Musique

Bellada aimait collectionner toutes sortes de choses. Elle possédait tout un tas de livres qu’elle ne lisait plus mais qu’elle gardait précieusement dans son étagère, parce qu’elle appréciait l’auteur ou parce que l’histoire l’avait fait chavirer. Les coffres de son salon renfermaient tout un tas de bric à brac qu’elle conservait soigneusement : sa collection de grigris pour repousser la malchance et les mauvais esprits était de loin la plus impressionnante de ses collections. Elle les avait accumulés au fil des années et les ressortait régulièrement, pour s’assurer qu’il n’arriva rien à ses proches. Elle possédait également une collection de couvertures tout à fait respectable – ses armoires en étaient remplies et, parfois, elle n’avait même plus assez de place pour toutes les ranger, au point qu’elle avait dû enchanter une commode pour en agrandir magiquement l’espace intérieur. C’était un véritable régal pour ses petits enfants qui savaient en faire bon usage : l’hiver, ils s’emmitouflaient dans leur plaid favori tout en buvant un chocolat chaud et en écoutant leur mamie au cheveux gris leur raconter des histoires ; l’été, ils les étendaient ici et là pour créer des tentes et des cabanes, parfois mêmes des labyrinthes.

Mais la collection préférée de Bellada restait indéniablement sa collection de thés. Ils encombraient tout un rayon de l’armoire à condiments, dans la cuisine. Les plus jolies boites et les thés qu’elle buvait régulièrement étaient soigneusement exposés sur une étagère en bois, au-dessus du plan de travail. De cette façon, elle n’avait plus qu’à lever le bras pour s’emparer des herbes séchées, qu’elle faisait ensuite infuser dans sa casserole en cuivre. Lorsque l’eau s’était imprégnée du parfum et arborait une teinte convenable, elle transvasait le liquide chaud dans une théière qu’elle déposait sur la table à manger. Le matin, elle se servait un thé à la menthe – celui qu’elle consommait le plus, il lui inspirait cet air rassurant des choses établies, des habitudes immuables qui ne changeront jamais. Ça avait quelque chose de réconfortant et de frais à la fois. Elle le trouvait facilement, au marché. Elle ne se gênait donc pas pour en abuser, même si ses enfants lui rappelaient quotidiennement que boire trop de thé n’était pas bon pour ses reins. Elle possédait également d’autres parfums, un peu plus exotiques. Ceux-là lui étaient souvent offerts, lorsque des amis à elle partaient en voyage dans des contrées étrangères. De manière générale, les gens savaient que lui rapporter un nouveau thé était une source sûre qu’elle apprécierait ! Elle possédait donc des thés étiquetés « thé à la noix de coco », « thé à la mangue et aux pétales de rose », « thé à l’ananas ». Dernièrement, elle était obsédée par le thé à la bergamote que lui avait fait goûter Gustine, la domestique du Baron Paiberym.

Récemment, la magicienne avait fait la découverte du maté. Une boisson usuelle que ses voisins consommaient régulièrement. Il suffisait de verser le thé dans un épais verre en bois – le sien était en bambou – et de verser de l’eau bouillante jusqu’à la limite des feuilles. On buvait à même cette concoction, à l’aide d’une étrange paille métallique. Une fois que l’on avait terminé, on remplissait de nouveau d’eau puis on faisait passer à son voisin qui devait à son tour tout boire avant de passer à la personne suivante. C’était une petite tradition à laquelle Bellada avait vite pris goût, en partie parce qu’il s’agissait d’une occasion de bavarder avec de nouvelles personnes.