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Kaahl Paiberym
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◈ Parchemins usagés : 4182
◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
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Kaahl Paiberym
Jeu 15 Avr 2021, 22:02



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Intrigue : Les corps de Constantine et de sa fille sont retrouvés au château. Les meurtres sont d'une violence inouïe. Des mesures de protection sont prises envers les proches de Kaahl. Comme un malheur n'arrive jamais seul, Gustine décide de sortir de Boraür afin d'épauler toute la famille. La malédiction des Momies s'abat sur elle.
Rps précédents : Intégration de Lucius chez les Dragonniers.


Je posai Rosalie par terre. « T’es lourde Rosasa quand même ! » dis-je, pour plaisanter. Elle me fixa, fronça les sourcils et objecta. « Non ! ». Non était devenu son mot fétiche. À chaque fois que je lui disais quelque chose ou que je lui posais une question, elle me fixait avec sa frimousse contrariée et me lançait l’un de ses fameux non. Papa en riait, relevant son caractère de cochon. Pauline et Gustine ne cessaient de faire des théories sur des choses de grandes personnes. Elles ne pouvaient s’empêcher de parler du futur mari de Rosalie, qui devrait, selon elles, avoir le cœur bien accroché pour supporter son tempérament. J’aimais bien ses non et la raison était simple : c’était moi qui lui avais appris lors de l’un de nos jeux. J’évitais simplement de revendiquer la paternité de la négativité de l’enfant. Ma petite sœur m’amusait beaucoup et j’adorais jouer avec elle aux dragons. Plus le temps passait et plus je réalisais une chose : je vieillissais plus vite que les autres. J’étais fier, parce que ça voulait dire que j’étais le grand frère, celui sur qui les autres pourraient toujours compter. Jamais je ne les abandonnerais. Cependant, mon départ approchant, je redoutais aussi de les quitter physiquement. Se rappelleraient-ils de moi s’ils me voyaient moins ? M’en voudraient-ils de ne plus vivre sous le même toit qu’eux ? Je commençais à me poser des questions de plus en plus pointues, des questions qui prouvaient que je grandissais.

« Je vais aller chercher Constantine et Apolline ! » dis-je soudainement. Malheureusement, elles n’étaient pas venues avec nous à Boraür. Apolline aurait bien aimé mais ça n’avait pas été possible. Je lui avais promis de lui ramener des cadeaux. J’avais tenu cette promesse. L’opération m’avait pris du temps. Au marché, devant les stands des artisans, j’avais eu du mal à choisir. Finalement, j’avais opté pour un pendentif. C’était une fleur en ambre. Je voulais qu’elle devînt mon amoureuse, ou quelque chose comme ça. Je ne savais pas trop. Je n’avais rien dit à personne, parce que j’avais peur que l’on se moquât de moi. Je la trouvais gentille et puis, au-delà de ça, tous mes copains de l’école avaient une chérie. Je voulais faire pareil. Je ne l’aimais pas comme on aurait aimé son âme-sœur. Je la trouvais simplement amusante et imaginative. Elle avait toujours des idées pour améliorer mes jeux et ne rechignait jamais à courir partout avec moi, en prétextant être un Dragon. Parfois, je lui montais dessus et la chevauchais, en bon Dragonnier. Elle poussait des cris de bête et nous nous amusions comme ça. Immanquablement, nous étions pris de fous rires compulsifs.

« Constantiiiiinnnnneeee ?? Apolliiiinnnneee ?? » commençai-je à appeler, dans tout le château, mon cadeau à la main. Je montai les escaliers, sans ressentir le malaise palpable qui venait de s’installer au rez-de-chaussée. Pauline avait senti une odeur particulière. Son instinct venait de se réveiller. La vieille Magicienne n’avait, pour ainsi dire, jamais assisté à des tueries. Elle en avait toujours été préservée. Pourtant, il y avait quelque chose dans l'air, quelque chose d’indescriptible. « Lucius ? » interrogea-t-elle. « Lucius, reviens me voir. » Je ne l’entendis pas, trop heureux de pouvoir donner mon cadeau à Apolline. Je m’apprêtais à faire ma demande. J’avais déjà pensé à ce qu’il conviendrait de lui dire. Déjà, qu’elle n’était pas obligée de devenir ma chérie si elle ne le voulait pas. Ensuite il fallait que je lui assurasse que, même si je partirais loin bientôt, je reviendrais souvent. Enfin, si elle acceptait, je devais la remercier et lui faire un bisou. En réalité, à partir loin de ma potentielle amoureuse, je me sentais comme l’un de ces héros des histoires que me lisaient papa, à la veille de leur départ. Je m’imaginais sa tristesse lorsque je m'en irais embrasser mon destin. Je la rassurerais néanmoins, en lui assurant qu’il n’y aurait qu’elle et qu’elle ne devait pas s’en faire. Mon récit, légèrement naïf, ne se réaliserait cependant jamais. Ce n’était pas parce qu’il était stupide mais parce que ma future amoureuse était morte.

Lorsque j’ouvris la porte, un spectacle de rouge et de chair me percuta de plein fouet. L’odeur suffit à m’immobiliser. Le paquet cadeau que je tenais tomba au sol dans un bruit léger. Je restai là, trop choqué pour réagir. Mes sens s’enfoncèrent vers le vide et le néant, comme une descente vers des profondeurs jamais explorées. C’était comme mourir moi-même. Le traumatisme effacerait bientôt ma mémoire. Mon esprit, pour rester sain, ne trouverait pour tout salut que l’oubli.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Lun 19 Avr 2021, 21:02



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« Baron Paiberym. » Le Magicien se leva en me voyant. « Vous ne pouvez pas passer. » articula-t-il, avec difficulté. Mon aura de gentillesse avait fondu. Lorsque la douceur de la peau s’effrite, il ne reste plus que les os et leur capacité à écorcher tout ce qui se trouve sur leur passage. « Je… Kaahl, je vous en prie. Vous ne pouvez… Vous ne voulez pas… » Je n’écoutai pas. « Laissez-moi passer ! » vosciferai-je. Ma voix tremblait. Je sentais la rage m’englober. Ce sentiment, qui me serrait les tripes, n’empêcha pas la magie d’agir. Le soldat connut l’impuissance. J’ordonnais, ils obéissaient. Tous. Et personne ne m’empêcherait jamais de pénétrer l’enceinte même de ma maison.

J’étais dans un tel état que je ne me vis pas pousser la porte, ni même monter à l’étage. Peut-être m’étais-je téléporté. Aucune importance. Tout ce que je vis, ce fut cette maudite chambre. L’odeur m’assaillit. « Non… Non non non. » Les mots se répétèrent, encore et encore, alors que je m’approchais d’elle. De ce qui restait d’elle. « Non ! » envoyai-je avec plus de force. En moi, les émotions se déversèrent, éclatant les vannes de ma raison. Ce corps, qui était attaché devant moi, était un corps que j’avais chéri durant des décennies, le corps d’une femme qui m’avait aimé au-delà de tout. Mes lèvres tressautèrent. Je n’entendais pas les Mages Blancs, dehors, ceux qui hésitaient à prendre la moindre décision me concernant. Le monde qui m’entourait n’existait plus. Je sentais simplement cette piqûre vive m’agripper les tripes et s’étendre dans ma poitrine douloureusement. J’avais l’impression que l’on me transperçait de toute part. Je voulais… Je voulais qu’elle vécût. « Non. non. Constantine. S’il te plaît... » Mes doigts venaient de se resserrer sur ses épaules. Sa poitrine lui avait été ôtée. Sa bouche était déformée par l’absence de dents. « Constantine ! » Je la quittai, mes pas me portant dans la chambre. J’ouvris un tiroir et en sortis un drap. Je le mis autour d’elle, comme pour la protéger, avant de m’agenouiller pour être à sa hauteur. « Constantine ! Je… Je vais te soigner ! Attends... Je vais... » Au fond, je savais qu’il n’y avait rien à faire. Elle était morte depuis trop longtemps. Aucun souffle de vie ne venait troubler sa peau blême. Elle ne sourirait plus. Elle ne prononcerait plus jamais mon nom. Il n’y aurait plus cette lueur dans ses yeux, lorsqu’elle les posait sur moi. « Je… » Je m’en fichais. Je voulais la soigner. Je le pouvais. J’avais le droit ! Elle n’avait rien fait !

Ma magie fusa, impuissante. Je hurlai de chagrin. Je me sentais minable, incapable. J’avais beau caresser ses cheveux, essayer de ramener à moi un regard vif, je n’étais spectateur que d’une poupée désarticulée. Elle était à moi ! Personne n’aurait dû lui faire ça ! Jamais ! « Constantine… » Mon visage dans son cou se maculait petit à petit du sang que je faisais couler de nouveau, à force de malmener son anatomie, dans l’espoir fou et vain qu’elle pût revenir. Mes larmes se mélangeaient à l’odeur de la torture infâme qu’elle avait subi. Je la connaissais depuis trop longtemps. Elle ne pouvait pas mourir. Pas comme ça. Pas à cause de moi. Jamais. La vérité c'est que je n'aurais jamais cru être si ébranlé par sa disparition. Jamais. Et je me mis à haïr le Destin. Je me mis à haïr le monde. Un pourquoi empli de colère s’éleva dans la pièce, suivi d’un silence pesant. Parce que j’étais impuissant. Parce qu’Ârès était le pire salopard de la création. Parce que Constantine avait fait l’erreur de tomber amoureuse de moi.

Ma propre main se referma sur mon visage. Mes doigts s’y accrochèrent avec force, comme si arracher mon épiderme suffirait à l’arracher, elle, à la mort. La mort. Que lui avait-il dit ? Qu’avait dit Ârès, en lui faisant subir tout ça ? Je connaissais le Cycle. Ma haine et ma tristesse n’avaient aucune raison d’être. Ça ne les empêchait pas. « Constantine ? » appelai-je, comme un dément. Je me mis à chercher autour de moi. Je tentai de me relever mais trébuchai et retombai à quatre pattes. « Constantine. Parle-moi, je t’en prie. Je ne voulais pas… » Des gouttes coulèrent de mes yeux au parquet. Si seulement son Esprit était là... Oui. Elle devait être là. Mais que pensait-elle de moi, à présent ? Elle devait savoir. Le Sorcier l’avait très certainement torturée psychiquement. Il était comme ça. Il l’avait tuée en dernière. Apolline d’abord. Les secrets ensuite. Son amour pour un monstre. Sa confiance en un raté de Mage Noir. Son allégeance à l’Empereur Noir. Son aveuglement, durant toutes ces années. Que pensait-elle de moi, maintenant, dans la mort ? « Parle-moi. Je t’en prie... Je t'en prie. » Le silence m’accusait. « Ne me laisse pas, s'il te plaît... » Ma voix était rocailleuse, emplie de la culpabilité des actes de mon autre. Ma gorge était sèche. Chaque mot que je prononçais me brûlait la trachée. Je désirais brûler tout court. « Je ne voulais pas en arriver là. Je ne voulais pas !! » Mon poing frappa le sol entre deux sanglots. J’avais mal, tellement. J’avais mal d’avoir trahi sa confiance, de ne jamais avoir été à la hauteur de ses attentes. « Je t’assure que je t’aime. Tu entends ? Je ne suis pas comme il m'a décrit... Je suis... Je t'aime, c'est vrai... » Je ne l’aimais pas à sa manière mais, malgré mes travers et mes pensées malsaines, elle avait été mon amie. Je m’étais servi d’elle. Je l’avais manipulée. Mais je l’avais aimée aussi. Le mal et le bien n’étaient pas exclusifs. Maintenant qu’elle avait été assassinée, je ne pouvais plus cacher mes sentiments. Et ce… Ce connard, j’allais le retrouver et l’étrangler. Cette pensée créa un rictus affreux sur mes traits. J’allais l’éviscérer et s’il fallait que je misse le Monde à feu et à sang pour ça, alors je le ferais. J’espérais sincèrement pour lui que personne ne lui importait. Petit à petit, mes tremblements de tristesse mutèrent en quelque chose de bien plus monstrueux. Mon regard, noyé dans le ressentiment et perdu dans la folie, était une promesse de cris et de larmes.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Mar 20 Avr 2021, 21:41



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« Le Baron Kaahl Paiberym pourrait le remplacer. » proposa Judicaël à Alister. Les deux hommes étaient en train de dîner tout en discutant des potentiels candidats au poste d’Ashiril. « C’est une possibilité. Je ne sais pas s’il accepterait en revanche. » « C’est vrai. Néanmoins, nous pouvons envisager son profil. Il a grandi parmi les Mages Noirs. Il l’a été lui-même et la grande majorité de sa famille vit encore à Amestris. Les problématiques liées aux deux races ne lui sont pas étrangères, sans parler du fait qu’il est pédagogue et patient, une qualité non négligeable lorsqu’il s’agit de traiter avec les Sorciers. » « Tu as raison. » Ce qu’Alister ne voulait pas avouer, c’est qu’il trouvait le concerné, moi, trop lisse. Il n’allait pas être déçu de sa soirée et, sans le savoir, j'allais perdre l'opportunité de devenir Chancelier d'Ivoire plus tôt que prévu.

« Papa… » La voix de Lucius ne m’atteignit pas. J’étais parfaitement conscient de ce qu’il se passait, de ce que venait de vivre mes enfants et, surtout Pauline. La vieille Magicienne avait pénétré dans la chambre peu après mon fils. Elle avait vu le sang, aperçu les corps. Ce qui l’avait le plus choquée était la silhouette enfantine, debout, au milieu de ce massacre. Elle avait alors arrêté de réfléchir. Comme un animal mu par son instinct, elle avait tracé le pentacle qui servait à appeler les secours, avait attrapé Lucius et l'avait extirpé de l'endroit. Le reste lui paraissait n’être qu’une succession de séquences, détachées les unes des autres, comme une histoire hachée. Elle en tremblait encore. Rosalie, dans ses bras, ne comprenait pas. Elle était trop petite pour se douter. Elle voyait simplement la peine et la peur. Elle avait beaucoup pleuré. Pauline, malgré sa volonté de se montrer rassurante, n’arrivait même pas à s’apaiser elle-même. Lucius ne pensait plus à jouer les grands-frères. Il ne savait plus. Ses lèvres bougeaient parfois, alors que ses yeux fixaient le vide. Des paroles incompréhensibles en sortaient, trop basses pour être entendues. Il ne réagit que lorsque je me mis à hausser la voix. Je ressemblais à un fou, du sang maculant toujours ma peau. Ce « Papa… » était peut-être un essai désespéré de m’appeler à l’aide, de me demander de le sauver de cette situation. Pourtant, mes yeux étaient fixés sur le Magicien qui tentait, en vain, de me calmer. « Baron… Nous ne pouvons pas… » Au sein des bureaux de l’armée, les fonctionnaires essayaient de comprendre la situation. Ils attendaient également ceux qui prendraient en charge ma famille, d'un point de vue psychologique et magique. Mon cas était à part, aussi parce que je semblais hermétique à toute proposition et tentative de résolution raisonnée de la situation.

Soudain, mon poing frappa le bureau. J’avais envie d’exploser sa tête contre le mur le plus proche. Ne comprenait-il donc pas qu’un danger public nous menaçait tous ? Un homme qui jouait avec le Temps comme il maniait les tenailles et arrachait les organes génitaux ? Ce n’était pas le moment de poser des questions. Ce n’était pas le moment de rester là, une plume à la main ! Il fallait l’arrêter. « Baron Paiberym… Si vous ne vous calmez pas… » « Oh et qu'allez-vous faire ? » le menaçai-je. « Je devrai en référer à… » « Taisez-vous. » ordonnai-je. Il écarquilla les yeux. Un sourire satisfait et mauvais apparut sur mes lèvres. Lui seul pouvait le visualiser. Je tournais le dos à l’ensemble de ma famille. Je voulais voir sa peau se déliter. Je désirais que sa chair fondît et qu’il criât à s’en briser les cordes vocales. « Je veux que vous cherchiez ce monstre. Je veux que vous le trouviez et que vous le tuiez. » articulai-je clairement. Mon intervention plongea la salle dans le silence le plus total. Personne n’osait plus parler. Le soldat allait faire ce que je disais, parce que c’était dans l’ordre des choses. À cet instant, je n’avais plus envie de faire semblant. J’étais habitué au fait que l'on m’obéît. Mes commandements étaient pertinents. Je connaissais Ârès. Ce n’était pas en le signalant à l’armée qu’il aurait peur et se rendrait. Au contraire, il en rirait et s'amuserait davantage. Il fallait agir, maintenant, pour le surprendre. Il fallait le trouver pendant qu’il jouissait de sa victoire afin de le prendre à son propre jeu. Mais l’administration magicienne était bien trop lourde et les procédures parfaitement sclérosées. Surtout, tous ignoraient ce que je savais sur l'identité du coupable.

Dans un élan de folie, l’un des Mages tenta de m’intercepter. Il finit plaqué contre le mur par une force qui le dépassait. Il n’y avait rien à faire. Ils avaient l’avantage numéraire mais en termes de puissance j’étais de loin supérieur. Ces imbéciles me paieraient leur incompétence. « B… Baron, s’il vous plaît… » dit-il, en essayant de m'apaiser de sa magie. Rien n'y fit. L’entretien était en train de virer au cauchemar. Heureusement, l’un des soldats eut la présence d’esprit de tracer un tout autre pentacle. Plus qu’un signal de détresse, il invoquait un homme qui, lui, pourrait rivaliser avec moi. C’est ainsi que la soirée d’Alister fut gâchée.  

Lorsqu’il apparut, il analysa la situation avec une vivacité d’esprit surprenante. Les enfants, Pauline, des soldats en perdition et, au milieu de cette tristesse, de cette peur et de cette impuissance, le Maître du Chaos : moi. Il lut dans mon regard que je serais prêt à le tuer s’il ne me donnait pas ce que je voulais. Il y vit la rage la plus pure. Il y distingua le mal. Entre toutes les pensées qui se mêlaient dans son esprit, il ne put s’empêcher de songer à la conversation qu’il venait d’avoir avec Judicaël. Oui, il n’y avait pas de doute : je connaissais les ténèbres. Sans éléments de compréhension, il envisagea le fait que j’ai pu virer Sorcier. Pourquoi ? Comment ? Il n’avait pas le temps de s’en préoccuper. Il devait mettre les civils à l’abri et m’éloigner de Cael. Je sentis sa magie m’envahir et plissai les yeux. Parfait. Loin de tout, j’allais enfin pouvoir le tuer. J’étais tellement acculé, tellement instable, que me livrer totalement à Lux in Tenebris me semblait être une option parfaite. La haine brûlait mes iris. Plus rien n’avait d’importance.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Mer 21 Avr 2021, 21:14



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Kaahl me semblait méconnaissable. Ses traits étaient tirés, ses yeux gonflés et son regard noirci. Il ressemblait à un animal atteint de la rage. Le sang qui tachait sa peau n’était pas pour me rassurer. Avait-il commis un meurtre ? L’Ange de Volatys ressemblait actuellement à un Démon. Si nous nous étions croisés à plusieurs reprises, je n’avais jamais eu l’opportunité de l’observer de si prêt. Pour une première fois, la situation semblait bien mal engagée. « Soldat, que se passe-t-il ? » Il me jaugea, comme s’il se questionnait sur l’utilité ou non d’une réponse à mon égard. Il finit par articuler. « Ce qu'il se passe ? » La colère grondait dans sa voix. « Il se passe qu'un individu est entré chez moi et a torturé mon amie avant de la tuer. Elle et sa fille. » « Je vois. Je comprends. Néanmoins, je vais vous demander de vous calmer. Nous allons en discuter calmement. Vous allez rapporter ce que vous avez v… » « Je n’ai rien vu ! Rien ! Je n’étais pas là ! Vous comprenez ?! » « Qui a découvert le corps ? » Je devais le faire parler. « Mon fils, Lucius, et la sœur de ma gouvernante, Pauline. Mon fils, bordel ! » « Lucius ? » Silence. « Êtes-vous sourd ? » Je me raidis. Son ton était soudainement aussi impérieux qu'assassin. Il n’avait rien à voir avec celui que je lui connaissais. Les rumeurs le décrivaient soucieux des autres, toujours respectueux, compréhensif et patient. Ce n’était pas le portrait de l’homme que j’avais devant moi : instable, ténébreux, cynique. Je ne le trouvais en rien lisse. Il était piquant, mordant. Surtout, sa simple présence avait éveillé la totalité de mes sens. Je sentais mon instinct me crier de me méfier, mon cœur bondir dans ma poitrine et frapper mes tempes. J’avais une seule certitude : il ne se calmerait pas. « Non. Je cherche simplement à comprendre. » « Alors vous êtes lent, ce qui vous fait un point commun avec l’armée dans son ensemble. Êtes-vous incompétent, également ? » Je fronçai les sourcils. Sa colère était devenue glacée. « Je vous conseille de baisser d’un ton. Je suis votre supérieur hiérarchique. » « Vraiment ? » « Paiberym ! Je comprends votre situation mais je ne peux pardonner tous les débordements. Calmez-vous sinon je serai obligé de vous calmer moi-même. » Il y eut un nouveau silence. Je voulus me convaincre qu’il s’apprêtait à capituler. Ce ne fut pas le cas. À la place de rendre les armes, un sourire suffisant apparut sur ses lèvres. Il me parut clair qu’il ne croyait pas un seul instant en ma capacité à le calmer. Malgré moi, cette assurance me fit vaciller. « Vous pouvez toujours essayer, Duc Vaughan. » Je sentis l’air s’expulser d’entre mes lèvres avec une infinie lenteur. C’était toujours délicat : arrêter un homme prêt à tout sans lui faire le moindre mal. C’était contre lui-même et sa folie passagère que je devais le protéger, tout en me protégeant également. Je serrai les mâchoires. « Comme vous voudrez. Vous ne pourrez pas dire que je ne vous avais pas prévenu. »

La suite se passa à une vitesse vertigineuse. À peine avais-je exécuté un pas dans sa direction que sa silhouette disparut de mon champ de vision. Je me retournai juste à temps, créant entre mes mains une lame qui vint entrechoquer la sienne. Je sentis notre rapport de force avec précision. J’étais plus puissant mais ça ne tenait à rien. Il avait moins d’expérience guerrière, ce que je pouvais constater sans trop de difficulté. Son regard, pourtant, restait le même. Mesurer notre écart de technique ne sembla pas le troubler. Alors que mes pieds se reposaient au sol, après un bond vers l’arrière, je le vis reculer à son tour. Contre toute attente, il fit disparaître l’arme. « Vous êtes trop naïf. » me souffla-t-il. Son comportement m’aurait paru parfaitement orgueilleux si une aura de mort ne l’englobait pas, à présent. Ce qu’il dégageait n’avait rien à voir avec l’apaisement qui entourait l’homme qu’il était habituellement. Le sol trembla, craqua, se détacha. Des morceaux gros comme ma tête se mirent à voleter autour de nous. J’activai la télékinésie à mon tour, pour le forcer à lâcher son contrôle. Ce fut à cet instant précis que je compris : la magie qui coulait dans ses veines dépassait la mienne, ce qui était bien plus dangereux qu’une histoire de force brute. J’avais beau insisté pour immobiliser les projectiles, sa magie soumettait la mienne. Je sentais une forme de moquerie, même.

Soudain, une onde se dégagea de lui, emportant avec elle les projectiles, droit vers moi.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Jeu 22 Avr 2021, 21:11



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J’apparus plus haut. Je le sus agile à la seconde même où je surpris son regard. Aucun étonnement ne marquait ses traits. Il avait pu suivre mon déplacement sans le moindre mal, malgré la magie alors à l’œuvre. Ce qu’il faisait léviter jusqu’ici retomba lourdement par terre. J’atterris sur le sol à mon tour. « Paiberym, ça suffit ! » Ma voix était autoritaire. Je n’allais très certainement pas trembler devant lui. Pourtant, depuis le début de notre échange, j’avais l’intime conviction que tous le sous-estimaient jusqu’ici, moi y compris. Il jouait un jeu de dupe quant à sa puissance véritable. La question était de savoir pourquoi. Avec sa magie et ses capacités physiques, il aurait pu évoluer bien plus rapidement dans la hiérarchie magicienne. Alors pourquoi ? « Pourquoi ? » me demanda-t-il, comme un écho à ma propre réflexion. Je fronçai les sourcils. Qu’il eût gardé une magie ténébreuse n’était pas une chose si surprenante. Il avait été un Sorcier durant plus d’une décennie. Il avait forcément appris à manier Lux in Tenebris et la Valse Destructrice. En tant que professeur de magie, la logique même voulait qu’il eût entrainé ses dons afin d’éviter de les perdre. Je n’étais pas certain qu’il s’en servait actuellement. Son aura était pourtant inquiétante. « Parce que, pour le moment, je peux encore vous éviter les ennuis que vous pourriez avoir à attaquer un Chancelier d’Ivoire comme vous êtes en train de le faire actuellement. » Il se mit à rire, d'une façon malsaine et folle. J'avais l'impression qu'il me retournait mes propos, comme si l'attaquer, lui, me coûterait bien plus. L’instant d’après, son visage était de nouveau haineux et enragé. « C’est vous qui allez avoir des ennuis si vous ne retrouvez pas l’assassin de Constantine. » « Et vous croyez que cette rixe va servir à le retrouver ? Nous perdons du temps ! » J’avais raison et il devait le savoir, au fond. Néanmoins, son état laissait supposer une perte de contrôle totale. Je pensai que tous les hommes étaient faillibles. Que ferais-je si l’on tuait ceux que j’aimais ? Sans doute me retrouverais-je dans la même position que lui, la haine enserrant mes entrailles. Ce n’était pourtant pas une raison pour lui pardonner quoi que ce fût. Il dépassait les bornes. Cette faiblesse était intolérable pour un soldat, encore plus pour un homme aussi respecté que lui. « Vous êtes en train de retarder la procédure. S’il s’échappe, ce sera bien plus de votre faute que de celle de l’administration. » J’avais opté pour une autre stratégie : au lieu d’essayer de le calmer, j’allais le pousser à bout pour qu’il explosât une bonne fois pour toute. Il fallait simplement que j’arrivasse à le contrer à l’exact bon moment. Comme je voyais les choses, le duel se terminerait vite, en un coup chacun. Le sien serait porté par la rage et le désespoir, dangereux et irréfléchi. Le mien devait être assez rapide et puissant pour venir à bout de ce dernier, précis et calculé. Je sentais mes pieds, ancrés dans le sol. Je devais être un bloc, être fort, solide et droit.

J’écarquillai soudainement les yeux, incertain. Le sol tremblait. Les arbres devenaient des formes inquiétantes. Je sentis mon corps se soulever. Attaché, une machine venait de sortir de nulle part. J’essayai de me débattre en vain. Ma magie ne fonctionnait plus. C’était rapide, trop rapide. Lorsque mon corps fut lâché, mes os se brisèrent. Je hurlai de douleur et d’incompréhension. Une faille. Je devais trouver une faille. Ça ne pouvait être réel. Pourtant, j’avais beau essayer de bouger mon corps, mes membres endoloris refusaient de répondre. La torture était poignante. J’étouffais presque. Je ne me rendis même pas compte de la douleur étrange qui venait de percuter ma joue. Déjà, l’on me ramenait vers les hauteurs. J’avais besoin d’une clef de compréhension, quelque chose pour me sortir de là. Il n’avait pas pu. J’étais forcément plongé dans un monde chimérique. À moins que ce ne fussent des illusions ? À ce point prégnantes ? « Paiberym ! » crachai-je.

Alors que je me préparais psychiquement à tomber de nouveau, le mirage se dissipa. Je n’étais plus debout. J’étais à genoux. Kaahl était debout devant moi, les phalanges rougies. La douleur sur ma pommette ressortit, ainsi qu’un mal de ventre qui ne pouvait signaler qu’une chose : il m’avait plongé dans une illusion et en avait profité pour me frapper de toutes ses forces. Je fus incapable de bouger durant quelques secondes. Ce temps, qui me parut être une éternité face au danger qu’il représentait, me permit de l’observer. Il ne me regardait plus. Il semblait ailleurs. Sa bouche était déformée par le chagrin. La rage avait fait place à une tristesse si intense que je m’en sentis profondément ébranlé. Des larmes roulaient sur ses joues et il sanglotait. Lui aussi tomba à genoux, comme fauché dans son élan. Pourquoi ? Pourquoi était-il dans cet état ? Pourquoi s’était-il arrêté ? « Je suis désolé. Tellement désolé. » J’eus l’impression qu’il ne s’adressait pas à moi. Il ne semblait plus me voir. Son avant-bras vint essuyer la morve qui coulait de son nez, avant que la paume de sa main ne rejoignît le sol. J’avais l’impression d’être spectateur d’un homme tellement brisé qu’il ne pourrait jamais s’en remettre. Je devais pourtant rester ferme.

Je me levai enfin, profitant de sa perdition pour le contourner. Mes mains attrapèrent ses poignets et je traçai un pentacle afin de le maintenir ainsi, attaché par magie. « Allez, debout. » dis-je, conscient qu’il ne tenterait plus de s’en prendre à moi. « Vous allez pouvoir réfléchir une nuit en cellule à ce que vous avez fait pendant que nous nous occuperons de votre famille. Lorsque vous vous serez ressaisi, vous et moi aurons un entretien. » Il était dévasté, presque sans défense. Il semblait mort intérieurement. Je ne me l’expliquais pas. Il aurait pu me tuer cent fois et plus j’y pensais, plus ça me terrifiait. Nous avions déjà bien assez d’ennemis pour nous entre-déchirer. J'avais juré de ne pas trembler devant lui mais j'avais du mal, à présent que l'action était terminée, à contenir les mouvements involontaires de mes mains.

985 mots
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Mer 28 Avr 2021, 21:58



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Je paraissais calme. C’était la moindre des choses, tout ce dont j’étais capable. Cependant, à l’intérieur de moi, un incendie s’était allumé et ne voulait plus s’éteindre. Chaque parcelle de mon être n’était plus qu’un brasier incandescent de haine et de rage. Envers lui. Envers moi. Ârès paierait au centuple. Elle avait beau me murmurer de ne pas chercher à le poursuivre, je m’en savais incapable. Cette femme… Comment pouvait-elle agir avec autant de compréhension ? L’Esprit de Constantine planait à mes côtés. Je ne la voyais pas, je ne la sentais pas mais, parfois, je l’entendais. Était-elle à ce point manipulable ? Avais-je réellement réussi à emprisonner son cœur et à soumettre sa réflexion à mes volontés ? Je doutais. Avais-je au moins réussi à la posséder un jour ? N’était-ce pas plutôt un choix conscient de sa part, d’assumer son amour pour moi, sans tenir compte du monstre que j’étais ? Peut-être le sentait-elle depuis le début, au fond de son cœur, tout comme Laëth devait le savoir. Une autre peur me taraudait, celle du Bien. Est-ce que cette Ange avait vu quelque chose de bon en moi ? Était-ce cette lumière qui l’avait attirée, au point qu’elle avait décidé de se donner corps et âme ? Je ne savais pas. Ce poison de gentillesse me brûlait de l’intérieur, s’immisçant dans mes veines désagréablement. Je la haïssais pour ses encouragements éternels, ses attentions dénuées de contreparties. La bonté m’étouffait, me crevait le cœur. J’avais pensé pouvoir contrôler le cours de son existence, choisir l’heure de sa mort, maîtriser ses bonheurs. Pourtant, force est de constater que mon assurance avait causé sa perte. Je l’avais crue acquise et un autre me l’avait prise. Cet autre mourrait. Même si je savais l’idée idiote, je voulais qu’il crevât, voir ses traits si semblables aux miens se tordre de douleur, entendre ses cris se répercuter sur le monde avec violence. Pour l’instant.

Assis dans ma cellule, je ne cessais de repasser les scènes en boucle dans ma tête. Je me sentais coupable. Le poids que je maintenais jusqu’ici sur mes épaules venait de m’effriter le corps. Je me demandais comment est-ce que je pourrais regarder mes enfants en face après mon comportement précédent ? Comment Pauline pourrait-elle encore me faire confiance, en me sachant si instable ? J’avais failli à mon rôle de père. J’avais failli à mon rôle d’ami. J’avais failli à mon rôle de soldat. J’avais failli à mon rôle de Magicien. J’avais failli. Et les mots de Constantine me revenaient, des mots doux et prévenants, des mots qu’elle m’avait murmurés afin de m’inciter à cesser, afin de me sauver. J’avais été sa perte et elle avait été mon salut. J’avais conscience de ma situation, périlleuse au regard de ce qu’il venait de se passer avec l’Archimage Nylmord. Néanmoins, les choses auraient été bien pires si je l’avais tué. J’aurais pu. À l’usure, je l’aurais eu.

Mes doigts étaient liés les uns aux autres. Mon buste, légèrement penché au-dessus de mes cuisses, ne tenait que par la pression exercée par mes avant-bras sur mes genoux. Les cartes venaient d’être rebattues. Le quotidien que j’avais mis tant de temps à construire ne serait plus jamais le même. Le Nylmord savait, à présent, que je disposais de ressources cachées et d’une partie sombre. Cette partie devrait se jouer dans la finesse la plus pure. Je devais réussir à faire croire que la perte m’avait trop affecté pour que je fusse en réelle possession de mes moyens au moment des faits. Le mensonge ne paraitrait que plus vrai du fait qu’il comportait une part de vérité. Jamais je n’aurais réagi ainsi, en d’autres circonstances. Jamais je n’aurais risqué une stratégie mise en place depuis des décennies. Outre ce problème, je devais également cacher ce que je savais sur Ârès aux autorités, ce qui devenait de plus en plus périlleux. Pourtant, au-delà de toute logique, la partie que je redoutais le plus concernait mes proches. Je devais m’excuser, restaurer une confiance et un climat propice à l’épanouissement et au développement de chacun.

Mes doigts blanchirent sous la pression exercée sur mes phalanges. Contre mon gré, ma mâchoire se contracta. J’avais envie de retrouver ce connard et de l’éviscérer. J’avais refusé l’offre des Rehlas et, à présent, face à leur silence, je comprenais ma faute. Que je le voulusse ou non, Ârès se renforçait de jour en jour alors que je ne faisais que stagner. Je possédais un Royaume. Il possédait les Ténèbres.

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Ven 30 Avr 2021, 21:26



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Je tenais Ilias dans mes bras. Autour de moi, les visages étaient fermés, crispés, comme figés. Je connaissais cette sensation, pour l’avoir déjà vécue plus d’une fois dans mon existence. La vieillesse entraîne toujours son lot de complications. Les uns après les autres, mes amis se fanaient. Certains étaient partis, d’autres partiraient et, un jour, ce serait mon tour. Pourtant, la mort paraissait toujours injuste, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’un assassinat aussi horrible. Les plus jeunes enfants du Baron ne se rendaient pas compte. « On est vraiment allé dans la chambre de Constantine ? » me demanda soudainement Lucius. « Je ne crois pas, tu sais. Je crois qu’on a mal vu, Pauline. Il faudrait dire aux soldats qu’on s’est trompé. » Dans ses yeux, il y avait une souffrance tellement profonde qu’elle m’en arracha le cœur. Plongé dans le flou, l’enfant semblait perdu. Il flottait dans l’incertitude. Dans son esprit, ça ne pouvait pas être vrai. Il s’était trompé. Nous nous étions trompés. J’aurais tant aimé. Oh, comme j’aurais tant aimé lui dire que tout ceci n’était pas réel, que personne n’était mort. Cependant, je ne pouvais pas. Je devais rester solide, pour lui, et pour tous ceux qui étaient à mes côtés. Et j’avais mal, mal de les savoir confrontés à ça si jeune, mal pour Kaahl. Jamais il n’avait montré tant de colère. Cette colère, sourde, je la connaissais bien. Je l’avais déjà ressenti jadis, lorsque mon mari était mort. L’injustice était trop flagrante, elle frappait l’entourage sans préavis. Cette gifle était glaçante, en parfait contraste avec la chaleur des yeux de ceux qui avaient trop pleuré.

J’étais tant désolée pour cet enfant. Je tendis la main vers lui. « Viens, Lucius. » Je lui souris, essayant de refouler les tremblements de mon menton. « Viens. » chuchotai-je de nouveau. « On s’est trompé, hein Pauline ? » répéta-t-il. « Non mon chéri. On ne s’est pas trompé. J’aimerais que tu aies raison... J’aimerais tellement, je t’assure. » Je sentis mon ventre se contracter sous la tristesse. Mes mots avaient du mal à sortir. Mon buste se raidit davantage lorsqu’il se mit à pleurer. « Mais… » commença-t-il, sans jamais terminer sa phrase. Ses larmes coulèrent sur les vêtements de son frère qui se mit à pleurer à son tour. Je voyais flou. Le pire dans la mort c’est de se remémorer les paroles échangées et de penser à celles qui ne le seront jamais, de se remémorer les moments passés ensemble et de se rendre compte qu’il n’y en aura plus jamais. Je revoyais si nettement Constantine me regarder avec un sourire. « Tous ces enfants qui vous entourent, ça doit vous rendre heureuse. » « Votre gâteau au chocolat est tellement bon. J’aimerais tant que vous m’appreniez. » « Apolline m’a confiée qu’elle avait toujours rêvé d’une grand-mère comme vous. » Je revoyais son visage mélancolique. « Vous savez, ma mère est morte pendant le génocide. » Sans me forcer, comme un écho, j’entendais distinctement les rires de la fillette résonner. Mon monde chavirait. J’avais conscience que, à partir de maintenant, une partie de ce dernier avait été arraché. Je n’entendrais plus jamais ces rires. Et j’avais peur de les oublier pour de bon, d’oublier les phrases, de douter des mots employés. Je ne voulais pas que ces deux êtres s’effaçassent. Il y avait cette rage, celle qui parlait au nom de la justice qui avait été bafouée. Penser à Kaahl ne faisait qu’ajouter à cette boule au fond de ma poitrine. Il la connaissait depuis l’enfance. C’était horrible. Rien ne pouvait être plus affreux. Elle était venue chercher de l’aide et elle… Mes lèvres tressautèrent.  

L’une de mes mains caressa les cheveux de Lucius. Il n’y avait rien à dire. Les mots me semblaient vides. Durant quelques secondes, j’arrivais à ne plus y penser, comme plongée dans un déni éphémère. Lorsqu’il passait, les larmes recommençaient à rouler sur mes joues. « Oui, je vous apprendrais à faire mon gâteau. » Je ne lui apprendrais jamais. Cette occasion, jamais, ne nous serait offerte. Jamais. C’était ce qu’il y avait de plus difficile à accepter. Quand on avait connu la vie qui avait parcouru Constantine et Apolline, il était difficile d’accepter que la mort l’eût chassée pour toujours. Cendre, plus loin, se contentait de regarder dans le vague. Elle ne fixait rien. Elle était comme figée, les yeux plongés au cœur du néant. Je déglutis difficilement. Je ne savais pas quoi faire. Je me sentais simplement impuissante. Rien n’est plus grand que la mort.

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Kaahl Paiberym
Dim 02 Mai 2021, 21:40



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Mon regard était fixé sur les gouttes de pluie qui traçaient des sillons sur le verre de la vitre. À chaque fois que l’eau s’ajoutait, elle créait des chemins qui ne cessaient de se séparer. Tous tombaient et disparaissaient derrière la fenêtre. Tout finissait toujours par disparaître. Un instant, je fermai les yeux. Combien de temps allais-je rester ici ? La tentation était grande de détruire les murs qui me retenaient prisonnier. Il m’aurait d’ailleurs suffi de déclarer être l’Empereur Noir pour que l’on me libérât. Il était bien trop dangereux de retenir un Roi « allié » contre son gré. Pourtant, mes lèvres demeuraient scellées. J’avais travaillé trop dur pour faire voler l’échiquier maintenant. Il me suffisait d’enfermer les émotions, d’oublier un instant mon jeu et de me convaincre que Constantine n’avait été rien d’autre qu’un moyen d’arriver à mes fins. Il m’arrivait d’avoir peur de cette capacité que j’avais, celle de tout enfermer. J’avais l’impression de pouvoir me plonger moi-même dans l’oubli.

J’inspirai, comme pour faire le vide à l’intérieur de mon esprit. Mon comportement auprès du Nylmord avait été inconsidéré. La question de savoir si j’aurais pu m’arrêter ne se posait pas. Elle n’était pas la plus importante. Le plus préoccupant reposait sur ma volonté. Avais-je eu envie, à ce moment, de le tuer et de renverser la table ? Lux in Tenebris agissait-elle contre mes projets ? M’avait-elle soufflé des paroles assassines au creux de l’oreille en profitant de ma faiblesse ? J’expirai. Étais-je réellement touché par la mort de l’Ange ? Jouais-je une comédie si parfaite que j’en arrivais à me convaincre moi-même ? Si tel était le cas alors… Qu’en était-il de mes autres relations ? Aimais-je vraiment mes enfants ?

J’appuyai ma tête contre la surface froide de la vitre. Je m’interrogeais parfois sur les idéaux d’Ârès. N’essayait-il pas de me libérer des chaînes que j’avais moi-même apposées sur ma personne ? Ne savait-il pas ce qui était le mieux pour nous ? N’avait-il pas compris, lui ? Le mal le parcourait. En s’en nourrissant, il devenait plus puissant. Plus je m’approchais de la lumière, plus je stagnais. Pourtant, ce pouvoir m’effrayait, là où lui s’en prévalait et le revendiquait. Il n’avait pas peur de sa propre puissance. Il assumait pleinement être en mesure de décimer les autres. Aucun état d’âme ne marquait ses pensées. Il était libre, quand je perdais du temps à mentir et à dissimuler, à me freiner moi-même. Ça ne changeait pourtant rien. J’allais le tuer.

Le temps passait lentement. Je tournais en rond. Mes pensées s’entrechoquaient dans mon esprit. Mes yeux me brûlaient, tant de tristesse que de fatigue. Je perdais le fil de mes interrogations. J’avais sommeil. La rage s’était estompée au profit d’un sentiment mélancolique dans lequel je m’égarais. Mon torse glissa doucement sur le banc. Je me mis à fixer le plafond et m’endormis brièvement.


« Tiens donc. Je me demandais quand est-ce que tu allais venir. » La voix ne me fit pas sursauter. Le visage légèrement baissé, mes yeux remontèrent pour s’ancrer sur le visage de mon double. Un rictus mauvais déforma mon visage. « Toi ! » Il parut satisfait du ton que j’employais. Il me sourit en retour, avant de prendre appui sur ses pieds. Son corps s’éloigna par la voie des airs. Deux ailes noires avaient jailli de son dos. Elles n’avaient rien de comparable avec celles des Anges ou des Démons. Elles étaient faites d’épées, tenues entre elles par des crânes alignés et superposés. La rage me scia les entrailles. Je sentis une douleur vive déchirer mes omoplates. Les épées en sortirent, plus claires que les siennes. La mort, pourtant, était omniprésente aussi, supportée par ma propre ossature. Je portais le fardeau de ceux qui avaient déjà tué. La lourdeur de mes appendices ne m’empêcha pas de m’envoler à mon tour. Comme lui avant moi, l’air fit voleter mes cheveux. Dans le Monde des Songes, ils étaient longs, la plupart du temps.

À pleine vitesse, je finis par le rattraper. Mon épaule vint entrechoquer son dos. Je l’agrippai. Il se retourna. Je sentis la morsure de ses ongles se refermant sur moi. Nous chutions, à présent. Ensemble, nous étions incapables de voler. Nos ailes devenaient inopérantes, comme trop lourdes à porter. Nous n’arrivions pas à nous coordonner, ce qui avait un côté hautement comique pour deux êtres qui n’en étaient en réalité qu’un seul. « Tu n’as rien de plus que moi. » me dit-il, soudain. Ici, j’étais convaincu qu’il avait tort. J’étais tellement plus que lui. Je le sentais. « Je sais que tu aimerais le croire. » répliquai-je, avant de créer une forte énergie dans mes paumes. La magie fusa, le propulsant avec violence contre le sol. La chute provoqua une explosion. Une fumée de plomb s’éleva, masquant toute visibilité. Il y eut un silence, jusqu’à ce qu’une douleur me transperçât le pied. L’acier de l’une des épées de ses ailes venait de traverser ma chair. Un rire satisfait retentit. Je levai les yeux et le vit au-dessus de moi, son corps couvrant le disque solaire déjà difficilement décelable. Je l’évitai, parant l’attaque après avoir arraché vivement l’une de mes « plumes ». Nos armes s’entrechoquèrent dans un bruit de métal disharmonieux. Chaque fois que nous étions proches, nous nous remettions à tomber, attirés inexorablement vers notre perte. Mes yeux dans les siens essayaient pourtant de lui faire passer un message : il n’était rien, qu’un miraculé d’un temps qui n’existait plus. S’il ne pliait pas, je le briserais. Je voyais qu’il comprenait mais il ne me répondait que par un sourire insolent. C’était moi qu’il briserait parce qu’il n’avait rien à perdre.

Sans qu’il ne bougeât, je sentis soudainement deux lames me percer le cœur. Le sang remonta dans ma gorge et s’échappa par mes lèvres. Dans les prunelles d’Ârès, je vis les reflets des deux silhouettes qui se trouvaient derrière moi : Adam et Laëth. « Tu te trompes d'ennemi depuis si longtemps. » me chuchota-t-il, avant de me lâcher. Je chutai.

Je me réveillai en sursaut, couvert de sueur. Je déglutis, le cœur hystérique.

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Mer 05 Mai 2021, 19:20



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La porte s’ouvrit, laissant apparaître la musculature du Nylmord. Assis sur le banc de ma cellule, j’étais dans la même position depuis plusieurs heures. Plongé dans mes pensées, j’avais retrouvé un semblant de paix intérieure. Je passais en revu chaque dossier et sous-dossier. Chaque affaire courante chez les Sorciers gravitait dans mon esprit. Les cas exceptionnels avaient un espace pour eux. Patiemment, je parcourais la liste de ce que je devais entreprendre et me forgeais un calendrier mental. J’en profitais pour réajuster mon jeu, placer mes pions ici et là et m’organiser. Toute tristesse avait totalement disparu. J’étais simplement calme. Mon cœur battait lentement. Je n’avais ni chaud, ni froid, comme si mon esprit seul avait la capacité de réguler mon corps. J’avais chassé les pensées parasites pour me concentrer sur le fonctionnel et l’utile. Aucune question concernant Ârès et ses dires ne demeuraient. J’avais conscience de la réalité de notre confrontation et de la vérité de sa supériorité chimérique. Là où j’avais cru sortir victorieux, je n’avais connu qu’une défaite cuisante. Face au désordre, il ne restait plus que la méthode. Chaque dossier, chaque information. Toutes les pièces réunies formaient un tout. Ce tout, je pouvais le maîtriser en contrôlant ses composantes.

Doigts croisés, le haut de mon corps était jusqu’ici légèrement penché vers l’avant. Je me redressai. En même temps, mes yeux sortirent de leur contemplation mentale pour revenir aux considérations de tout un chacun et, fatalement, au physique athlétique du Duc. « Je ne vous ai pas oublié. » commença-t-il. Il faisait bien de le préciser puisque je commençais à me poser quelques questions. « Les choses ont empiré depuis que vous êtes enfermé ici. » Dans mon état, il aurait pu m’annoncer n’importe quoi que la nouvelle aurait glissé sur ma peau sans jamais l’accrocher. C’est, du moins, ce que je pensais. Comme pour beaucoup d’événements ces derniers temps, j’avais tort. Je restai silencieux, les yeux fatigués. Je devais avoir une sale mine. Heureusement, il n’avait pas jugé bon de m’enfermer dans la prison du Cœur Bleu, celle-là même qui privait de toute magie. « Vous m’entendez ? » demanda-t-il, comme s'il parlait à un Sans-Âme. « Je vous entends. » répétai-je, d’une voix qui trahissait mon silence de plusieurs jours.

Alister s’approcha et s’installa à côté de moi. Je sentis la tension que son poids faisait à présent peser sur le banc. Il me suffirait d’altérer légèrement quelques maintiens pour que nous finissions tous les deux par terre. Sa présence avait tendance à ronger mon calme. Je sentais la colère grignoter petit à petit le terrain paisible que j’avais mis tant de temps à consolider. Je me questionnais véritablement. Quelle était cette chose, en lui, qui avait le pouvoir de battre en brèche mes défenses ? Pourquoi m’agaçait-il autant ? Était-ce parce que je désirais son statut ? Était-ce parce qu’il était bien trop bon ? Je détestais les défenseurs du Bien dans son genre, cette image même qui était celle que je désirais faire endosser à Kaahl. Un homme brillant, dévoué, droit, fort. Lui le faisait avec tant de naturel que c’en était glaçant. Son visage reflétait la perfection de ses faits d’arme et ses épaules portaient sans faillir le poids de sa fonction. Je sentais pourtant qu’il était capable d’être tendre et aimant en privé, qu’il respectait les guerriers sous son commandement et s’avérait de bons conseils :  tout ce que je m’efforçais d’être chez les Mages Blancs, tout ce que j’aurais dû être. « Votre gouvernante a quitté Boraür en apprenant la nouvelle. » commença-t-il. « Et ? » Il me fallut tous les efforts du monde pour que ma question eût l’air d’en être une. Pendant quelques secondes, qui me parurent durer une éternité, je voulus qu’il se dépêchât de parler. « Elle s’est endormie et ne semble pas pouvoir se réveiller. » Mon dos, enfin, put se laisser aller contre le mur. Il fallait que je refoulasse. Le trop plein commençait à fissurer une partie de mon être qu’il valait mieux laisser entière. Je me demandai vaguement où se situait mon point de non-retour, ce point où je ne serais plus réellement conscient de mes faits et gestes et des désastres susceptibles d’advenir autour de moi. « Comment ça ? » demandai-je. « Nous n’en savons pas plus. » « D’accord. » dis-je, d’une voix blanche. « C’est tout ? » l’interrogeai-je. Il fronça les sourcils, comme ne comprenant pas ma remarque. Je m’agaçai. « Ne faites pas l’étonné. Vous vous attendiez à quoi ? Que j’essaye à nouveau de me défouler sur vous ? Laissez-moi. Je veux être seul. » Il y eut un nouveau silence. « Il n’y a pas que ça. Je suis aussi venu vous libérer. » « Quoi ? Comme ça ? » m’emportai-je. Sa voix couvrit la mienne. « Si ça ne tenait qu’à moi, non, pas comme ça. » « Qui peut bien… » Je me tus. L’Impératrice Blanche. Beth avait-elle ordonné ma libération contre l’avis de son bras-droit ? Pourquoi ? Un silence gênant plana. Il plissa les yeux, hésita, puis finit par décider de ne pas m’interroger. Il fallait laisser le temps au temps. Presser les choses ne le servirait pas. Une fois qu'il fut sûr de ne pas changer d'avis, il se leva. « Venez. Nous en avons fini pour l’instant. »

746 mots
Fin
Rp suivant : Que votre vœu soit exaucé
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