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 [Q] - La voleuse et le truand | Calanthe

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Lun 04 Mai 2020, 20:35


Partenaire : Calanthe
Intrigue/Objectif : Pour une raison qui ne regarde que lui, Deccio s'est donné pour mission de rassembler plusieurs trésors en des emplacements qu'il semble rigoureusement connaitre. Mais en dépit des précautions mises en place, Calante risque de lui causer quelques tracas qu'ils devront arranger à l'amiable... ou pas.



Ses ongles sillonnèrent le calice de tout son long, de bas en haut et de haut en bas. Ses doigts contournaient le métal avec convoitise comme s’il était un gemmologue en plein travail. Puis il porta ensuite ce dernier à ses lèvres, ingurgitant une quantité déraisonnable du vin qu'il contenant. Quel délice. Dissimulé dans l’ombre d'un sous-sol inaccessible, le Démon avait flairé l'aubaine en mettant la main sur un vieux tonneau de vin encore intact. Ce repère était l’un des rares à ne pas avoir été dépossédé de ses trésors, quand bien même ceux-ci étaient caducs, inapte à lui apporter le moindre support stratégique. Deccio était en pleine réflexion sur son devenir au sein même de la race. Il ne fait aucun doute que le génocide redistribuait les cartes sur de nombreux points ; aussi bien sur la contribution individuelle de leurs habitants que pour le remaniement gouvernemental de leur nouveau Roi. Il ne s’était pas renseigné sur lui. De toute façon, il manquait cruellement de moyens et de main-d’œuvre pour y parvenir.

Il se devait de la jouer finaud en attirant le moins d’attention possible, comme il l’avait toujours fait jusqu’à maintenant. Peu de congénères étaient au courant même de son existence, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Il devrait tôt ou tard procéder à une alliance certes, mais pas dans l’immédiat. Sa priorité, il la centralisait sur l’enquête qu’il se destinait à mener, d’où la raison première de son incursion en ces lieux funestes. Ce n’est pas tant pour l’alcool que pour ce qui y était entreposé qu’il était revenu. Lorsqu’il eut terminé de prendre ses aises, le blondinet s’approcha d’une étagère considérablement endommagée par la décomposition du bois. Mais peu importe son état, car sur cette planche inclinée se trouvait le fruit de ses recherches ; un bracelet en or agrémenté de plusieurs joyaux au prix — très probablement — exorbitant. Il s’en empara du bout des phalanges et le plaça à l’intérieur d’un fourre-tout, au milieu d’autres richesses. Non pas qu’il s’éprenait soudainement pour les accessoires ornementaux, mais il en avait besoin pour poursuivre à bien son investigation.  

Il emprunta ensuite des escaliers, et calmement, de sa démarche indolente, émergea en plein jour, la lumière du soleil lui effleurant le visage d’une douce chaleur réconfortante. Quelques secondes plus tard, il s’estompa aux abords d’une forêt luxuriante. Au regard de ses dispositions cognitives, cet endroit était parfait pour camoufler un peu sa présence. En cas de confrontation subite avec une créature plus chevronnée, il pourrait éventuellement se servir de la végétation pour lui échapper ou s’en débarrasser avec un minimum d’ingéniosité. Toutefois, au vu de ce qu’il était capable de produire en termes de pièges actuellement, il ne misait pas cher sur sa peau. « Tss. Quelle imposture. Même un simple collet m’est difficile à envisager. Heureusement que j’ai laissé ma fierté dans ce trou à rats… » Il s’accroupit en face de ce piège pourtant si rudimentaire qu’il avait confectionné pendant une bonne partie de la matinée, mais il semblerait que mêmes les petits mammifères parvenaient à s’en dépêtrer à force de volonté. « On dirait un vulgaire nourrisson qui vient à peine de sortir du ventre de sa mère… je finirais presque par me révulser. »

Il se redressa et piocha dans son sac pour y déloger un pendentif en argent dans lequel son reflet se projeta. Les lignes de ses lèvres s’élargirent, bienheureux de constater qu’il gardait des bribes des temps perdus. « Heureusement que je suis à croquer. » La modestie n’avait jamais étouffé les membres de sa famille, très éloignés des vertus de ce monde en la matière. Son lui du passé aurait toutefois été accompagné de quelques demoiselles prêtes à le couvrir de compliments pour le dessert. Favorable à ce changement de mode de vie pour le moins brutal, son appétit sexuel était providentiellement au plus bas. Encore qu’il ne serait pas contre une petite sauterie au milieu des bois, mais là n’est pas la question. Deccio devait se préparer à la tombée de la nuit qui se présenterait sous peu, c’est pourquoi il se rendit à un point précis en se s'orientant grâce aux nombreuses branches qu’il avait préalablement cassées pour rejoindre son camp. Il avait effectivement monté une vieille tente à proximité d’une rivière, tassé contre un arbre et encerclé par des pièges sonores – fonctionnels cette fois-ci. Si quelqu’un ou quelque chose pénétrait dans son périmètre, il aurait de grandes chances de le savoir, ce qui lui laisserait assez de temps pour improviser. Irrationnel oui, mais pas imprudent pour autant. L’homme posa ainsi sa sacoche près du feu puis s’allongea sur le sol moussu, les bras derrière la tête et les jambes croisées. Quoi de mieux qu’une bonne nuit de sommeil pour repartir du bon pied ?



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Mar 05 Mai 2020, 16:30

Spécialités :
- Agilité : 3
- Force : 6
- Charisme : 7
- Intelligence : 3
- Magie : 6

Physique : Porte une tenue de voyage noire avec des traces de boue. Son pantalon est troué par endroits. Cheveux tressés.

Pouvoirs :
- La Peau des Grigori
- Le Souffle du Nephilim
- Les Artifices de Lucifer
- Télékinésie
- Immunité aux sorts mentaux




Elle était perdue. Totalement perdue. Dans l’incertitude même de son prochain pas, la Déchue cherchait un chemin. Les doigts crispés sur le manche de sa lance, elle chassait la peur par de vains mouvements. L’omniprésence du danger lui sautait à la gorge. La sécheresse de sa bouche lui interdisait l’appel à l’aide qu’elle rêvait de crier. Où que se pose son regard, elle ne parvenait pas à discerner la sortie, et elle se refusait à observer la tourbière plus que nécessaire. Terrain fertile, son esprit s’emballait, lui dessinant les contours d’un monde croupi. Marécage tombeau, où les cadavres des égarés pourrissaient sous la surface. Un charnier nauséeux, que les bruissements des animaux honoraient ; c’était par lui que des bêtes de toutes sortes prospéraient. Choses rampantes, invisibles, sournoises. Sous le fouillis d’un buisson ou à l’ombre des roseaux, chacune attendait son heure. La patience immobilisait le marais. Une patience savamment calculée, où l’attente n’était que stratégie funèbre. Il lui semblait qu’à tout moment, jaunis par la moisissure, des os surgiraient de l’eau et s’enrouleraient autour de sa taille. Il fallait l’entraîner elle aussi, la broyer sous la fange, avant que ses pupilles ne jettent la lumière sur ce tableau désolé. Alors, pour tous ceux que le marais faisait vivre, elle succomberait à son tour, et ferait l’offrande de sa chair putréfiée. Cependant, Calanthe progressait, à l’abri des troncs noueux. Vivant sacrilège.

Soudain, le croassement d’un corbeau la fit sursauter. Déséquilibrée, la jeune femme gesticula tant bien que mal pour se rattraper. Impitoyable, le sol se déroba sous ses pieds ; elle n’évita la chute que par miracle, sa main accrochée à l’écorce d’un arbre. Dégoûtée par le contact de l’eau, elle tenta de se dégager. Néanmoins, quelque chose l’empêchait de remonter sur le monticule boueux. Craignant de rester coincée dans la gangue putride, elle s’agita frénétiquement. Au prix d’un effort qui lui parut interminable, sa cheville se détacha du bourbier. Un affreux bruit de succion accompagna sa libération. Témoignage de sa maladresse, une sangsue s’accrochait à sa jambe. Une grimace sur le visage, elle se munit d’une branche morte pour déloger l’indésirable. Réprimant un haut-le-cœur, elle songea amèrement que cette expédition ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait espéré. Maudissant l’aubergiste pour ses recommandations douteuses, et le silence complice des clients, elle reprit sa route à travers le marais. Revenir sur ses pas lui était impossible : englouties par la boue, les traces de son passage ne survivaient que sur quelques mètres. S’éloigner au plus vite de ce cauchemar en décomposition devenait une urgence. Lorsqu’enfin elle retrouva la terre ferme, elle n’eut pas le temps de se réjouir. L’obscurité noircissait le paysage, conférant au sous-bois une allure des plus inquiétantes. Sa lance écartait précautionneusement les ronces pour lui frayer un passage.

Au détour d’un bosquet, elle entrevit de la fumée. Euphorique à l’idée de s’approcher d’un village, elle accéléra le pas en direction de sa provenance. Quand elle réalisa qu’il ne s’agissait que d’un campement, sa déception fut grande. Les braises d’un feu luisaient chaleureusement : elle se rappela brusquement à quel point elle avait froid. Décidée à se réchauffer, elle trébucha sur un fil tendu. « Ah ! » Alors que son corps venait épouser le sol _ pour de bon cette fois-ci _, un bruit fort peu discret étouffa son cri. Calanthe se releva maladroitement. Piteuse, elle épousseta sa tenue maculée de terre. Sa coquetterie en prenait un coup. Un homme sortit en toute hâte de la tente. Les mains en évidence, elle recula légèrement. « Je… Pardon de vous avoir réveillé. Je ne fais que passer. » Hésitante, elle se mordit la lèvre. Demander le chemin à un parfait inconnu lui avait déjà joué des tours, et même s’il se montrait honnête, elle n’aurait sans doute pas la force de voyager de nuit. Elle n’avait pas vraiment le choix. « En fait… Je me suis égarée, et la nuit est déjà tombée. Peut-être que je pourrais dormir près de vous ? Je me sentirais plus à l’aise avec quelqu’un. Cet endroit n’est pas très rassurant. J’ai quelques provisions, on pourrait partager un repas. » Se balançant d’un pied sur l’autre, elle désigna avec un sourire la sacoche à sa taille. Il ne lui vint pas une seconde à l’esprit que lui dérober son bien et l’abandonner là traverserait la tête d’un nombre non négligeable d’individus. Dans l’attente d’une réponse, la Déchue tourna la tête vers un sac qui traînait non loin. Contre la rudesse du tissu, elle distingua un diadème étrangement ciselé. Une lueur de convoitise étincela dans ses prunelles. Sans s’en rendre compte, elle souffla un commentaire. « C’est un beau bijou. » En vérité, il le serait davantage lorsqu’elle poserait ses doigts dessus.

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Mer 06 Mai 2020, 21:17


Sur le point de se laisser bercer par les tentacules affectueux de Dame Sommeil, un capharnaüm pour le moins prémédité ranima sa vigilance. Sur le qui-vive avant même d’avoir considéré toutes les options, le vil renard se saisit aussitôt de l’arme disposée dans sa tente. Il devait probablement s’agir d’une créature sanguinaire, c’est pourquoi la méfiance lui dicta d’adopter une posture de défense adaptée. Empoignant fermement sa chaîne avec ses deux mains, il engendra un délicat mouvement circulaire du poignet dans le but de générer une énergie suffisante à son prochain coup. Dans un brusque soubresaut, il se redressa et fit face à… une sorte de félin. Plus qu’une plastique irréprochable, elle traduisait surtout d’un manque flagrant de bon sens. Le visage déconfit, Deccio écouta vaguement ses commentaires avant de projeter la lame, droit sur elle. Parvenu à mi-chemin, il tenta de déployer son contrôle du métal pour diriger l’attaque avec un degré de précision plus élevé. Il visait son joli minois, mais ce fut un échec. Il ne fit qu’effleurer sa joue, la pointe affectant insensiblement l’épiderme pour ensuite s’étaler dans la vase argileuse. « Considère ceci comme un avertissement. Un pas de plus et tu finis en lambeaux. » Autant garder la face et faire mine d’avoir soigneusement calculé son coup. Pour la manipuler à son aise, il devait lui faire croire à sa suprématie, ce qui était beaucoup moins commode que prévu.

Une goutte de sueur perla sur son front en même temps qu’il serrait les dents comme un animal acculé. Mais que lui arrivait-il ? Bon sang. Cette sensation d’être un simple jouvenceau. Quel goût abject. Il envoyait trop de signaux contradictoires. Il devait renverser la vapeur d’une façon ou d’une autre. « Hum. Bon très bien, je te laisse le bénéfice du doute. T’as pas l’air d’avoir de mauvaises intentions. Et si jamais je me trompe, je me ferais une joie de te tordre le cou. » Dans l’immédiat, mieux valait l’avoir à ses côtés que de la traiter en ennemi. Il se contenterait de la guetter tel le faucon meurtrier qui intimide le lièvre de son regard affuté. Il tira d’un coup sec sur l’arme pour la ramener à lui et la remettre en lieu sûr. Puis après avoir minutieusement observé la jeune femme de bas en haut, il braqua son doigt incriminateur dans sa direction.  « Que fait une brebis si loin de son troupeau ? Ne me dis pas que tu cherchais des fraises, j’aurais du mal à le croire. » Depuis qu’il s’était accaparé une parcelle du terrain marécageux, les seuls compagnons qui avaient daigné se livrer à lui ressemblaient davantage à des limaces baveuses qu’à des plantes toutes de chair, d’où sa méfiance obstinée. Pour autant, il accepta de l’inviter dans son luxueux palace en la signalant d’un geste bienveillant. La seconde qui suivit, il attrapa une pomme dans sa besace, s’approcha sans défiance à ses pieds, prit sa main, lui ouvrit la main puis la posa dans sa paume avant de la refermer. « Ça devrait suffire à te sustenter pour au moins… dix bonnes minutes. En plus, ça contient de la pectine. » Quelque part, dans une vie antérieure, Deccio avait probablement professé en tant qu’expert fruitier. Ou bien vendeur sur les marchés — libre à chacun de spéculer à ce sujet.

La bêtise à part, il avait souvent l’impression que la nature lui parlait. Qu’elle lui chuchotait certaines vérités oubliées. Comme en ce moment même, par exemple. Son ouïe perçante intercepta un message, sur le rythme d'un sifflement irrégulier. Attentif, il se clarifiait de plus en plus au cœur de son esprit. Jusqu’au moment où, en voulant se retourner pour correspondre avec cette entité, il trébucha par mégarde ; un coup du destin qui lui évita une profonde lésion sur la bonne moitié du thorax. Sans cette intervention divine, il aurait dû dire adieu à quelques organes. C’est à ce moment qu’il réalisa. Devant ses yeux ébahis se mirait la chose en question. Une bête rampante, ni bien longue ni même trop grande, mais dont la voracité était visiblement à la hauteur de la taille démesurée de sa mâchoire. Le Démon roula hâtivement sur le côté lorsqu’il capta son attention d’attaquer. Et ça ne manqua pas d’avoir belle gueule. Le tronc de l’arbre qui lui succéda fut décimé aussi aisément qu’un morceau de pain qu’on mangeait goulument. « Je doute qu’un simple fruit lui suffise. J’espère pour toi que tu as de bonnes cuisses, car j’ai aucune intention de te sauver la mise. » L’espace d’un instant où il croisa son regard, il hésita.

Elle aurait pu lui servir de pâture pour lui permettre de s'accorder une petite avance, mais… il gardait tout de même un minimum d’honneur. Pas question qu’il parte la queue entre les jambes de cette façon. Et pas question non plus que cette créature puisse venir le titiller à cet endroit. Il glissa ses deux mains sous l’avant-bras de la gazelle, la fit tournoyer et la propulsa plus loin pour la pousser à courir. « Mais par chance, il se trouve que j’ai besoin de toi. » Il la rejoignit en éludant la créature reptilienne et en prenant bien soin d’intercepter le sac pour lequel il s’était tant battu. Le vil serpent ondula entre les cylindres bruns afin de semer leur immonde poursuivant. Hélas, il fut rapidement contraint de s’arrêter net lorsqu’il se fourvoya au milieu d’une horde de ces caïmans. Les vagissements qu’ils émettaient ne lui évoquaient rien de bon. Il les avait sous-estimés. Le prédateur était non seulement doué d’une intelligence remarquable, mais il avait tout fait pour les conduire dans la gueule du loup de ses frères. Plus le choix. Ils devaient se battre ici et maintenant. Pour la survie, pour la vaillance, et pour l’amour d’une mort raffinée. Car là, ça ne faisait aucun sens…


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Sam 09 Mai 2020, 20:36

Spécialités :
- Agilité : 3
- Force : 6
- Charisme : 7
- Intelligence : 3
- Magie : 6

Physique : Porte une tenue de voyage noire avec des traces de boue. Son pantalon est troué par endroits. Cheveux tressés.

Pouvoirs :
- La Peau des Grigori
- Le Souffle du Nephilim
- Les Artifices de Lucifer
- Télékinésie
- Immunité aux sorts mentaux




Ce qui ne faisait aucun doute, c’était que la réaction quelque peu méfiante de l’homme surprenait la Déchue. Jamais personne ne l’avait traitée ainsi ; la douceur de ses traits écartait toute menace. Cela étant, elle rencontrait rarement de parfaits inconnus dans un marécage. L’aborder de la sorte avait été inconsidéré. Si elle ne s’efforçait pas de le corriger, son manque de prudence lui jouerait des tours, tôt ou tard. Par chance, l’homme ne paraissait pas d’humeur à l’envoyer pourrir dans les bois. Il lui renvoyait une impression étrange. Imperméable à toute tentative de plaisanterie, elle murmura sa réponse comme une excuse. « Je n’aime pas les fraises. Je cherche Avalon. » Soulagée de le voir devenir accueillant, elle garda ses mains en évidence. Il ne fallait pas lui donner de prétexte pour lui trancher la tête. Quand bien même elle doutait d’y parvenir, elle aurait bientôt besoin de dormir, et la simple présence d'un être humain à proximité la rassurait. Contre toute vraisemblance, la dangerosité alentour n’en était pas la cause. Elle fronça les sourcils en sentant le fruit entre ses doigts. Qu’était donc la pectine ? Distraite, elle répondit presque par réflexe. « Hm. C’est pas faux. » Cela ressemblait au nom d’un poison ; elle mangeait pourtant des pommes depuis l’enfance. Malgré sa tentative de se concentrer sur la conversation, une seule pensée l’occupait. Il n’existait pas mille façons d’apaiser sa fièvre : lorsque ses doigts flâneraient sur la tiare, ils diffuseraient en elle une étincelle de satisfaction, qu’un nouveau désir viendrait éteindre.

L’inattention ne pardonnait pas. Le craquement du bois brisa sa rêverie. Non loin d’elle apparut une créature de cauchemar. L’ironie de la remarque de son infortuné camarade lui échappa. Proie prise au piège, un tremblement saisit ses jambes. Ce furent les mains de Deccio qui la tirèrent de sa contemplation horrifiée. Sincèrement reconnaissante, elle détala comme un lapin. Cependant, la tourbière ne voulait manifestement pas leur venir en aide. Ils parcoururent quelques mètres avant de tomber sur la meute. « Je ne crois pas qu’on puisse leur échapper. » Déglutissant péniblement, la blonde raffermit sa prise sur sa lance pour se donner du courage. La première solution qui lui vint à l’esprit devait automatiquement être la bonne : elle ne possédait pas l’intelligence suffisante pour en trouver de plus pertinentes, et le temps leur faisait cruellement défaut. Sans tergiverser, elle détailla le blond. « J’espère que vous avez un attirail digne de ce nom. Il faudrait réussir à les impressionner. » L’attaque des créatures ne tarderait plus : elle comptait bien leur couper l’herbe sous le pied. Malgré son aversion à se salir, la survie importait davantage que son apparence. Seuls les charognards et la moisissure trouvaient du charme aux cadavres. « Mettons le bazar. C’est notre seule chance. » Ponctuant sa déclaration, elle lança une fléchette en direction des bestioles. Quand bien même elle n’atteignit aucune cible, le sifflement de ces dernières confirma l’offense.

Chassant la crainte de sa démarche, Calanthe avança la première. Exagérément secouée, sa sacoche provoquait un tintamarre épouvantable : sa coquetterie la poussait à trimballer une symphonie d’accessoires. Repérant une silhouette sur le côté du groupe, elle s’élança sans hésitation et lui sauta sur le dos. Malgré la réussite de son acrobatie, l’atterrissage manqua la faire chavirer. Poussant un cri, elle s’accrocha de sa main libre à des écailles. Elle regretta de ne jamais s’être adonnée au domptage de crocodiles. Rassemblant toutes ses forces, elle dirigea la pointe de sa lance vers le crâne devant elle. De la teinte putride du marais, la chair refusa de se laisser trancher. Décontenancée, elle s’essaya à l’humour. « Si je peux me permettre une confession, je vous avoue que je préfère chevaucher autre chose. » Serena lui avait appris à monter à cheval, et elle n’avait jamais réalisé à quel point les équidés se montraient dociles, même dans leurs mauvais jours. S'avouer vaincue aussi vite ne lui ressemblait guère, et toute autre option prenait une couleur funeste. Vociférations stridentes, les menaces de sa monture lui assuraient par ailleurs un avenir qui n’aurait plu à personne. S’acharner contre la carapace ne menait pas à grand-chose, et les ruades gagnaient en intensité. Un observateur extérieur aurait sans doute trouvé la scène comique. Perturbés par son étrange manège, les autres ne l’approchaient pas. Il lui était impossible de savoir si la distraction qu’elle offrait suffisait à arranger la situation de son allié de circonstance.

Brinquebalante, elle avisa finalement l’œil de l’animal. Le métal s’enfonça sans difficulté dans la membrane. Un liquide spongieux gicla sur la hampe ; elle appuya de tout son poids sur cette dernière. Furieux, il se démena de plus belle, et elle bascula sur le côté. Saisissant l’opportunité au vol, le reptile posa ses griffes sur le bras de l’assaillante. La douleur déchira sa peau. En désespoir de cause, elle tira de son sac un morceau de viande séchée et lui envoya en pleine figure. La lésion ayant eu raison de son adversaire, il n’eut pas la moindre réaction, et, incapable de réfléchir, elle n’y prêta pas attention. Gagnée par la panique, elle se dégagea de l’emprise désormais inerte et recula précipitamment. Le sol se déroba sous elle. Cela devenait une habitude. Elle dégringola à travers un tunnel de terre. Dérangés par son arrivée chaotique, des mulots s’agitèrent. Indifférente à leur manège, elle se releva doucement, les doigts appuyés contre son bras. Il fallait espérer que la blessure ne lui causerait pas d’ennuis. Elle leva la tête : la surface lui paraissait lointaine, et elle estima que l’ouverture interdirait l’accès à leurs poursuivants. Agitant sa sacoche pour manifester sa présence, elle espérait que ses paroles couvriraient les sifflements. « Ramenez-vous ! Je ne pense pas que ces bestioles puissent descendre, et le comité d’accueil est beaucoup moins agressif. » Une pointe d’inquiétude dans la voix, Calanthe espérait que l’inconnu ne tarderait pas à la rejoindre.

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Lun 11 Mai 2020, 19:23


« Avalon, vous dites ? » S’interrogea le renard en trouvant pertinent d’inspecter les environs comme pour y déceler l’évidence. « Hm. Je crois pas que c’est dans le coin. » Il prit une pause dans sa lecture démographique, puis comme si une idée venait de lui jaillir en pleine tête, il claqua des doigts. « Mais peut-être qu’en sortant des marais, vous tomberez dessus. En tout cas, évitez de faire comme moi en vous fiant à votre instinct. De base, je cherchais une auberge pour la nuit. » Puis de péripétie en péripétie, il avait subitement rejoint ces vastes contrées. Ce qui n’était pas plus mal puisqu’au moins, il conservait son argent. Et puis finalement, le hasard amenait son lot de surprises que la prévoyance ne permettait pas toujours, et rien que pour ça il en était reconnaissant. Par exemple ce beau brin de fille, qui bien qu’ayant de mauvais gouts en matière de fruits avait le profil idéal en tant que cliente de ses crimes. Deccio ne perdait jamais le Nord bien longtemps. Chaque fois qu’il croisait quelqu’un, qu’il s’agisse de femmes, d’hommes, d’enfants, de binaires ou autres, il décelait leurs failles. Ils possédaient tous quelque part cette étincelle de jobardise qui ne demandait qu’à éclater.

Dans l’absolu, il devait faire plus amplement connaissance avec elle. Une des parties les plus amusantes du jeu. Mais pour l’heure, ils devaient se défaire de ces reptiles à l’estomac avide. Le calcul était plus complexe que prévu sachant qu’il voulait économiser ses forces, ne serait-ce que pour avoir des arguments dans l’hypothèse où il serait contraint d’y recourir autrement que pour occire des sacs à mains. « Ce que vous croyez ou non n’a aucune valeur. Faire ou ne rien faire, c’est tout ce qui compte. » En l’occurrence, lui ne ferait rien. Rien de très productif en tout cas. En interceptant le message de Calanthe, il comprit de travers. Il ne visualisait pas en quoi son équipement pénien pouvait les sortir de cette situation, mais pourquoi pas après tout. D’un coup sec, Deccio abaissa son pantalon de velours afin de révéler l’autre bête des marais. Une créature longue, dure, et indomptée à ce jour. Un rire machiavélique en guise de riposte, la fierté se lisait en chacun de ses traits, et plus particulièrement ce sourire déformé par la joie d’avoir accompli un miracle. Cependant, il rebroussa très vite chemin lorsqu’il manqua de se la faire arracher par l’un de ces monstres. Le Démon se rhabilla aussitôt. « Cette stratégie n’avait aucun sens depuis le début ! Pourquoi Diable vous ai-je écouté ? » Plus de pitié. Et jusqu’à nouvel ordre, plus de tentative aussi saugrenue. Épris par la rage et le retour du bon sens, le Démon se fit une entaille sur la paume, après quoi il braqua précipitamment son bras à quelques centimètres du reptile le plus proche afin de l’éclabousser et de partiellement l’aveugler avec son sang.

Dans l’hystérie générale, il jeta un œil à son associée. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle se débrouillait plutôt bien. Les lances se classaient parmi les armes les plus pénibles à manier. Il fallait non seulement mesurer la distance, mais également anticiper le point de mire. Deccio avait toutefois un talent que nul autre ne possédait. Il décelait toutes les allusions sexuelles, y compris lorsqu’elles étaient inexistantes. « Si c’est là votre seul souhait, je peux le réaliser une fois qu’on sera sorti de ce merdier. »  Si elle tenait ce genre de propos en toute connaissance de cause, elle devait être prête à en assumer toutes les conséquences. De nouveau exalté par l’appât du gain, le renard poussa à la fois un grognement guttural et inopiné qui eut au moins pour fonction de surprendre les reptiles. L’extravagance de l’homme avait à tel point raison de la nature qu’ils furent comme paralysés par l’absurdité de son attitude, même si cela ne dura qu’un bref instant. Ce moment fugace additionné au chaos qu’avait instauré Calanthe de façon complètement aléatoire leur permit de créer une ouverture pour le moins fortuite. Sans se faire prier, le Démon se laissa choir jusqu’à ce souterrain providentiel. Le calme revenu, il s’éternisa sur la blessure de la nymphomane. « Pas de quoi paniquer, c’est une plaie superficielle. Il suffit de la désinfecter avec… quelque chose. » Autant il avait acquis quelques notions utiles sur la biodiversité animale, autant il plaidait l’ignorance sur le processus végétal. « Bon, mais continuons à avancer. Et que je ne vous entende pas vous plaindre, sinon je vous abandonne. »

En s’enfonçant dans ce tunnel généré par la chance, les ténèbres le recouvrèrent progressivement de sorte que leur champ de vision en soit sévèrement troublé. Dépourvu de nyctalopie, Deccio se heurta les orteils sur des obstacles à plusieurs reprises, manquant de trébucher toutes les secondes non sans lâcher quelques jurons adaptés au contexte. Bien pourri soit dit en passant. « Cette idée brillante ne pouvait venir que de vous. D’ailleurs où est ce que vous vous planquez encore ? » Le seul moyen de le découvrir autrement que par le son de sa voix, c’était de tâtonner à l’aveugle. Il toucha consécutivement la pierre des murs, un mulot, des os séchés, de la chair en décomposition et… oh. Une paire de seins. « Trouvé ! » Loin de s’arrêter pour autant en si bon chemin, le Démon continua à malaxer, épousant les formes et soupesant les obus tel un virtuose mammaire. « C’est que vous avez du beau matos. Non sérieusement, j’ai pas vu mieux depuis cette danseuse d’un célèbre cabaret clandestin à Utopia. » Malgré l’absence de lumière, son sourire lui, resplendissait.


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Lun 18 Mai 2020, 20:45

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À l'arrivée du blond, la Déchue ne tarda pas à progresser dans le tunnel. Rester à proximité des crocodiles ne lui disait rien qui vaille, et les rongeurs s’aventuraient vraisemblablement quelque part. Précautionneuse, elle déchira sa manche en chemin et la noua autour de sa plaie. Par chance, le saignement s’était arrêté. La remarque de son acolyte éveilla en elle une pointe de cynisme. « Au moins, si la blessure s’infecte, vous n’aurez plus l’occasion d’écouter mes plaintes. » En dépit de sa fanfaronnade, elle ne souhaitait pas le moins du monde succomber de la sorte, et la tentation d’une nouvelle convalescence ne lui effleurait même pas l’esprit. Ouvrant la voie, elle prenait soin de ne pas écraser ce qui se présentait sous ses pas : ses chaussures souffraient suffisamment de leur passage dans le marais. « Qu’est-ce que vous faites de votre vie, quand vous ne campez pas dans un marais ? » Oppressée par l’obscurité, elle ressentait subitement le besoin d’engager une discussion. Livrer quelques informations à son sujet pour en apprendre davantage sur les péripéties de Deccio lui paraissait un compromis convenable. « J’ai été malade pendant longtemps. Je ne connais pas grand-chose du monde, en dehors des meilleurs couturiers. D’ailleurs, je suis certaine que l’orange vous va à ravir. » Il suffisait de mentionner les vêtements pour que ses méninges s’emballent : elle visualisait aisément une tenue qui mettrait en valeur sa silhouette et son teint. Cela étant, ses considérations sur les couleurs n’intéressaient sans doute pas le petit filou derrière elle.

Silencieuse, la jeune femme prit de l’avance sans y prêter attention. Sourde à la question posée, elle plissa les yeux. Il lui semblait que la noirceur face à eux s’éclaircissait en douceur. Un contact singulier la fit tressaillir : elle mit quelques instants avant de comprendre la situation. Loin d’être étrangère aux plaisirs sensuels, elle n’avait néanmoins pas pour coutume de sauter sur les inconnus dans des souterrains. Sans doute était-il fait du même bois que ses parents. Charmée par son compliment, elle s’égaya davantage lorsque le sac de son interlocuteur entra dans son champ de vision. Oublier ce qui y reposait se révélait impensable. D’un geste imprévisible, elle poussa le blond contre le mur. Joueuses, ses phalanges se promenèrent sur les lèvres de l’homme avant d’entamer une courbe verticale. « Je ne suis peut-être pas une experte en médecine, mais j’ai quelques notions en anatomie. J’ai l’impression que vous aimeriez les vérifier. » Brûlante de le sentir contre elle, le corps de Calanthe rejoignit celui de Deccio. Entre elle et son trésor, il ne restait que des morceaux de tissu. Ses prunelles luisaient de désir ; des picotements harcelaient son front, impatients de découvrir la fraîcheur de leur dû. Une sensation chaleureuse enflait dans ses entrailles. Il lui en fallait plus. À travers le coton, l’émeraude mordait ardemment sa chair. Électrisée par un frisson, elle porta la main de l’inconnu à sa taille. Elle ne voulait pas qu’il rompe le contact, pour une raison sensiblement différente de celle escomptée. Encore un mouvement, et elle saisirait le bonheur à pleines mains.

S’abandonner risquait de lui causer plus d’ennuis que nécessaire. Il lui fallait guetter l’occasion idéale, et si les circonstances se montraient capricieuses, la créer de toutes pièces. En l’occurrence, elle avait remarqué la vigilance du blond, et elle doutait que ses caresses suffisent à le distraire. En revanche, elle connaissait par cœur le manège des Luxurieux, et l’attente avait merveilleusement tendance à les enflammer. La possibilité qu'il ne s'encombre pas d'une telle nature ne lui vint même pas à l'esprit. La descente sulfureuse de ses doigts s’évanouit sur le ventre du blond. Avant de relâcher son étreinte, elle se hissa sur la pointe des pieds. « Cela dit… Soyons patients. Le spectacle est meilleur lorsqu’on a eu le temps de le désirer. Et qui sait ? Si on finit par tomber sur une auberge, je pourrais peut-être vous montrer qu’il n’y a pas qu’à Utopia que les femmes savent danser. » L’intelligence de Calanthe n’atteignait pas des sommets ; elle se montrait cependant ingénieuse lorsqu’il fallait attiser l’envie de quelqu’un. À contrecœur, elle s’élança à nouveau dans le tunnel. Morose de ne plus sentir la chaleur du diadème, elle accéléra le rythme. Ils débouchèrent finalement sur une salle abandonnée. La lueur des étoiles se jouait des racines qui couvraient le plafond, distillant ses traits d’argent sur des colonnes effondrées. Prudente, la Déchue louvoya entre les débris. De l’obscurité vacillante, elle discernait un étage en-dessous de la plateforme sur laquelle ils se trouvaient. Pour y accéder, il fallait emprunter une corde solitaire, accrochée à un promontoire à moitié écroulé. « On dirait qu’il y a quelque chose en bas. Ça ressemble à un coffre. » Toute précaution reléguée au placard, elle s’approcha du rebord. Le gravier s’effrita sous ses pas ; elle manqua perdre l’équilibre. La descente se révélait sans doute plus périlleuse encore. Peu encline à risquer sa vie une fois de plus, elle fit signe au blond d’approcher. Ses yeux s'attardèrent sur la sacoche. « Puisque vous avez l’air d’aimer les babioles, à vous l’honneur. » La frustration alluma une étincelle de convoitise dans son regard. S’il se penchait au-dessus du vide, il lui serait difficile de résister à la tentation. Entraîner sa chute lui permettrait de récupérer l’objet de son désir. Calanthe désapprouvait farouchement une pareille idée. Son avis ne pesait pas lourd dans la balance. L’envie savait souffler sa volonté. Au bord du précipice, elle guettait l'air de rien l'instant propice. Elle ignorait encore qui de sa morale ou de son caprice aurait raison d'elle.

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Ven 22 Mai 2020, 22:55


La curiosité de Calanthe sur ses activités extraprofessionnelles lui arracha un léger rire. Son quotidien était tellement bouleversé du jour au lendemain qu’aucune réponse n’était appropriée. « Oh, rien d’extraordinaire. Parfois je me fritte aussi contre des requins et des sirènes. J’ai toujours confondu les deux à cause de leurs odeurs de poiscaille répugnante. Du coup, ça suscite quelques malentendus. » Rien que d’y penser, il arrivait à ressentir les conséquences de ce genre de quiproquos, plutôt habituels chez l’homme. Son sens de l'observation pouvait s'avérer autant acéré que complètement aux fraises. « Pour le reste, la liste serait trop longue. » Et de toute façon, nul doute qu’il ferait étalage d’une multitude d’anecdotes au fil de leurs progression. Le Démon avait accumulé assez de déboires pour écrire un roman entier. Enfin. Peut-être même six s’il couchait sur papier la fin tragique de ses ex-compagnes. « Le orange, vous dites ? La couleur de la frivolité, de l’énergie. De la chaleur... comme celle de ma bite. Oui, j’en conviens, ça me correspond plutôt bien. Avec ça je serais l’égérie du plaisir. Ôla. Ôlé. » Très bonne proposition en effet. Et ce même si sa lignée avait pour coutume de porter le moins de tissus possible. Ce phénomène datait d’une tradition ancestrale qui avait pour but d’apposer plusieurs grosses pierres les unes sur les autres afin de former trois immenses piliers. Il fallait ensuite fredonner une mélodie tribale tout en prenant des poses suggestives dans des tenues pour le moins dénudés. Hélas, cette tradition avait été abolie après le décès tragique d’un des membres fondateurs. Peut-être qu’un jour il ferait en sorte de la rétablir. Pourquoi pas oui.

Et quand on parle du loup, il arrive qu’on veuille lui voir la queue. Calanthe en tout cas, ne semblait pas contre cette idée. Lorsqu’elle le poussa avec autant de caractère, une pointe d’excitation accabla son… bassin. « Et si je vous disais que je connais le corps féminin de fond en comble, vous tenteriez de le vérifier, vous ? » Répliqua le renard en provoquant des allées et venues plutôt explicites avec ses hanches. Dommage cela dit qu’elle renonça à ces étreintes charnelles avant même que le coup de sifflet ne retentisse. À charge de revanche, il se souviendrait de son espièglerie. « Estimez-vous heureuse. J’ai oublié mon fouet en acier trempée et mes bottes cloutés chez moi. » Tant d’impolitesse renfermée dans un si petit être aurait mérité un châtiment corporel bien sévère en temps normal. Deccio avait autrefois été un homme violent, qui battait ses amantes tellement fort qu’il était impossible de les identifier une fois le délit commis. Il avait eu quelques excès de colères plutôt difficiles à contenir. Une nature aujourd’hui éteinte pour des raisons techniques, mais qui pouvait resurgir à tout moment. Qui sait. Et qui avait envie d’attendre pour le savoir ? Le prince de la ruse n’était pas né de la dernière pluie. Sous son air de petite dévergondée, elle manigançait quelque chose. Toutefois, il n’avait aucune preuve à l’appui, et il n’avait pas non plus la patience de rester planté là pour se tenir informé des méfaits. Mais quand soudain elle l’interpella pour lui faire part d’une découverte pour le moins enrichissante, ses priorités furent complètement chamboulées.

L’attrait de posséder un énième trésor était plus fort que lui. Tout ce qui avait de la valeur attirait indéniablement son attention. Et si en plus ça brillait, c’était le jackpot. Dans une autre vie, Deccio avait probablement été une pie. Et pas n’importe quelle pie. Une pie qui chipe tout. Un chipieur quelque part. Avant de se précipiter au bord du gouffre tel que le ferait n’importe quel amateur, le Démon resta à l’affut du moindre coup de pute. Domaine dans lequel il excellait. Or, on n’apprend pas au hibou à fermer les yeux un soir de pleine lune. C’est pourquoi il pensa judicieux de la prévenir. « N'entreprenez rien que tuvous pourriez regretter, femme ingrate. Les derniers qui m’ont titillé ne sont plus là pour en témoigner. Ouais. En fait ils m’ont échappé, ces fumiers… » Ce qu’il évitait de lui dire en revanche, c’est qu’il pouvait à peine lui casser un bras. Au mieux il pouvait toujours recourir à la Tentation du Diable pour la pervertir davantage. Seulement voilà, elle recelait sûrement plus de vices qu’il ne pouvait lui en donner. À court d’idées pour se préserver du danger — en omettant qu’il était lui-même de la pire espèce — et serein quant à ses capacités d’emprunter une corde à moitié rongée par l’humidité, l’homme prit tout de même la décision de s’y rendre. Il préférait ça que de léguer ce trésor à un autre. Surtout qu’il était loin d’avoir les moyens de se prélasser dans des bains d'or tous les jours.

En laissant son corps musculeux glisser sur cet élément indigne de confiance, Deccio ne songea même pas un seul instant que son ancrage approximatif associé à son poids aurait aussitôt fait de fragiliser davantage la plate-forme avant de céder. Celle-ci se délabra en quelques secondes, emportant non seulement les parcelles qui s’effritèrent à vitesse grand V, mais aussi Calanthe et lui-même qui chutèrent plus que de raison en devant perpétuellement contrôler leur trajectoire sur cette pente mortelle nouvellement crée. Le Démon se servit de ses griffes comme moyen de freiner sa course, mais ce fut loin d’être suffisant pour contrecarrer les obstacles sur sa route. Au détour de plusieurs collisions cinglantes, de roulés-boulés pour le moins spectaculaires et d’un mal de crâne d’une valeur de huit sur l’échelle d’Emigren, l’homme retrouva quasiment toute sa mobilité. Toutefois, il comprenait maintenant le vrai sens de cette expression qui impliquait sa tête et son anus. Quant à la dinde, elle était manifestement enfouie sous les débris. Il n’avait aucune envie de l’aider. Et il ne le fit pas d'ailleurs. En revanche, les fragments et autres lambeaux de planches qui la recouvraient se mirent soudainement à léviter puis à se diriger au niveau d’une ouverture adjacente. Du coin de l’œil, complètement relâché par la décontraction, Deccio observa ces mêmes morceaux de marbres tournoyer autour d’un homme encapuchonné de la tête au pied. Dans la pénombre, seuls ses yeux rougeoyants ressortaient. D’une voix rauque, il révéla sa masculinité. Ou un travestissement de qualité. « J’ose espérer que vous avez une bonne explication à me fournir. » Après déduction, le monsieur n’était pas content.


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Lun 25 Mai 2020, 18:08

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Au moment propice, le remords sillonna entre les doigts de Calanthe. Des éclats lunaires tourbillonnaient sur le visage de l’inconnu. Approfondi par des sursauts malicieux, son regard se teintait de la couleur de l’herbe fraîchement arrosée. Envisageait-elle réellement de mettre un terme à son existence pour satisfaire un caprice ? Sitôt qu’il serait sien, elle n’envierait plus le diadème. L’inertie du bijou lui pèserait bien plus sur le cœur que la vie du blond. Dégoûtée par ses intentions, elle n’attendit pas l’avertissement pour renoncer. Comme sur le coup d’une brûlure, ses phalanges s’écartèrent vivement de la corde. Faiblarde, la luminosité ne lui permettait pas de distinguer le reste de la salle. D’un geste négligé, elle haussa les épaules. « Tout le monde n’a pas la fourberie dans le sang. Je ne vous ferais rien. » Davantage qu’un trésor dont elle n’avait que faire, peut-être trouveraient-ils en bas un endroit digne de ce nom pour se reposer. L’adrénaline ne lui fournirait pas éternellement le dynamisme de sa présence ; elle redoutait de tomber de fatigue. Reconnaissante de voir Deccio prendre les choses en main, elle s’écarta pour le laisser passer. « Faites attention à vous. Je ne suis pas experte en escalade, et je ne viendrais pas jouer les preux chevaliers si vous tombez. » En dépit de son affirmation, elle se connaissait suffisamment pour savoir qu’elle volerait à son secours si le moindre problème faisait son entrée. Soucieuse, elle se détourna de lui. Le voir suspendu dans le vide risquait de faire grandir en elle un nœud d’angoisse. En l’occurrence, le souci ne se présenta pas là où elle l’attendait.

Sitôt que le blond eut entamé sa descente, le sol ondula d’une curieuse façon. Incapable de comprendre ce qui se passait, le réflexe de se cramponner à la première chose qui lui tomba sous la main ne fut d’aucune utilité. Inexplicablement, la pierre se fissura. Aucun son ne sortit de la bouche de Calanthe. Muette de surprise, son corps glissa sans demander son reste. Dans une pitoyable tentative pour se rattraper, elle agita les bras. Déployer ses ailes lui aurait certainement sauvé la mise. Malheureusement, sa convalescence avait laissé des séquelles, et la plus humiliante d’entre elles demeurait une faiblesse musculaire qui la privait du bonheur de voler. L’éventail de ses possibilités considérablement restreint, elle se replia sur elle-même, espérant s’épargner la brutalité du choc. Toute cette affaire ne pouvait qu’être un cauchemar. Sans doute allait-elle se réveiller, confortablement enserrée dans les draps de son lit. Le sort qui l’attendait ressemblait à s’y méprendre au sommeil. Ensevelie sous les débris, toute lumière avait disparu. Quelques secondes s’écoulèrent : sonnée par la douleur, elle ne la sentait pas vraiment. Lorsqu’elle réalisa la situation, elle entreprit de se débarrasser du carcan minéral. Vainement, elle tenta de soulever les décombres. À son grand étonnement, celles-ci bougèrent en rythme pour la délivrer. Méfiante, elle releva la tête pour évaluer le terrain. Par miracle, le blond avait lui aussi survécu à la chute, et il faisait face à un étranger dont l’attitude manquait cruellement de chaleur. « Drôle de manière d’accueillir les gens. Vous ne devez pas avoir beaucoup d’amis. » Bien que leur position exigeât qu’elle fasse des efforts, elle ne ressentait pas du tout l’envie de se montrer respectueuse. Sans se presser, elle dépoussiéra sa robe, davantage par habitude que par coquetterie.

Sa patience épuisée, la Déchue ignorait sciemment la menace que représentait le nouveau venu. Manier les pierres avec une telle décontraction impliquait une maîtrise savante de la magie, et, même dans ses meilleurs jours, elle parvenait à peine à soulever un stylo. Mystérieusement disparue, sa lance ne lui serait pas d’un grand secours s’il décidait de s’en prendre à eux : elle songea même que dans de telles circonstances, rien ne pourrait les sauver. Sans se démonter, elle s’adressa sèchement à lui. « J’ose espérer que vous, vous avez une bonne explication pour avoir écroulé cette plateforme au lieu de simplement signaler votre présence. C’est très malpoli d’enfouir les gens sous les décombres avant même de s’être présenté. » Il ne vint même pas à l’esprit que l’homme, dérangé dans ses activités, ait pu croire à une attaque et agi par pur réflexe. Contrariée que le calme ait à nouveau disparu, elle en vint presque à regretter la compagnie des mulots du souterrain. Répondre aux avances du blond lui aurait sans doute évité de se retrouver dans un tel pétrin. Du coin de l’œil, elle partit à la recherche de son arme. Sans succès. La salle ressemblait désormais à un champ de ruines. Il ne manquait qu’une bataille pour compléter le tableau. Ne tenant pas à initier les hostilités, elle se rapprocha de son acolyte. « Je m’appelle Calanthe, et voici… Mon associé. » Confuse, elle se rendit compte qu’elle ne connaissait même pas l’identité de son partenaire. En vérité, elle ne savait pas grand-chose sur lui, si ce n'est qu'il manifestait une affection évidente envers les babioles. Elle le soupçonnait par ailleurs d'apprécier bien plus qu'elle les péripéties auxquelles ils se livraient.

Contre toute attente, la présence du renard suffisait à lui donner une certaine assurance : ils avaient déjà échappé à des mâchoires plus acérées que celles de l’homme en face d’eux. Néanmoins, elle doutait que la chance les favorise une deuxième fois. Discrètement, elle lui effleura la main et formula à voix basse une étrange demande. « La prochaine fois que j’ai une idée, rendez-nous service, et giflez-moi. » Il fallait reconnaître qu’elle enchaînait malgré elle les idées désastreuses, et elle préférait arborer quelques minutes une marque rouge sur la joue que pourrir dans un coin. Au mépris de toute prudence, la jeune femme s’approcha de leur agresseur présumé et, en gage de bonne foi, elle souleva le tissu qui dissimulait sa blessure. Curieusement pacifiste, elle n'accordait pas pour autant sa confiance à ce dernier. « Pour votre information, la faune là-haut est encore plus hostile que vous, et nous avons dû battre en retraite dans le tunnel. » L’honnêteté présentait le singulier désavantage de lui arracher cet aveu de faiblesse. Réfléchir à une stratégie digne de ce nom lui paraissait hors de sa portée : elle laissait au blond le plaisir d’élaborer un subterfuge s’il en avait envie. À mesure que les mots tombaient de ses lèvres, son animosité déclinait. « Nous cherchons seulement la sortie, et l’adresse d’une auberge digne de ce nom. Et vous ? Vous êtes chasseur de trésor ? » Fatiguée de l’épopée que le marais s’acharnait à leur faire vivre, elle s’appuya contre un amoncellement pierreux et poussa un soupir.

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Jeu 28 Mai 2020, 14:09


Deccio était profondément indigné par cet homme. Quel manque de respect, quel toupet, mais quelle prestance mine de rien. Calanthe en revanche se sentit pousser des ailes. Qu’est-ce qui lui passait par la tête pour oser parler à un ancêtre capable de soulever des débris comme s’il s’agissait d’un tas de feuilles mortes ? La douleur avait dû gravement l’affecter pour atteindre ainsi sa raison. Heureusement pour elle, sa rencontre avec lui rallongeait sensiblement son espérance de vie. Ils fonctionnaient en binôme désormais, et pour cette raison il se refusait à la laisser tomber. De base, il comptait rester de marbre et recourir à la technique de la taupe somnolente, mais pas question d'attendre les bras croisés après cette affligeante démonstration. Alors que sa coéquipière essayait de renverser la situation, le rusé filou tapa fermement du pied pour attirer l’attention de la muraille encapuchonnée. « Hey, gros tas. Vous feriez mieux de déguerpir si vous voulez pas qu’on vous fume. Vous n’avez pas idée de qui on est et de ce qu’on vient de traverser. Moi, j'serais vous, je vous écouterais... Non, moi, j'serais nous, je vous... Si moi, j'étais vous, je vous écouterais ! Non, elle me fait chier, cette phrase ! Tout ça pour vous dire que vous devriez vous confondre en excuses et vous décaler gentiment sur la droite si vous avez pas envie de tâter de mon épée, moi Ô pourfendeur de vierges, grand excavateur de la vertu et taxidermiste de laiderons dans votre genre. » Mais il n’était pas lui, et sa réaction ne fut pas celle escomptée en dépit de sa tentative de bluff pourtant en adéquation avec les circonstances.

D’ailleurs quelle fut-elle ? Difficile à dire, car la lueur disparut soudainement au profit d’une vision mi-sombre, mi-illuminé et re mi-sombre par derrière. Un trou de mémoire menant à l’inconscience de l’homme, ou inversement. Là encore, ce n’était pas clair. Ce qui l’était un peu plus, c’était la pièce dans laquelle il se retrouva coincé après son retour de voyage express. Après une brève contemplation, il en vint à conclure qu’il n’avait pas eu le droit au pass VIP. Ou bien alors il était grand temps de rénover cette chambre nuptiale capitonnée, car son décor cellulaire laissait à désirer. La bonne nouvelle, c’est que les blattes qui partageaient sa geôle savouraient la gamelle à ses pieds au lieu de s'en prendre à ses orteils. Et aussi qu’il n’était pas menotté par des fers. D’un autre côté, il était inoffensif, avec ou sans entraves. Calanthe était également dans le coin, mais une grille les séparait, sans doute pour les empêcher d’interagir. Elle semblait tout juste recouvrer ses esprits. « Je vous félicite pas. Vous auriez pu faire preuve de plus de tacts. À en juger par ses goûts douteux, on a sûrement dérangé un sorcier dans ses affaires clandestines. » Deccio se leva pour explorer le coin dans son périmètre d’action. Il se pencha ensuite pour observer un ancien détenu dont la peau n’était plus sur ses os, une fourchette suspendu entre ses chicots. Autrement dit, un squelette. « Dites-moi. Vous vous positionnez comment en matière d’exigence culinaire ? » La moisissure avait élu domicile sur ce pauvre condamné, sa colonne étant complètement scellé au mur par toutes sortes de substances étrangement odorantes. Le Démon le fouilla dans l’espoir de trouver quelque chose d’utile, comme un crochet ou un ustensile quelconque, mais la seule pièce qu’il récupéra comportait des dizaines de pattes. Cette drôle de bestiole gravita autour de son membre avant de se faire éjecter par son détenteur. « Il pourrait entretenir un minimum ses locaux. Ce serait la moindre des choses quand on reçoit des invités aussi prestigieux que nous. Enfin... que moi. » Deux craquements secs plus tard, Deccio se retrouva armé d’un bras et d’une jambe squelettique, de quoi intimider le plus féroce des prédateurs. Qu’il se ramène, il n’en ferait qu’une bouchée.

Toutefois, dans cette séance improvisée, il fit une belle découverte. Usant de toute sa force en faisant levier avec son corps, il décrocha le cadavre qui se décomposa en plusieurs parties. Une mousse épaisse le dissimulait, mais une brique de cette partie du mur était absente, et l’appel d’air suggérait qu’une issue se trouvait bel et bien derrière ces murs. « Hm. C’est déjà ça. En revanche je ne peux pas retirer ces pierres à mains nues. Il va me falloir un outil ou quelque chose dans le genre. » De ce côté, il ne pêcha rien de très pertinent, si ce n’est des couverts rongés par la rouille et un plateau d’argent enseveli sous des cendres. En regardant en l’air, il nota la présence d’un passage dans le plafond, mais ce dernier était hors de portée en plus d’être étroit. D’ailleurs, il y songeait seulement maintenant, mais la pièce dans laquelle ils étaient enfermés ne contenait ni portes ni fenêtres. En fin de compte, cela ressemblait davantage à une fosse qu’à une prison. Prenant conscience de la gravité de la situation, le renard accéléra ses recherches. « Vous devriez faire comme moi et vous grouiller de trouver une solution. Quelque chose me dit qu’on va pas tarder à passer à la casserole. » À prendre au sens propre et non pas figuré. Rejeté par ses parents, Deccio survivait depuis sa plus tendre enfance, ce qui avait eu pour conséquence d’affûter son instinct de manière fulgurante. Il ne savait ni pourquoi ni comment cela se déclenchait, mais quand il pressentait quelque chose, ça n’augurait jamais rien de bon.


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Dim 31 Mai 2020, 19:17

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Quelque chose la poursuivait. Troublée dans son sommeil, Calanthe courait dans le noir. Rien n’existait autour d’elle, sinon le parfum qui enflait. Ses yeux affolés ne percevaient pas les couleurs, et son corps même lui devenait étranger. La pestilence l’encerclait. Incertaine de ses propres sensations, elle n’aurait su dire si elle avançait d’un millimètre. Il fallait fuir, avant que l’exhalaison ne la rattrape et ne fasse pourrir sa chair. Sa poitrine se soulevait plus vite à chaque pas. Respirer lui donnait la nausée. Elle imaginait l’odeur ramper en elle, déchiquetant ses organes de son étreinte putride ; elle dévorait tout. Horrifiée, elle se couvrit la bouche et le nez de ses mains. Il était trop tard : ses veines charriaient le miasme, et des flots immondes jaillissait la pourriture. Tétanisée, elle sentit longtemps la putréfaction se disperser en elle. La conscience vint ensuite, d’abord lointaine. Les effluves s’éparpillèrent, comme des dés jetés d’une main habile aux quatre coins d’une table. Des sonorités inconnues s’invitèrent à ses oreilles. Battant des cils, elle finit par ouvrir les yeux. « Qu’est-ce que… » Le paysage ne lui plaisait pas. Un instant, elle fut tentée de retourner à ses affres nocturnes. Nier la réalité ne servirait à rien, et la raideur dans ses muscles l’empêcherait probablement de replonger dans les bras de Morphée. D’humeur bougonne, elle se frotta le visage. En provenance du plafond, une lueur sale lui permettait de distinguer la silhouette de Deccio qui s’affairait derrière des barreaux. « On y voit comme à travers une pelle, ici. » Souvenir de sa rencontre avec une planche, son sang affluait en abondance pour dévaster ses tempes.

Malheureusement, se remémorer les événements récents donnait sur la situation actuelle des indices qu’elle-même était en mesure de comprendre. Dans l’incapacité de renvoyer son reproche au prisonnier, elle se releva pour faire quelques pas dans la cellule. Une torpeur dont l’origine lui échappait anesthésiait ses impressions. « Je vous répondrais bien que, le gras, c’est la vie, mais dans l’immédiat, je me contenterais d’avaler de l’air. » Répugnants, les relents de son rêve chatouillaient à nouveau ses narines, et bien qu’elle soit cette fois-ci en possession de la vue, elle n’avait plus le luxe de courir. Dégoûtée, elle songea un instant à se dissimuler entre ses ailes en attendant que le monde s’évanouisse. Qui lui en voudrait, après tout ? « Prestigieux ? Vous êtes quelqu’un de célèbre ? Je ne vous reconnais pas, mais je ne sais plus grand-chose du monde. C’est quoi, votre nom ? » Cerner le personnage ne relevant pas de ses priorités, son identité pourrait éventuellement leur servir. S’il possédait une quelconque renommée, ils pourraient ouvrir les négociations avec leur ravisseur. Elle ne songea pas une seconde que les gens importants se retrouvaient rarement dans des circonstances aussi grotesques. Un mouvement inattendu attira son regard. Des os entre les doigts, le blond fanfaronnait. N’ayant jamais eu l’occasion de voir un cadavre, elle blêmit. Comment pouvait-il agir avec une telle désinvolture ? Le ventre noué, elle examina son manège en silence. La Déchue enviait sa décontraction. Pourquoi ne parvenait-elle pas à agir de la sorte ? Cette pensée la désola.

Morose, Calanthe manifesta un enthousiasme significativement bas en comparaison de celui de son partenaire. En plus de ne pas savoir quoi faire, la jalousie torturait ses entrailles. Elle aurait voulu posséder ce caractère singulier qui rendait Deccio espiègle et pugnace. Elle n'avait jamais rencontré quelqu'un comme lui. D'une certaine façon, elle aurait aimé être lui. « Vous vous épuisez pour rien. On ne sortira jamais, et vous le savez très bien. » Peu encline à faire des efforts, elle s’arracha à la mauvaise humeur en le voyant s’agiter en tous sens. Il ne lui paraissait pas du genre à paniquer au moindre problème, et elle ne pouvait prendre le risque de le voir se défiler sans elle. Sa bonne volonté ne suffit pas à dénicher un outil utile à leur potentielle évasion. Néanmoins, elle remarqua qu’atteindre l’ouverture ne lui était pas impossible, et par chance, sa convalescence lui accordait un gabarit réduit. « Je vais voir où mène ce conduit. Si la chance est avec nous, je finirais bien par tomber sur une sortie. Vous avez intérêt à rester en vie jusqu’à ce que je revienne. » Sans attendre qu’il la retienne, elle se hissa vers le haut à la force des bras. Mal à l’aise en raison de la promiscuité, son souffle s’accéléra. Avant de perdre courage, elle commença à ramper entre les parois. À son grand désespoir, elle ne tarda pas à sentir les murs se refermer sur elle, et l'étroitesse du tunnel lui interdisait d'avancer. Progresser jusqu’en haut ne lui était pas permis. À la recherche d'une solution, elle tourna la tête. Plusieurs puits de lumière se succédaient. Revigorée à la perspective d’accéder à une nouvelle salle, elle prit appui sur ses coudes et changea de direction. L'angoisse risquait à tout instant de la submerger.

Un détail lui avait cependant échappé. Crapahuter dans un espace restreint implique une certaine agilité, et en la matière, elle ne possédait pas d’aptitude mirobolante. Le conduit suivant représenta un obstacle définitif. Incapable de le contourner, elle chuta. L’atterrissage ne se déroula pas exactement en douceur. Le corps de Deccio remua vivement sous le sien. « Ah. Je n’avais pas prévu de vous sauter dessus. Pardonnez-moi. » Gênée, elle se releva précipitamment. Réussir à le rejoindre n’arrangeait en rien leurs affaires. Quand bien même la possibilité de survivre augmentait significativement à présent qu'ils étaient réunis, la faim ne s’embarrassait pas du nombre de victimes qu’elle terrassait, et à en juger par le squelette, c'était tout ce qui les attendait. Désignant la traîtresse ouverture, elle lui fit part de ses découvertes. « Il y a une sorte de cheminée, mais elle se rétrécit dès qu’on commence à monter. Par contre, j’en ai remarqué d’autres sur le côté. Si vous m’aidez à grimper, je pourrais... » L’inquiétude traça son chemin dans les méninges de la Déchue lorsqu’un craquement inhospitalier se fit entendre. N’ayant pas encore l’insolence d’être soulagée, elle se rapprocha de Deccio, rassurée par sa proximité. Cynique, elle contempla le plafond avec méfiance. « Une dernière chose à dire avant que le ciel nous tombe sur la tête ? » En parfait accord avec sa question, les pierres qui jusque-là masquaient l'extérieur s’écartèrent en une ondulation brinquebalante. La grille s’effondra. Les jambes flageolantes, la blonde resta immobile, constatant, impuissante, que la cellule se remodelait à son tour. Instigateur du phénomène, l’homme encapuchonné se tenait au seuil de l’ouverture. D’un geste imprévisible, il balança leurs possessions dans la fosse. « Battez-vous. Maintenant. » Interloquée, la jeune femme regarda sans comprendre la lance jetée à ses pieds. À la réflexion, elle préférait de loin son cauchemar.

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Mar 02 Juin 2020, 19:50


Si Deccio vivait plutôt bien l’enfermement — car trop stupide ou intrépide pour s’inquiéter de quoique ce soit de toute façon — ça ne semblait pas être le cas de son associée de circonstance. Calanthe subissait vraisemblablement les conséquences de tous les désagréments qui leur tombaient sur la tête sans interruption. Il ne pouvait pas la blâmer pour ça, puisque toute personne un tant soit peu pondérée engendrait un comportement similaire. N’importe qui dans la même situation se replierait sur lui-même, se privant inconsciemment des ressorts indispensables à la survie. Si le renard se refusait à se laisser abattre aussi simplement, c’étaient pour de nombreuses raisons, essentiellement intimes. Et aussi par caprice, afin d’empêcher quiconque de lui imposer la manière dont il succomberait, tout comme il évincerait tous les audacieux qui chercheraient à contester les chemins qu’il suivrait. Quoiqu’il en soit, cette fragilité naissante de la part de cette femme auparavant si expressive avait de quoi l’émouvoir. Il désirait lui venir en aide, à sa façon. Peut-être par fierté, par rancune avec l’idée même de renoncer, par dédain envers les forts qui s’en prenaient aux plus faibles ou bien par dégoût de ce que cette image lui renvoyait. Ce n’est pas les raisons qui manquaient à sa volition de les sortir de cette cage.

Quant à la question sur son identité réelle, alors non, elle se méprenait totalement. Aujourd’hui, son appellation n’avait plus aucune valeur, et même en admettant qu’il ait encore du poids, sa révélation aurait précipité leur mort plus qu’il aurait plaidé en leur faveur. Toutefois, il décida de la lui cacher en adoptant un pseudonyme. « Oh. Et bien… On me connait sous le doux nom de Castellanos. Sebastian Castellanos. » Sans savoir ni où ni comment, un fugace son musical semblable à une mandoline fit écho à travers la geôle, comme si un esprit malin approuvait son choix en le primant d’une enivrante mélodie. Deccio chercha aussitôt sa présence d’un regard désarçonné, mais celle-ci ne se manifesta plus, les lâchant de nouveau dans le monde de l’accalmie. « Dommage. Ca ajoutait un peu d’ambiance je trouve. Mais pour en revenir à mon nom, alors il ne nous apportera rien. Si ce n’est un aller simple pour l’au-delà. » Il ne faisait pas suffisamment confiance à la belle des champs pour la couvrir de vérités pour l’instant. En supposant qu’ils parviendraient tous deux à s’éclipser de ce cauchemar, rien ne prétendait qu’ils pourraient se recroiser après autant de rebondissements mutuels. Dans la tête d’un Démon, le danger ne signifiait pas grand-chose, mais certaines espèces étaient beaucoup moins sensibles aux sursauts d’adrénalines. La plupart d’entre elles préféraient même les déjouer. Et puis qui sait. Si ça se trouve, Calanthe était en réalité un barde à ses heures perdues. Donc pas question de lui donner l’occasion de composer une chanson à propos d’un loup, d’un renard et d’une belette qui passaient du bon temps dans une vallée. De toute façon, la priorité actuelle consistait à entrevoir une issue dans le temps qui leur était impartie ; allant de « ça va barder » à « on est dans la mouise ». « Ne dites pas n’importe quoi. Vous reconnaissez la défaite avant même d’avoir essayé. Seuls les perdants raisonnent de la sorte. C’est ce que vous voulez être ? Pour ma part, pas question de croupir ici. J’ai une renommée à construire après tout. » Plus que pour l’honneur, mourir maintenant signifiait être rayé de l’histoire sans que personne ne s’en soucie. Et pour espérer y figurer un jour, il devait d’abord accomplir des faits d’armes exceptionnelles. Ce qui était très peu probable en restant là à se morfondre. Les miracles n’existaient pas, ils se créaient par le dur labeur.

Cependant, à force de temps et d’un bon coup de pied au cul, Calanthe finit par le rejoindre — non sans le brusquer au passage — de l’autre côté. Se redressant à son tour, il épousseta ses vêtements. « Aucun problème. Je peux concevoir qu’il est difficile de résister à mon charme, bien que le décor ne sied pas trop au romantisme. » Ce qui collait en revanche, c’était de prendre en compte tous les détails susceptibles de jouer un rôle dans leur évasion. Cette cheminée dont elle parlait aurait parfaitement pu agir en conséquence si seulement ils n’avaient pas été interrompus dans leurs recherches. Visiblement plus méfiant que prévu, le sorcier accepta de rendre les armes de chacun au profit d’un combat. « Il se croit dans une arène ou quoi ? Certains fétichistes ont des fantasmes que je ne comprendrais jamais. » Il avait pris soin de chuchoter sa remarque afin d’éviter un affront direct. Retrouver son attirail était toutefois une bénédiction qu’il fallait savoir remercier avec une bonne conduite. Deccio s’approcha d’elles puis ramassa distinctement son wakizashi et son kusarigama. Reposer ses mains sur ces trésors d’acier le rendit tout de suite plus détendu. C’était comme d’avoir sombré dans un cauchemar étrange dépouillé de la moitié de ses facultés et se réveiller soudainement avec deux fois plus de bras. Dans son monde, être privé d’armes signait une mort imminente, c’est pourquoi les récupérer augmentait considérablement leurs chances auparavant nulles. À présent, il devait se battre contre sa partenaire pour gagner sa place. Reculant de plusieurs pas afin de creuser une distance entre eux, le Démon fit progressivement tourner la chaine de son égorgeur de têtes entre les doigts dans le but de la préparer au massacre qui allait suivre.

Il s’arrêta au niveau du mur, fixant son adversaire du jour d’un air mauvais. « Désolé camarade, mais c’est pas moi qui fixe les règles. » D’un geste amené et décisif, le renard changea expressément de main pour projeter l’autre côté de la chaîne — qui contenait le poids — en visant non pas Calanthe, mais le bourreau. En toute discrétion, il avait préalablement grippé ce dernier entre les côtes encore intactes du squelette à dessein de s’en servir contre lui, par pour le blesser ou lui obstruer la vue, non. Pour le déstabiliser. Au dernier moment il mit en œuvre son pouvoir d’emprise sur l’acier pour disloquer une pièce d’armure et ainsi le détacher en une multitude de projectiles osseux. Une occasion certes éphémère, mais foutrement utile. Il comptait sur un soutien supplémentaire de sa coéquipière pour augmenter ce temps d’action. « MAINTENANT ! » Il n’y avait pas une seconde à perdre, et c’est en menant la charge qu’il lui montra l’exemple. Déployant ses ailes rachitiques, il décolla tel qu’il ne l’avait jamais fait auparavant, et c’est sans prêter attention à tout le reste qu’il jaillit de la lumière. Petit bémol ; il n’avait pas assez d’aisance dans les airs pour voler décemment, même sur de courtes distances, et c’est la raison pour laquelle il se heurta sur plusieurs cimes jusqu’à s’écraser lamentablement au sol, devant une immense grotte. Malgré cela, il devait à tout prix se confronter à la douleur et s’y enfoncer. C’était la seule solution, mais en avait-il la force ? Rien n’était moins sûr.


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Sam 06 Juin 2020, 11:55

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Calanthe ne comprit pas grand-chose au charivari qui s'ensuivit. Estomaquée par l'ordre absurde que leur donnait leur geôlier, la colère traça son chemin dans ses entrailles. Ce n'était pas une façon de traiter les gens, et bien qu'elle soit encline à la sympathie, une pointe de haine s'éveilla à son encontre. Occupée à digérer son ressentiment, elle ne réalisa pas le manège de son camarade de cellule. Un mouvement circulaire la ramena dans le présent. Le souffle de la peur glaça ses muscles. Incapable de détacher son regard de Sebastian, elle ne toucha pas à la lance qui gisait à ses pieds. Allait-elle vraiment être privée de son existence, elle qui la retrouvait à peine ? Le monde ne pouvait être aussi injuste. Fataliste, elle ne songea même pas à se défendre : soufflée par la fatigue et la dureté des derniers événements, la force s'éteignait en elle. Accoutumée à la douceur de la vie auprès des siens, elle n'avait jamais vécu de tels tourments, et le souvenir même de sa léthargie pâlissait. L'instinct sursauta en elle au moment où son adversaire poussa un cri. Accompagnée d'un fracas, elle se jeta sur le côté pour éviter l'attaque qu'elle pensait inévitable. Pas la moindre blessure ne l'accueillit. Des éclats dont elle ne saisit pas la provenance volèrent à travers la cellule. Sous le choc, elle contempla l'envol de son acolyte, abasourdie par son stratagème. Que diable venait-il de se produire ? Tout ceci ne faisait aucun sens.

Un timbre étonnamment familier salua la performance. « Vous avez le talent de laisser la marchandise s’échapper. Je prends celle-là. » Le son d’une bourse passée d’une main à l’autre ponctua sa déclaration. Un homme que la Déchue ne pouvait voir se tenait derrière le geôlier. Un vrombissement inhospitalier secoua le sol, et contre toute attente, la cellule s’éleva vers le ciel. Cueillie par la méfiance, elle ramassa ses affaires et saisit fermement sa lance. Alors que la surface apparaissait enfin, elle aperçut quelqu’un penché sur un corps. « Vous n’êtes plus un fournisseur digne de ce nom. Estimez-vous heureux que je ne puisse m’amuser avec vous. » La menace contenue dans la voix la fit tressaillir. Du sang s’échappait en flots mortels, délivré par la lame d’un poignard qui fouillait des entrailles. Les yeux écarquillés, elle hoqueta de surprise. Elle reconnaissait la silhouette élégante de l'assassin. « Je vous suggère de ne pas faire la moindre remarque sur ce que vous venez de voir. Comment vous êtes-vous retrouvée dans le marais ? Les couturiers ne sont pas franchement taillés pour l’aventure. » Sans paraître ému le moins du monde, son interlocuteur essuya le rouge qui maculait ses mains dans un chiffon. S’il n’était pas ravi de tomber sur une connaissance pendant ses activités, il savait que tirer parti de la jeune femme serait un jeu d’enfant. Intimidée par sa présence, elle lui raconta timidement ses mésaventures. Lorsqu’elle eut fini, il avança vers elle. « Il y a une auberge à quelques kilomètres d’ici. Vous allez vous y rendre et oublier que vous m’avez vu. » En proie à la panique, elle voulut reculer : ses jambes flageolantes l’en empêchèrent. Clouée sur place, elle envisagea de le supplier. Elle ne voulait pas qu’il s’approche. Il lui faisait peur. Incapable d’émettre un son, elle sentit les doigts du Sorcier contre ses tempes. « Je ne vous abîmerais pas. » Un sourire contradictoire s’étira sur les lèvres de César. À vrai dire, il ne l'abîmerait pas trop ; elle lui servirait un jour.

La jeune femme battit des cils. Surprise de se retrouver sur la terre, elle ne gardait pas le moindre souvenir de son ascension. Des bribes flottaient dans sa mémoire, sans qu’aucune ne lui donne la réponse. Le corps à ses côtés lui arracha un frisson horrifié. Qu’avait-elle fait ? Sa volonté sciée par la situation, elle se mit en tête de retrouver Sebastian. Il ne lui fallut que quelques instants avant de parvenir jusqu’à lui. Rassérénée de le voir sain et sauf, elle poussa un soupir. « On peut dire que vous avez le sens du spectacle. Je suis contente de voir que vous ne vous êtes pas brûlé les ailes. » Rassurée de le savoir auprès d’elle, elle l’aida à se relever. Inexplicablement, l’impression de connaître les lieux se saisissait d’elle. Perplexe, elle observa la grotte. Ses profondeurs murmuraient un avertissement dont elle ne voulait pas découvrir la teneur. Un instinct qu’elle ne comprenait pas lui intimait de s’éloigner du marais. « Il me semble que je suis déjà passée par ici. L’auberge ne doit pas être loin. Allons-y. J’en ai ma claque des souterrains. » Gravé dans son esprit, l’itinéraire se manifestait avec une clarté inédite. Prenant en main la suite des opérations, elle se détourna de la cavité. En chemin, ils passèrent devant le cadavre. Perturbée par son existence, elle balbutia une excuse. « Je crois qu’il y a bien plus dangereux dans les parages que ce type qui nous a enfermés. » Le trou dans sa mémoire provenait sans doute d’une réalité qu’elle refusait de voir. Si elle avait commis un meurtre… Elle ne voulait même pas l'envisager. D’un pas assuré, elle guida son camarade à travers la végétation. Silencieuse, elle tâchait de trouver une explication logique au trépas du geôlier. Il leur fallut une bonne heure de marche _ peut-être davantage _, à travers la boue et les fourrés, avant que l’auberge ne se dévoile. Modeste, le bâtiment apparaissait néanmoins comme un miracle auquel les égarés n'osaient plus croire. Des fenêtres entrouvertes, une musique festive s’évadait vers l’horizon. Enthousiasmée par cette vision, Calanthe laissa Sebastian s’engager sur le sentier, la joie aux lèvres. « Après vous, Votre Honneur... » La nuit ne tarderait pas à tomber, et ils avaient grand besoin de repos.

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Mar 09 Juin 2020, 22:41


Deccio rampait tant bien que mal pour rejoindre l’abord de la caverne et s’y réfugier. Ses ailes avaient complètement étés ravagés par la sévérité de son atterrissage, c’est pourquoi il ne pouvait plus s’en servir pour l’instant. Il les rétracta, cédant à la douleur sensorielle qu’elles suscitaient à chaque centimètre de pénétration. Pourvu que leur agresseur ait perdu leur trace d’une manière ou d’une autre. En pensant à ça, il prit conscience bien tardivement de l’absence de sa partenaire de fortune. C’est vrai qu’après réflexion, certaines races étaient dans l'impossibilité de faire appel à la voie aérienne, surtout avec une réserve de magie restreinte. Lui-même se voyait privé de son moyen de défense ; unique recours des faibles. Les hématomes mettraient un certain temps à se résorber, mais dès l’instant où il se poserait à tête reposée, son organisme de démon prendrait le relais. Toutefois, il fut surpris d’entendre Calanthe et de sentir son contact à l’instant où elle l’aida à se redresser. Sa compagnie avait le don de l’apaiser, un peu comme s’il confiait sa vie à un membre de sa famille. Peut-être était-ce là un jugement erroné, mais il avait foi. Elle lui inspirait la sérénité et la sagesse. Enfin, sur ce dernier point il s’emballait clairement, mais le renard était un homme infiniment généreux, à tel point qu’il aimait exagérer certains traits.« Me faire soutenir par une souris aussi louche que toi, franchement j’aurais tout vu. C’est un peu déshonorant, mais je n’ai d’autres choix que d’accepter mon sort on dirait. » Deccio n’était pas particulièrement misogyne, pour ne pas dire pas du tout. Il respectait autant bien les femmes que les hommes du moment qu’ils partageaient des valeurs similaires. La petitesse et la grandeur de quelqu’un ne se mesuraient pas quantitativement, mais qualitativement. Il ne savait que trop bien comment les « élus » soi-disant bien-pensants désignaient les méritants grâce à son expérience. Et celle-ci allait lui servir pour le présent et pour l’avenir, à ériger un système qui ferait s’effondrer ces apriorismes inconvenants.

D’ailleurs, avec toutes ces péripéties avancées, le duo n’avait pas pris la peine d’apprendre à se connaître, faute d'un contexte propice. Qui était elle ? À quel peuple appartenait-elle et quel était son but ? Désormais débarrassés de leurs ennuis, ils auraient tout le temps de converser autour d’un verre. Pour ça et pour se remplir la panse, l’homme avait hâte. En chemin, ils passèrent devant un drôle de cadavre qui déforma le visage de Calanthe. « Une connaissance à toi ? Soit reconnaissante envers les Dieux qu’on ait échappés à ce sort. J’ai beau ne pas les supporter, je dois parfois admettre qu’ils sont cléments. » En effet, les conséquences auraient pû être plus catastrophiques. En arrivant à la taverne, comme un enfant devant un parc d’attractions, Deccio augmenta soudainement la foulée de ses enjambées pour être le premier à faire son entrée. La fête battait son plein, entre la douce musicalité du piano interprété avec brio, le spectacle folklorique des danseuses qui se déhanchaient sur scène et les rires envoûtants qui manifestaient la bonne ambiance. Que demander de plus ? Les clients s’occupaient à tuer le temps entre compétitions de blagues et jeux amicaux. Deccio s’installa à une table vide et invita sa coéquipière à le rejoindre en adressant un signe au serveur pour qu’il daigne prendre leurs commandes. « Je crois qu’on a bien mérité ça. C’est pas tous les jours qu’on frôle la mort. Enfin, dans mon cas je dois reconnaître que c’est assez régulier… » L’avantage de ne pas s’ennuyer une seconde, c’est que le cours des évènements passait à une vitesse folle. En dépit de toutes les cicatrices dont il héritait, il considérait ce mode de vie comme plutôt amusant, pour preuve le rictus qui illuminait son faciès. Il ne trouvait pas plus grande joie que celle de revenir en un seul morceau. Aujourd’hui, il devait cette chance en partie grâce à elle. Afin de causer de manière à se divertir, le Démon trifouilla dans la poche intérieure de son gilet pour ôter un paquet de cartes qu’il arrangea sur la table, après quoi il les distribua équitablement.

Ces dernières représentaient divers personnages — certaines célèbres, et d’autres moins — à travers le monde. Deccio ne possédait pas encore de jeu à son effigie, mais nul doute qu’elle débarquerait en rareté commune dans quelque temps, lorsqu’il aurait déversé assez de fourberies à la surface pour qu’on sache au moins associer un visage à son nom. « Parle-moi un peu de toi. De qui tu es. De ce que tu veux faire dans la vie, ou ne pas faire. Quels sont tes projets ? À part emmerder un Démon inoffensif qui souhaite l’union entre tous les peuples. Et je ne dis pas ça à la légère. Si j’éclate les Anges et les Humains, c’est pour réduire la haine des Sorciers et des Démons vis-à-vis de ces derniers. Qui dit moins de population dit mathématiquement moins de crimes à leur encontre. Faut pas croire, j’en ai dans la cervelle. » Articula-t-il avec panache remarquable en tapotant sa caboche avec son index. Le génie ne demandait qu’à s’éveiller, surement trop à l’étroit à l’intérieur de cette boite crânienne. Quoiqu’il en soit, le renardeau en pleine croissance tenait à lui montrer qui il était. Et pour se faire, rien de mieux qu’un bon jeu autour d’un verre rempli d’alcool. Enfin, un… pour commencer en douceur. « Je t’explique brièvement les bases. Tu as trois zones ; mêlée, distances et siège. Le symbole correspondant aux cartes est assez explicite. Chacun de nous doit choisir une faction, avec un pouvoir qui lui est propre. On part de zéro, et le but est d’avoir le score le plus élevé lors de chaque manche en un total de trois. Sauf si je t’explose avant. Pour le reste, tu apprendras sur le tas. » Elle comprendrait assez vite en quoi ce jeu avait une part de stratégie bien plus importante qu’elle le laissait suggérer. C’était une sorte de reproduction de la vie réelle, avec ses mises, ses gains et ses faillites. Il n’était pas encore officiellement sorti puisque toujours à l’état de peaufinage, mais son inventeur ne tarderait surement pas à le faire.


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Mer 10 Juin 2020, 18:44

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Chaleureuse, l’ambiance de la taverne marquait un contraste sidéral avec leurs dernières aventures. La joie d’un spectacle, qui, bien que de qualité médiocre, réchauffait le cœur des voyageurs, atteignit également la jeune femme. De pareilles festivités au milieu d’une nulle part la surprenaient : elle ignorait que, plus qu’à n’importe quel moment, les hommes aimaient se réjouir dans les heures les plus sombres. À en juger par l’allure des clients, tous avaient connu des déboires aux alentours. N’ayant pas l’intention de s’éloigner de Sebastian, elle le suivit jusqu’à une table. « C’est mon premier voyage seule. Enfin, ça l’était jusqu’à ce que je vous croise. Je ne pourrais pas dire que je me suis ennuyée. » En revanche, il paraissait un habitué des péripéties où le danger soufflait. Elle ne comprenait pas très bien quel genre d’existence il pouvait mener. Malgré les récents événements, elle avait grandi dans un écrin rose. « Vous avez un penchant manifeste pour les aventures de ce genre. Comment avez-vous fait pour survivre tout ce temps ? » Une pointe de curiosité dans la voix, elle examina le contenu du verre que le tenancier venait d’apporter. Ravie de pouvoir se désaltérer avec une boisson digne de ce nom, elle manqua s’étouffer lorsque le liquide effleura sa gorge ; elle ne s’attendait pas à une caresse aussi ardente. « Je n’ai pas tout compris à cette histoire d’alliance, mais ce que vous dites semble logique. » Loin de se douter que son acolyte racontait ce qui lui passait par la tête sans que celle-ci ne fonctionne à plein régime, elle appréciait réellement sa sagacité.

Quand Sebastian posa des cartes sur la table, la Déchue s’en empara avec enthousiasme. En dépit de ses capacités défaillantes, elle aimait apprendre de nouvelles choses, et sa guérison l’avait dotée d’un goût prononcé pour les distractions. « Laissez-moi vous dire que vous avez de fortes chances de gagner. Ce n’est pas tous les jours que je joue avec quelqu’un comme vous. Vous êtes malin. Un renard, en quelque sorte. » La simplicité des explications énoncées ne changeait rien à sa compréhension de l’affaire. Les sourcils froncés, elle récupéra son jeu. Avant de regarder les cartes, elle s’efforça de répondre à ses questions. L’exercice se révéla plus ardu que prévu ; elle n’avait pas encore récupéré la pleine maîtrise d’elle-même. « En ce qui me concerne… Il n’y a pas grand-chose à dire. Je suis restée alitée pendant presque huit ans, et ça m’a rendue aussi faible qu’un oisillon. J’ai commencé à apprendre la couture il y a peu. J’aimerais surtout ne plus envier ce que je n’ai pas. Arrêter par exemple, de lorgner sur le jeu du voisin, simplement parce qu’il n’est pas à moi. » La perspective d’une délivrance l’avait tirée de son lit, quelques semaines plus tôt, et, pour la même raison, elle ne retournait pas se réfugier dans ses draps. L’espoir la faisait tenir. Elle glissa sur le bois son meilleur atout ; il ne fallut pas longtemps au blond pour l’en délester. Le serveur vint remplir à nouveau les verres. « Je me rends à Avalon pour rejoindre un ami. Il doit se taper la moitié de la ville, à cette heure, alors je doute qu’il s’inquiète de mon retard. Et je cherche un mentor en mesure de m’apprendre à vivre avec ces… caprices. Je n’ai pas encore réfléchi plus loin. Quand quelque chose vous obsède depuis l’enfance, c’est difficile d’imaginer ce qu’on ferait sans. » Sur la dernière ligne s’étendaient par miracle deux cartes toujours vivantes. Parmi les éléments restants dans sa manche, elle en sortit un dont elle ne comprenait pas l’effet. En l'occurrence, elle s'octroya un malus.

En l’honneur de sa stratégie hasardeuse, Calanthe ingurgita une fois de plus le liquide ambré que le tenancier leur délivrait en toute discrétion. Ne connaissant pas les conséquences d’une consommation aussi hâtive d’alcool, elle appréciait néanmoins la brume dans laquelle ses pensées se débattaient. « J’aime le chocolat, les surprises, et le bruit blanc de l’eau. » Un large sourire accueillit ses lèvres lorsque la première carte de Sebastian disparut du champ de bataille. Ce n’était pas encore la victoire, mais au moins, elle évitait une défaite totale. La valeur des atouts commençait à lui échapper, en raison du dynamisme soudain qui prenait les chiffres. Rendue perplexe par le phénomène, elle termina son verre. « J’ai séduit le fiancé de ma sœur parce que j’étais jalouse de son bonheur. Je devrais m’en vouloir, mais à vrai dire, ça m’indiffère. J’aurais aimé qu’elle pleure un peu plus. » Troublante, sa déclaration s’accompagna d’un rire léger. Asséner la vérité à ce sujet la fit retrouver un instant ses esprits. Oublier son forfait lui aurait évité bien des tracas, et le livrer à un homme rencontré la veille ne lui ressemblait pas. Même Joliel n'était pas dans la confidence. « Hm. Je crois que j’en dis trop. Cette boisson me fait un drôle d’effet. C’est à votre tour de parler, et n’oubliez pas les détails. Maintenant que vous connaissez mon secret, je veux découvrir le vôtre. » Les mots avaient beau démanger ses lèvres, son obstination l’empêcherait de donner la moindre information avant que son adversaire ne lui en raconte davantage. Elle avait envie de le comprendre, et pour y arriver, elle devait se taire.

Quelques tours passèrent sans qu’elle ne comprenne ce qu’elle faisait. En temps normal, maintenir sa concentration sur un sujet inédit l’épuisait, et, à présent qu’ils se trouvaient en sécurité, l’adrénaline avait cessé de couler dans ses veines. Dérangée par le bruit, elle ne parvenait pas à établir de véritable stratégie, et Sebastian possédait sur elle plusieurs avantages. Même si la victoire lui paraissait impossible, elle voulait se défendre du mieux possible. Tâche ô combien ardue pour une idiote de son acabit. Quelque peu indécise sur la suite des opérations, elle se laissa distraire par une voix rauque que la musique couvrait jusque-là. « Tu n’es pas seulement un lâche, tu es un traître. Comme ta petite taille le laissait deviner. » Incapable de pressentir le climat orageux qui s’élevait entre les individus de la table d’à côté, Calanthe écarquilla les yeux en voyant l’un d’eux recevoir un coup. Décidément, ils n’avaient pas droit au calme. Cela la contrariait. « Allons finir cette partie en haut. Je n’ai pas envie de me retrouver avec un poing dans la figure. » Agacée par la tournure agressive que prenait la soirée, elle se leva avant que l’humeur de bagarre ne contamine la salle entière. Sans demander la permission à son camarade, elle récupéra une bouteille et la clef d’une chambre. Ses cartes dans la main, elle grimpa l’escalier à la hâte : l’alcool accentuait son envie de s’amuser. Autant que son désir d’un matelas moelleux. L'un l'emporterait fatalement sur l'autre.

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Sam 13 Juin 2020, 19:35


Deccio observa scrupuleusement sa main étant donné qu'il prenait la partie très au sérieux. En tant que mauvais perdant, le Magida ne lui laisserait aucun répit et n’hésiterait pas une seule seconde à abattre ses meilleures cartes pour l’acculer et ainsi la déposséder de son âme. C’est du moins ce qu’il aurait aimé honorer si ce dérivatif en avait effectivement les fonctions. Peut-être faudrait-il les rajouter en amont par le biais d’un génie ou d’une connerie similaire. L’idée de voir de vraies personnes égarer leurs individualités dans des prisons portatives en carton avait de quoi le réjouir, donc nul doute qu’il songerait à un moyen en temps et en heure pour l’intégrer de manière concrète. Calanthe était en tout cas particulièrement ravi de pouvoir raconter des bribes de son passé. Il écoutait d’une oreille, non sans penser à la stratégie qu’il mettait en place, et c’est pourquoi il ordonna ses as dans une logique bien déterminée. « Je n’ai pas toujours été comme ça. Fut un temps où je pouvais affronter un dragon sans craindre pour ma vie. Mais parfois, des sacrifices sont nécessaires pour éviter de perdre ce qui est important. » À l’instant où le verre fut servi, Deccio le porta sans attendre à ses lèvres, absorbant tout le liquide cul sec. Son organisme supportait plutôt bien l’alcool, il n’avait aucun mal pour boire, à tel point qu’il lui fallait bien une dizaine d’emplissages pour ressentir les premiers effets négatifs. Le garçon — au taquet — lui octroya une seconde salve, puis une troisième dans la foulée. Suite de quoi, il reporta aussitôt son attention sur le jeu qu’il disposait.

En feintant la première et la seconde à la suite, il pourrait hypothétiquement la contraindre à renoncer à ses principaux atouts. Et s’il enchainait avec cet effet magique, alors il serait pratiquement assuré de l’emporter. Ou bien il pouvait se servir de la dernière pour faire office de leurre, mais dans ce cas sa ligne de siège serait exposée. « Un rénard ? » Répéta-t-il comme pour consolider cette honorable comparaison. Dans tous les cas, entre son intérêt pour la victoire et le simple fait d’écouter Calanthe, son cerveau était sur le point d’exploser. Mais l’exercice s’avérait malgré tout palpitant. « Beaucoup partagent votre opinion. Ils pensent que le jardin du voisin est plus vert, mais ce n’est pas forcément vrai. Le prix du mérite ne provient pas de ce qu’on possède déjà, mais de ce que l’on s’efforce de faire pour l’obtenir. Pour cette raison, j’estime que quelqu’un comme vous et moi vallons plus que ceux qui gagnent le sommet par des conjonctures bien venues. » C’est pourquoi se fixer des rêves toujours plus fous était essentiel, car une fois qu’ils devenaient accessibles et qu’on les atteignait, il était alors plus complexe de trouver un sens à son existence. Le pouvoir et la possession amenaient à se reposer sur ses lauriers. C’était indéniable, parce que les facteurs favorables et les conditions de vie étant supérieurs, celles-ci apportaient bien trop de commodités pour adopter la doctrine du surpassement de soi. Eux pouvaient effleurer cette expression solennelle, et mieux encore, c’est ce qui les incitait à se renouveler. « J’ignorais que les Déchus devaient se trouver un maître. Je voyageais avec l’un d’entre eux jusqu’à récemment, et il ne m’a jamais parlé de ça. Mais il faut avouer que nous échangions très peu sur nos vies personnelles. Disons qu’il est… spécial. » Un homme né de nulle part privé d’histoire était plus maudit que singulier, mais depuis peu ils avaient tous deux pris des chemins divergents. Personne ne pouvait suivre sa cadence, et inversement, il ne se sentait pas d’emprunter certains raccourcis.

Après le troisième verre successif, le serveur lui ramena finalement une bouteille, plus adapté à l’imperméabilité du Démon. Quant à la manche en cours, la victoire lui était presque assurée à cause d’une étourderie de la duelliste. Il fut toutefois assez étonné de découvrir vers quel vice elle s’était fourvoyée. « L’envie hm. Je fais partie de ceux qui distillent les péchés, et à contrario vous les subissez. Je devrais être désolé pour vous, mais nous avons tous deux des notions qui diffèrent les concernant. Voyez ça comme un service rendu. Sans ce tare pathologique, comment pourriez-vous apprécier vos exemplarités ? » C’était une philosophie comme une autre à laquelle il n’existait aucune explication rationnelle. Tandis qu’il piocha la dernière pièce de son deck et qu’il croyait fermement en l’âme des cartes, il tomba sur l’élue ; la carte maitresse de sa collection. Au moment où il l’invoqua sur la table, la partie était quasiment pliée. De plus, c’était là l’occasion idéale pour renchérir ses propos.  « J’en profite pour vous présenter Zane Azmog, mon frère. Le sang qui circule dans mes veines est en effet le même que celui de l’ancien Monarque Démoniaque. Autrefois, je l’égalais, et même le surpassais. C’est en grande partie à cause et grâce à lui que je suis ici aujourd’hui. Mon but est de le retrouver et de l’affronter à nouveau pour former un duo seigneurial légendaire. » Si les deux rebelles parvenaient à se rejoindre, un état d’urgence devrait obligatoirement être décrété pour les stopper. Mais cette vision idéaliste relevait encore du rêve lointain.

Cependant, force est de constater que le brouhaha ambiant amena les deux jeunes gens à se retirer vers l’infini et au-delà, et de façon plus abordable, à l’étage supérieur. S’emparant de la bouteille qu’il termina avant toute chose, Deccio rangea son jeu et grimpa à toute vitesse dans les escaliers. Grave erreur, puisqu’il se vianda sèchement en plein milieu, ne manquant pas de le repousser dans ses retranchements pour repartir de plus belle. Il se trompa toutefois à trois reprises de chambre avant d’accéder à la bonne.  « J’ai oublié ma carte sur le comptoir, je reviens. » Il fit un rapide aller-retour pour la récupérer, et quand il revint dans la pièce, ses derniers excès l’accablèrent deux fois plus. La journée avait été riche en rebondissements, et en dépit de leur halte, ils n’avaient toujours pas profité d’une bonne nuit de sommeil. Quelle hérésie, sachant qu’avant ça, il aurait encore pu enchainer sur trois « saute moutons » d’affilée et cinq « queue loupoups ». Mais pour le coup, il devait accepter ses limites. « J’ai bien peur que mon handicap m’empêche de te mettre la misère. Seulement, c’est une chance pour toi, tu t’en sors saine et sauve » articula le goupil comme ultime bravade. « Si ça se trouve, la prochaine fois nous serons dans deux camps opposés. Qui sait. En attendant, tâche de rester en vie, car tu as quelque chose qui m’appartient et je compte bien venir le récupérer. » Sur cette promesse d’un au revoir, le renard doré prit assez d’élan pour bondir par la fenêtre déjà ouverte. Il disparut sans un bruit, comme le ferait un illusionniste en attirant le regard à droite alors qu’il s’échappait par la gauche. Son diadème était disposé sur le plancher, au pied du lit.


LA CAAAAAAAARTE /SBAF:

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[Q] - La voleuse et le truand | Calanthe

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