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 [Q] - Interlude | Kaahl

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Jeu 19 Nov 2020, 10:39


Image par Sanghyun Kam

Interlude


Intrigue : Kaahl et Edwina se rencontrent au château de Cael pour des affaires top secrètes. L'image de ma vidéo est trop stylée alors je l'intègre 8D


Edwina se trouvait sur le balcon du château de Cael. Sa robe royale lui semblait désagréable à porter. Cela faisait longtemps. Elle aurait même dit une éternité. Les temps lui semblaient étranges. C’était comme si le Temps et l’Espace eux-mêmes se déréglaient. Elle n’aurait su dire comment ni pourquoi. Peut-être y avait-il des éléments qui n’étaient pas à leur place et que, finalement, la machine se gangrénait petit à petit. La gangrène, une maladie qui nécrosait les tissus et créait ainsi leur perte. Elle savait que l’Eorane avait finalement pris sa décision. Entre ses diverses personnalités et les divergences d’intérêts résultant de son devoir de fausse vraie Impératrice Blanche et celui incombant à l’Impératrice du Miroir d’Alyss, elle avait finalement choisi. Ce n’était qu’un des sujets qu’elle devrait aborder aujourd’hui. Elle avait fermé les yeux longtemps mais, à présent, ils étaient grands ouverts. Ses lèvres bougeraient et il lui obéirait, s’il voulait rester sous sa juridiction et sur ses terres. Jun comme Tsadqiel se plaisaient à énoncer que chaque chose devait advenir à point nommé. Ces quelques minutes, elle les attendait depuis longtemps. Elle avait aussi envisagé qu’il pût essayer de l’assassiner. Personne n’aurait pu l’en empêcher, si elle avait été seule. Pourtant, ce n’était pas le cas. Dans la pièce jouxtant le balcon, plusieurs dragons se trouvaient. Ils avaient tous pris une forme miniature mais à la moindre menace, ils la défendraient et attaqueraient. Elle ne le pensait pas si stupide. Durant sa vie, elle avait eu de l’estime pour beaucoup de personnes. Elle en avait surestimé tout autant. Elle avait nourri de grands espoirs dans des êtres, parfois maléfiques, en pensant que les ténèbres pouvaient abriter la lumière. Elle en était encore convaincue mais elle n’accordait plus sa confiance si facilement. Elle ne laissait plus les choses au hasard. Elle provoquait le Destin. C’était ce qu’elle allait faire, maintenant.

Lorsqu’il fut l’heure, elle quitta l’air frais du balcon pour retrouver l’air plus chaud de la pièce. C’était dans cette même pièce qu’elle s’était disputée avec Isiode lors de leur première rencontre. Elle sourit, ses yeux faisant alors face à la porte. Elle avait informé le secrétaire de la Reine que, finalement, l’invité ne pourrait pas venir. C’était faux. Elle désirait simplement que l’Eorane ne fût pas là. Le passé avait un goût d’ancien. Il l’était, pour elle. La couronne qu’elle portait était une version bien plus simple de celle qui était utilisée pour les célébrations. Elle se tenait droite, comme on lui avait appris à le faire. Le trône n’avait jamais été une évidence pour elle. C’était un poison, une responsabilité qu’elle avait endossée à une époque où le monde était différent. Aujourd’hui, sans doute n’aurait-elle pas pu accéder à la fonction de la même manière. Elle l’ignorait. Elle inspira, longuement, lorsque la poignée pivota. Il s’attendait à trouver Beth, certainement pas elle. Il comprendrait pourtant bien vite. Les dragons, contrairement aux humanoïdes, ne se trompaient pas. Beth n’avait jamais pu apprivoiser les siens. Ils ne l’appréciaient pas. Sur la table, elle avait fait préparer quelques gâteaux, du thé et du jus de fruits. Elle ne pensait pas qu’ils mangeraient mais le protocole exigeait que les invités fussent correctement accueillis. Elle ne portait pourtant pas son voile. À quoi bon ? Cet homme connaissait son visage, tout comme elle connaissait le sien.

« Bonjour. » articula-t-elle, lorsqu’il entra dans la pièce. Le serviteur avait reçu l’ordre de l’accompagner et de le laisser seul entrer dans la salle. Elle fit quelques pas et lia ses mains. « Saviez-vous que l’Enfer est un lieu qui noircit l’âme de ceux qui s’y trouvent ? » demanda-t-elle, de façon rhétorique, avant de continuer. « Après y avoir séjourné, une voix maléfique est apparue dans mon esprit. Elle a essayé de le corrompre. Je me suis crue folle, folle ou Sorcière. » Elle se tourna vers lui et commença à marcher, lentement. « Pourtant, vous n’en avez jamais subi les conséquences. Durant tout notre séjour, vous restiez patient, gentil et agréable. Un autre que vous aurait réagi différemment. C’est là que j’ai compris : vous n’étiez pas assez cultivé pour connaître les effets de l’Enfer mais vous l’étiez pour contenir le mal, puisque c’est exactement ce que vous faisiez déjà au quotidien. » La lenteur de son parcours rendait ses pas lourds de sens. « Je n’ai rien dit, pas parce que je ne le pouvais pas mais parce que j’ai décidé qu’il serait plus aisé de vous intercepter le moment venu en vous gardant près de moi. Connaître ses ennemis et leur position est un avantage tactique qu’il ne faut pas sous-estimer. Les laisser penser qu’il n’en est rien l’est également. Et puis… à vrai dire, d’autres éléments sont venus confirmer ce que je savais déjà. J’ai compris, en vous voyant changer, que vous étiez le portrait craché d’un homme que j’avais fait enfermer des siècles auparavant. Un homme aussi dangereux que son Destin. » Elle s’arrêta à quelques centimètres de lui et leva légèrement la tête. « Je suis au regret de vous signaler, Empereur Noir, que je vais remercier le Chancelier Ashiril. Il vous faudra donc trouver une solution plus prometteuse afin de passer les tests du Temple de Lyre. » Elle sourit. « L’Histoire ne le retiendra pas mais je serai la femme qui aura fait de l’Ultimage des Ténèbres un Magicien. » Elle inspira. « Cela doit vous effrayer, non ? » Parce que, elle, elle avait eu peur toute sa vie.

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Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

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Kaahl Paiberym
Ven 20 Nov 2020, 09:50



Interlude


« Tu pars ? » « Oui. » murmurai-je à l’attention de Constantine. Elle tenait Justinien dans les bras. Je m’approchai, afin de caresser la joue de l’enfant. Mon regard remonta jusqu’aux prunelles de l’Ange. Si j’avais été moins stupide, à l’époque, j’aurais pu la demander en mariage. Elle aurait accepté et jamais elle n’aurait cherché à remettre en doute ma pureté. Aujourd’hui encore, elle me regardait avec des yeux bienveillants et naïfs. Néanmoins, je lus en elle quelques interrogations. Contrairement à Laëth, Constantine ne posait que très peu de questions. « Je ne sais pas ce qu’elle me veut. » dis-je, pour répondre à sa curiosité silencieuse. « Ça ira avec les enfants ? Sinon, n’hésite pas à voyager jusqu’à Boraür. » Les pontons rendaient les voyages aisés. Odile nous observait. Précédemment, la Fae était en train de contempler la brune jouer avec Justinien. Elle avait confectionné des petites figurines en papier et s’amusait à les agiter devant l’enfant pour l’amuser. La créature de Méli appréciait la nouvelle arrivée, ainsi que sa fille. Au début, elle avait décidé de ne pas la lâcher, pour vérifier qu’elle était bien intentionnée. L’ancienne étoile avait été rassurée rapidement. « Je pense que ça ira. Je profiterai de leur sieste pour préparer le dîner. Qu’est-ce que tu aimerais manger ? » Je souris. « Prépare quelque chose qui te fait envie. » Longtemps, elle n’avait vécu que pour moi. Lorsque nous étions adolescents, je l’avais rendue dépendante. Tant que j’approuvais ses actes, ses paroles et ses choix, elle était heureuse. Lorsque je n’allais pas dans son sens, les doutes l’assaillaient et le mal-être l’étreignait. Elle n’avait eu de cesse de multiplier les petites attentions à mon égard, tremblante à l’idée que je n’y fusse pas sensible. J’avais souvent joué le jeu. Je la considérais alors comme une chose, une chose qui m’appartenait. Aucun autre garçon n’avait essayé de l’approcher, sauf un. Une fois. Pas deux. Ma réaction avait fait peur à Constantine qui avait décidé, à partir de ce jour, de ne plus parler aux autres hommes en dehors du strict nécessaire. Petit à petit, je l’avais étranglée. Je l’avais fait mienne. Il avait fallu des années d’indifférences pour qu’elle pût se détacher. Puis elle était tombée amoureuse d’un autre, ce qui ne m’avait pas plu. J’étais le seul fautif. « Je vais y réfléchir. Tu es sûr que tu ne veux rien de particulier ? » Cet éternel réflexe ne s’était jamais éteint. « Non je t’assure. Tout ce que tu feras me fera plaisir. » Odile sourit. Nous semblions proches. Elle aussi était naïve, même si j’ignorais tout de son existence. Il valait mieux pour elle. « Kaahl ? » m’appela-t-elle. « Tu sais… Si cette histoire te préoccupe, et ce serait normal tant elle est horrible, tu peux m’en parler. Je suis là pour toi, tu… » « Je sais. Ne t’inquiète pas. » Où qu’il fût, j’allais trouver Ârès. « Papa ? Tu vas où ? » Lucius venait d’apparaître de derrière la porte de la réserve. Il y amenait souvent Rosalie, un peu contre son gré d’ailleurs, et se lançait dans des jeux où le mot dragon apparaissait au moins cent fois. La petite fille était en train de marcher à quatre pattes derrière lui. « Je vais au palais, voir l’Impératrice Blanche. » « Je peux venir ? Elle a des dragons ! Dis oui ! » « Non, Lucius, pas cette fois. Ce n’est pas le moment. » Il parut déçu. « Mais je lui en parlerai si tu veux. » « Chouette ! » dit-il, avant de ramener son attention sur Rosalie. « Tu viens Rosasa ? » Il l’attrapa par la taille et commença à la tirer en arrière. « Fais attention, elle n’est pas aussi solide que toi. »

Je suivis le serviteur dans les couloirs du palais royal. Il me laissa devant une porte et s’inclina. Je l’ouvris et pénétrai dans la pièce. La présence des reptiles me sauta aux yeux. « Hum. » L’ambiance me parut différente. « Impératrice Blanche. » murmurai-je, en exécutant la révérence protocolaire, étonné. J’avais perdu l’habitude de vérifier le Miroir. Je savais où était la véritable, trop éloignée pour pouvoir revenir à l’improviste. Visiblement, j’avais eu tort, à moins que la Chancelière Eorane ait réussi à parfaire son jeu entre temps. J’en doutais. Elle subissait les contre-coups de l’absence de son modèle. Le début de son discours me tendit. J’en connaissais la forme. Une question puis une série d’affirmations intraitables. Au fur et à mesure, mon visage se ferma. Je me rappelai sans aucune difficulté le temps que j’avais passé avec elle, là-bas. Je suivais les mouvements de sa silhouette d’un regard attentif. Quelques décennies plus tôt, je n’aurais pas pu me tenir ainsi, en face d’elle. Aujourd’hui, les choses étaient bien différentes. Elle ne me faisait plus le même effet. Pourtant, je mesurais pleinement le poids de ses mots. Je souris, puis émis le rire de ceux qui se remémorent un souvenir tout en pensant à leurs actions vaines de l’époque. J’étais heureux, jadis, de constater que même l’Ultimage ne voyait rien dans mon jeu. Je m’étais trompé. Elle savait. Ça avait été présomptueux, de toute façon. « Est-ce ainsi que vous parliez à Niklaus ? En le menaçant ? » Je me dégageai du face à face. L’avoir si proche de moi me donnait envie de l’étrangler. Je fis quelques pas, à mon tour, tout en réfléchissant. Un rictus déforma mes lèvres. « Pourquoi maintenant ? » finis-je par demander, sans répondre à sa question. Elle m’avait laissé devenir Architecte de Lys. Elle n’avait jamais rien dit. Pourquoi maintenant ? « D’autant plus que vous savez très bien que je trouverai une parade. » Elle le savait, parce que c’est ce qu’elle avait laissé supposer. Elle voulait que je cherchasse une Couronne et que je la fisse mienne. Elle voulait m’obliger à la porter, m’obliger à inverser la tendance, pour de vrai. Elle avait raison lorsqu’elle disait que l’idée m’effrayait. Elle m’effrayait autant qu’elle me révoltait. Il était hors de question que je devinsse un Magicien. Me transformer en Ange était déjà assez douloureux et impactant. Je ne désirais pas, jamais, ressentir ce que signifiait être un Mage Blanc. Cette frayeur était profonde. J’avais peur. J’avais peur de me rendre compte que j’étais en tort, que la bonté était bien plus naturelle, confortable et plaisante à vivre. J’avais peur de changer, parce qu’un rien séparait les deux peuples. Il me semblait plus facile d’être un Sorcier et de jouer les Magiciens que l’inverse. Lorsque l’on peut tuer, sacrifier, torturer, l’on peut aussi sourire et se parer de faux-semblants. Demander à un Mage Blanc de tuer, uniquement pour servir ses intérêts personnels, n’était pas envisageable. Le mal avait, pour cette raison précise, un avantage considérable sur le bien. Le manque de limites du premier détruisait forcément le deuxième.

D’un geste vif, je revins vers elle. « Vous ! » commençai-je, agacé. Je manquai l’attraper par la gorge mais me retins. Je m’arrêtai. Ça ne servait à rien de m’énerver. Il n’y avait pas d’issue à la situation. La seule chose que je pouvais faire était obtempérer. « Remerciez donc l’Ashiril et veillez à mieux choisir cet Archimage à l’avenir. Je vais finir par croire qu’infiltrer votre gouvernement a toujours été un jeu d’enfants pour les Empereurs Noirs qui se sont succédé sous votre règne. » Ma langue humecta mes lèvres rapidement. Ma main vint se placer sur ma mâchoire un instant. Je réfléchis. « C’est ce que vous espérez, non ? Que je change ? Pourquoi ? Pourquoi ne pas plutôt me dénoncer ? Vous avez conscience que si je réussis à me hisser jusqu’au trône, j’aurai en ma possession des moyens énormes ? » J’en avais déjà. Et encore, je n’étais pas au courant de l’héritage de Devaraj : quelques animaux et sept millions de Momies. « Qui vous dit que je ne me servirai pas de mes possessions pour écraser les autres peuples ? » Ce n’était pas ce que je désirais faire mais elle ne pouvait pas avoir de certitudes sur mes desseins. « Mais assez parler de moi. » Je la fixai un instant. « Pourquoi être partie en laissant votre Royaume aux mains d’une dégénérée capable de pactiser avec les Sorciers pour vous éliminer ? Êtes-vous à ce point inconsciente ? Je me demande… Après avoir été si proche des Démons, est-ce par culpabilité que vous avez voulu aider les Anges ? »

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Lun 30 Nov 2020, 23:35


Image par Sanghyun Kam

Interlude



« Parfois, oui. » répondit Edwina. Sa relation avec Niklaus avait été un parfait mélange de l’art des Sorciers et de celui des Magiciens. Sous une apparence courtoise, s'étaient dissimulées des piques et des considérations plus profondes. Ils avaient bu ensemble. Ils avaient même été ivres ensemble. C’était le passé. « D’autres fois, c’était lui qui me menaçait. » Parce que rien n’était tout blanc ou tout noir. Les deux Ultimages étaient à la fois semblables et différents. Ils avaient de nombreux intérêts en commun. Leurs façons de faire n’étaient cependant pas les mêmes. Là où l’Empereur Noir pouvait se permettre d’exécuter ses opposants, l’Impératrice Blanche devait leur faire face et argumenter. Le Bien était plus difficile en plusieurs aspects. Autrefois, sans doute aurait-elle envié la position de son interlocuteur.

Elle resta immobile lorsqu’il revint. Il avait changé. Elle ne doutait plus de son pouvoir. Elle le sentait, au-delà de sa prestance évidente. Il y avait quelque chose de sombre en lui. Il n’essayait pas de cacher les ténèbres en sa présence. Il avait envie de la tuer. Elle n’avait pas envie de mourir ; pas encore. Le mal était attirant ; il l’avait été pour elle. Le présent était compliqué. Tout se dérobait sous ses pieds. Il n’y avait que quelques plateformes qu’elle savait solides. Elle ne venait pas de ce temps et le jeu de Jun Taiji, consistant à la faire voyager ici et là, en dehors de sa propre temporalité, lui donnait des vertiges. Elle n’était plus sûre de savoir où elle se trouvait, si ce n’était à un moment de l’Histoire où elle devait intervenir pour obliger le Taiji à changer. Il devait changer. La Couronne, ou n’importe quel autre artefact, lui permettrait de voir le monde différemment. Elle l’obligerait. « Oui. C’est ce que j’espère. » avoua-t-elle, sans détour. À quoi bon ? « Suris et Yaveäth ne vous laisseront pas faire. » Elle voulait le croire mais elle savait mieux que quiconque que les Ætheri n’intervenaient pas toujours. On avait beau nommer un Roi « Élu de… », la réalité était toute autre. « À quoi bon écraser les autres ? Dans quel but ? Je peux me tromper mais vous n’êtes pas le genre à agir sans objectif. Détruire ne vous apportera rien, pas même une satisfaction. Ce que vous voulez, c’est la stabilité, ce qui, pour un Empereur Noir, est un comble. » Vraiment ? Elle n’en savait rien. Il y avait deux choses : la première était ce qu’il désirait vraiment et la deuxième était ce qu’il pouvait se permettre. En se mettant tous les autres peuples à dos, les Mages Noirs se feraient anéantir. Faire le mal supposait toujours l’hégémonie préalable. Sinon, c'était la chute. Elle voulait le croire bon, plus que ce qu’il pensait.

Elle continua à lui faire face, alors même qu’il abordait un sujet qu’elle aurait préféré qu’il ne remuât pas. Ça la déstabilisa légèrement. Il appuyait là où ça faisait mal. Oui, elle culpabilisait. Oui, elle avait voulu aider les Anges pour ne pas avoir été en mesure de le faire au bon moment. « Cela ne vous concerne pas. » finit-elle par répliquer, sèchement.

Elle s’écarta à son tour, brisant le face à face. C’était plus difficile que ce qu’elle avait imaginé. Edwina s’avança vers le balcon. Elle regarda par la fenêtre. Son éternel cauchemar lui revint en mémoire, celle d’une cité en feu. À chaque fois qu’elle l’avait fait, elle avait été accompagnée d’un homme. Un instant, elle envisagea que ce fût lui. Elle se retourna. Aëran lui avait appris, jadis, à ne jamais tourner le dos à l’ennemi. Elle n’avait pas écouté le conseil à de nombreuses reprises mais Erwan avait refait son éducation entre temps. « Je suis clémente de vous prévenir pour l’Ashiril. Je le suis parce que je suis convaincue que nous pouvons travailler ensemble. » Elle marqua une pause. « Bien mieux que ce que j’ai entrepris jusqu’ici avec Niklaus. Vous voulez mon trône, ce qui me fait penser que vous ne souhaitez actuellement pas le détruire. » Elle inspira et hésita à lui proposer du vin. Ce serait une folie. « Et ce malgré nos sentiments respectifs l’un pour l’autre. » Elle ne l’aimait pas. Pourtant, elle l’avait déjà désiré par le passé. Quant à lui, elle savait ce qu’il avait déjà éprouvé pour elle. Elle ignorait simplement ce qu’il en était aujourd’hui. Elle devait lui faire moins d’effet. Ça ne l’empêchait pas de coucher avec son Reflet. « Nous allons devoir discuter de plusieurs sujets, notamment le cas d’Aliénor Vaughan. Gidéon a disparu et, depuis, l’accord passé avec votre prédécesseur est à sens unique. Vous devez rectifier ce désagrément, en remplaçant votre cousin par un autre Sorcier. » La vitre, dans son dos, lui semblait froide. Elle était habituée à côtoyer les Grands. Pourquoi avait-elle un mauvais pressentiment tout à coup ? Alors qu’elle était sur son territoire, entourée de dragons qui dévoreraient l’Empereur Noir s’il tentait quelque chose ? Alors qu’elle le pensait bénéfique, au moins un peu ? Était-ce l’expérience de l’Eorane qui parlait ? « Je… » Son esprit se focalisa sur la silhouette rassurante d’Isiode. S’il avait été là, il n’aurait fait preuve d’aucune faiblesse face à son interlocuteur. Peut-être. « Pourquoi avoir voulu infiltrer les Magiciens ? Pourquoi vouloir mon trône ? » Elle se sentait à l’étroit, dans sa robe. Elle était la plus charismatique des deux mais elle avait moins de force. « Vous avez construit une vie familiale en tant que Magicien. N’avez-vous pas peur que tout ceci s’efface ? Disparaisse ? » Il avait réussi là où elle avait lamentablement échoué. Elle avait été seule toute sa vie. Elle avait croulé sous ses fonctions, en s’interdisant d’innombrables choses. Ses fantaisies avaient fini par être malsaines, alors que lui semblait réussir avec brio dans tout ce qu’elle n’avait jamais pu avoir. Aujourd’hui même, elle aimait un homme qui ne l’aimerait jamais. Elle le jalousait de pouvoir tout avoir. « Est-ce que vous me tueriez si je me mettais en travers de votre chemin ? » Ce qu’elle était en train de faire, en quelque sorte.

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Kaahl Paiberym
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Mer 13 Jan 2021, 16:23



Interlude


Je scrutai sa silhouette, contre la vitre de la porte-fenêtre qui menait au balcon. Il aurait fallu d’un rien pour enfoncer la porte et la faire malencontreusement glisser de la rambarde. Pourtant, elle n’était pas Humaine. Elle possédait les ailes de la liberté, sans parler des reptiles qui l’accompagnaient et qui guettaient mes agissements. « Nos sentiments respectifs ? » Je souris. L’agacement apparaissait néanmoins sans filtre sur mon faciès. Cette femme était une vipère. Elle avait toujours su l’effet qu’elle me faisait. Elle l’avait tu, avait joué l’inconscience. Pourquoi ? Par peur ? Par incertitude ? Je ne pouvais croire qu’elle avait tenté de me protéger. Sa relation à son propre corps était malsaine. Pourquoi ne pas simplement prendre ce qu’elle désirait, surtout quand l’autre partie en aurait été ravie aussi ? Elle préférait jouer les inatteignables, s’amouracher d’hommes qui ne s’intéresseraient jamais à elle comme elle l'aurait voulu. Elle préférait être objet de désir mais pas sujet. Elle ne se laissait jamais aller. Elle éveillait les instincts et entretenait les flammes sans jamais leur permettre de se consumer. Le monde la voyait comme ingénue, bénéfique et sage mais elle n’était rien de tout ceci. Elle était effrayée. Elle avait peur de délier ses chaînes, peur d’avouer ses pensées et de franchir des frontières, des frontières desquelles il lui serait délicat de revenir. « Il n’y a pas de sentiments respectifs entre nous. » tranchai-je, après un long moment. J’étais resté silencieux, écoutant ses questions et envisageant le chemin sur lequel elle voulait enfermer cette conversation.

Je m’approchai, jusqu’à placer ma main à côté de son visage. Le froid de la vitre me fit frissonner. Je l’observai et me mis à rire. « Je n’aurais jamais cru pouvoir dire ça un jour mais… » Mes yeux descendirent un instant sur ses lèvres avant de remonter jusqu’à ses prunelles. Je forçai notre proximité. « … la vérité c’est que je suis beaucoup plus sain d’esprit que vous. » lui soufflai-je. « Je n’ai pas peur de mes désirs. Je n’ai pas peur de m'avouer que je vous désire, vous. Je n’ai pas peur de faire le premier pas. Vous, vous n’avouez rien. Vous vous complaisez dans vos fantasmes parce que vous avez la trouille. Vous souhaitez qu’on vous force pour ne pas avoir à supporter la responsabilité de vos actes. Vous voulez être la victime, pour ne pas recevoir la faute. Vous n’êtes pas forte, vous êtes faible. Vous n’arrivez pas à prendre la place qui vous revient. Tous vos conseillers doivent vous répéter en boucle que vous devez être inébranlable, montrer une certaine image au monde. Et vous n’arrivez pas à vous affirmer, à leur dire de se taire, que vous seule êtes l’Impératrice Blanche et qu’en tant que personne, vous avez le droit d’aimer et de désirer qui vous voulez. Vous avez ce droit. » Je souris. « Le plus drôle c’est qu’en essayant de donner l’image que l’on attend de vous, en essayant de vous convaincre être cette femme-là, vous ne faites qu’aggraver votre cas. De ce jeu que vous jouez, n’en découle qu’une chose : vous contournez les règles d’une façon malhabile. Vos désirs sont malsains, vos activités extérieures ne sont pas celles que l’on attend d’une Reine. Vous vous cachez, vous vous manipulez vous-même et ça ne vous rend pas service. Vous partez dans des extrémités, jusqu’à confier votre couronne à une femme qui a cessé depuis longtemps de vous vouloir du bien, à vous et votre peuple. » Mon autre main remonta sur sa gorge. « Vous avez le droit d'affirmer haut et fort ce que vous pensez, ce que vous désirez. Vous avez le droit de vous l'affirmer au moins à vous-même. Croyez-vous réellement que si vous m’aviez dit que je vous attirais, je vous aurais rejetée ? Ne croyez-vous pas, au contraire, que nous aurions pu y trouver tous les deux notre compte ? Que croyez-vous ? Qu’en couchant avec vous j’aurais obtenu un pouvoir sur vous ? Que j’aurais pu vous faire chanter, vous menacer ? Avez-vous imaginé les conséquences de notre acte, à angoisser sur le fait que vous puissiez être prise pour une femme aux mœurs légères ? » Mon pouce remonta sur son menton. « J’ai envie de vous dire : et alors, Votre Majesté ? Qu’aurait fait le monde, si ce n’est jaser comme il le fait toujours ? Sans jamais rien concrétiser, vous avez fait couler plus d’encre que n’importe qui sur les terres magiciennes. On vous prête des comportements avec l’ancien Monarque Démoniaque que vous n’avez jamais eu. Quelle aurait été la différence, s’il s’était réellement passé quelque chose ? Vous auriez pu en ressortir grandi. Il aurait pu arrêter de vous obnubiler. Si nous avions couché ensemble, à l’époque où je vous désirais à m’en rendre malade, vous m’auriez libéré de mon obsession. » Je caressai sa joue. « Vous êtes bien plus âgée que moi, Cassandre. Vous avez le pouvoir de faire de grandes choses ou, du moins, vous l’auriez si vous arrêtiez de douter de vous et de vous mentir. Vous devez accepter de prendre ce que vous désirez prendre, sans autres considérations que votre propre instinct. » Je la fixai. Les souvenirs de Devaraj remontaient, parfois. Elle avait voulu le tuer et, en acceptant la vie de mon frère dans ma mémoire, j'avais assisté à des scènes que jamais je n'aurais imaginé voir un jour. « Finalement, nous jouons tous les deux un rôle. Néanmoins, contrairement à vous, j'évite de me mentir à moi-même pour correspondre à un standard et, surtout, j'ai conscience des conséquences de mes actes. Je ne laisse pas les autres décider pour moi en priant pour que tout se passe comme je l'espère. Je chasse le doute afin qu'il ne me hante pas. » Peu importe ce que je lui disais, je n'étais pas dénué de faiblesse. Au contraire, j'en possédais des centaines. Mes failles et mes doutes me faisaient parfois vaciller. Elle n'avait néanmoins pas besoin de le savoir. Aussi, elle ne devait surtout pas oublier ma nature véritable.

Je laissai ma main revenir contre ma cuisse et changeai de sujet. « Pour l’accord entre les Sorciers et les Magiciens, je vais confier ma fille, Rose-Abelle, à la Couronne. Malheureusement, il me semble que l’avenir ne sera pas aussi favorable que vous l’espériez. Pour atteindre mes objectifs, je devrai créer un semblant de guerre entre les Mages Noirs et les Mages Blancs, par l’intermédiaire des Anges et de la Terre Blanche. Si je n’ai pas à discuter avec vous des raisons qui me poussent à souhaiter votre trône, je peux vous assurer que, oui, je vous tuerai si vous vous placez en travers de ma route. J’ai beaucoup trop à perdre, comme vous l’avez si justement souligné. » Je m’écartai. « Rédigez un écrit afin de mettre fin à l’office de l’Ashiril et allons nous promener sur les plateaux, sans vos dragons. Maintenant qu’il n’y a plus de faux-semblants entre nous, faire véritablement connaissance pourrait nous permettre d’élaborer une stratégie contre l’Eorane. Vous avez raison lorsque vous dîtes que je n’ai pas envie de détruire votre couronne. Je veux régner sur deux peuples, pas sur des ruines. »

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Dim 14 Fév 2021, 16:11


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Interlude



Edwina ne détourna pas le regard. Elle fixa l’Empereur Noir durant tout le long de sa tirade, en essayant de rester de glace face aux évidences qu’il articulait. Oui, elle avait toujours eu du mal à s’affirmer. Oui, elle avait peur de ce que l’on dirait d’elle. Oui, elle pensait que le sexe conférerait à celui qui lui prendrait sa vertu un pouvoir sur elle. Oui, elle l’avait désiré, lui, et peut-être même le désirait-elle encore, malgré l’amour qu’elle éprouvait pour un autre. Ce n’était pas exclusif, même si elle l’aurait souhaitée. Oui, parfois, elle pensait que, peut-être, elle était passée à côté d’une grande partie de ce qui conférait à l’existence le plaisir d’être vécue, en étant trop prudente, en se montrant trop exigeante, en ayant peur d’autrui et des conséquences d’un éventuel rapprochement. Le fait qu’il articulât si bien ce qu’elle ressentait intérieurement la faisait frémir de peur et d'envie. Pourquoi est-ce qu’il était maléfique ? Pourquoi est-ce qu’il n’était pas bénéfique ? Ils auraient pu devenir amis, parler de tout et de rien. Il aurait pu la guider lorsqu’elle hésitait. Et lui, hésitait-il, derrière son masque d’assurance ? Elle s’était présentée à lui comme savante et en pleine maîtrise de la situation. À présent, le jeu s’était inversé. Comment pouvait-il être si précis, si empathique, alors que, en tant que Roi, il ne portait que le visage de la haine, de la fourberie et du mépris ? Elle refusait de croire qu’il fût méchant. Peut-être était-il un Sorcier actuellement mais elle était convaincue que son Destin le prédisait Magicien. C’était son devoir, à elle, de faire en sorte que les valeurs des Mages Blancs l’entourassent de leur grâce. Il devait devenir bon. Elle serra les dents à cette idée, motivée par ce fait. Il devait devenir un Magicien, quel que fût le moyen. Et elle devait arrêter d’être électrisée à son contact. Il était bien trop proche et ce qu’elle ressentait créait chez elle une culpabilité à l’égard de l’homme qu’elle aimait ; un homme qui ne l’aimait pas et avec lequel elle n’avait aucun engagement. Elle s’emprisonnait elle-même dans des principes douteux, alors qu’il n’aurait fallu qu’un seul geste pour que, peut-être, la Lune Bleue et la Lune Noire s’entendissent et se réconciliassent. Elle était bénéfique et ne provoquait que le chaos. Il était maléfique et tenait à l’ordre. Leurs deux personnalités semblaient complémentaires. Ils auraient peut-être pu régner sur les Mages, ensemble, dans d’autres circonstances. Elle s’en rendait bien compte. Alors quoi ? Que voulait le Destin ? Qu’elle frôlât ses lèvres ? Qu’elle lui plantât un poignard dans le dos ? Qu’elle l’aidât vers le meilleur chemin pour l’Humanité ?

Lorsque la tension entre eux cessa, elle se permit d’inspirer de nouveau, comme libérée d’un poids. Ce n’était pas évident. Il y avait entre eux un lien qui tenait à leurs fonctions. « Bien. Ce sera un gage de bonne foi de la part des Sorciers. » dit-elle, avant d’entendre la suite. Elle plissa des yeux. Un semblant de guerre signifiait des angoisses à venir. « Il n’y a-t-il pas une autre solution ? » Non, il n’y en avait pas. Certains actes des Mages Noirs ne pouvaient être tolérés par les Mages Blancs. Savait-il au moins ce qu’il faisait ? Comment pouvait-il être sûr que sa stratégie fonctionnerait et ne serait pas la cause d’une réelle guerre ? Edwina se décala de la fenêtre, une fois que l’Empereur Noir se détourna d’elle, pour ne plus lui donner l’opportunité de recommencer. Elle écouta la proposition et hésita. Aëran lui avait dit de ne jamais tourner le dos à l’ennemi, certes, mais il n’avait rien précisé sur l’acceptation de ses propositions dangereuses. Elle voyait le problème. Ensemble, sur les plateaux de Caelum, rien ne lui garantissait qu’il se comporterait civilement. Néanmoins, si elle refusait, il pourrait commencer à concevoir le fait qu’il était peut-être plus puissant qu’elle et que la tuer ne serait qu’une question de volonté. Elle espérait que l’adolescent qu’elle avait connu jadis la portait toujours en haute estime. Aujourd’hui, ils étaient égaux en bien des domaines ; complémentaires dans d’autres. Là où elle créait, il détruisait, dans un Cycle infini. Elle finit par capituler : « Bien. », avant de faire apparaître un parchemin entre ses doigts. De l’encre y apparut et, bientôt, son ordre concernant l’Ashiril fut acté et envoyé à un destinataire qui prendrait grand soin de le faire respecter. « Je nous téléporte. » précisa-t-elle.

La vue depuis les plateaux était imprenable. Dans sa course contre le Temps, Caelum descendait et montait encore et toujours, se posant sur la Mer parfois, atteignant les cieux d’autres fois. Aujourd’hui, l’air frais du ciel caressait la peau des promeneurs, curieux de découvrir les mystères de l’île. Pourtant, ici, il n’y avait qu’eux deux. L’Impératrice Blanche s’installa sur un gros rocher, tourné vers les vagues, beaucoup plus bas. « Je ne vous pousserai pas. » précisa-t-elle, en invitant l’homme à s’installer près d’elle. Elle créa deux verres à pieds. Un vin d’exception, pétillant, vint s’y déposer. C’était comme si l’art des Mages Noirs et celui des Mages Blancs avaient trouvé le moyen de créer quelque chose de meilleur. « L’on dit que la Lune Noire était immense lors de votre couronnement. » dit-elle. « Je ne devrais pas penser que vous puissiez devenir meilleur, vu les preuves. »  Elle avait du mal à penser la méchanceté, malgré l’éducation d’Erwan. Parfois, trop souvent, elle faiblissait. La force ne restait jamais avec elle bien longtemps. « Est-ce que vous avez déjà pensé à comment renverser Beth ? La magie des Reflets leur permet de paraître plus véridique que la réalité. Entre elle et moi, le peuple la choisira elle. » Elle hésita. « Vous… Vous aimez coucher avec elle ? » La question qui suivit l’étonna elle-même. « Et pourquoi ne pas avoir utilisé ma réelle identité contre moi ? Vous auriez pu me contrôler. » Il ne pouvait pas être que mauvais. C’était impossible. Elle voulait voir du bien en lui. Elle en avait besoin. Elle en était convaincue : il se trouvait à la limite entre la noirceur et la clarté.

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Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

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Kaahl Paiberym
Dim 21 Mar 2021, 21:03



Interlude


Mes yeux rencontrèrent l’océan. Elle aurait pu me tendre un piège en usant de téléportation. Rien n’aurait pu l’empêcher de me jeter en haut d’un ravin ou dans un puits de lave. Cette façon toujours honnête d’agir à mon encontre en était presque décevante. En l’observant avec le Miroir, je savais parfaitement qu’elle était capable de fourberie. Je soupirai d’une aise certaine en regardant la vue. « Caelum est une île réellement splendide. » murmurai-je. C’était la raison pour laquelle je n’avais pas l’intention de la détruire. Je connaissais la propension des Empereurs Noirs à marcher sur le Beau pour le réduire à néant. Pourtant, au fond, ce phénomène me posait quelques problèmes. En détruisant la nature et la splendeur, mes prédécesseurs s’étaient atrocement privés de leurs bienfaits. Je voulais régner sur un territoire faste et magnifique. Le Chaos n’était pas ma priorité et je savais qu’il s’agissait d’une anomalie pour le moins inédite. Néanmoins, j’avais été témoin des atrocités causées par la guerre qui avait opposé mon peuple aux Sirènes. Si, aujourd’hui, il ne restait presqu’aucune trace du passage de la déferlante dans la cité d’Amestris, Nementa Corum en gardait encore quelques stigmates. Je voulais éviter à tout prix la guerre, parce qu’elle n’apportait rien et causait bien plus de pertes que de gains. Qu’avaient donc remporté les Ondins en mettant à genoux les Sorciers ? Rien. Qu’avaient remporté les Sorciers, jadis, en marchant sur Lumnaar’Yuvon ou Earudien ? Rien. L’ensemble des peuples belliqueux perdaient des alliés en s’engageant dans des batailles sanglantes. Les Démons n’étaient pas différents. En tuant les Anges, ils s’étaient placés en ligne de mire d’une vengeance qui serait advenue tôt ou tard. À assassiner en laissant des survivants, venait inexorablement le temps de la revanche et de la perte. C’était pour ces raisons que je ne désirais pas la guerre. Tout conflit méritait de forts intérêts, dépassant les coûts probables. En plus de cela, il n’était pas dans mon tempérament de m’engager dans une bataille sans avoir préalablement la certitude de la remporter. Sur mes épaules, reposaient les vies de sept millions de Sorciers. Il allait de ma responsabilité de ne pas agir n’importe comment et, ce, peu importât les volontés d’Ethelba. Je l’avais trahie bien avant mon couronnement en soutenant Sympan à son détriment. Pourtant, si elle avait accepté ma présence sur le trône, c’est que ma façon de penser ne devait pas être un totalement erronée. Aussi, je ne travaillais pas à la guerre, actuellement : je travaillais au renforcement de mes défenses, de façon à balayer n’importe quel attaquant malvenu. Une fois la Terre Blanche rendue aux Anges, je n’avais pas l’intention de commettre d’autres ingérences mais bien celle d’établir des alliances.

Je finis par m’asseoir à côté de l’Impératrice Blanche. « J’espère bien. » lui susurrai-je tranquillement. Elle pouvait me pousser. Je n’aurais qu’à ouvrir mes ailes. Je lui souris et pris mon verre après lui avoir donné le sien. « Je ne crois pas pouvoir devenir meilleur. » Parfois, j’avais la certitude profonde de ne pas être maléfique non plus, mais simplement doué d’une raison implacable. Je me fixais des objectifs et je construisais une stratégie pour y parvenir, qu’elle fût bonne ou mauvaise. Cependant, je savais aussi ne pas être dénué d’émotions. C’était complexe et j’avais bien du mal à savoir. Tant que je ne serais pas réellement aculé, il me paraissait délicat de faire une hypothèse sur ma nature profonde, même si le Temple de Lyre était limpide sur la question. Mon comportement actuel prouvait également une certaine tendance, si je devais être parfaitement honnête avec moi-même. Je réalisais un très vieux but, en sachant parfaitement que cette réalisation serait vaine. Ce ne serait que partie remise. « Oui, j’y ai déjà pensé. J’ai songé à beaucoup de stratégies concernant le trône et votre Reflet. Je sais que je devrai m’en débarrasser à un moment ou à un autre. La question est plutôt de savoir comment. Je peux l’affronter ou la rallier à ma cause. » Parce qu’elle pouvait très bien choisir de devenir mon propre Reflet. Je ris à sa question. « Oui et non. » avouai-je sans détour. « Elle m’a aidé à épancher ma frustration vous concernant, au début. Pour le reste, je ne suis pas amoureux d’elle. J’aime simplement la violenter et elle apprécie de l’être. » Mon sourire s’agrandit. « Je me suis toujours demandé si ce trait de personnalité venait de vous ou s’il lui était propre. » Je soupirai concernant la suite. « J’aurais pu mais j’attendais le bon moment. Comprenez que ce n’est pas parce que je connaissais votre prénom qu’il était judicieux de l’utiliser tout de suite. Je désirais garder cet atout pour plus tard, soit comme joker, soit comme dernière carte à jouer dans le cas où j’aurais été sur le point de perdre la partie. » Je fixai les vagues, plus bas. Elles paraissaient minuscules. « Ce n’était pas pour vous épargner, si c’est la question que vous vous posez. Et je comprends que vous aimeriez que je sois bénéfique : tout ceci serait bien plus facile à accepter. Néanmoins, je vous prie de cesser de le croire. » Elle se rendrait bien vite compte qu’il s’agissait d’une erreur. Je souris. « C’est amusant, d’être assis ensemble, ici. C’est reposant. J’en oublierais presque notre rivalité naturelle, ce qui est perturbant, en sachant que la finalité de ma mission a toujours été celle de vous éliminer. Niklaus avait beau chercher une alliance officiellement, il désirait réellement votre mort officieusement. » Mes yeux se baissèrent sur mon verre. « Ce qui est impossible, étant donné que vous êtes un Phoenix. Autant tenter de remplir d’eau un tonneau percé. » L’entreprise n’en demeurait pas moins plaisante à exécuter. J’amenai mon verre dans sa direction pour trinquer. « Aux Mages. » lui dis-je. Et à la toxine botulique que j’avais fait discrètement couler dans son breuvage. Ce poison étant d’une efficacité foudroyante, je doutais qu’elle serait capable de s’en sortir. Pourtant, je savais qu’elle chercherait à se venger, plus tard. La revanche de la rousse ne m’effrayait pas. Il y avait quelque chose d’infiniment complexe entre elle et moi, quelque chose que je n’avais pas envie de chercher à nommer. De plus, dans ma conception des choses, il s’agissait d’un jeu. J’acceptais de lui ouvrir les yeux sur ma nature véritable, en échange de quoi, je désirais trouver une adversaire digne de ce nom. J’avais déjà la certitude que ce ne serait pas la dernière fois que nous nous retrouverions ici tous les deux, à admirer ensemble l’océan. Nous n’engagions pas nos peuples. Nous nous engagions l’un l’autre.

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Sam 17 Avr 2021, 07:22


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Interlude



Le regard d’Edwina suivait l’exacte direction de celui de Kaahl. Ensemble, ils observaient la même chose : cette terre d’abondance et de profusion. Il n’y a d’ailleurs pas besoin d’être un Monarque pour comprendre à quel point l’aire géographique joue un rôle important. Peut-être que le fait que les Sorciers fussent aujourd’hui moins nombreux que les Magiciens découlait uniquement de l’aridité dans laquelle ils vivaient. Il y avait d’autres justifications, bien sûr, mais le peuple n’avait pas, dans son ensemble, vocation à obéir à Ethelba et à mourir dans des actions chaotiques. Certains Mages Noirs se contentaient simplement de dénigrer leur voisin par derrière. Et puis, il y avait ceux qui doutaient, qui vacillaient entre le blanc et le noir, dans une quasi-neutralité. Lui, où se situait-il ? À lui annoncer qu’il ne pensait pas changer, elle ne pouvait qu’émettre des doutes. Il verrait, à l’avenir. Ce n’était pas vraiment un pari, qu’elle prenait, en lui parlant de la Couronne du Roi Blanc. Elle avait la certitude que la posséder ébranlerait un peu plus sa psyché. C’était un pressentiment si puissant qu’elle-même ne le trouvait en rien rationnel. Peut-être n’était-ce là que le fruit d’un désir ? Celui de le contempler gravir les marches le menant vers le trône blanc et de s’asseoir sur ce dernier en tant que Magicien. Pour l’Ultimage, il n’y avait qu’un moyen de conciliation pacifique et ce dernier venait forcément du bien, d’un bien mesuré, n’étant pas régi par l’extrémisme mais connaissant tout le spectre des essences, des ténèbres les plus sombres à la clarté la plus pure. Elle-même n’avait jamais expérimenté le mal absolu. Il l’avait toujours attirée mais elle n’était jamais tombée en son sein. Kaahl était différent. Plus complet. Il était comme ce département de Basphel, qui stipulait que ses membres, lorsqu’un mur leur barrait la route, trouvaient toujours un moyen de le contourner. C’est ce qu’il ferait avec l’Eorane, elle n’en doutait pas, d’autant plus qu’il avait, à présent, la possibilité d’écraser le mur.

L’Impératrice Blanche garda le silence une bonne partie de sa réponse, jusqu’à ce qu’il parlât de Niklaus. Elle soupira. « Tout à l’heure, je n’étais pas à l’aise, lorsque nous étions encore au palais. » dit-elle. « Je dois cependant vous avouer que depuis que nous sommes ici, loin de nos obligations respectives, je vois les choses différemment. » C’était insensé. « Je sais que vous demeurez celui que vous êtes, et moi celle que je suis, mais… Oui, votre présence, en haut de ces plateaux, m’apaise. » Elle sourit. « Avez-vous déjà eu cette impression ? Celle de vivre quelque chose et de vous faire la réflexion que, maintenant que vous l’avez vécu et ressenti, vous pourriez mourir sans aucun regret ? » Le silence plana un instant. « Je l’ai ressenti plusieurs fois, notamment devant des chefs d’œuvre musicaux. En les écoutant, je me suis dit que, oui, j’avais trouvé la quintessence de l’existence et qu’il n’y aurait rien de plus fort, rien de plus beau. Qu’à partir de cet instant, le reste de ma vie ne pourrait que me paraître terne. » Elle remit une mèche rebelle derrière son oreille. « Lorsque je regarde Caelum d’ici, j’ai ce sentiment de plénitude qui m’envahit, celui de me dire que j’ai créé cette beauté, ces paysages, cette source de vie. Je pourrais mourir parce que… » Peut-être était-ce ça, ce que l’Æther passeur avait toujours recherché et qu’elle n’avait jamais affirmé, ce détachement de la sphère des Mortels, cette impression d’être au-dessus de sa propre vie tout en ressentant comme jamais. « Peu importe. Comme vous le dîtes si bien, je suis un Phénix. Mais je serais curieuse de savoir si les Sorciers ressentent ce même état devant la destruction et la mort, celui d’être en harmonie avec l’environnement, d’être complet, comme si la Magie elle-même vous transférait sa force et vous hissait au sommet, pas pour que vous fassiez acte de puissance et d’orgueil, mais pour que vous compreniez que l’ensemble n’est qu’un tout qui s’auto-alimente. C'est, à mon sens, être béni des Dieux que de s'en rendre compte et, plus, de le ressentir dans la totalité des pores de sa peau. »

« Aux Mages. » murmura-t-elle. Elle trinqua, en le regardant. Le profil de l’Empereur Noir avait quelque chose de digne. Elle imaginait sans mal les lignes de sa mâchoire se serrer dans l’adversité. Il ressemblait à Jun Taiji, en bien plus mélancolique et pensif. Lequel des deux était-il le plus honnête envers lui-même ? Bien sûr, Edwina sentit l’effet du poison. La toxine botulique n’est pas quelque chose que l’on peut ignorer, malgré sa rapidité d’action. Elle posa son verre et se leva, en effleurant la main de Kaahl de ses doigts au passage. Au bord de la jetée, elle tournait le dos au vide, afin de ne pas le quitter des yeux, lui. Quand son corps chuta vers l’arrière, il fut l’avant-dernière chose qu’elle vit. Elle ne cherchait pas des remords. Il le lui avait dit : elle ne pouvait pas mourir. Il ne l’avait pas empoisonnée pour l’éliminer. C’était autre chose, une chose à laquelle elle n’eut pas le temps de penser, son corps entier connaissant rapidement l’immobilisme pur. La mort n’est jamais plaisante mais celle-ci fut bien plus douce que les autres fois. La transmission neuronale absente, elle ne songea pas au fait qu’elle essaierait de le retrouver. Elle ne songea pas à la vengeance. Bientôt, elle ne ressentit plus rien. La dernière chose qu’elle vit fut un éclair rougeoyant descendant du ciel : la Magie du Phénix qui avalerait son corps et sa vie pour les déposer de nouveau ailleurs.

Il faudrait du temps avant qu’ils ne se retrouvent mais ils se retrouveraient. C’était écrit.

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[Q] - Interlude | Kaahl

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