Les Gratitudes
Bellada & co

Intrigue ; Bellada participe à la tradition familiale des Gratitudes.

The Yule Fiddler - Patty Gurdy feat. Fiddler's Green

« Et puis, tu sais bien qu'elle a toujours voulu fêter ses quatre cent ans en grande pompe. Je pense que c'est le moins que je puisse faire pour l'aider. » « Je ne dis pas le contraire, mais elle n'a que trois-cent-quatre-vingt-dix-huit ans. Elle prend un peu d'avance, tout de même. » renchérit Gilbel à la remarque de sa bien-aimée. « Oui mais, pour ce genre d’événement, mieux vaut toujours être bien préparé. Et puis, tu connais Cunégonde. Elle déteste laisser la moindre chose au hasard. Et puis, mine de rien, à nos âges, le temps file vite ! » Le vieillard soupira, plus amusé que véritablement excédé. Il savait que l'insistance de sa femme n'était motivée que par l'excitation partagée qu'éprouvait la concernée à l'idée de pouvoir organiser une célébration d'une telle ampleur. « Bien, on verra pour organiser une dégustation. » concéda-t-il finalement. « Ouh, magnifique, merci mon Bichon ! » roucoula Bellada, se penchant pour embrasser la joue de son amoureux. Bien qu'un sourire marquât son visage, elle frissonna, malgré son épais manteau rouge et le bonnet assorti qui recouvrait sa tête. « Tu as froid, Pomme d'Amour ? » s'inquiétât Gilbel, passant une main énergique dans le dos de son âme-sœur pour la réchauffer. La magicienne esquissa un sourire. « J'adore la saison des Neiges, mais il est vrai qu'il fait un froid de canard... » fit-elle. « Peut-être devrions-nous essayer de passer quelques temps à Utopia ? Des vacances au soleil... » continua-t-elle d'un ton rêveur en imaginant la chaleur de l'astre du jour sur sa peau. Le mage bleu lâcha un rire à la remarque de son épouse. « C'est vrai que j'ai toujours rêvé de pouvoir monter à dos de chameau. » Le couple échangea un coup d'œil complice avant de rire de bon cœur ensemble, s'imaginant la scène. « Bien, dépêchons-nous, avant d'attraper froid. » La vieille dame resserra sa prise sur le lourd panier qu'elle transportait et commença à accélérer le pas. Ils avancèrent à bonne allure au travers des ruelles de l'ancienne capitale Magicienne, jusqu'à une petite maison traditionnelle, au milieu d'un quartier d'habitation. Sur la porte avait été déposée une couronne de houx et de gui, ornementé de pommes de pain. La décoration avait été recouvert d'une fine pellicule de neige. Des lanternes avaient également été accrochées sur la façade de la maison, petits carrés de lumières.

Madame Ward donna quelques coups vigoureux sur la porte d'entrée. Le duo n'eu pas à attendre longtemps avant que l'on vienne leur ouvrir. « Gilbel ! Bellada ! » s'exclama Mercellène. « Merci à vous pour cette année ! » les salua-t-elle, leur distribuant un carreau de chocolat à chacun. Le couple entra dans la chaumière, pour se mettre au chaud. « Bonjour Mercellène. Merci à toi aussi pour tout ce que tu as fait cette année. » « Joyeuses gratitudes. Merci à toi pour - » « Mamiiiiiie ! » Avant qu'elle ne puisse terminer sa phrase, une silhouette encapuchonnée de rouge se jeta sur la vieille dame. « Bonjour Loustic ! » « Orlane, fait attention à ne pas faire tomber ta grand-mère, tout de même. » ronchonna Gilbel. « Je te prends ça, Bella. » fit l'hôte en récupérant l'imposant panier d'osier dans lequel la cuisinière avait transporté les plats qu'elle avait fait mijoter toute la journée. « Oui, merci. Il y a les desserts et les tartes au fond, et les entrées au-dessus. » expliqua sommairement Bellada avant de se tourner vers sa petite-fille, qui tirait sur son manteau avec impatience. « Mamie mamie mamie, vient voir, Hugo il a un nouveau jouet, il est trop bien ! C'est un balais volant ! » « Bellada ! » héla, au loin, Bertin en apercevant sa belle-sœur. « Bonjour ! » salua l’interpellée, se laissant cependant traîner par la petite magicienne qui continuait à insister pour qu'elle la suive. A l'intérieur de la demeure familiale régnait une cacophonie dissonante qui aurait facilement causé des migraines persistantes à toute personne n'étant pas habituée. Il était cependant habituel pour les Ward d'évoluer dans un tel brouhaha, et tous semblaient se sentir à leur place dans cette agitation festive.

« Bonjours mes Loustics ! » Bellada était arrivée devant un groupe de ses petits-enfants, petits-neveux et petites-nièces. Des salutations excitées lui répondirent et plusieurs gamins se levèrent pour recevoir le câlin de leur aïeule. « Regarde Mamie, Jules il est même pas habillé en rouge d'abord. » murmura Valentine en glissant un regard courroucé en direction de son cousin éloigné. L'adolescent, effectivement, dénotait au milieu de la foule. Chaque membre de la famille revêtait en couleur principale du rouge, avec parfois une pointe de vert ou de blanc - comme c'était le cas de Bellada qui, sous son pull tricoté portait une chemise vert sapin ainsi que des petits souliers blancs. Le petit mage, qui s'était volontairement mis en retrait de ses pairs, était cependant habillé de noir des pieds à la tête. Bellada esquissa un sourire triste. Le garçon était le sujet de nombreuses rumeurs, selon lesquels sa magie bleue tendrait plus naturellement à pencher vers la magie de leurs ennemis. Beaucoup d'inquiétudes pesaient sur lui. « Ce n'est pas grave, ma puce. Le plus important, c'est que toi, tu sois contente d'être en rouge. Regarde-moi ça, tu es toute jolie. » Et, comme si elle avait attendu ce compliment, elle se mit à tournoyer sur elle-même pour parader sans sa jolie robe. « Mamie, regarde le balais d’Hugo ! »

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« Votre tarte à la citrouille était délicieuse. » « Merci Pascal. Tenez, reprenez-en une part. » « Oh non, je ne voudrais pas tout manger, laissez-en un peu pour les autres. » « Balivernes ! J’en ai préparé pour tout un régiment ! » Effectivement, les fourneaux du couple Ward ne s’étaient pas arrêtés de tourner depuis la veille. Ils avaient chauffé toute la nuit durant, et jusqu’à l’heure du départ, Bellada s’était assurée de préparer le plus de gourmandises possibles. Tartes aux fruits – à la rhubarbe, aux pommes et aux noix ou à l’orange principalement – biscuits sablés et mousses au chocolat pour cette année. Les autres s’en étaient donnés à cœur joie également. Des plats plus succulents les uns que les autres se côtoyaient sur la longue table autour de laquelle s’étaient installés les membres de la famille Ward.

« Mamie. » fit une petite voix timide, à peine audible. Gontrand s'était approché discrètement de la magicienne, tirant doucement sur son pull pour attirer son attention. « Oui mon Loustic ? » « Tu peux venir m'aider à écrire mes gratitudes s'il te plaît ? » « Mais bien sûr ! » Bellada tamponna le coin de ses lèvres avec sa serviette puis se leva pour accompagner le petit garçon jusqu'à une petite table où s'activaient les enfants. « Moi cette année, je fais mes gratitudes en poésie ! » « Ah non, me pique pas mon idée ! Moi, je voulais le faire en chanson ! » « Moi, je crois que je vais les faire en rébus. » « En rébus ? Mais personne va comprendre ce que tu veux leur dire. » « Bah, ce sera mieux que s'il essaye d'écrire avec ses pattes de mouches là. » « Eh ! » Quelques rires secouèrent les pré-adolescents. « Ne les écoutes pas, Nicolas. Fais les de la manière qui t'inspire le plus. » le rassura Bellada, glissant un regard réprobateur à sa petite-fille avant de se retourner vers l'enfant à lunettes. « Alors Gontrand, qui est ce que tu veux remercier, cette année ? » L'enfant, qui s'était assis sur les genoux de sa grand-mère, se mit à réfléchir à voix haute. « Mmh, j'aimerais remercier mes parents pour l'atlas qu'ils m'ont offert pour mon anniversaire. Et puis, Camille, parce qu'elle m'ai aidé à chercher mon doudou à l'école. Et puis .... » Le petit mage bleu continua jusqu'à ne plus avoir d'idée, énonçant toutes les bonnes actions dont il se souvenait et pour lesquelles il voulait témoigner sa gratitude. Madame Ward rédigea chacune de ses remarque, changeant de parchemin pour chaque nouveau destinataire. « Et je crois que c'est tout. » fit le petit, esquissant finalement un sourire lorsqu'il ne trouva plus d'autre remerciements à témoigner. « Eh bien, c'est déjà pas mal. Il faudra penser à remercier Yavaëth pour toutes ces bonnes choses qui te sont arrivées lorsque nous iront prier au temple. » « Oui ! » « Bien, allez, bénissons tes amis. » fit Bellada, s'emparant de l'un des parchemins qu'elle commença à rouler. D'une main, elle attrapa un morceau de ficelle. « Alors, que souhaites-tu pour Justine ? » demanda l'adulte. « Je lui souhaite de ne plus être triste pour son vieux chat. Je lui souhaite de pouvoir réussir son concours de musique. Et puis, j'espère qu'elle restera en bonne santé cette année. » continua le petit garçon. A mesure qu'il énonçait ses souhaits, la grand-mère usait de sa magie blanche pour bénir le fil, l'inspirant de toutes les espérances du plus jeune. Une fois qu'il eu terminé, ils nouèrent ensemble la cordelette autour du parchemin puis répétèrent l'opération jusqu'à ce que tous les parchemins soient bénis. « Bien, maintenant, vas déposer tes gratitudes dans les sacoches. » « D'accord ! » Le petit mage trottina jusqu'au mur au fond de la pièce. La façade avait été décorée avec des branches de sapins, de houx et de gui. De petites sacoches rouges, blanches ou vertes avaient été accrochées. Sur chaque poche avait été brodé le nom de la personne qui, à la fin de la journée, pourrait récupérer ses messages de bienveillance.

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Bellada, la main fébrile, rangea les parchemins qu'on lui avait adressé dans sa sacoche. Elle serra ensuite le petit sac contre sa poitrine, retenant difficilement ses larmes. C'était toujours un moment rempli d'émotions, pour elle. Elle découvrait, parfois, l'impact qu'elle avait pu avoir sur sur les êtres aimés et dont elle n'avait jamais soupçonné l'existence. Un mot réconfortant qu'elle avait oublié, une attention qui lui avait parue anodine, un cadeau qui lui avait davantage fait plaisir à elle qu'au destinataire. Et pourtant, c'était quelque chose de magnifique que de découvrir l'effet positif que toutes ces attentions naturelles pouvaient avoir sur son entourage. Elle glissa un regard empli d'amour vers Gilbel qui, contrairement à elle, s'était muré dans une mine froide et distante pour masquer son émoi. Sa lettre - sa déclaration d'amour, plutôt - l'avait en particulier mis dans tous ses états. Discrètement, elle glissa sa main en direction de celle de son époux et la lia à la sienne. « Je t'aime aussi, mon Bichon. » murmura-t-elle dans une pudeur inhabituelle.

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« Qu'est ce que tu fais Mamie ? » demanda Orlane, observant sa grand-mère tresser les différents cordons qui avaient maintenus fermés ses gratitudes. « J'en fais un bracelet, Loustic. » « Ah bon ? C'est pour nous garder toujours avec toi ? » Bellada esquissa un sourire. « Oui, pour ça. Et pour m'en faire un talisman, et repousser les mauvaises ondes d'Ethelba. » expliqua-t-elle.

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