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 [Q] - Le club des quatre à la recherche du cinquième | Solo

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Mer 26 Aoû 2020, 17:59

[Q] - Le club des quatre à la recherche du cinquième | Solo Wulf
« Trouver un fétu de paille dans une grotte d'aiguille. »


Intrigue/Objectif : Deccio commence sérieusement à enquêter sur les origines de la disparition de son grand frère. Pour se faire, il réunit toute sa bande (RIP) pour retrouver la trace de Gordon, un détective émérite qui est le seul à pouvoir l'aider.  




Deccio coucha ses préméditations sur des pages blanches, celles-ci étant tapissées de ratures et projets bien garnis. Il avait le visage enterré dans ses mains, pour la simple et bonne raison qu’il s’attaquait à une enquête de la plus haute importance qui lui réclamait une application scrupuleuse. En effet, il se décida enfin à ouvrir le dossier Azmog afin de segmenter les premières pistes qu’il avait réunies jusqu’ici. Elles n’étaient certes pas très foisonnantes, cependant, en furetant du côté des repaires de son frère, il était tombé sur plusieurs ouvrages informatifs, dont un en particulier. Zane s’était toujours grandement intéressé à la science, et notamment à ce qu’elle pouvait lui apporter sur l’aspect physiologique. Les recherches qu’il avait le plus menées traitaient du sujet de l’immortalité, ou dit plus justement, sur la manière de dépasser ce dysfonctionnement pour renaître sous une nouvelle forme. Ils avaient plus ou moins conversé de ça ensemble, lorsque Deccio fut ressuscité par ses soins. Toutefois, il ignorait tout de son avancement en ces termes. Pianotant ses doigts sur la table en essayant de raisonner, il se tourna vers Erzen qui somnolait à proximité. Il l’avait officiellement recueilli pour le remercier de l’aide qu’il lui avait apportée au cours de leur précédente quête. Aussi intelligent soit-il, son soutien était relativement circonscrit pour cette affaire.

Quoiqu’il en soit, pour en savoir plus sur Zane et ses secrets, il devait absolument reprendre contact avec ses fréquentations les plus proches. Le souci étant que la plupart d’entre eux avaient disparu de la circulation et/ou restaient introuvables. Quant à ceux qui faisaient encore parler d’eux, ils étaient inaccessibles pour le petit Saraṇi de son acabit. Callidora, cette femme avec qui il avait eu deux enfants n’avait pas pointé le bout de son nez depuis son absence. À tous les coups, elle était morte et enterrée, c’est pourquoi il ponctua une croix rouge à côté de son nom. Mirari, une autre de ses courtisanes, et assurément celle qui lui était la plus fidèle en tous points. D’après ses mémoires, ils eurent partagé de grands moments de complicité ensemble, de quoi mettre le doute sur la vraie nature de leur relation. Cela dit, son statut était encore plus incertain que la précédente. Bien sûr, il restait cette Edwina, alias l’Ultimage. Une énième donzelle avec qui il avait passé beaucoup de temps avant de s'éclipser. Deccio l’aurait sans conteste suspecté d’en être à l’origine s’il ne connaissait pas une partie de la vérité. Cependant et malgré l’ambiguïté qui avait longuement étreint ces deux régents, il y a peu de chances qu’elle ait davantage d’informations. Et de toute façon, il ne se ferait sûrement pas de vieux os en essayant de rentrer en contact avec.

Pour ce qui est des autres, son frère n’avait quasiment aucun ami, hormis Brady et Virion. Mais une fois de plus, comment savoir ce qu’il était advenu d’eux ? En cet instant, il prit conscience qu’il ne pourrait probablement pas y arriver seul et qu’il lui fallait former un commando qui agirait de concert. Dans les faits, il ne connaissait pas grand monde, et en dehors de son trio légendaire, il n’avait personne sur qui compter. C’est donc après mûre réflexion qu’il choisit d’engager Bikbik, Chipster et Krodha pour développer une meilleure correspondance. Ils seraient certes aussi efficaces qu’une bande de blattes en fin de vie, mais se débrouiller avec les moyens du bord faisait aussi partie de l’ouvrage de Deccio. Avec un soupçon de pédagogie, il serait néanmoins susceptible d’en tirer quelque chose. Ou pas. Dans tous les cas, il devait absolument renouer contact avec cet homme en imperméable ; Gordon Burnham. Ce détective était indirectement intervenu en tant que mentor la première fois qu’il avait été confronté au travail de limier. C’était un spécialiste qui avait roulé sa bosse et qui saurait parfaitement par où commencer et comment procéder pour rassembler un maximum d’indices, de quoi lui retirer une bonne épine du pied. Là encore, le dénicher n’allait pas être une mince affaire puisqu’il ne possédait pas de cabinet fixe. Les rumeurs qui circulaient à son sujet racontaient qu’il choisissait toujours ses clients, jamais l’inverse. Il aidait les autres selon son bon vouloir, lorsque l’enquête en valait la chandelle et qu’il y défendait des intérêts. Ce genre d’homme avait besoin d’un challenge à sa hauteur, capable de triturer ses méninges ; sur ce point-là, il ne fait aucun doute qu’il serait assouvi.

Appuyant sur son bureau afin de faire reculer sa chaise, le maitre des lieux cueillit la cape rougeâtre qui trônait sur un portemanteau prenant la forme d'un squelette, après quoi il quitta sa demeure pour rejoindre ceux qu’il avait convoqués, dans un endroit neutre et dérobé. Cette cache avait été construite il y a de ça plusieurs siècles par leur père. En dehors de la plupart des fomentations qui virent le jour dans cette partie souterraine du royaume, celle-ci avait aussi permis de conclure bon nombre d’accords commerciaux. De même, les membres de la famille de Drogon — proches comme lointains — s’en étaient longtemps servis pour devenir invisibles au regard des dirigeants. La quasi-totalité ayant été éradiquée en ce jour, cette cachette ne disposait plus d’aucun dessein. Et c’est pourquoi Deccio avait repris les rênes en guettant de pouvoir à son tour régir dans l’ombre. Une grande table installée en son sein, tous les acteurs de sa convocation avaient répondu présents. Évidement, on était encore loin du prestige tant attendu. Debout en bout de table, le blondinet jeta un ouvrage — qui semblait peser une tonne — sur celle-ci. Beaucoup de pages restèrent pour le moment intraduisibles, et ce même si elles étaient rédigées dans leurs langues natales. Le dialecte datait d’une époque révolue. C’est à ce moment que l’équipe de bras cassés intervenait. Individuellement, ils ne valaient rien, mais ensemble, l'atout était bien réel.

« Bikbik, Chipster et Krodha. J’en suis le premier désolé, mais vous êtes mes derniers espoirs. »
« Je te présente mes condoléances. Je sais ce que tu traverses. On est de bons gars, mais c’est pas simple. » « Pas simple du tout même. J’ai failli me perdre avant d’arriver dans le couloir. » « Si seulement c’était qu’avant. J’ai dû faire demi-tour à trois reprises pour pas que tu ressortes une fois à l’intérieur, spèce de sac à merde. » « J’y peux rien si tout y est identique. » « Et nous on y peut rien si t’es débile ! » « Vous pourriez au moins faire semblant de vous impliquer les gars. On n’est pas sorti du sable. » « Heeeeein ? Tu veux que j’te fume ? » « Bon, arrêtez de me gonfler ou c’est moi qui vous massacre. » « Comme les insectes de tata. »

Bikibk se mangea une tarte des plus méritées, détournant son visage en empreignant sa joue d’une marque rouge. Au moins, il se tiendrait à carreau pour le restant de la réunion. Du moins, Krodha se chargerait volontiers de le remettre sur le droit chemin à sa place.

« Comme vous le savez déjà, je dois retrouver mon frère disparu. Et pour ça, j’ai besoin de joindre de nouvelles pistes. C’est pourquoi j’ai fait appel à vous. Nous allons nous séparer en deux groupes afin de suivre la trace de ce détective ; Gordon Burnham. » « Jamais entendu parlé de ce type. » « C’est pour ça qu’il est fort. Burnham opère souvent sous des pseudonymes, mais les témoignages s’accordent pour dire que tous les grands détectives de ces dernières années ne sont qu’une seule et même entité. C’est un prodige dans son domaine. » « Parfaitement. Je ne l’ai croisé qu’à une reprise, mais je m’en souviendrais toute ma vie. Au-delà de ça, je dois absolument le convaincre de devenir mon professeur. » « Compte sur nous. Quelles sont tes instructions ? » « En poursuivant mes recherches, j’ai marqué et retenu deux endroits où il serait le plus plausible de se trouver. D’après les espions qu’on m’a gentiment prêtés, il aurait été aperçu près des Terres du Lac Bleu, donc sur le Continent Naturel. Et dans le Berceau Cristallin, soit dans le Dévasté. Inutile de vous dire que ces lieux sont géographiquement assez éloignés, et que pour cette raison que nous allons former deux équipe. La première sera constituée de moi et Chipster. C’est une question de praticité. La seconde sera donc composée de… » « Moi et Chipster ? » « Bordel, tu t’fous de moi ? Dis-moi que c’est une blague, je t’en supplie. » « Krodha, c’est un rôle que toi seul peux tenir. Même si son espérance de vie est considérablement réduite avec toi à ses côtés, tu le connais bien mieux que nous deux. Et étrangement, vous êtes assez complémentaires en tant qu’unité militaire. Et puis ça me fait marrer, je reconnais. » « De quelle tactique tu parles ? J’ai découvert le sens de ce mot y’a à peine deux jours, et celui-là est même pas fichu de savoir l’épeler. » « T-A-K-T-I-C. » « Au moins, il sait ce que signifie le mot épeler, c’est déjà un énorme progrès. » « Vous tenez vraiment à ce qu’on règle ça au pugilat ? » « Calme-toi. Bikbik n’est certes pas le virtuose de la bande, mais tu sais mieux que quiconque à quel point ses dons nous seront utiles. Personnellement, je ne peux pas les exploiter, mais toi tu peux. » « Mouais. Je sens comme une douille au fond de mon trou de balle. C’est pas comme si j’avais le choix. » « Je te revaudrais ça en organisant la meilleure soirée de ta vie. » « C’est la moindre des choses. » « Mon cul sur la commode. » « J’ai peut-être oublié un “Y” à la fin. »

Que ce soit directement ou indirectement, cette réunion avait tous les prérequis pour s’apparenter à un diner de cons. Avec le diner en moins, et donc par extension le plaisir dérobé. Deccio expliqua subséquemment la marche à suivre à l’autre équipe, comme le fait qu’ils allaient devoir appâter l’enquêteur en répliquant une affaire soi-disant insoluble. C’est là qu’intervenaient les pouvoirs combinés des deux hommes, qui s’ils le jouaient finement, parviendraient sans comparaison à créer l’illusion parfaite. Il leur confia les Terres Magiciennes, pour des raisons de sécurité. Quand bien même son affiliation avec l’ancien Monarque Démoniaque demeurait inconnue du grand public, il est un risque qu’il se refusait de prendre. Pour ce qui est de leur propre intrusion dans le Berceau Cristallin, il aurait tout le temps de l’expliquer à son binôme sur le chemin. Toutefois, il lui restait une clarification à apporter. D’un ton grave, il s’adressa au tandem de la honte.

« Deux endroits. Deux recherches. Un seul détective. Et donc une seule vérité. Ça ne peut vouloir dire qu’une chose, c’est que l’un de nos groupes tombera fatalement sur un imposteur. Je ne saurais que trop vous conseiller de vous méfier. J’ignore ses intentions, mais je sais par expérience que les imitateurs ne prospèrent que très rarement pour la justice. »

Ce qu’il se retint d’avouer, c’est qu’il avait de fortes suspicions sur l’identité de l’usurpateur. Si elles s’avéraient exactes, alors tout le château s’effondrerait. En attendant d’en avoir le cœur net, il chassa ces idées noires au profit du schéma de l’aventure qui se profilait à l’horizon. Malgré les apparences, elle figurerait parmi les annales de sa biographie.


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Ven 28 Aoû 2020, 23:12

[Q] - Le club des quatre à la recherche du cinquième | Solo Wulf
« Trouver un fétu de paille dans une grotte d'aiguille. »




« Il caille ici. T’aurais au moins pu avoir la décence de me prévenir. » « Quel intérêt ? Tu aurais prévu des manteaux si ça avait été le cas ? » « Peut-être bien. Je suis frileux. Et au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, je vis dans le royaume le plus ardent. » « Je sais. C'est pour ça que ta bicoque est empaqueté à l’entrée du volcan. » Ils se trouvaient ici depuis à peine dix minutes, mais Chipster râlait déjà sur les conditions climatiques. Le Berceau Cristallin était certes glacial, mais la température ambiante était loin d’être aussi rude que dans les Montagnes Enneigés. Dans tous les cas, ils étaient là pour une bonne raison, et rien de ce que dirait son camarade ne les ferait changer d'avis. Deccio avait pris soin d’apporter l’ouvrage qui contenait toutes sortes de runes et de textes incompréhensibles. Pourquoi ? Car sur l’une des pages du centre, il avait découvert qu’en l’exposant à la lumière il obtenait une fiche avec différents sigles. Ceux-ci désignaient des directions à prendre. C’était un peu comme de suivre les indications d’une carte aux trésors, la commodité d’interprétation en moins. D’après les passages qu’il avait réussi à déchiffrer, l’héritage de Zane supposait qu’il s’en était servi comme d’un immense carnet de bord y relatant toutes ses études, et donc par extension, le chemin menant à retrouver sa trace. La présence d’un artefact présent de l’autre côté de la feuille laissait penser qu’en le récupérant, il obtiendrait quelque chose en retour. Toutefois, ce n’était pas la seule carte que le cahier renfermait, et pas non plus le seul objet. Son frère avait visiblement jugé bon de le coder de bout en bout, avec des énigmes, charades et rébus bien trop complexes pour son jeune cerveau. C’est là que devait intervenir Gordon. Pour lui soutirer son aide, ils devaient d’abord emprunter cette piste. Et pour ça, il fallait créer l’évènement.

Les renseignements qu’il avait pu récolter auprès des espions de Jawdeath — qu’il lui avait gentiment prêtés — lui avaient confirmé la présence d’une organisation de fanatique sur cette partie du globe. S’ils trouvaient refuge ici, c’était en partie grâce à la perniciosité amoindrie des terres. Mais aussi et surtout parce que la population y étant restreinte, leur marche de manœuvre s’en trouvait largement privilégié. Ce groupuscule n’était pas particulièrement connu par les autorités en raison du fait qu’ils agissaient plutôt dans l’ombre, mais leur engouement et leurs manigances l’étaient assez pour inquiéter les personnes ciblées par cette secte. Autrement dit, il y avait de fortes chances pour qu’une enquête soit menée directement et discrètement. Quelqu’un pouvait aussi avoir infiltré l’assemblée afin de garder un œil sur eux. La question était de savoir ce que Deccio allait faire de ça. Et comment comptait-il faire pour attirer cet homme à lui ? Il répondit à cette interrogation lorsque son ami le lui demanda. « Gordon n’est pas qu’un inspecteur de génie. Il était autrefois un justicier de renom, craint tant par son sang-froid que par le masque qu’il revêtait. Les ennemis qui se sont confrontés à lui seront tous d’accord pour te dire qu’ils font encore des cauchemars en pensant à leurs défaites. Toutefois, un seul de ses opposants a réussi à lui échapper. » « La secte. » « Tout à fait. Pour une raison qui m’échappe, cette secte qui se fait appeler “la cour des corbeaux” est composée de membres qui n’ont jamais pu être clairement identifiés. On raconte qu’il n’y a pas qu’un seul chef, mais plusieurs. Et tous ceux qui la dirigent sans exception sont parvenus à s’en tirer. » « Je crois avoir compris de quoi il en retourne, d’accord. Ce que j’ai du mal à comprendre, c’est en quoi sont-ils si dangereux ? S’ils étaient si néfastes pour le monde, leur existence serait menacée de tous. » « Ce n’est pas aussi simple. Ce n’est pas parce qu’on ne voit ou n’entend pas quelque chose qu’elle n’existe pas. Personne n’a réussi à prouver quoi que ce soit les concernant. Comme je te l’ai dit, ils savaient très bien ce qu’ils font. Le fait d’être considéré comme un petit groupe sans envergure est justement une aubaine pour eux. Tout ce que je sais avec certitude, c’est que Gordon croit en leur culpabilité. » « Et toi ? Quelle est ton opinion à leur sujet ? » « Et bien… à l’instar des Dieux qui opèrent souvent dans l’ombre, ça ne me surprendrait pas d’apprendre qu’un groupe de mortels parfaitement structuré et avec des moyens conséquents en soit capable. »

Difficile en l’état d’être catégorique. Pour en avoir le cœur net, encore fallait-il vivre auprès d’eux. Et encore. Si les rumeurs à leurs sujets s’avéraient légitimes, alors la sécurité employée pour accéder au sommet de la hiérarchie devait surpasser celui de n’importe quel Royaume. Ils ne s’en étaient pas aperçus, mais durant leurs discussions, les deux hommes avaient gravi une pente glacée menant directement à un point de vue des plus édifiants. Sur cette pointe gelée, une vue d’ensemble de leur antre se libérait. À perte de vue, de petits points blancs allaient et venaient à l’intérieur d’une immense tour de givre. Le blizzard qui entourait l’espace intervenait comme un rempart à l’adresse des intrus qui auraient l’imprudence de s’y engager. « Nous allons devoir écarter deux de ces hommes pour nous infiltrer. » « Hein ? T’es sérieux ? » Éveillant une sorte d’intuition, Deccio se retourna vivement. Une ombre mystérieuse planait au-dessus de leur tête.


_______________________________________________


Pendant ce temps, sur les Terres Bleues ; deux autres individus enquêtèrent à leur tour dans l’espoir de toucher le gros lot. Par élimination et aussi par dépit, c’est donc Krodha qui menait le binôme. Enfin, il était plus juste de certifier qu’il avait été contraint de devenir le baby-sitter de l’enfant tragique. Il passait davantage de temps à le sermonner qu’à discuter avec lui. Et c’était mieux ainsi. Il avait besoin de toute sa tête pour penser, c’est pourquoi une migraine serait malvenue. Dans l’optique d’attirer cet inspecteur à la noix, Deccio leur avait mandé de contacter quelqu’un une fois sur place. Le bout de papier entre les doigts, il le lut à voix haute. « Caramel. Directeur du théâtre itinérant “la Chocolatine”. Ben nous voilà bien avec un nom à coucher dehors. J’sais pas qui c’est, mais il bouffe pas que des huitres lui. » Pour une fois, Bikibik n’intervint pas dans la lecture avec une remarque qui aurait tout bonnement jeté de l’huile sur le feu. Il devait sans doute ce mutisme aux nombreuses claques qu’il avait déjà reçu depuis qu’ils avaient atteint la ville — et même bien avant. Le simple fait d’avoir réussi à débarquer en un seul morceau tenait de l'exploit. Ils avaient fait une bonne partie du trajet en bateau, et hormis les fréquentes prises de bec, ils eussent hérités de seulement quelques ecchymoses. La suite avait été plus délicate puisqu’ils avaient volé jusqu’ici. Autant ça n’avait posé aucune difficulté pour le plus habile du duo, autant pour le second, c’est à pas moins de six reprises qu’il eut frôlé la mort. Krodha n’avait jamais eu besoin de lutter de la sorte de toute sa vie pour aider un grabataire à s’en tirer. Généralement, il abrégeait les souffrances de ce dernier pour le libérer de son funeste sort. Un bon samaritain comme il en existait peu.

Du coup, afin d’éviter de le mettre en rogne, Bikbik se tut durant de longues minutes. Il s’émerveillait devant le nombre incroyable de fleurs qui se trouvait à ses pieds et chassait les papillons d’un air hébété. En violentant les insectes, il épargnait sa raison, et ça c’était tellement rare qu’il put sans trop d'ennuis se consacrer à la résolution de leurs problèmes. Il ne savait toujours pas très bien en quoi un artiste allait bien pouvoir les seconder, mais il avait toute confiance au blondinet, celui-ci se trompant assez peu.  « J’vais prendre un peu de hauteur histoire d’avoir un meilleur angle de vision. Alors, tâche de ne pas t’éloigner. Compris ? » L’enfant au minois exclamatif étant trop occupé à insérer des scolopendres dans sa bouche, Krodha se détacha du sol afin de suivre un itinéraire aérien lui permettant de regrouper un maximum d’informations. Dès qu’il eut terminé son exploration, il retourna au bercail, près du champ de blé vers lequel il avait décollé. Comme il aurait dû s’y attendre, ce fichu gamin primitif avait totalement déserté. Plongeant ses mains sur son visage, il étira ses traits en les descendant lentement, la rage bouillonnant à l’intérieur de lui. S’il retrouvait cette enflure, il lui couperait au moins deux phalanges pour lui faire passer l’envie de le faire tourner en bourrique. Scandant son nom en naviguant tantôt à droite, tantôt à gauche, le Démon perdit de plus en plus patience à mesure où le ciel s’assombrissait. Il posa bien la question aux quelques passants du coin, mais aucun ne l’ayant aperçu, il se retint de ne pas tout cramer pour débloquer un meilleur panorama. Toutefois, il demeurait assez conscient de ses actes pour ne pas risquer la prison à vie ou l’écartèlement en place publique.

Mais à force de détermination, son ouïe qui était très développée intercepta la voix de Bikbik. En se focalisant sur l’écho, il retrouva le Mādiga en quelques secondes, en compagnie d’un jeune homme très bien apprêté, une canne dans la main et un haut-de-forme des plus clinquant.  « Raah. C’est vous qui avez retrouvé cette tête de cul ? J’vous dois la vie. » « C’est plutôt lui qui m’a trouvé, mon brave. Je me présente. Caramel pour vous servir. » Il entreprit une révérence — ou du moins à ce qui y ressemblait — en bombant le torse, en tournant sur un pied et en se penchant, mais de l’autre côté, offrant ainsi un plan détaillé de son postérieur. « ET OUAIIIIIEUUUUUH ! C’est moi qui l’ai trouvéééééé ! » À défaut d’autre chose, Krodha lui enfila son poing dans les côtes, mais ce dernier réussit à l'éluder. Et pire que tout, il ignora son assaillant en suivant le fameux Caramel dans sa Chocolatine. Mettant sa fierté de côté, il en fit de même. Malgré la modestie qu’insinuait l’extérieur, l’intérieur était très convivial. La magie opérait immédiatement de par la musique et les séquences qui s’y déroulaient. Il semblait s’agir de répétitions. « Scusez, mais… vous saviez qu’on viendrait ? » « Bien sûr, chéri. Je dois beaucoup à Deccio. Mais nous avons la soirée devant nous pour parler de ça. Je vais tout vous expliquer, veuillez passer par… iciiii. » Il tira un rideau mauve, celui-ci amenant certainement aux loges du personnel. Toutefois, au plus il avançait, au plus il redoutait quelque chose. Krodha étant sans conteste le plus instinctif de la bande, il savait quand rester prudent et quand se détendre. Il attrapa Bikbik par le bras pour le tirer vers lui. « Tu te rappelles du signal ? » « Euh… oui. » « Très bien. Si je le fais, utilise le quatre. » Un idiome qu’ils avaient mis en place il y a de ça fort longtemps. Sur ce point-là, même Bikbik n’avait jamais failli. Le directeur les pria de s’asseoir devant un immense bureau, tandis que la porte fut surveillée par un gorille qui atteignait trois fois sa taille. « Nous allons entamer le jeu des ombres. » susurra-il avec les traits qui s'allongèrent.. D’ordinaire, il aurait tout cassé pour s’enfuir. Mais quelque chose lui soufflait que ce ne serait pas possible cette fois.



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Lun 31 Aoû 2020, 21:37

[Q] - Le club des quatre à la recherche du cinquième | Solo Wulf
« Trouver un fétu de paille dans une grotte d'aiguille. »




En se retournant par réflexe, le prince de la ruse manqua de glisser sur la lisière de son observatoire. D’un essor brusque, il décala son poignet au ceinturon qui conservait son arme de fauche pour la saisir. Chipster eut un temps de réaction légèrement plus élevé, mais positionna ses deux paumes devant lui pour propulser un faisceau de flamme très condensé. L’encapuchonné se contenta d’un bond en arrière, disposant sa main au-dessus de son épaule afin de trancher l’offensive d’un coup net. Sur la pointe des pieds, il circula avec désinvolture sur les flocons de neige, comme insensible à la gravité et à l’influence de la masse. En deux-deux, une pointe effilée appuya contre la gorge des deux Démons. « SCRATCH. Vous êtes morts. » Il révoqua les pôles d’aciers à l’intérieur d’un mécanisme agrafé à ses bras. Planqués sous sa capuche, elles revêtaient le parfait équipement de l'assassin accompli. « Qui es-tu ? » « Non. Qui t’as engagé ? » Deccio savait qu’il ne dévoilerait pas son identité. Les assassins intervenaient toujours dans l’ombre pour le compte de quelqu’un. L’aperçu avait été bref, mais un tatouage épousant la forme d’une aiguille empoissonnée était couché sur la face intérieure de son avant-bras. Cette indication l’excluait d’une quelconque branche indépendante.  « Oh. Tu es aussi malin qu’on le dit. » Son visage n’était pas discernable, mais son sourire, lui, était bien perceptible. S’il avait voulu les tuer, leurs têtes rouleraient déjà sur le sol enneigé à l’heure qu’il est. Et s’il n’était pas ici pour eux, alors il était là pour…

« Hélas, j’ai bien peur de devoir vous refuser cette information. Mon seigneur m’a demandé de me tenir auprès de vous. C’est ce que je fais. Rien de plus, rien de moins. » Le vocable avait ici une signification symbolique. Par définition, un seigneur figure en tant qu’autorité suprême. Il pouvait aussi référencer un homme de bien moindre importance qui ne possédait qu’une parcelle de terreau. Toutefois, c’est sa façon de s’exprimer qui semait le doute chez le Rusé. « Mon bon seigneur m’a exhorté à la vertu d’une manière aussi tendre que s’il eût parlé à son propre fils. Je l’adule. Je l’idolâtre. Alors je vous en conjure. Que vous en fussent chamboulés ou non, contentez-vous de suivre mes injonctions. » Son attitude, décalée au-delà des convenances, lui évoquait à bien des égards l’outrecuidance d’un homme de troupe venu dans le seul objectif de faire de la propagande pour son prochain numéro. Il était rayé du casque, et c’est bien pour ça qu’ils ne pouvaient se permettre de l’offusquer.  « On le zigoui… » Le renard doré colla sa main sur la bouche de son idiot d’ami, renforçant son expression d’un sourire plus que jamais accentué par l’hypocrisie. « Si c’est les ordres, nous ne discuterons pas. Mais nous ne pouvons pas nous mêler à eux. Contrairement à toi, nous n’avons pas cette tenue. » En effet, il venait tout juste de le relever. Cette tunique appartenait aux membres du culte. Comment se l’était-il procuré ? C’était bien là le mystère le plus troublant de ces dix dernières minutes. Quant à savoir s’ils pouvaient se fier à lui, la réponse était assurément non. Envisager son affiliation à ce club de fanatiques n’était pas à exclure.

À l’inverse, elle incluait bon nombre de risques que le jeune détective s’acharnait à mettre en ordre dans son dédale neuronal. Tout n’était que pure réflexion pour éviter de contrarier leur présumé rédempteur. Au lieu de se sentir effronté de ne pas avoir songé à ça, le sans nom fit affleurer sans délai deux tenues identiques, les capes flottant à quelques centimètres au-dessus du manteau de neige sans jamais s’effondrer. « Bon. Au moins tu as pensé à tout. J’imagine que tu sais comment procéder pour la suite ? » « Pas du tout. Que je fusse ou non celui que je prétendisse, la suite vous appartînt. D’un zèle infatigable, je susse néanmoins répondre présent si jamais vous envisageassiez ne point pouvoir vous dépêtrer d’une situation. » Ce pompage verbeux à n’en plus finir le qualifiait d’office au sommet des connaissances à éviter pour toute une vie. Un type chelou dans toute sa splendeur. « Qu’est-ce qu’on fait ? On continue malgré tout ? » « On a pas le choix. Si on se le met à dos, on est bon pour une dissection sans anesthésie locale. » Tout se passerait pour le mieux du moment qu’ils le garderaient à l’œil. Deccio prit donc de nouveau les commandes de l’opération après avoir enfilé les costumes et les chevalières qui servaient à s’identifier. Chipster créa un portail magique sur la surface maculée. Son jumeau se déclina tout en bas, près de la traversée perpétuelle des membres. Le trio s’immergea dans ce gouffre dimensionnel sans se concerter, plus enclin à se lancer dans l’improvisation qu’à déterminer avec exactitude les aléas qu’ils pussent rencontrer une fois au cœur du camp ennemi.

Dans un premier temps, ils choisirent le bon moment pour s’infiltrer entre les individus en marche — de toute façon bien trop mécaniques pour remarquer quoique ce soit. Les mains enfournées dans l’autre manche, ils imitèrent le groupe en baissant la tête et en avançant au rythme d’une tortue. En quoi consistait tout ce cirque ? C’est ce que les Démons voulurent tirer au clair. Ce rituel satanique pouvait aussi bien les mener à l’abattoir que dans la gueule du loup. Au terme d’une longue persévérance, ils pénétrèrent enfin la caverne. Ce qu’ils y découvrirent dépassait l’imagination. Dire qu’ils avaient fait dans l’excès était un euphémisme. La statue qui prônait devant eux était si gigantesque qu’elle tutoyait sans conteste les cieux, sa tête — ou ce qui officiait en tant que tel — n’étant même pas visible d’où ils se tenaient. Quant aux autres éléments de décors, ils n’avaient rien à lui envier dans l’exagération. La salle baignait dans un mélange de tons rouges et dorés. Des tableaux représentant diverses choses ; pour la plupart abstraites étaient plantés ci et là, des cierges et lampadaires arrosant d’une lumière tamisée tout l’ensemble. Et enfin, que dire de son centre où un autel exposait une sorte d’artefact visiblement très adulé par les saints qui venaient tour à tour adresser leurs prières à une entité méconnue ? Même Deccio qui était entré avec d’autres intentions éprouvait une étrange sensation de bien-être, comme s’il fut enveloppé d’un halo lui soutirant toutes ses torpeurs. S’il eut possédé une force mentale moindre, qui sait ce qu’il serait advenu de ses convictions ? Dissimulé sous son ample capuche, il enfonça toutefois son sabre dans la chair de sa cuisse de façon à le ramener sur terre. Il refoula une grimace, puis continua à suivre le rythme que leur imposèrent les adhérents officiels.

Le Saraṇi glissa un murmure à destination de ses partenaires. « Séparons-nous. Si nous restons groupés, nous diminuons nos chances de trouver ce que nous cherchons. Et comme nous ne savons pas ce que nous cherchons, c’est un projet d’autant plus complexe. » « Oh. Tu eusses raison. Si nous restâmes collés les uns aux autres, impossible il fut que ça fonctionne. Je m’en allasse par là-bas. » Il se détacha du corps le premier, ce qui n’était pas pour déplaire au Rusé. « Ce gars est vraiment insupportable. On aurait dû s’en débarrasser quand on en avait l’occasion. » « Inutile. Il nous tenait par la gorge. Bref, à tout à l’heure. » Les deux amis heurtèrent leurs bras respectifs pour former un X. Il s’agissait d’un geste fraternel visant à s’encourager mutuellement. Une promesse de se revoir en un seul morceau aussi. Ils se séparèrent ensuite, Chipster s’aventurant vers l’étage inférieur tandis que Deccio opta pour le supérieur. Il modifia la forme ainsi que la taille de ses cordes vocales pour moduler son timbre en conséquence. Une prévention supplémentaire plus qu’une nécessité. En accédant au palier du dessus, il fut surpris de voir un individu assis en tailleur, les mains jointes alors qu’il récita ce qui s’apparentait à une incantation. Deux autres anonymes se présentèrent soudain, ces derniers scellant la porte tout en se gardant de ne pas s'en éloigner. « Je suis désolé de te l’apprendre, mais tu es tombé dans notre piège. » Et il en était de même pour l’assassin et Chipster. Manquant à leur tour de prudence, ils furent isolés sans aucune forme de pitié.

________________________________________________


Le jeu des ombres ? Un nom qui sonnait plus burlesque qu’austère. Ce n’était que le début, mais Krodha perdit aussitôt patience. « Le jeu de que dalle. On est venus pour que vous nous prêtiez main forte, alors vous allez le faire et fissa. » « Ah ah ah. Je crois qu’il y a un malentendu. Je ne suis pas celui que vous prétendez. Caramel n’est déjà plus de ce monde. » L’inconnu se pencha doucement de sa chaise pour saisir et soulever la tête ensanglantée du précédent directeur. L’un des globes oculaires était resté suspendu par un filament nerveux, sa mâchoire ayant été tellement scarifiée qu’elle exposa sa belle dentition. « J’aime pas ce monsieur. Est-ce qu’on peut le cramer ? Hein ? Heiiiin ? » « Il va surtout nous expliquer ce qu’il attend de nous et il va se magner avant que je me mette en rogne. C’est pas en nous exposant ton trophée de merde qu’on va trembler des guiboles, tête de cul. » « Tant de mépris pour un homme aussi innocent que moi. Ne vous en faites pas, si vous gagnez la partie vous pourrez sortir sans subir le moindre mal. Deccio est un Démon qui commence à devenir… embêtant. Mon boss se doit de le rappeler à l’ordre, vous pigez ? » Même un imbécile de la trempe de Bikbik pouvait comprendre ce qui se tramait.

Qui que puisse être le commanditaire, il redoutait la transition fulgurante du malin à tête blonde. En un sens, cette appréhension était légitime. Ce qui l’était moins, c’était de les impliquer dans ce foutu subterfuge. « Accouchez. En quoi consiste votre putain de jeu ? » En tendant sa main devant le duo, un cube se mêla à son sang pour forger un dé à l’esthétique plutôt sympathique. Son fonctionnement l’était surement moins. « Si vous obtenez un chiffre plus élevé ou identique au mien, vous l’emporterez. Tout simplement. » Énonça-t-il avec le sourire le plus forcé du monde. Ca ne pouvait pas être aussi simple, ce dé cachait assurément un vice. Le premier à le lancer fut Krodha, qui en priant sa bonne étoile ne récolta qu’un vulgaire deux. « Bordel, c’est pas possible ! Sauve la mise, Bikbik. » Saisissant l’objet du délit dans le creux de ses mains innocentes, le dé partit à plein pot sur la table. Il roula longuement sur une arête avant de s’interrompre sur la face numéro six. Le premier Démon ne peut réprimer sa joie en sautant de sa chaise, le poing serré vers le ciel tandis qu’il poussa son cri de guerre. « Mouhahaha ! Qu’importe ce que tu feras, c’est mort pour toi ! » Il ricana doucement. « La partie n’est pas terminée si je ne m’abuse. Vous permettez ? » Le gorille qui gardait précédemment la porte s’avança au plus près, les bras croisés. Cette histoire sentait de plus en plus le vinaigre.



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Sam 05 Sep 2020, 00:11

[Q] - Le club des quatre à la recherche du cinquième | Solo Wulf
« Trouver un fétu de paille dans une grotte d'aiguille. »




La mâchoire du piège s’était refermée sur le Diablotin, l’enfermant dans une cage qu’il ne pouvait désormais plus quitter, les dents de la créature étant trop dures pour ça. C’était comme de se retrouver les mains et les poings liés par des tentacules provenant de toutes parts qui l’empêchaient de conclure le moindre élan. Une grimace déforma le faciès du blondinet. Il était trop bête. Comment avait-il pu se faire devancer à ce point sans avoir songé à une telle éventualité ? Il avait trop pris la confiance depuis la succession de ses victoires — pour la plupart survenus sans retors. Le coût de cette ataraxie avait un prix, et celui-ci prévoyait d’être des plus regrettables. Les mèches désordonnées, les dents serrées, les poings fermés ; trois points qui, reliés ensemble, cernaient la vive irritation de l’enfant de l’Œil. Lorsqu’il s’avança pour lui régler son compte, une épaisse fumée l’enveloppa dans un tourbillon qui asphyxia sa perception. Cependant, contrairement à la principale caractéristique de toute brume semblable, celle-ci était bien tangible. En effet, en l’ignorant et en poursuivant son chemin, de fines coupures se manifestèrent sur ses bras. Ce n’est seulement qu’après avoir subi quelques lacérations qu’il comprit de quoi il en retournait ; il ne s’agissait pas de fumée, mais de cendre. Ces résidus à l’accoutumée inoffensifs étaient solidifiés par son utilisateur, rendant la technique particulièrement redoutable.

Conscient de la position précaire dans laquelle il se trouvait, Deccio chercha à s’enfuir en s’élevant par le plafond — étant la seule issue adéquate — mais la brèche se referma aussitôt un certain seuil atteint, le rabrouant violemment vers le sol. « Inutile. C’est le seul pouvoir dont je dispose. Tu veux savoir pourquoi ? Parce qu’il est infaillible. J’ai connu des requins qui m’ont fait frémir de par leurs uniques regards, aussi torves que celui du serpent devant une musaraigne. J’avais peur. Et pourtant, cette technique les a tous vaincus sans exception. » Il n’avait aucune peine à le croire. Rien qu’en y étant exposé depuis à peine cinq minutes, le Démon qui rimait avec assurance se noyait déjà dans l’apathie la plus totale. Il n’y avait qu’une explication à cette perte bien trop rude : les cendres étaient gorgées d’une toxine qui altérait ses fonctions les plus primaires. Plaqué au sol, le souffle de la tornade balaya le sang qui circula sur sa joue creusée. Il força sur ses avant-bras pour tenter de se redresser avec la désagréable impression de devoir lutter contre la gravité. Il avait le sentiment qu’elle se décuplait au fil des secondes. « Qu’as-tu fait à mon corps, salopard ? Viens donc m’affronter à la loyale si tu l’oses ! » Invectiva-t-il à l’encontre de son adversaire avant de cracher une gerbe odorante écartée par la tempête grisonnante.

L’homme qui observait de loin la scène avec son menton disposé entre ses deux mains se leva tout à coup. Il pencha la tête de droite à gauche, empruntant cette contenance aux enfants dont la curiosité les emmenait à s’approcher pour mieux distinguer ce qu’ils découvraient. « Ne sois pas ridicule. Un Démon n’a que faire de loyauté. Es-tu sûr d’en être un ? » Il frotta sa nuque, la bouche entrouverte en un « O » de stupeur. Il plia ses genoux pour se baisser, un orifice se dessinant dans la substance pour lui permettre de plonger ses prunelles dans celles du condamné. « C’est du curare, une essence prélevée de certaines lianes. En agissant au niveau des synapses où il bloque les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine, il provoque une akinésie musculaire ; son effet est plus ou moins nocif en fonction de l’espèce végétale employée pour sa fabrication et de la dose qui est déployée. » Non content de lui faire un exposé complet sur ce charmant ankylosant, le jeune imprudent le nargua de la façon la plus irrespectueuse qui puisse être ; il pinça son oreille et la tira dans tous les sens. Deccio le regarda faire impuissant, ses muscles étant totalement hors service. À quoi rimaient ces heures d’entrainements s’ils pouvaient être réduits à néant aussi facilement ? En ce sens, la science était plus chaotique et fascinante que n’importe quel tour de magie. « Comme tu peux le constater, Deccio, je t’ai tourné en échec et mat. J’imagine que tes deux amis se trouvent dans la même impasse. Ils sont peut-être même déjà morts. » Sa suffisance exacerbée le répugnait au plus haut point. Il fanfaronnait, car il se savait à l’abri de toute réplique lapidaire, mais s’il continuait de monologuer sans se préoccuper d’une éventuelle remise en condition, le Démon ne le louperait pas. Pour l’instant hélas, c’était plus facile à dire qu’à faire, son visage étant souillé par le talon de son ennemi qui se soulageait de tous les avilissements qu’il pouvait lui faire subir.  

Comme averti par ce dernier, ses deux camarades étaient tombés sur un guet-apens similaire, à la différence près qu’ils succombaient bien davantage à la douleur des coups qu’ils durent supporter à cause d’adversaires beaucoup moins tendres et joueurs. Chipster arrivait à peine à tenir debout, le bras gauche en sang et le torse teintés du même affront. Il respirait péniblement, les forces qu’il préservait lui servant en priorité à ne pas flancher. L’assassin était quant à lui crucifié contre une paroi, la tête basculée vers l’avant comme témoignage d’une mort imminente. Isolés et solitaires, leurs espoirs ne reposaient plus sur grand-chose, sinon l’intervention d’un superhéros qui viendrait renverser la situation comme ce serait le cas dans certaines épopées fantastiques. Deccio n’avait plus aucune échappatoire pour contourner les épées hallucinatoires qui flottaient au-dessus de sa trombe. Ses capacités cognitives ne le lui permettaient plus. Sa bouche était inondée de son propre sang qu’il dégustait, à moitié apathique, au seuil de l’inconscience. Il devait cette seule persistance à son obstination de ne céder la victoire en aucun cas à son martyr. Même s’il devait y laisser son cœur, son regard ne cesserait de le tourmenter du risque qu’il encourait. Toutefois, cette volonté aussi ferme soit-elle se tarit à mesure où la toxine acheva de circuler dans ses veines. Le cerveau définitivement atteint, ses paupières s’affaissèrent. Il eut à peine le temps de le distinguer, mais l’un de ces héros que l’on ne trouvait que dans certaines œuvres littéraires fit sa soudaine apparition. Sa vision s’embrumant, il en eut le cœur net au dernier moment : Gordon prenait le relais.

____________________________

Le jeu de l’ombre venait de se solder par la défaite des deux Démons ; le dé ayant été scindé en deux suite au lancé de l’émissaire afin de faire la lumière sur un cinq et un deux. À l’instar de ce qu’évoquait le nom de la partie, les ténèbres plongèrent subitement la pièce dans un nouveau lieu vidé de tout. Le gorille et l’inquisiteur aussi avaient disparu au profit de deux piliers noirs au-dessus desquelles se projeta un immense sourire ; celui-ci appartenant indubitablement au chef d’orchestre de cette pièce. Les yeux se tracèrent similairement, telle une lampe que l’on braquait sur une toile virginale, la laideur en plus. Les lèvres se mouvèrent pareilles à une vague. « Je crains devoir annoncer votre perdition. Mais je suis magnanime et je vais vous laisser une seconde chance en me prouvant combien vous tenez à la vie. » Sur le sommet de chaque colonne, une chaine naquit, ces dernières serpentant avec une grâce presque poétique jusqu’aux deux compères, le vers se brisant brusquement à l’instant où elles se resserrèrent autour de leurs vertèbres cervicales. Bikibk et Krodha essayèrent immédiatement de s’en défaire ; le second étant diablement fort, il n’y parvint pas. Quant aux premiers, qui disposait de pouvoirs surprenants qui intervenaient systématiquement dans les pires situations, aucun résultat aussi minime soit-il ne s’interposa entre lui et le châtiment qu’il s’apprêtait à subir. « Bordel, c’est quoi ce truc ?! Si je te mets la main dessus, tu vas le payer cher ! » « Qu’est-ce qui se passe ? On va mourir, dis ? C’est la fin ? » « Aucune chance que ça se termine ici, et t’as pas intérêt à canner non plus ! » L’homme ne masqua pas son immense joie, la représentation astrale de son faciès se décalant très légèrement à mesure qu’il énonçait les règles. « Avec les si, on refait le monde. En revanche, je n’aime pas devoir annoncer les mauvaises nouvelles, mais vous devez vous battre. Un seul d’entre vous l’emportera, et un seul d’entre vous sera donc sauvé. Bien sûr, si vous refusez de vous prêter au jeu… » Un sablier aussi grand que son égo s’érigea, les grains de sables étant ici remplacés par d’innombrables plumes noires et blanches, symbole volontaire de l’union entre le bien et le mal afin d’ironiser sur cette scission qu’il obligeait à suivre.

Lorsqu’il fut retourné et que le temps défila officiellement dans cette partie-ci de la dimension, les chaines furent rappelées par les piliers. La conséquence sautait aux yeux ; s’ils tardaient trop, ils seraient pendus sans scrupules et y délaisseraient tous les deux la vie. Tractés vers la potence, les deux hommes luttèrent malgré tout. « Ne compte pas sur moi pour me battre contre lui. C’est peut-être une putain d’idiot, mais il se trouve que ce débile est mon pote. » « Je suis trop émuuuu ! Tu me déclares enfin ta flamme après tout ce temps. » Confia le benjamin de la fratrie, des larmes commençant à poindre de ses paupières. « C’est pas le moment pour ça, Bike ! Faut qu’on se tire de là d’une façon ou d’une autre ! » « Compte sur moi, mon frère. Je vais tout faire correctement, cette fois. Je suivrais tous tes ordres. » « Dans ce cas, suis ton instinct. Il a toujours été supérieur au mien, et même à celui de Deccio. Tu nous as toujours sortis de la merde quand tout espoir était perdu. »
« Hi hi, tu es vraiment trop sympa tout à coup. Je répèterai tout aux autres. » « Tu pourras bien faire tout ce que tu veux du moment qu’on se tire de là. » Insensible à cette déclaration d’amitié, le Roi du monde des ténèbres amplifia les répercussions qu’ils allassent recevoir.

___________________________

Lorsque Deccio se réveilla — bien mal en point — il n’éprouvait déjà plus les effets de la paralysie, et plus spécifiquement du poison. Sa vision se précisa petit à petit pour lui dévoiler le visage de son messie. Gordon avait, semble-t-il, massacré son adversaire. Mais pas que. Il l’avait également sorti de l’immense tour de glace, le froid n’étant quasi plus perceptible maintenant qu’il regagnait sa conscience. Le veston du détective le couvrant de sa chaleur, il recouvrait peu à peu la raison. « Qu… qu’est ce que tu fiches ici ? » Il mit un certain temps à lui répondre. « Tu le sais, puisque tu es venu pour moi. Relève-toi et partons. Nous ne pouvons pas rester ici. » « Et Chipster ? Où est Chipster ? » Il se réfugia dans le mutisme. « Oh ! Tu m’écoutes ?! » « Il est mort. Et tes deux autres amis aussi. » « Tu te fous de moi ?! Je… » Gordon l’assomma afin de faciliter leur fuite. S’ils avaient continué ainsi, ils auraient fini par se faire repérer. Il prenait la responsabilité de tout lui expliquer dès lors qu’ils seraient en sécurité. Et lorsque ce moment arriverait, il ne donnait pas cher de son âme qui aurait toutes les chances de succomber à cause du choc subi.



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[Q] - Le club des quatre à la recherche du cinquième | Solo

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