doute leurs paroles ? » avançai-je, d’une voix aussi huileuse que la graisse présente dans mes cheveux. « Leurs parents sont des personnalités importantes. Enfin, surtout leur père. » Puisque les femmes jouaient un rôle secondaire chez nous. Peu nombreuses étaient celles à sortir de l’ombre de leur époux. Il semblait que plus elles brillaient et plus elles avaient de chance de mourir vite. C’était l’inverse chez les Sirènes. « S’il savait que ses filles mentent sur un sujet aussi grave, dans le cas où elles mentent, elles subiraient probablement des sévices proches de la torture. » fis-je gravement. « Alors que si Léonidas mentait, ce ne serait pas si grave, par exemple. » C’était une réalité. Il me serait plus difficile de causer du tort à mon fiancé que l’inverse. Néanmoins, bête comme une balayette qu’il était, j’avais bon espoir de voir sa jolie tête rouler sur la terre ferme. Pas tant que son père serait Chancelier cependant. C’était un problème.

Je ris en l’entendant commenter, d’un rire gras et empli de sons ressemblant à des glaires. « Tu as bien raison. » Il valait mieux aller dans le sens de la délinquante, même si le faire ne me coûtait absolument rien. J’étais d’accord avec elle. « C’est exactement mon ressenti. Malheureusement, je devrai bien le toucher à un moment… » La chose s’était passée sur Boraür. Y penser me donnait envie de vomir. Vu tout ce que j’avais englouti dans la journée, il valait mieux que mes liquides gastriques restassent à leur place. « C’est vrai que ça ne doit rien te faire. Une rumeur de plus ou de moins sur tes activités dans les toilettes avec tous les garçons de l’école n’y changera rien. C’est triste que tout Basphel pense que tu es une fille facile… » soufflai-je de mon haleine fétide. « Alors que ce sont les garçons qui sont faibles. » amenai-je. Je haussai les épaules, afin de revenir au sujet qui me préoccupait. Je n’avais pas oublié les biscuits. « Dis voir… Je voulais m’acheter des gâteaux mais le vendeur m’a dit que tu les avais tous pris. Il ne t’en resterait pas, par hasard ? Je peux te les racheter si ce n’est que ça. » Mon père possédait une véritable fortune et était convaincu que la nourriture rendait puissant. Il ne se conformait pas aux standards des Sorciers. C’était grâce à lui, quelque part, que j’étais ainsi, à son image. J’émis un rot bruyant. « Excuse-moi. »

422 mots

Il paraît que Susannah et Léonidas fricotent
Muscarine & Susannah

☙ Tove Styrke - Say My Name

Mâchonnant lentement son gâteau, Susannah ne réagit pas sur le sort qui pouvait attendre les jumelles. C'était même une bonne chose si Muscarine disait vrai, ça lui épargnait l'effort d'avoir à les torturer elle-même pour les mensonges qu'elles répandaient sur son compte. De la même façon, elle ne se souciait pas beaucoup du schéma inverse aux Sirènes qui se jouait chez les Sorciers. Ce peuple n'avait rien compris, et c'était tout ce que la bleue avait besoin de savoir. Elle ne prenait pas en pitié ces femmes étouffées par ces codes aberrants. Elles n'avaient qu'à se rebeller et remettre leurs homologues masculins à leur place. Et puis, hommes, femmes, ils étaient tous méprisables ; tout le panier méritait d'être noyé.

Le biscuit à moitié mangé s'arrêta à mi-parcours, immobilisé par une des piques de l'imposante Sorcière. Il disparut dans le poing de Susannah et fut réduit en miettes sous la pression exercée. Ainsi, c'était ce qui se racontait à Basphel ? Qu'elle fricotait avec tous les mâles qui passaient ? Et alors ? Ces Gælyan qui se permettaient de la juger étaient des jaloux, des ratés qui n'avaient rien de mieux à faire, comme les blondasses qui méritaient d'aller voir le fond des toilettes de plus près. Avec toutes les horreurs qu'elles racontaient, elles ne verraient pas d'inconvénients à avoir un peu plus d'excréments dans la bouche.

Le rot émis par Muscarine fit reculer Susannah par réflexe. Le dégoût lui colla la chair de poule le long des bras et sur la nuque. « C'est sûr qu'on ne pourra jamais dire ça à ton sujet. » siffla-t-elle. Elle baissa ensuite les yeux sur son sachet de gâteaux, puis le fit basculer pour les faire chuter à ses pieds. Ses yeux remontèrent se planter dans ceux de Muscarine. « Ce que je peux être maladroite. Je n'en veux plus maintenant. Tu peux les prendre. De toute façon, il faut que j'y aille. J'ai une réputation à tenir et que je vois s'il y a des garçons de potables ici que je puisse ajouter à ma longue liste de conquêtes. Je commence à me lasser des Basphéliens, ce sont tous des gamins. » railla-t-elle. « À la réflexion, peut-être que j'irais bavarder un peu avec ton fiancé. Il est ici, non ? Comme ça, au moins, on ne dira pas des petites cafardeuses qu'elles mentent, je les sauve de la torture. Tu leur diras de venir me remercier à genoux. » Sur un sourire froid, Susannah pivota et la planta là, le dos raide de colère contenue.

Message II | 448 mots