L'oisillon

☙ Set It Off - Dangerous

Le souffle encore court, Zeryel passa la tête sous le jet d'eau brûlant sans s'encombrer de préliminaires. L'eau assombrit ses cheveux teintés avant de dévaler le long de son épiderme marbré de meurtrissures. Les yeux clos, il soupira en sentant ses muscles se dénouer un à un. Même ainsi, le bourdonnement ceinturant sa tête ne le lâchait pas. Les cris, l'adrénaline, les corps qui se heurtaient avec fracas formaient un maëlstrom enivrant. Physiquement, il avait quitté le terrain mais mentalement, il vibrait encore comme la corde trop tendue d'un instrument. Il grogna quand un filet d'eau roula sur sa pommette ouverte à la suite d'un malencontreux coup de genou, le ramenant à la réalité. Il secoua la tête pour se remettre les idées en place et se savonna sommairement, pressé de rentrer au dortoir. S'il se débrouillait bien, il aurait le temps de rédiger la fin de son article après avoir clôturé l'interminable montagne de devoirs qui s'était accumulée sans qu'il y prenne garde.

Il enfila son uniforme, s'agaçant sur le tissu qui s'accrochait sur sa peau encore humide car il avait été trop impatient pour se sécher entièrement, puis envoya son sac sur le dos pour ressortir en plein jour. Refoulant la fatigue qui le rattrapait maintenant que l'effervescence du match s'était évanouie dans les vapeurs des douches, il s'apprêta à déployer ses ailes pour rentrer quand une voix l'interrompit dans son élan. Il leva un sourcil sur le blond qui l'interpellait. Rassuré par son air amène, il sourit. « Salut. Merci. » Zeryel songea qu'il était un peu prématuré d'avoir des admirateurs mais, et son cœur cavala gaiement à cette pensée, peut-être se sous-estimait-il et que ses efforts commençaient à payer, même s'il n'était pas certain que l'entraîneur partage ce sentiment. Il s'était contenté de flatter son épaule sans rien ajouter avant de l'envoyer aux vestiaires.

Son sourire pénétré d'espoir se fana en écoutant la suite et il fronça les sourcils. La déception avait le même goût de terre que lorsqu'il chutait à plat ventre en trébuchant peu dignement sur le terrain. Ce n'était pas la première fois qu'on lui posait la question, et chaque fois, il se rembrunissait un peu plus. La célébrité de ses cousins n'était pas un cadeau, surtout au beau milieu d'étudiants à un âge où la moquerie était facile. Malgré tout, l'Ange s'efforça de conserver une expression neutre. Il n'y avait que curiosité dans l'océan candide des yeux d'Alcide et il se gratta la nuque, embarrassé. « Euh ouais. Mais je les ai jamais rencontrés. C'est un peu compliqué. » Il regretta aussitôt d'avoir d'avoir ajouté ça. L'autre voudrait certainement en savoir plus. Une question amenait une autre et Zeryel avait autre chose à faire qu'à parler de ses histoires de famille à quelqu'un qu'il venait juste de rencontrer. Et il y avait peu à dire. Leurs noms avaient rarement été prononcés dans son enfance, sinon avec un air relativement pincé, voire irrité. Aux rares questions qu'il avait pu poser, on lui avait vertement rétorqué de s'occuper de ses oignons s'il ne voulait pas finir comme eux avec son nom dans les journaux, soumis aux pires rumeurs. D'ailleurs, il n'avait jamais cherché à démêler le vrai du faux sur ces dernières. Actuellement, son monde était surtout concentré sur lui-même, trop pour se soucier des autres.

Désireux de ramener la discussion à ce qui le passionnait davantage, il interrogea le curieux à son tour. « T'aimes le Puffball ? Tu veux intégrer l'équipe ? » Son regard parcourut la silhouette du Taiji, le lustre ondulé de ses cheveux. « Je pense que t'aurais du succès auprès des filles. » Il lui adressa un clin d'oeil, comme s'il en savait quelque chose et qu'il ne répétait pas bêtement ce qu'il entendait dans les vestiaires.

Message I | 677 mots

L'oisillon

☙ Set It Off - Dangerous

Zeryel se figea. Il ne s'était pas attendu au retour de balle et il étudia le garçon pour vérifier qu'il ne se moquait pas de lui. Il fut presque ébloui tant sa candeur irradiait, rehaussée par ses boucles blondes. Pour un peu, il paraissait presque plus angélique que bon nombre d'Anges qu'il connaissait. « Bah, je sais pas. Elles aiment bien les sportifs, non ? » L'incertitude teintait sa voix et il se massa nerveusement la nuque. Il aurait pu ajouter qu'il était assez mignon pour attirer l'intérêt des admiratrices de joueurs, mais les mots ne parvenaient pas à sortir. C'était gênant. Il détourna le regard. « Non. Y a juste l'entraîneur et le capitaine aussi qui font passer les sélections. » Expliqua-t-il. « Mais c'est les filles qui crient le plus fort dans les tribunes. C'est comme une seconde sélection en quelque sorte ? » Elles ne criaient pas beaucoup pour lui mais il préféra ne rien en dire, préférant materner son égo.

Les ondes joyeuses d'Alcide étaient contagieuses et l'Ange se surprit à lui sourire en retour. « Oui, bien sûr ! Si tu veux je peux t'aider et te montrer les bases un jour où le terrain n'est pas occupé ? » Il le détailla à nouveau des pieds à la tête mais s'abstint de commenter son physique, lui-même n'étant pas un modèle de joueur modèle.

L'épithète lui fit dresser la tête et il regarda par dessus l'épaule du blondinet. « Ouais, j'y serai ! Merci ! » Lança-t-il. Il agita sa main et revint sur Alcide. Réajustant la lanière de son sac sur son épaule, il enfonça les mains dans ses poches, basculant son bassin vers l'avant. « Ouais. J'avais tendance au début à trop m'appuyer sur mes ailes alors... » Le surnom était resté et même l'entraîneur s'y était mis. Il haussa les épaules. « Ça fait quelques semaines seulement. Et puis, je reste souvent sur le banc. J'étais en remplacement aujourd'hui car il y a une épidémie de gastro parmi les joueurs. » Il commença à marcher, invitant l'adolescent à le suivre. « J'ai même marqué, aujourd'hui ! J'espère que ça veut dire que j'aurais le droit de participer à davantage de matchs ! J'aime pas rester sur le banc, c'est ennuyeux. Toi tu fais quoi comme activités, ici ? Je crois que je t'ai déjà croisé quelques fois. Tu traînes avec Rose-Abelle, c'est ça ? Elle a l'air gentille. » Son nom de famille l'était moins.

Tout en marchant, un morceau de la conversation lui revint en mémoire. « Dis, tu la connais d'où Laëth ? Elle est comment ? » Il se gratta la mâchoire. Il ne savait comment l'expliquer mais il trouvait injuste que ce garçon sorti de nulle part en sache plus que lui sur quelqu'un de son propre sang et il prit deux secondes pour maudire copieusement ses parents de refuser de parler de leur branche familiale à Bouton d'Or. Il jeta un coup d'oeil au blond. Il aurait été difficile de lui tenir rigueur d'en savoir autant, ça aurait été comme jalouser un petit chiot. Il soupira. « Tout ce que je sais d'elle ou de sa fratrie, c'est ce que j'en lis dans les journaux, mais je sais pas si tout est vrai, ils se contredisent parfois. » Ronchonna-t-il.

Message II | 575 mots