La ville où naissent les premiers désirs
Oriane poussa un long soupir. Elle avait accepté de se plier aux conditions de Svetlana et de suivre les ordres de Louve. Ça l'agaçait, elle devait bien l'admettre. Le pire, c'est que cette dernière le savait et en profitait d'une façon des plus malsaines en se donnant des airs supérieurs. Enfin elle avait un semblant de vrai autorité sur quelqu'un en ces lieux. Entre ses
« Ah ! Tu crois charmer le public comme ça ? » ou bien ses
« Oh ! Alors ce que tu veux faire c'est faire fuir la clientèle en fait ? », l'Orgueilleuse lui était de moins en moins supportable. A défaut de la claquer, elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait songé à la faire chuter des marches de l'estrade pour lui casser une cheville ou lui claquer une porte au nez pour le lui briser. Mais à quoi cela pouvait servir ? La Mue allait faire son oeuvre et elle serait sur pied en un rien de temps. Et elle, elle finirait à la porte. En bref, elle devrait subir encore quelques temps les humiliations de la Déchue et serrer des poings. Ce qui ne l'aidait pas. La voix était bien plus souple dans un corps détendu. Hors, ses sempiternels remarque la crispait toujours plus.
« Pffff... Nan mais. Surtout, n'y met aucune émotion hein. ». Oriane ouvrit la bouche prête à rétorquer. Elle n'en fit rien, refermant son clapé pour offrir un sourire irrité et évocateur à l'Orgueilleuse. Elle crevait d'envie de lui faire ravaler son péché à celle-là. En fait, c'était une promesse qu'elle s'était faite à elle-même. Malheureusement, ça ne dépendait pas d'elle. Alors elle poussa un long soupir avant de reprendre où Louve l'avait arrêtée.
D'un geste rapide, la Luxurieuse attachait ses cheveux en un chignon approximatif à l'aide de sa pique à cheveux avant d'enfiler une veste légère pour se protéger du léger vent frais de la soirée qui s'engouffrait à travers les ruelles d'Avalon. En passant le pas de la porte, elle laissa échapper une expiration agacée. C'était dans ces instants qu'elle rêvait de soudain se volatiliser et... Elle fronça des sourcils à cette pensée, repensant à la fois où ça lui était réellement arrivée. Peut-être pas en fait. Qui plus est, elles étaient sensées travailler ensemble, et pas contre. Peut-être fallait-il qu'elle fasse des efforts envers la chanteuse. Cette pensée vint perturber la rancœur qu'elle pouvait avoir envers cette dernière. Nouveau soupir. En même temps, ce n'avait pas été elle qui avait lancée les hostilités en première. Son regard se perdant dans la foule au fil de son discours interne, l'ambiance environnante eut finalement le mérite de la ramener à l'instant présent, et dans humeur plus sociable. C'était étonnant comme l'activité de la capitale, peu importait l'heure de la journée ou de la nuit, ne s'atténuait que peu. La population habitant les rues de la ville était juste différente suivant s'il s'agissait du soleil ou de la lune qui les surveillaient.
Traversant les rues d'un pas lent, elle s'arrêta à plusieurs reprise devant quelques boutiques. Cela faisait un certain temps qu'elle songeait à changer la décoration intérieur de leur appartement. Elle ne savait pas exactement comment cependant. Elle espérait trouver des idées ou tomber sur un coup de cœur. Détaillant l'intérieur d'une vitrine, son regard captait un léger mouvement du coin de l’œil, dans le reflet de la vitre, aussi se retournait-elle vivement afin de débusquer l'origine de ce qui avait attiré l'attention. Les sens en alerte, son regard scruta la foule, mais ne trouvait rien, ni personne, dont l'attitude pouvait sembler suspecte. Alors elle se remit en marche, l'air détaché et assuré. Pourtant, elle était constamment sur le qui-vive car elle savait qu'elle ne marchait jamais vraiment seule. Des ombres, qui n'étaient pas les siennes, la suivaient et elle en était terrifiée. Y penser ne permit pas d'apaiser son esprit, au contraire. C'était comme un étau qui se resserrait, plus intense et étouffant. Aussi, lorsqu'elle avisa un banc plus loin, elle ne réfléchit pas plus longtemps pour s'y installer quelques minutes, faisant fi de la personne déjà présente, le temps de souffler et de se libérer de cette étreinte mentale éreintante. Son regard se posa sur l'homme à ses côtés et s'attarda quelques secondes sur celui-ci, avant de balayer les environs, vérifiant qu'elle ne prenait la place de personne.
« Bonsoir. », l'interpella-t-elle finalement.
« Ça ne gêne pas si je m'installe un peu ? », continua-t-elle. Tout le monde n'était pas avenant de la même manière. et certains pourraient préférer la solitude à la compagnie d'une inconnue. La Luxurieuse leva le nez au ciel. Il était plutôt clair, et les quelques nuages n'étaient pas annonciateur de pluie.
« Prêt en toute occasion ? », fit-elle en mimant la capuche qui protégeait le garçon. En se penchant un peu, elle pouvait voir les traits fins de son visage ravi. Un sourire se dessinait alors sur ses lèvres. Ça lui faisait du bien de discuter, même si le garçon ne paraissait pas bien loquace. Croisant doucement ses jambes, elle posa son coude sur sa cuisse avant de plonger la tête dans le creux de la main pour reprendre, un air malicieux sur le visage.
« Ma mentor me faisait toujours cette remarque. De penser à toujours être couverte dès que je sortais. ». Même s'il ne s'agissait pas exactement de la même couverture ici.