« Nous sommes tout près de Cael. » répondit l’Okan, en désignant la ville à quelques kilomètres. « Je t’en avais parlé, il y a un moment. » Elle hésita. C’était un sujet qu’elle rechignait à aborder, comme beaucoup d’autres qu’elle comptait aborder aujourd’hui. Il ne fallait pas qu’elle se dégonfle. Non, pas après tous les efforts fournis pour en arriver là. « Quand on s’est rencontrées, je t’avais parlé d’une ville rose. Tu te souviens ? » Pour Shanxi, le souvenir était clair, limpide. Mais elle ne savait pas ce qu’il en était pour son amie. Peut-être n’avait-elle pas accordé autant d’importance à ce détail qu’elle, ou peut-être était-ce justement un souvenir qu’elle avait voulu oublier. C’était une chose qui arrivait à nombre d’entre eux, en Terre Blanche. « Je venais souvent ici, avant, quand j’étais petite. C’était un peu notre coin à nous, à mes frères et moi. Ça devait être le coin de beaucoup d’enfants, en fait, quand j’y pense. » Elle ria, réalisant à peine. « C’est tout près de la ville, alors on pouvait rentrer assez rapidement, quand c’était l’heure. » L’ailée revoyait encore sa mère les attendre dans le hall, les bras croisés et le visage fermé. Ils étaient souvent en retard malgré cette proximité entre leur cachette et le manoir. La jeune femme s’était rapprochée du bord de la colline afin d’avoir une meilleure vue sur la cité. « Tu vois ce grand toit, là-bas ? Je vivais là-bas avant. » Il l’avait vu grandir, il l’avait vu se faire interdire d’y monter pour découvrir la ville, et pourtant, aujourd’hui, il s’y fondait parfaitement, au point de le rendre difficile à repérer, même depuis les hauteurs. Comme elle, Cael avait grandi, s’était développée, et n’était pas prête d’en rester là.


« J’avais oublié tout ça. » Son regard s’était perdu sur la masse de bâtiments pendant un instant. « Je ne m’en suis souvenue qu’après. » précisa-t-elle ensuite, réalisant son manque de consistance. « J’avais des bribes, bien sûr… mais tout le reste m’est revenu quelques temps après ma libération. » Ce mot lui faisait toujours l’effet d’une bombe larguée sous l’eau. L’explosion arrivait, même si l’on ne l’entendait pas. L’Okan venait de franchir le pas, mais elle n’avait pas encore fait le plus dur. Non, la difficulté était encore devant elle. Elle avait envie de sonder son amie pour connaître ses états-d ’âme. Elle avait envie de connaître l’avenir, de savoir comment elle allait réagir. Shanxi avait honte, mais n’était pas surprise, au moins. Elle savait qu’elle ressentirait cela. C’était la seule certitude avec laquelle la jeune femme avait décidé d’emprunter ce chemin. « Je ne t’ai jamais parlé de ça non plus. » dit-elle à Helsinki, mais aussi à elle-même. Shanxi regrettait déjà de gâcher cette journée qui aurait dû être la leur.

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