Déchu ou déçue ?
Zeryel & Aubépine

♪ Le chemin - Kyo ft. Sia ♫

« ...l'apollon grogna et Adolphe ne put réfréner un tressaillement qui dévala le long de sa colonne vertébrale.
« Tu t’y prends mal. Laisse-moi faire. » Il lui arracha le scalpel des mains ; il n’y avait aucune douceur dans ce geste, pourtant, l’adolescent frissonna en sentant les grandes paumes rugueuses du colosse effleurer les siennes.
« Regarde : en découpant comme ça, tu abîmes moins les tissus. » Adolphe déglutit. Il regardait, ça oui ; la façon dont les longs doigts tachés de sang maniaient délicatement l’ustensile et pressaient sur les chairs pour les maintenir en place l’hypnotisait. Lorsqu’il en eut terminé, Adolphe reprit subitement ses esprits. Il s’ébroua, faisant danser les boucles brunes et lustrées sur son front en sueur. « Ça va, je vois à peine la différence avec ce que je faisais ! » s’énerva-t-il, de mauvaise foi. La réponse de l’homme ne se fit pas attendre, grondante et glaçante : « Alors c’est que tu n’étais pas suffisamment attentif. »
Le garçon croisa les bras, contrarié. Pourquoi se souciait-il autant de ce que le grand blond pensait ? C’est vrai qu’il faisait du bon boulot et qu’à ses côtés, il apprenait beaucoup. Mais Adolphe sentait que son désir de validation dépassait celui d’un apprenti pour son professeur.
Impassible et froid, le colosse semblait être coulé dans le métal. L’adolescent ne l’avait vu se dérider qu’une seule fois : lorsqu’il avait mentionné sa sœur défunte. Alors Adolphe avait senti pour la première fois la brûlante morsure de la jalousie. Pour une raison qui lui échappait, il voulait être le seul capable de réchauffer son visage d’albâtre et de faire fondre l’acier de ses yeux perçants.
Il tenta de se concentrer sur leur travail… en vain. La proximité de leurs corps, l’odeur sensuelle et musquée que le grand blond dégageait, le tissu de sa chemise qui se tendait sur ses pectoraux fermes et puissants… Adolphe se mordit les lèvres. « Arcange... » murmura-t-il. »

Aubépine ponctua sa rature d’un bougonnement chargé de frustration. « Zut de flûte, ça ne va pas, ça ne va pas du tout ! » geint-elle à voix basse. Ce n’est pas ainsi qu’Adolphe réagirait, ni même comme ça qu’il penserait. Les libertés artistiques avaient leurs limites. La jeune fille n’en avait que trop conscience, et si elle ne souffrait pas encore du syndrome de la page blanche, elle s’en approchait dangereusement. Il lui fallait plus de matériel. Le dernier tome se faisait trop attendre. D’accord, ce n’était pas ce genre de fictions qu’elle comptait présentait au club d’écriture, mais…
La jeune fille se figea, manquant de tomber de sa chaise sur laquelle elle se balançait distraitement. Une idée venait de lui venir. Lorcán lui avait parlé de la ressemblance de Zeryel avec le Narfasien du Conte. Et si elle allait glaner l’inspiration à la source ? Un sourire machiavélique ourla les lèvres roses de la petite Magicienne. Un plan commençait déjà à germer dans sa cervelle.

━━━━⊱⋆⊰━━━━

« Tu, tu es sûre que tu veux rejoindre le club de boxe ? » Aubépine opina du chef. « Je suis intéressée, oui. Ça pose un problème ? » demanda-t-elle crânement. Le garçon se gratta la tête, incapable de cacher son étonnement. « C’est juste que, à ce stade de l’année... » « C’est parce que je suis une fille, c’est ça ? » la coupa-t-elle, l’air faussement outré. Elle avait gonflé les joues pour faire bonne mesure. « Hein ? Non, on a d’ailleurs plusieurs filles dans le club. » Il pointa du doigt deux étudiantes qui s’échauffaient derrière eux. « Alors, c’est parce que ma forme physique n’est pas optimale ? C’est de la discrimination, et je... » Le basphélien leva les mains en l’air, complètement déboussolé. « Mais pas du tout ! » La Magicienne tentait de garder une expression farouche mais elle transpirait sous sa frange. Le garçon était lui-même assez replet… ce n’était pas le meilleur angle d’attaque, mais après ça, elle était à court de munitions.
« Bon, soupira-t-il, tu peux t’asseoir sur le banc et regarder comment ça se passe, dans un premier temps. Pour l’équipement, vois ça avec un autre membre. » Visiblement pressé de se débarrasser de l’enquiquineuse, il s’éloigna à grands pas en prétextant devoir corriger la mauvaise posture de quelqu’un. Aubépine se mordit les lèvres pour s’empêcher de pouffer. Victoire !
Elle avait déjà repéré Zeryel qui fendait l’air de ses poings, un peu plus loin. L’air innocent, comme s’il s’agissait de la plus grande des coïncidences, elle choisit un siège à proximité. Bien sûr, elle faisait mine d’observer chacun des étudiants avec la même intensité studieuse, mais dès que l’Ange avait le dos tourné, elle y vissait le regard.

Pour commencer, elle avait dû le suivre quelque temps, histoire de se faire une idée de son emploi du temps. Rien de plus facile : son expérience avec la filature de Marie-Jane l’avait rodée à l’exercice. Malheureusement pour elle, épier le jeune homme dans les couloirs alors qu’il se hâtait d’une classe à l’autre ou bavardait avec ses camarades ne l’avait pas beaucoup aidée à se faire une idée plus précise du personnage à multiples facettes qu’incarnait Adolphe.
À vrai dire, elle avait même hésité à jeter l’éponge. Le basphélien semblait posséder trop peu de points communs avec le soldat pétri d’orgueil et hanté par de sinistres pulsions du Conte. C’était un Ange pur jus, aussi vertueux et immaculé que ses ailes blanches. Elle était persuadée qu’il ne lui en voulait même pas de l’avoir entraîné dans sa chute lors du Bal d’Encens.
Cette session de boxe constituait donc la dernière chance qu’Aubépine accordait au garçon. Le terrain s’avérait déjà plus adéquat avec le cadre du conte qu’une école de magie. Peut-être qu’en l’observant se battre, elle parviendrait à discerner ce que que Lorcán voyait chez lui. Après tout, la noirceur de l’âme d’Adolphe n’avait été révélée que tardivement aux avides lecteurs de la saga. Qui sait si un pareil retournement de situation n’attendait pas la petite Magicienne si elle se montrait assez patiente ?

Assez cogité ! L’heure était à l’action. La jeune fille se releva et aborda courageusement Zeryel.
« On m’a dit de venir te voir pour l’équipement ! » Ce n’était pas complètement un mensonge, non ?

1048 mots

Déchu ou déçue ?
Aubépine & Zeryel

☙ The Neighbourhood - Dust

RP liés : Portrait de Boraür et Lananette

« Tiens tiens. Ton admiratrice est là. » La série d'uppercuts que Zeryel envoyait dans les airs perdit en fluidité à cette information soufflée dans son oreille. Il fit mine de bouger ses pieds pour pivoter et découvrir cette fille qui se trouvait souvent dans ses traces ces derniers temps. Au début, il n'en avait rien conclu. La méfiance avait commencé à germer quand une personne, puis une autre lui avait fait remarquer qu'Aubépine le "traquait", selon leurs termes. L'Ange se remit dos à la Magicienne et reprit ses enchaînements comme si de rien n'était. « Quoi, tu vas l'ignorer comme Padmë ? » « Tais-toi ! » siffla Zeryel entre ses dents. « Sérieux, je te comprend pas. Elle est mignonne Padmë. Pourquoi t'as pas répondu à ses avances ? » Zeryel n'avait pas parlé à beaucoup de monde de ce qu'il s'était produit à Boraür, et il regrettait de l'avoir dit à Europe qui souffrait d'un cruel manque de discrétion et n'avait que ce sujet à la bouche. « Je sais pas, ça m'a pris de court. » Europe ne chercha même pas à avaler cette raison. « C'est ça, ouais. C'est juste cruel de même pas avoir cherché à lui parler ensuite. La pauvre, elle doit avoir le cœur brisé. Si ça se trouve, elle aura plus jamais le courage de dire à quiconque qu'elle l'aime à cause de toi... » « Mais non, mais je... Euh... Je sais pas quoi lui dire. » avoua Zeryel, l'air défait. L'idée d'avoir blessé la rousse le culpabilisait et tant de temps était passé depuis Boraür qu'il songeait que c'était pire s'il allait la voir. Peut-être qu'il valait mieux l'éviter ? Feindre d'avoir oublié ? Son ami, qui n'en avait pas fini avec lui, enchaîna. « Par contre, pour passer du temps avec Lana, là y a du monde. » « Que, quoi ? » « On vous a vus. C'est vrai que tu portais une poule ? T'es bizarre comme type. » « C'est une longue histoire, laisse-moi tranquille, et Lana aussi. » gronda Zeryel, dont l'humeur grincheuse croissait proportionnellement avec les taquineries. Il détestait aborder ces sujets, et Lorcán ne le laissait jamais en paix non plus. C'était à croire que tout Basphel cherchait à savoir pour qui son cœur battait et avec qui il finirait en couple. L'Ange voulait se croire au dessus de tout ça. N'étaient-ils pas ici pour étudier ? Devenir l'élite ? On ne devenait pas l'élite en parlant de ces choses, et surtout, c'était privé. Goguenard, Europe envoya son épaule cogner amicalement contre celle de l'Ange. « Tu caches bien ton jeu, l'Oisillon. Et je te parle même pas de Marie-Jane, de Maya, de Kiara... T'es certain d'être un Ange ? » « Mais fous-moi la paix ! » s'emporta Zeryel en levant un poing vers le Lyrienn qui battit en retraite en rigolant. Il jeta un coup d'œil par dessus l'épaule de l'Ange et son sourire s'élargit. Il s'éloigna en le gratifiant d'un dernier regard entendu. Zeryel en était à pester intérieurement quand une voix lui fit tourner la tête. Par réflexe, il recula en voyant Aubépine. Il regretta son mouvement et espéra qu'elle ne s'en vexerait pas. « Pour le... euh... » Il se creusa la tête pour trouver une excuse mais échoua. Peut-être que tout le monde se trompait sur la Magicienne et que tout n'était que coïncidences. Oui voilà, il aimait bien cette explication qui le sortait de son malaise. C'était ridicule, et Europe était le plus ridicule. Il ne lui dirait plus jamais rien. Il sourit à la Magicienne. « Ouais, suis-moi. » Il quitta l'espace d'entraînement pour aller vers le local. « Tiens, essaie les gants pour en trouver à ta taille. » Il la regarda ensuite. « Aubépine, c'est ça ? Je crois qu'on a des cours en commun, je te vois souvent dans les parages. C'est ta première fois à la boxe ? Il faudra faire attention à tes lunettes si tu en fais avec quelqu'un, ce serait ennuyeux qu'elles se cassent. »

Message I | 701 mots

Déchu ou déçue ?
Zeryel & Aubépine

♪ Follow You - Imagine Dragons  ♫

Comme on pouvait s'y attendre de la part d’un Ange, Zeryel était aimable et serviable. Voilà qui ne jouait pas en sa faveur. Cela dit, ce n’est pas comme si Adolphe sautait à la gorge de tout le monde. Il faisait profil bas, un bon petit soldat qui gravissait les échelons tout en accomplissant des vilenies dans l’ombre.
Aubépine tripota quelques paires de gants, fronçant le nez devant l’odeur forte du cuir. Elle enfila un gant dans lequel sa main glissa un peu trop facilement. Elle pouvait faire gigoter ses doigts librement à l’intérieur. C’était plus lourd qu’elle ne s’y était attendu. À défaut d’être à sa taille, il ferait un projectile convenable sur le terrain. Peu de chances que ça fasse partie des règles, cela dit. Non pas que la petite Magicienne y connaisse quoi que ce soit en la manière. Soupesant une autre paire qui avait l’air plus adaptée à la taille de ses mains, Aubépine s’imagina qu’il s’agissait là d’une lance ou d’une épée, et que l’adolescent à ses côtés était Adolphe, lui montrant les ficelles du métier. Oui ; elle pouvait se faire à ce scénario.
« Aubépine Percefeuille, c’est bien ça. » approuva-t-elle d’un hochement de tête. Il n’avait pas l’air de se souvenir de leurs mésaventures au Bal d’Encens. Ou alors, il était terriblement magnanime. Quel ennui... « Oh, il vaut mieux que je les garde sur moi, je ne risque pas de voir grand-chose, sinon… » Elle lui montra le fil qui reliait ses lunettes et disparaissait dans sa tignasse verte. « Si elles se brisent malgré ça, j’en ai une paire de rechange, ne t’en fais pas ! Et, euh, pour répondre à ta question, c’est ma première fois. Mais je suis prête à en découdre ! » Brandissant ses gants, elle frappa l’air devant elle de quelques coups de poings mal assurés, un sourire aux lèvres. Elle se tourna vers le garçon et haussa les épaules d’un air contrit. « Bon… il va me falloir quelqu’un pour me montrer les bases, je crois. Ce sera plus sûr pour tout le monde. On va sur le terrain ou j’ai besoin d’autre chose ici ? » Zeryel aurait du mal à se désister après une question posée aussi innocemment, n’est-ce pas ? Aubépine battit des cils, le regard viré dans les yeux de l’adolescent. Contrairement à d’habitude, elle n’avait pas besoin de lever la tête pour le dévisager. Bizarrement, ce n’est que maintenant qu’elle remarquait qu’il était aussi petit. Voilà qui creusait encore l’écart de taille qu’elle s’imaginait entre Arcange et Adolphe. Autant elle n’aimait pas beaucoup l’idée que le Narfasien soit à peine plus grand qu’elle, autant ça rendait le contraste avec le colosse d’Uobmab intéressant.
« Et toi, c’est Zeryel, si je ne me fourvoie pas. Ça fait longtemps que tu fais de la boxe ? Qu’est-ce qui t’intéresse dans cette discipline ? » Bien sûr, ce que la jeune fille voulait réellement savoir, c’était ce qui motivait l’adolescent à se battre ; pratiquait-il ce sport comme exutoire à une violence secrète ? Rêvait-il parfois d’arracher ses gants pour faire couler le sang ? Jusqu’où fallait-il aller pour le pousser dans ses retranchements ? « J’ai de la chance d’être tombée sur toi, en tout cas, de ce que j’ai observé, tu te débrouilles bien. On voit que tu aimes ça ! »

562 mots

Déchu ou déçue ?
Aubépine & Zeryel

☙ Charlie Puth - Hero

« Non, tu as ce qui est le plus important, la motivation ! » Il y avait de tous les profils au club de boxe. Les taciturnes au visage fermé, les arrogants désireux de sculpter leurs muscles et d'asseoir leur supériorité sur leur adversaire et la dernière catégorie, ceux qui étaient simplement heureux d'être là. Il regrettait d'avoir suspecté que la Magicienne soit venue pour un motif plus discutable. Les plaisanteries douteuses de ses amis avaient fini par lui monter à la tête à force de les écouter. Comme s'il avait besoin de leur prouver qu'ils avaient tous tort, il acquiesça vivement à son invitation implicite à s'entraîner ensemble. Il ne se voyait de toute façon pas abandonner une nouvelle sur la base de rumeurs infondées. S'il l'avait tant croisée, c'est simplement que leurs emplois du temps devaient se ressembler, ce n'était pas si curieux. Et s'ils avaient raison, il aviserait.

Sur le terrain, Zeryel les guida jusqu'à un coin libre où ils seraient tranquilles. « Non, c'est bien ça. C'est vrai qu'on n'a pas vraiment eu l'occasion de parler la dernière fois. » Difficile à faire lorsqu'on avait la tête sous l'eau. Le souvenir fit germer une grimace sur ses traits. Chaotique du début à la fin, cette épreuve avait éreinté l'adolescent mentalement et physiquement. Avec sa coéquipière si acariâtre pour aucune raison, l'ensemble de l'expérience avait été teinté d'une amertume qu'il préférait oublier. Il eut un petit sourire désolé en enfilant ses gants. « Pas vraiment, j'ai commencé assez récemment en réalité. Je voulais faire du renforcement cardiaque et musculaire pour progresser au Puffball, et c'est toujours utile de savoir comment frapper correctement pour éviter de se casser quelque chose quand ça arrive. Il y a peu de chances que ça arrive, je n'aime pas trop les conflits, mais c'est toujours utile. » expliqua-t-il en haussant les épaules. À Stenfek, il avait trop souvent vu des phalanges brisées, des poignets gonflés à la suite de règlements de comptes traditionnels. Et s'il n'aimait pas en venir aux mains, ce n'était pas le cas de tout le monde. Il préférait savoir comment se défendre si ça devait arriver, ou comment défendre ceux qu'il aimait. Il n'avait pas oublié les larmes de Marie-Jane à la soirée de l'AAAP. Il ignorait encore l'identité du coupable, ce qui était finalement une bonne chose car il ignorait ce qu'il lui ferait s'il l'apprenait.

« Merci, c'est gentil, mais j'ai encore beaucoup de progrès à faire ! Quant à aimer ça, je ne sais pas, c'est amusant, surtout quand je m'entraîne avec des amis. Mais je pense que je préfère le Puffball. Et toi alors ? Pourquoi est-ce que tu t'es inscrite ? Tiens, imite ma position. Je vais te montrer les mouvements basiques, on va frapper dans le vide pour l'instant. » Après avoir rectifié ses mouvements, il lui fit exécuter quelques séries assez simples, puis cala ses poings sur ses hanches. « Est-ce que tu veux faire une pause et aller boire avant de continuer ? C'est important de s'hydrater avant, pendant, et après. » récita-t-il le plus sérieusement du monde. Lui-même prit son conseil et alla chercher de l'eau sur une table calée contre le mur. Il remplit deux verres à l'une des cruches à disposition et en fit glisser un vers l'adolescente. « Récemment, je pensais à m'inscrire à d'autres clubs, pour me familiariser avec d'autres choses similaires. J'ai assisté à une classe d'escrime l'autre jour, j'aime assez la discipline et le principe de loyauté. J'imagine que c'est un peu comme ça, à l'armée. » Alors qu'il évoquait l'armée, il sentit le malaise l'envelopper d'une couche de sueur qui n'avait rien à voir avec les efforts fournis. Parfois, quand il s'entendait parler, c'était comme si quelqu'un d'autre parlait pour lui, un autre à qui il n'aimait pas penser et qui s'imposait sans qu'il le désire. « Et toi, tu as des projets ? Quels sont tes clubs préférés ? » demanda-t-il pour changer de sujet.

Message II | 724 mots