La senteur des souvenirs
Flashback avec Bellone.

Wao s'installe sur la table de l'atelier de parfums et se tourne vers la binôme qui lui a été assignée. Comme lui, une force tranquille émane de l'Orine. Leurs chevelures sont similaires. Le brun esquisse un sourire sincère, naturellement à l'aise en sa présence. « Il m'apparaît que nous allons réaliser un parfum ensemble, Bellone. Vous m'en voyez ravi... », commence-t-il. Le brun secoue la tête. « Enfin... tu. Je me suis bien trop habitué à vouvoyer tout le monde ici », blague-t-il.

Le groupe d'Orines s'est installé dans un atelier au terme d'une visite de parfumerie à Drosera. Cette sortie a été organisée par les ambassades du peuple sur les différents plateaux. C'est la première fois que Wao voit autant de ses consœurs réunies dans la même pièce depuis qu'il a quitté Maëlith. Son esprit est en ébullition. De la distillation aux caractéristiques des odeurs, ils ont tout appris sur le métier de parfumeur. Le brun a passé son temps à griffonner des croquis des différents outils utilisés dans son carnet, afin de les utiliser plus tard pour son Art à lui, la peinture. Mais avant, il va découvrir l'Art des Alfars. Les participants vont pouvoir créer une petite fiole de leur parfum personnel : c'est ce moment qu'il a attendu avec impatience.

Le Hanatsu se tourne vers Bellone alors que les organisateurs installent le matériel sur les tables des participantes. D'ordinaire, il n'est pas bavard. Mais l'expérience l'a tellement ravi qu'il ne peut s'empêcher de partager son enthousiasme. « Qu'as-tu pensé de la visite ? J'ai été particulièrement fasciné par les fleurs muettes. » Ce terme désignait les rares fleurs qui se refusaient à prodiguer leurs odeurs par le processus de distillation. Il avait fallu des siècles aux Alfars pour percer le secret de l'artefact qui pourrait capturer leur odeur. Avant cela, seuls les meilleurs Alfars parvenaient à entendre leurs murmures et à les partager au monde dans de petites fioles. « Ce serait intéressant qu'on en utilise une dans notre parfum, qu'en pense-tu ? » Son regard s'est illuminé à cette idée.

Le temps que Bellone lui réponde, la responsable du groupe s'avance sur une estrade et se plante devant un tableau rempli de formules chimiques obscures. « Bien, nous sommes prêts à commencer la première étape », hèle-t-elle. « Pour commencer, vous allez vous mettre d'accord sur l'idée olfactive de votre parfum. Elle peut faire référence à n'importe quoi : une saison, un souvenir d'enfance, un lieu symbolique, un Aether. Une fois vos idées trouvées, nous passerons dans vos groupes pour vous donner la palette d'odeurs qui y correspondra. » Des murmures d'excitation surgit du groupe. « Deux feuilles se trouvent devant vous. Inscrivez-y vos idées par ordre de préférence et trouvez un point commun, si cela peut vous aider. C'est parti ! » Wao baisse le regard sur la feuille. Il empoigne son stylo et entreprend de dessiner un croquis pour représenter son univers olfactif. D'innombrables idées se bousculent dans sa tête ; il laisse sa main faire le tri.

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« Oh… oui, c’est bien cela », répond-il en clignant des yeux. Bellonne a-t-elle entendu parler de lui par d’autres Orines ? Un nuage de méfiance assombrit son regard, mais il le repousse aussitôt. Pas de ça entre consœurs. En réalité, lui aussi a déjà entendu parler d’elle, mais il ne parvient pas à la replacer dans ses souvenirs. Son esprit est saturé d’informations, entre la pratique de la peinture, l’apprentissage du piano et de l’histoire Alfare. Un sourire se dessine néanmoins sur son teint de porcelaine : il n'est pas trop tard pour la connaître. « En réalité, j’ai grandi à Onikareni. Ma famille possède une maison au pied des montagnes. Elle borde les champs rouges. La vue est magnifique… j’ai peint des tonnes de toiles qui la représentent. » Une pointe de mélancolie brise sa voix. Ce dernier se tait soudain et rougit. Il n’a pas pour habitude de s’épancher ainsi, mais quelque chose dans son regard l’y encourage. « Je me souviens des odeurs, aussi… les fleurs de lys, la lavande… »

Une idée illumine soudain ses prunelles d’ébène. « Ma foi, la lavande est une fleur muette ! Pourquoi ne pas l’inclure ? Ce serait… une note de tête, c’est bien cela ? » Il se permet de faire glisser la feuille de Bellonne vers lui et l’ajoute. Puis, il se tourne vers le livret de bouquets qui est mis à disposition à chaque duo. Il contient toutes les indications de compatibilité d’odeurs. Combien d’heures de travail y’a-t-il fallu pour rassembler autant d’informations ? « Les Alfars ont le sens du détail. Ils sont si rigoureux… c'est fascinant » Wao songe à Min, son meilleur ami qui est incapable d’être organisé. *Il gagnerait à faire un long stage ici !* Pense-t-il en esquissant un demi-sourire. « À quoi pense-tu d'autre ? » Il la laisse répondre et glisse le livret pour lui permettre de le feuilleter.

Après qu’elle ait émit ses propres suggestions, il poursuit : « Je ne suis pas venu à Drosera pour la beauté de ses bois ou l’excellence de sa musique, même si cela pourrait bien m’y retenir. » Il lui sourit, mais son regard reste froid. « Je fais la Cour, on pourrait dire, à mon Aisuru potentiel. Nous avons l’intention de nous Lier… quand le moment sera venu », poursuit-il en laissant le mystère planer. « Il se nomme Eöl Lièn, il est Galeriste. Je ne sais pas si tu as entendu parler de lui ? » En mentionnant son nom, le cœur de Wao bondit dans sa poitrine. Son nom sonne comme une mélodie entre ses lèvres. Et soudain, l’odeur de son parfum habituel, avec des notes de bergamote et de cèdre, emplit ses narines comme s’il se tenait juste à côté de lui. Mais Eöl n’est pas là : il est, une fois de plus, absent. Et il lui manque terriblement. Une ombre passe dans son regard. Wao se redresse et poursuit : « Et toi ? Quelles aventures t’ont menée ici, dis-moi ? »

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