Les seuls bruits que l’on pouvait entendre dans la bibliothèque étaient le bruissement des pages d’anciens livres qui étaient tournées et retournées et les plumes d’étudiants qui grattaient sur des parchemins. Gabriel était avec un groupe d’amis attablés dans un coin de la bibliothèque, des piles de livres se trouvaient au centre de la table ayant comme sujet commun les cérémonies religieuses dans les différentes religions du Continent Mystérieux. Un de leur professeur leur avait donné comme devoir de rédiger un rouleau de parchemin sur ce sujet et de le faire de manière collective, chaque personne du groupe devait aborder la thématique de manière personnelle tout en incluant des éléments de réflexion des autres membres du groupe. Gabriel venait de finir d’écrire son préambule quand il soumit l’idée d’une pause à ses collègues, sur les six qu’ils sont, seulement un, Loel’rek reste à étudier pour compléter ses recherches et finir son introduction. Gabriel et les autres prennent donc la direction de la sortie de la bibliothèque pour se rendre en-dehors de l’université, là où se trouve un petit salon de thé dans lequel ils ont pris l’habitude d’aller depuis le début de leurs études. Arrivé sur place, ils furent installés à une table.

- Eh Gabriel.. Chuchota un de ses amis. Regarde qui il y a à côté de nous. Myrah. Va-lui parler…

Assis à la table d’à côté, une jeune elfe à la crinière rousse était installé en train de feuilleter un livre et d’écrire un sur un parchemin.

- Vous êtes fous ! J’ai aucune chance avec elle, t’as vu à quoi je ressemble.

- Oh, arrête ! Tu n’as pas un physique disgracieux non plus.

Le jeune Eblaë manquait de confiance en lui et avait peur du regard des autres, c’était notamment accentué dû au fait que contrairement à ses camarades, il n’avait pas eu une poussée de croissance pendant les dernières vacances. Petit de taille, n’atteignant qu’à peine le mètre soixante, c’était pourtant la seule chose d’à peu près significatif dans son apparence, une corpulence fine, des cheveux mi-longs d’un blond presque blanc, dont la pointe de ses oreilles sortait, un nez fin et ses amis s’amusaient à dire qu’il avait des yeux de la même couleur qu’un ciel nuageux, car ils les avaient bleu clair avec des teintes de gris.

- Euh… Changeons de sujet ! Vous pensez que Loel’rek va s’en sortir cette année ? Demanda Gabriel d’un ton inquiet.

Il connaissait son ami depuis quelques années maintenant et ce dernier avait toujours eu des difficultés scolaires importantes, dans toutes les matières. Il avait d’ailleurs réussi son année précédente de justesse.

- Ouais, il va réussir à avoir une moyenne suffisante pour passer, alors qu’il est incapable d’écrire trois mots sans faire une faute d’orthographe.

- Et n’oublie pas que lors du cour d’archerie de la semaine dernière, il a failli tirer une flèche dans le dos Gabriel …

Gabriel se toucha la poitrine à l’évocation de ce souvenir.

- Il est vrai, mais en même temps, j’ai commis une entorse aux règles de sécurité. Je suis passé derrière les cibles alors que le maître n’avait pas sifflé la fin du cours et puis …

- Arrête de le défendre Gabriel ! Ce mec est un poids mort pour toi… Pour toute la société Ygdraë même. Cela ne m’étonnerait pas qu’il devienne un Isäth.

- S’il arrive jusqu’à là, mais il n’arrivera pas à passer le regard des Enelyës.

Gabriel regarda sa tasse d’un air absent.

- Imaginer si Loel’rek se révélait être un Löth…

- C’est bien la seule chose qui pourrait le sauver d’apporter la honte sur sa famille.

Le groupe continua à spéculer sur le destin de leur camarade, Gabriel finit par arrêter de défendre son ami face à l’hilarité et aux moqueries de ses amis. Il finit même par admettre à demi-mot qu’effectivement son ami d’enfance n’avait pas un futur prometteur devant lui. Lors de leur retour à la bibliothèque, ils remarquèrent la présence d’un Ygdraë en armure en pleine discussion avec le bibliothécaire, ce dernier désigna leur groupe du doigt.

- Vous là-bas ! Restez sur place !

Très impressionné, ils se blottir les uns aux autres spontanément.

- On part en guerre et ils veulent nous recruter !

- On est mort !

- Sa tête me dit quelque chose ...

- On aurait pas dû se moquer Loel’rek … c’est les Ætheri qui veulent nous punir.

Arrivant à leur hauteur, Gabriel remarqua plusieurs choses : son armure était sale et il y avait de nombreuses entailles dedans. Sur son visage, une longue cicatrice partait de son oreille gauche jusqu'à son menton, de plus, ses oreilles lui semblaient limées, voire coupées. C'était sûrement un Enök, pensa-t-il, comme son père. Le garde les fit taire en frappant le sol avec sa lance.

- Gabriel ?

Presque aussitôt ses amis le poussèrent devant.

- C’est toi ?

- Oui monsieur… Si c’est pour me recruter je…

Le visage du garde s'adoucit.

- Tu ne me reconnais pas ? C'est normal, tu n'étais pas plus haut que mes genoux la dernière fois que je t'ai vu. C'est pour autre chose que je suis là. Va chercher tes affaires, je t'attendrais dans les jardins de l'université. Tes instructeurs sont au courant de la situation. Tu vas devoir manquer quelques jours de cours.

Gabriel ne comprit pas l'objet de tout ceci. Avait-il commis une faute ? Était-il un Löth ? Non, ça n'aurait pas de sens et puis de toute manière, il n'avait pas passé la cérémonie. Ça ne pouvait pas concerner l'université sinon ça aurait été ses professeurs qui seraient venus à sa rencontre. Sa famille peut-être ? Et puis pourquoi son visage lui semblait si familier ? En plus, l'homme semblait le connaître et avait été bien familier avec lui. Gabriel eut un éclair de lucidité. Son père ! Son était revenu de sa mission ! Le jeune Eblaë évacua toute pensée noire. Il prit ses affaires et courut vers la sortie de la bibliothèque, s'attirant les foudres des élèves en train de travailler. Ses amis étaient en pleine discussion avec le bibliothécaire. À son vu, ils lui lancèrent de curieux sourires gênés.

Gabriel Koram continua de courir jusqu'à atteindre les jardins. Il chercha du regard le soldat qu'il vit assis sur un banc. Ce dernier avait retiré son casque et Gabriel put constater que les derniers jours avaient été difficiles pour lui.

- Je vous écoute monsieur ! C'est mon père ? Il est rentré ?

- Tu ne me reconnais toujours pas Gabriel ? Et si je te montre ça ?

Il montra un bracelet tressé de pailles et de pierre. Gabriel eut un déclic. Il avait vu ce bracelet au poignet de son père et à celui d'un autre homme. Un homme qui venait beaucoup à la maison et qui avait connu sa mère...

- Oncle Orion ?

- Tu me reconnais enfin ! Tu as bien grandi. Apparemment, tu travailles bien, tes notes suivent, tes parents auraient été fiers de toi.

- Ah merci. Mais attend ... Le sourire de Gabriel s'affaissa. Comment ça mes parents ? Il n'y a que ma mère qui ...

Son oncle souffla et secoua la tête. Les yeux rouges et mouillés.

- On a été pris dans une embuscade. L'éclaireur a mal fait son travail et ... Et on a rien vu venir. Je ... Je suis navré de te l’apprendre mais ton père nous a quittés.