En entendant le signal, Faustine se mit à courir aussi vite que sa petite cousine le lui permettait : Marilyse était encore jeune et la ralentissait. Ça ne la contrariait aucunement : elle adorait s’occuper des plus jeunes qu’elle. Et puis, peut-être cela permettrait-il à Eliot de l’attraper plus facilement de cette façon. Elle avait toujours aimé ce garçon depuis qu’ils s’étaient rencontrés aux Palais de Coleya, durant le premier cycle. Lui aussi avait développé un attachement pour la jeune magicienne. Lorsqu’elle l’avait invité chez sa tante pour passer l’après-midi ensemble et participer au jeu du ruban, il avait accepté sans la moindre once d’hésitation : il était bien décidé à lui dérober le morceau de tissu. La cousine trottinait doucement de ses petites jambes potelées, engaillardie par les encouragements de la plus grande. « Allez Marilyse, tu peux le faire ! Haaan vite vite ! Avant que les garçons nous rattrapent ! » Ses petits doigts étaient accrochés à l’index de sa guide, qui la conduisait vers la table où discutaient les mères.

Minerva avait empoigné les épaisseurs de sa robe et les avait remontés jusqu’à ses genoux, laissant entrevoir ses bas : elle avait ignoré les regards courroucés de ses cousines, s’était moqué des rougissements des garçons qui avaient détourné le regard. C’était bien plus facile ainsi pour courir ! Lorsque Bellada avait abaissé le drapeau, elle s’était mise à courir le plus vite possible. Elle avait rapidement pris la tête du groupe, dépassant les plus grandes : si elles avaient la taille, elle possédait l’agilité. Elle faisait partie d’une équipe d’Alyos et était, de ce fait, la plus sportive de tous – même les garçons ne parviendraient pas à la rattraper ! Elle s’était joint à la partie, mais plus pour le plaisir d’échapper aux garçons que pour l’idée de se faire courtiser – elle irait sans doute seule au Bal du cygne bleu et cela ne la dérangeait pas le moins du monde.

Camillla, Justine et Claire étaient parties en gloussant. L’une était partie en direction d’un bosquet, la seconde vers la roseraie et la dernière fonçait vers la fontaine. Leurs souliers et les jupons n’aidaient pas à leur rapidité et elles ne tarderaient pas à être rattrapées : c’était là tout l’intérêt du jeu. Lorsque madame Ward donna le second signal, elles lancèrent des regards par-dessus leurs épaules, riant de plus belle en voyant un ou plusieurs garçons se diriger vers elles.

Orlane s’était dirigée vers le pommier et commençait à crapahuter dedans. Elle piquerait sans doute quelques fruits pour en faire son goûter. Si elle aimait le garçon qui s’aventurait jusqu’à elle, elle partagerait sans doute avec lui. Seulement s’il était gentil, ceci dit.  

440 mots
Faustine : #99cc99

Le bruit d’une brindille qui craque fit se retourner Clarisse. Elle se mordit la lèvre inférieure, essayant de retenir son sourire – elle n’y parvenait pas. Le cœur battant, elle se rapprocha du tronc d’un arbre derrière lequel elle essaya de se cacher. Elle laissa cependant sa tête dépasser pour essayer d’apercevoir la personne qui la suivait. « Camilla, c’est toi ? » demanda-t-elle. Elle avait aperçu sa cadette se diriger dans la même direction qu’elle. Il n’y eu pas de réponse. Clarisse jeta un dernier coup d’œil avant de soupirer. Elle fit demi-tour en soulevant ses jupons à hauteur de cheville et fit un premier pas pour fuir. Une paire de mains invisibles se glissa autour de sa taille fine et la souleva dans les airs en la faisant tournoyer : la silhouette d’un garçon se matérialisa tandis qu’un petit cri se changeant en éclat de rire lui échappait. Il était brun, avait une mâchoire carrée et des yeux bleus. Son rire, grave, suave, se joignit à celui de sa conquête. Il la reposa à terre et s’avança jusqu’à elle, la faisant reculer jusqu’à ce que son dos touche le tronc qu’elle avait utilisé comme cachette. Le sourire de la brune s’élargit. « J’ai failli t’attendre, dis donc… » roucoula-t-elle. Leurs visages étaient à quelques millimètres seulement, ils pouvaient sentir leurs souffles sur leurs épidermes. Les lèvres étaient autant de tentation que leurs corps pressés l’un contre l’autre. « Il faut savoir se faire désirer, n’est-ce pas ? » Le jeune mage se pencha pour voler le baiser dont il avait tant envie mais Clarisse l’en empêcha en posant un doigt sur sa bouche. « Ha-ha. » le sermonna-t-elle avec amusement. Elle lisait son désir brûlant dans ses prunelles perçantes, dans ses doigts qui épousaient ses formes. « Il faut trouver le ruban avant d’avoir ta récompense. » L’adolescent fronça les sourcils mais son visage se détendit vite lorsqu’il vit sa petite amie relever sa robe. Le ruban était attaché en haut de sa cuisse. Son sourire se fit taquin tandis qu’il se baissait pour le récupérer avec ses dents.

Amandine était assise sur la balançoire, à l’abri des regards : des fleurs entouraient la mini cour où personne n’allait plus depuis plusieurs jours – elle avait mis Réglisse, son putois, dans les parages pour qu’il embaume le lieu. Bien sûr, elle s’était débarrassé des odeurs mais n’avait rien dit à ses sœurs ou ses cousines. Quelqu’un vint se placer dans son dos et lui donna un léger élan. Un rire la fit se retourner : Sylvie l’avait rejointe, comme promis. Il s’agissait de l’une des rares filles présente ne faisant pas partie de la famille Ward. Son cousin l’avait invité mais elle n’était pas intéressée par le garçon. C’était le joli sourire d’Amandine qui hantait ses nuits. Les deux demoiselles s’observèrent un instant, timides. Puis la Ward se leva, contourna la balançoire et s’approcha de son amoureuse. Elle attrapa le visage de la belle entre ses mains et scella leurs lèvres avec avidité. Elle avait un léger goût de fraises et un parfum de violette. Les mains glissèrent ensuite jusqu’au laçage du corsage. Avec hâte, ils défirent le fil, délivrant la poitrine. Les soupires de bonheurs ne tardèrent pas à résonner, bien qu’étouffés, dans le petit jardin intimiste.

546 mots
Clarisse : #cc66ff

Bellada croqua avec gourmandise dans la tarte aux noix. « Mmh, Marise, il faut absolument que tu me donnes la recette, cette tarte est délicieuse ! » lâcha-t-elle en se penchant vers la concernée, parlant à voix basse pour ne pas interrompre la conversation qu’elle se remit aussitôt à suivre. « J’ai entendu dire que le Baron sera aussi présent ! Si j’ai de la chance, il viendra peut-être me proposer une danse ! » plaisanta Félicine. « Moi, c’est la Marquise Leenhardt dont j’attends la venue avec impatience ! » « Oui, Aleran travaille sur son domaine et il a entendu des rumeurs comme quoi elle viendrait bel et bien ! » renchérit la grand-mère Ward avec excitation - elle ignora la grimace de sa belle-fille à l'évocation du mage. « Elle sera accompagnée de son compagnon, à ce qu’il parait ! » « Ce charmant général de l’armée angélique ? » « Celui avec le regard … Hum… Perçant ? » demanda Josiane en rougissant et en se trémoussant sur sa chaise en se réfugiant derrière sa tasse dont elle but quelques gorgées. Les gloussements se propagèrent dans le groupe. « Oui, lui-même ! » confirma la plus âgée. « J’ai eu la chance de les croiser au bal des douze cycles lunaires. Ce sont vraiment des gens charmants. » « Oui, et puis c’est une femme de talent ! Regardez ce collier que Georges a commandé ! » l’oratrice tira sur la chainette en argent autour de son cou. « Ça vient de chez elle. » Les femmes de la famille Ward continuèrent à discuter des rumeurs sur qui serait présent ou non. On spécula sur la présence de tel ou tel éminant personnage, rêva de pouvoir danser avec d’autres. Parfois on critiquait le talent de danse de quelques-uns mais Bellada était toujours là pour rappeler à l’ordre et souligner qu’elles-mêmes avaient quelques lacunes dans d’autres domaines.

« Et Friederick ? A-t-il osé aller demander sa main à la petite Vaughan ? » s’enquit la grand-mère. Maya soupira à l’évocation de son neveu. « Non, il n’ose même pas s’approcher d’elle. » Elle semblait à la fois désolée et exaspérée. La timidité de ce garçon le perdrait. « Je le comprends, ceci dit. Tu imagines, avec cet horrible garde du corps qui suit la comtesse de partout ? Son regard suffit à faire fuir tous les garçons ! » expliqua Améline. Bellada laissa un petit bruit d’effroi lui échapper. « Quoi mais… Est-ce que cela signifie qu’elle devra aller au bal seule ? Et qu’elle ne peut même pas jouer au jeu du ruban ?! » Cette idée était d’une tristesse qui brisait le cœur de la vieille femme. « Pauvre petite ! Ces rustres essayent-ils de la priver de sa jeunesse ? »

415 mots
Améline : #cc6666
Félicine : #ff99cc

Orlane installée sur ses genoux, Bellada épluchait la peau d'une pomme que la fillette avait ramené, une fois la partie terminée. Elle en avait récolté plusieurs, à l'aide d'Hugo qui était allé la rejoindre - le duo s'entendait bien et la petite blonde avait consentit à lui donner quelques fruits. « Tu fais attention, hein mamie ? » s'inquiéta la petite mage. « Il faut pas casser l'épluchure. Il faut la faire d'une seule traite, sinon ça ne marche pas ! » rappela-t-elle avec sérieux. La grand-mère rigola avec tendresse. « Oui, je sais bien Loustique. » La plus jeune ne sembla pas sincèrement convaincue. « Hum... Tu crois que je peux essayer de le faire toute seule ? » demanda finalement la jeune Ward. « Bien sûr. Tiens. » Bellada légua l'ustensile et le fruit aux mains de sa descendante. « Merci. » Sur les chaises voisines, quelques fillettes observaient le rituel avec curiosité. L'histoire voulait que la peau de la pomme puisse révéler l'initiale de la personne avec qui elle pourrait passer sa vie. Les petites y croyaient encore. Les plus âgées s'étaient suffisamment adonné à la pratique pour savoir que la prédiction n'était jamais deux fois la même. Orlane s'appliqua néanmoins, jusqu'à détrousser le fruit de sa protection. « Tadaaa ! » s'exclama la blondinette en brandissant son trophée. Le sourire aux lèvres, elle s'extirpa des jambes sur lesquelles elle s'était perchée et s'éloigna de quelques pas : ses cousines la suivirent à la trace, impatiente de découvrir la fameuse lettre. Orlane inspira profondément puis jeta l’épluchure par-dessus son épaule droite. Un cercle se forma autour du déchet. « C’est un… Un P ? » « Oui ! » « P comme… » « Philonidas ! » « Pamélien ! » « Han ! Je sais ! » s’écria Justine comme si une révélation venait d’investir son esprit. « P comme Perceval ! » Le nom du garçon fit rire l’audience. « Haha ! Orlane elle aime Perceval ! » « Han les amouuureuuuuux ! » « Ils vont se marier ! » Orlane avait écarquillé les yeux derrières ses épaisses lunettes. Elle battit quelques fois des paupières, incrédules. Elle finit par croiser les bras sur sa poitrine, contrariée. « Pfff ! Même pas vrai d’abord. Perceval, c’est qu’un enquiquineur. » Le petit mage l’embêtait régulièrement : ce n’étaient que des petites mesquineries mais ce comportement agaçait profondément la mage bleue. Certains adultes avaient essayé de la rassurer en lui assurant que Perceval l’aimait bien : plus encore, il l'aimait tout court. La blonde trouvait cette excuse particulièrement idiote. S’il l’avait véritablement aimé, il aurait mieux fait de lui écrire un poème ou l’inviter à aller manger une pomme, plutôt que d’essayer d’attirer son attention en lui piquant ses affaires ou en lui pinçant le bras. Elle ne voulait pas d’un chéri aussi stupide qui trouverait plus tard normal de l'agacer pour obtenir ce qu'il désirerait. Boudeuse, l’enfant écrasa l’épluchure et s’approcha de la table. « Mamie, cette pomme était pourrie ! Il m’en faut une autre ! »

415 mots
Orlane : #9999ff
Justine : #ff9966

« Maman, j'aurais besoin d'un peu de tissu rouge s'il te plaît, pour finir la robe de Clarisse. » héla Maya d'un côté de la pièce. « Faustine, tu marches sur ma robe ! » « Mamie, tu peux faire de la dentelle bleue s'il te plaît ? » « Valentine, arrête de découdre mon jupon ! » « Est ce qu'il reste encore du fil jaune, les filles ? » Les voix se surpassaient les unes les autres, si bien qu'il devenait difficile d'entendre quoi que ce soit de distinct. A travers le capharnaüm qui envahissait la pièce où les filles de la famille Ward s'étaient installées, Bellada peinait à suivre les commandes des unes et des autres mais s'efforçait de suivre le rythme. « Oui, un instant Maya. Louisette, demande à Serah, elle en a sans doute encore en réserve. Minerva, regarde dans le tiroir en haut à droite. Que quelqu'un s'occupe de Marilyse, elle est en train d'essayer de manger la boîte d'épingles à nourrice. » Entre ses mains apparaissait une étoffe rouge et légère. La lueur bleue qui émanait de ses doigts laissait deviner qu'elle était en train de créer ce tissu. Ses doigts s'agitaient pour broder la matière. Sa magie était un peu rouillée depuis qu'elle s'était installée en Haute-Terre – elle avait fini par découvrir que la raison en était la population humaine qui résidait dans cette contrée : leur Anti-Magie, bien que basse, suffisait à perturber ses capacités. Ici néanmoins, la mage bleue était délivrée de cette entrave et sa magie courait délicieusement dans ses veines, la chatouillant presque : c'était comme si elle exigeait de s'exprimer, de créer, modeler, rafistoler. Le tissu abondait généreusement, encombrant ses genoux avant de se déverser sur le sol. « Tiens Maya ! » dit finalement la vieille magicienne en s'adressant à sa fille.

La grand-mère s'approcha de Claire qui s'observait dans le miroir avec un air boudeur. « Mmh... Tu crois que je suis assez jolie, comme ça ? J'aurai l'impression d'être nue sans ma crinoline. » se lamenta l'adolescente, ce qui arracha un sourire à son aïeule. « Si tu n'as pas envie que l'on puisse deviner tes formes, tu n'as qu'à ajouter un petit jupon ou un coussin mais c'est beaucoup d'embarras pour rien ! Le bal du Cygne bleu a d'avantageux qu'il n'exige pas autant d'étiquette que le reste de nos célébrations ! » La jeune fille fronça le nez. « Mmh... Je crois que je me sentirais mieux avec une couche de plus... Tu peux m'aider, s'il te plaît ? » « Bien entendu ! Allez, viens par-là. »

Le petit salon était envahi par les demoiselles qui se préparaient : la fête aurait lieu dans une semaine à peine. Même si les règles vestimentaires seraient moins strictes qu'à l'accoutumée, cela ne signifiait pas que les jeunes filles devaient manquer de coquetteries et se négliger. Elles préparaient déjà leurs robes et tous les accessoires qui seraient nécessaires à leur parure : elles ne rechigneraient sur rien pour conquérir le cœur de leurs cavaliers.

510 mots
Claire : #cc6699
Minerva : #ff9900

« Et que penses-tu de ces chaussures-là ? » demanda Amandine en se tournant vers Bellada, qui ajustait les dernières modifications aux robes de ses petites filles. Certaines avaient grandi ou pris de la poitrine, d'autres avaient simplement changé d'avis sur leur tenue et avaient demandé son aide : elle était après tout une excellente couturière. L’ancienne bibliothécaire avait toujours été agile avec une aiguille au bout des doigts ; c'était elle dans son adolescence qui confectionnait ses propres robes. En devenant mère, rapiécer les tenues de ses enfants était devenue une habitude. Lorsqu'un carnaval ou tout autre bal déguisé approchait, c'était elle qui usait de ses doigts de Fae pour habiller les jeunes Ward. Le travail manuel lui avait permis de gagner en rigueur et en habilité, user de la Valse Créatrice n'avait fait qu'accélérer le processus déjà maîtrisé. Et puis, malgré ses tenues désormais désuètes, elle avait longtemps été une jeune femme raffinée, s'intéressant à la mode et aux affaires de coquetteries : elle restait de bon conseil. « Ces chaussures ont des talons. » constata-t-elle en jetant un coup d’œil dans la direction de l’adolescente. « Si tu prévois de danser - et j'espère que c'est le cas - alors il vaut mieux opter pour l'autre paire. »

« Bien, passons aux rubans désormais ! » déclara la Mage Blanche une fois qu’elle eu terminé sa dernière retouche. Les cris des enfants s’élevèrent du petit salon où elles étaient toutes installées – les plus grandes terminaient de rassembler leurs accessoires, d’autres lisaient calmement tandis que les plus jeunes s’amusaient avec des jouets en bois ou des craies grasses. Les filles qui avaient l’âge de s’amuser seules n’avaient pas besoin de ruban : leurs prétendants s’étaient déjà occupé de faire parvenir leurs invitations et, avec elles, lesdits rubans. Bellada avait cependant décidé de jouer les chaperonnes et d’amener au bal les plus jeunes des fratries. Pour leur faire plaisir, elle leur avait promis qu’elle leur confectionnerait des rubans pour respecter la tradition, ainsi, ils iraient tous ensemble – de façon presque officielle. La grand-mère trottina jusqu’à un canapé où elle s’installa : Marilyse courut jusqu’à elle et son aïeule l’intercepta avant de l’asseoir sur ses genoux. Le reste des enfants s’était également regroupé autour d’elle. « Alors, de quelle couleur veux-tu ton ruban ? » « Moi, je le veux rouge ! Rouge comme l’amour. » « Pour moi du bleu, pour aller avec ma robe ! » « Et moi du vert s’il te plait. » Les commandes s’ajoutèrent jusqu’à ce qu’il ne restât personne de délaissé.

510 mots
Amandine : #cc6633

Bellada attrapa une mèche de cheveux qu’elle enroula autour de ses doigts jusqu’à remonter à la racine. Là, elle fixa la boucle à l’aide d’une épingle à cheveux. Elle répéta l’opération plusieurs fois, jusqu’à ce que l’arrière de al tête de Faustine en soit recouverte. Les longueurs restantes furent rassemblées en un petit chignon en haut de la nuque. « C’est bon, c’est terminé. Regarde. » La coiffeuse improvisée s’empara d’un miroir à main afin de permettre à la plus jeune d’observer son travail. « C’est trop joli, merci mamie ! » La magicienne continua sa tournée de cheveux. Minerva avait fini par céder et accepter que la commère lui tresse une natte épi de blé : c’était plus élégant que la couette négligée qu’elle avait initialement prévue.

De l’autre côté de la salle – deux chambres d’amis avaient été réquisitionnées pour que les demoiselles puissent se préparer – les demoiselles avaient confectionné un petit atelier de maquillage. « Ferme les yeux. » « Presses les lèvres. » « Regarde en-haut. » « Arrête de gesticuler pendant que je te maquille ! Tu veux ressembler à n’importe quoi ? » Les pinceaux s’activaient frénétiquement ; on pouponnait, soulignait, tapotait. On embellissait le teint et allongeait les cils, recouvrait les paupières de poudres pailletées pour les unes ou subtiles pour les autres. « Mais aïe ! » se plaignit Faustine après que son aînée lui eut pincé les joues trop fortement. « Mais il faut bien te donner un peu de couleur voyons ! T’es blanches comme un cadavre ! A croire qu’un sorcier s’amuse à te manipuler avec un satané sortilège de nécromancie ! » « Quel parfum veux-tu Orlane ? » « Hum… Celui à la lavande. » répondit cette dernière sans grande surprise. « D’accord. » s’exécuta la plus grande en s’emparant de la bouteille et en appuyant sur la poire qui vaporisa le liquide sur la tenue de la blondinette.

« C’est bon ? » « Non, serre encore un peu – Hu ! Pas aussi fort, j’ai le souffle coupé ! » « Bah faut savoir ce que tu veux ! » répliqua Minerva en soupirant – vraiment, ces affaires de filles, elle n’y comprenait rien. Elle lassa néanmoins le corset de sa cousine puis s’éclipsa dans le couloir de la grande maison. A quelques portes de là, les garçons se préparaient également pour la soirée. Ils avaient revêtu quelques pantalons en coton et des chemises. On avait noué une cravate ou un nœud à leurs cous et les mères s’attelaient à dresser les tignasses. « Maman, j’ai le droit d’emmener ma nouvelle baguette ? J’aimerais bien la montrer à Célestin. Il doit venir lui aussi. » « Ah oui ? Il est accompagné ? Est-ce que vous y allez ensemble ? Vous allez danser ? » L’adolescente leva les yeux au ciel en retenant un soupir. « Non. Je peux la prendre alors ? » « Non, elle n’a pas encore été baptisée, tu sais que je ne veux pas que tu l’emmène de partout avant ! » répliqua Maya.

461 mots
Camilla : cc00cc

Le jour du bal

La dernière génération de la famille Ward était enfin arrivée au bal du Cygne bleu : leur départ avait été légèrement retardé car le cavalier de Camilla avait rencontré quelques difficultés pour venir la chercher. Bellada, en grand-mère soucieuse, avait refusé de partir avant de s’assurer que sa petite-fille parte au bras du garçon. Si ce dernier avait osé faire faut bond à la jeune magicienne, l’aïeule se serait personnellement chargée d’aller lui tirer les oreilles et de remettre ses bretelles en place ! Heureusement, ça n’avait été qu’une histoire de calèche : amoureux, le jeune homme avait essayé de sortir le grand jeu mais, finalement, le plan ne s’était pas déroulé aussi bien qu’escompté. Rassurée, et après les avoir vu s’éloigner bras dessus-bras dessous, la grand-mère Ward avait finalement pris la route, avec sa horde de petits-enfants rendus impatients par ce délai inattendu.

« Anh Mamie mamie mamie ! On peut aller à ce kiosque-là, hein, dis ? On peut ? » « Oh non, moi je veux aller à l’autre là-bas ! C’est bien mieux pour danser ! » « Pff, tu dis ça parce que t’y connais rien en danse d’abord ! Madame Joubert elle arrête pas de te reprendre en classe ! Tu fais que marcher sur les pieds des filles alors c'est sûr que y'aura personne qui voudra marcher avec toi ! » « C’est pas vrai, j'écrase que ceux des filles qui sont casse-pieds comme toi d’abord ! Et puis –  » Bellada, sentant la dispute approcher à grands pas, décida d’intervenir. « Calmez-vous les enfants. Les deux kiosques ont l’air très biens tous les deux. Vous êtes suffisamment grandes pour que je vous fasse confiance alors tenez : voici quelques sous pour pouvoir vous acheter un peu à manger. Vous pouvez y aller seules mais si vous partez ailleurs, venez me prévenir avant, d’accord ? Je resterai sur les couvertures installées là-bas. » « Bien Mamie, merci Mamie ! » répondirent le frère et la sœur en chœur. « Tiens, toi aussi Minerva. Je suis certaine que tu n’as pas envie de passer la soirée avec les petits. » « Hé, on n’est pas petits d’abord ! » rouspéta Valentine, les poings sur les hanches et la mine courroucée, ce qui arracha un rire à la fautive. « Oui, pardon Loustique. Allez, tien. Et amuse toi-bien trésor. » dit elle en tendant la petite bourse à la fille en jaune.

« Bien, à nous maintenant. » Bellada s retourna vers les enfants restants, Marilyse dans les bras. « Allons nous installer là-bas. Je vous raconterai une histoire si vous voulez. »

415 mots
Charlotte : #cccc99
Antonin : #33cccc
Valentine : #6633ff

Post lié : Aussi pur qu'un cygne noir

Claire se tenait aux côtés de ses copines. Ensemble, elles observaient le Baron Paiberym d’une façon fort peu discrète. C’était sans doute voulu : l’idée qu’il puisse ne serait-ce que poser les yeux sur elles suffisait à affoler leurs cœurs de jouvencelles. C’était un très bel homme, indéniablement, et sa renommée en faisait un parti très convoité. Quelques rumeurs planaient comme quoi  il se serait entiché d’une ange, qu’il aurait mis enceinte mais la méprise avait commencé à se dissiper : la vérité se perdait entre les espoirs et les histoires et, finalement,  on ne retenait que ce que l’on voulait. Dans ce cas-ci, l’attention s’était focalisée sur le fait qu’il n’avait pas eu de liaison avec la Belegad et donc qu’il était encore libre d’être courtisé. La jeune Ward, sachant l’intérêt que lui portait Pétunia, esquissa un sourire narquois lorsque l’Ange de Volatys regarda dans leur direction. Elle se pencha à son oreille. « Si tu parviens à le faire chanter, alors ça voudra dire que tu es prête à l’embrasser, et qu’il t’aimera. Et sinon, tu devras embrasser mon frère à la place. » murmura Claire sur un ton de défi. Le plus jeune avait quelques attirances non cachées pour la comtesse. Une fois le message transmis, la blonde laissa un rire lui échapper en voyant l’insistance avec laquelle son amie dardait son regard sur celui qui faisait résonner sa poitrine d’une symphonie d’émotions.

Finalement, le baron s’approcha de leur petit groupe. Claire en eu le souffle coupé : même si elle n’éprouvait pas autant de bons sentiments que Pétunia, le Paiberym restait très impressionnant pour elle. Il était intelligent, bien éduqué et terriblement charmant. Elle se mordilla légèrement la lèvre et baissa les yeux lorsqu’il fut à leur hauteur. Elle envia ses camarades d’être capables de répondre à son regard. Elle écouta la discussion en silence, son esprit s’imaginant quelques fantaisies où elle était celle qui accaparait son attention, et à qui il proposait de danser.

Lorsque le duo s‘éloigna vers un kiosque, Claire soupira. « Elle en a de la chance. Moi aussi je veux danser avec un homme aussi beau. » se lamenta-t-elle, ce qui déclencha le gloussement de sa camarade restée en retrait. « Il n’y en a pas deux comme lui malheureusement… Il est parfait jusqu’au bout des ongles. Si l’on oublie le côté sorcier de sa famille, évidemment. Mais bon, ces tares ne sont pas de sa faute n’est-ce pas ? » Claire acquiesça. Elle était hypnotisée par la danse.

Quelques minutes plus tard, Claire se mit à rire en voyant le Baron chanter – même sa voix était douce, enchanteresse. S’il avait murmuré son nom, elle se serait sans doute évanouie d’émotion… Le rouge teinta ses joues à cette pensée et elle secoua la tête. « Je n’y crois pas, elle a réussi ! » s’exclama-t-elle. « Quoi donc ? » Claire informa la commère du défi qu’elle avait lancé à leur amie. Une fois fait, les deux scrutèrent attentivement la tournure des événements. Leur déception et l’inquiétude transparaissaient sur leurs mines lorsqu’elles virent Pétunia retourner vers elle sans avoir obtenu le baiser qu’elle espérait. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » La jeune Halloy haussa les épaules. Étrangement, elle ne semblait pas dévastée. « Il a refusé mon baiser… » « Ce goujat ! Je vais lui montrer moi, ce que –  » « Non, ne t’en fais pas. Il a été très correct. » « Au moins… Tu as réussi à le faire chanter juste pour toi. » essaya de la rassurer Claire d’un air timide : elle se sentait idiote d’avoir lancé ce défi qui avait sans doute blessé son amie.

590 mots

Les deux Wards avisèrent un jeune couple en train de manger des sucreries alléchantes : des pommes d’amour. C’était parfait. Avec un sourire, leurs yeux collés à la nourriture avec une avidité gourmande, ils s’approchèrent des inconnus. La fille était jolie : elle avait une chevelure de feu et d’étranges tatouages sur le visage mais ses traits étaient agréables à regarder. Le garçon en revanche semblait quelque peu débraillé, fatigué comme s’il n’avait pas dormi de la nuit : c’était la mine des timides qui s’étaient angoissés toute la nuit en pensant à cette soirée. Ce n’était pas le premier qu’ils croisaient dans cet état. « Viens, on va leur demander où est ce qu’ils les ont trouvés ! » dit Hugo en se dirigeant vers le couple : sa jeunesse lui donnait la force des inconscients et il ne se sentait pas le moins du monde effrayé à l’idée d’aborder l’inconnue. « Excusez-moi, bonjour. Pourriez-vous nous dire où vous avez trouvé ces pommes d’amour s’il vous plait ? » demanda-t-il à la fille ; il essayait ainsi d’attirer son attention. Lorsqu’elle lui eu répondu, il fit la moue en voyant qu’elle regardait à nouveau son cavalier. Le petit Ward fut cependant entrainé par son cousin qui se dirigeait déjà vers le stand indiqué par la jolie magicienne.

Le duo acheta plusieurs sucreries – une pour chacun de leurs cousins – puis se redirigèrent vers la couverture où ils étaient tous installés. « Tiens mamie ! » s’exclama le plus téméraire. « Papi est pas venu avec nous mais on s’est dit que ça te ferait plaisir si à la place on achetait des pommes d’amour. » Gilbel appelait affectueusement son épouse de la même façon que cette gourmandise. Les enfants et petits-enfants Ward grandissaient en entendant ces mots résonner dans la chaumière du couple : « Pomme d’Amour, as-tu vu mes lunettes ? » « Oui mon bichon… Elles sont sur ta tête. » ou tout autre échange emprunt de tendresse. Avec le temps, il était devenu habituel pour les uns ou les autres d’offrir cette gâterie à leur aïeule lorsque son mari n’était pas avec elle. Une taquinerie qui fonctionnait toujours sur la grand-mère : son visage se fendait à chaque fois en un sourire ravi. Elle adorait effectivement les pommes d’amour et se régalait à chaque bouchée. « Merci mes Loustiques. »

On grignota en chantonnant, bavassant, rigolant. Bellada surveillait tout ce beau monde. Elle observait autant ses petits protégés que les couples formés pour ce bal : ses copines n’étaient pas là alors elle devrait faire un résumé détaillé de tous les potins qui allaient se créer ce soir.

435 mots
Hugo : #999966

Orlane était assise avec ses cousins. Elle mangeait avidement son goûter, le sucre collant à ses mains et venant déposer quelques perles brillantes sur le pourtour de ses lèvres, sur son menton et le bout de son nez. Derrière ses épaisses lunettes, elle observait les danseurs glisser en rythme avec les musiques. Elle adorait danser. Elle ne possédait pas encore l’agilité ni la rigueur nécessaires pour exécuter les parades codées au millimètre près des soirées mondaines. En revanche, pour ces danses plus libres, moins guindées, elle se débrouillait plutôt bien. Dès qu’elle eu terminé de manger le fruit, elle essuya ses mains dans une serviette puis se tourna vers sa grand-mère. « Dis mamie. Je peux aller me promener s’il te plait ? » Bellada sembla réfléchir une seconde. « Oui, de toute façon, je pense qu’il est l’heure de se dégourdir les jambes. Vous voulez danser mes Loustiques ? » des exclamations excitées et joyeuses lui répondirent. Tout le monde se mit debout. Avant que la blondinette s’en aille, Bellada la débarbouilla.

Orlane marchait, l’air rêveur. Sa démarche était rendue étrange à cause des quelques pas de danse qu’elle y glissait périodiquement. Elle chantonnait gaiement : malheureusement pour les oreilles à proximité, elle avait hérité de sa grand-mère sa manie et son talant du chant. Autrement dit, sa voix vacillait, prenant des intonations désagréablement fausses. Elle s’en moquait, perdue dans son monde de pensée.

Alors qu’elle déambulait à travers la foule, Orlane aperçut Perceval. Pile à ce moment-là, le garçon se tourna vers elle : leurs yeux s’accrochèrent. Un sourire timide éclot sur le visage du petit garçon qui salua au loin sa camarade de classe. Cette dernière fit la moue, se remémorant les commentaires de ses cousines lorsque l’épluchure de la pomme avait dessiné la lettre « P ». L’éducation la força à renvoyer un signe de tête mais elle tourna aussitôt les talons, pour le dissuader de venir l’embêter.

Les lunettes se focalisèrent alors sur un couple dont la mamie aux cheveux blancs parlait souvent. Leur papi à la barbe aussi. Son visage s’illumina. Priam. P comme Priam. Le voilà, son fameux prince charmant ! Son cœur fit un bond dans sa poitrine et ses dents furent dévoilées derrière le sourire qui lui monta jusqu’aux oreilles. C’est vrai que l’ange était beau. Et puis, ses grands-parents semblaient bien l’aimer – bien que Gilbel ne l’eut véritablement rencontré qu’une fois, ce qui était toujours plus que Bellada – alors c’était forcément quelqu’un de bien. La petite Ward observa de loin les danseurs et attendit qu'ils finissent leur valse. Une fois libéré de sa compagne, la blonde alla aborder le brun. Elle tira sur la chemise du cavalier jusqu’à ce qu’il baisse la tête sur elle. « T’es Priam c’est ça ? » demanda-t-elle, connaissant déjà la réponse. « Eh bah quand je serai grande, je me marierai avec toi. Et on aura plein d’enfants. Dis, tu fais quelle taille ? Et c’est vrai que tu viendras boire le vin de mon papi pour le gouter ? Et puis – » « Orlane Ward ! » interrompit la voix courroucée de madame Ward. La magicienne s’empara de la main de la blonde pour lui faire lâcher prise. Elle se retourna vers l'adulte adultes. « Pardonnez-là. Reprenez vos affaires, je ne voudrais surtout pas vous déranger. » Elle fit un clin d’œil puis s’en alla avec la fillette qui adressait un signe de main à son futur promis, un grand sourire aux lèvres.

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« Et donc j'ai pu maîtriser la rune du feu, ce qui m'a permis de devenir ... » Sylvie souriait, le visage tourné vers son interlocuteur. Elle acquiesçait distraitement à interval réguliers, construisait des mimiques en réponse aux expressions faciales du parleur et laissait même quelques exclamations impressionnées ponctuer sa mascarade. Elle faisait mine d'écouter le Ward avec une dextérité impressionnante : une capacité qu'elle avait développé en cours pour ne pas se faire sermonner par ses professeurs. Avec des gestes calculés, elle agitait son éventail devant elle, instaurant une distance infranchissable entre eux deux : depuis qu'il avait essayé de se rapprocher pour lui voler un baiser, la blonde ne voulait surtout plus prendre le risque de lui laisser d'autre ouverture. Elle n'avait pas été subtile pour refuser ce baiser, tournant la tête tout en prétendant avoir vu quelque chose de plus intéressant, ailleurs. Pourtant, ce refus était passé pour un simple trait de timidité. Sans doute son entrain à se faire de l'air consoliderait-il à appuyer cette certitude dans l'esprit de l'amoureux. La magicienne se retenait de soupirer en levant les yeux au ciel. Il était gentil mais un peu trop ennuyeux pour elle. Et puis, c'était un garçon. Jamais elle ne s'intéresserait à lui de la même façon qu'il l'envisageait. A vrai dire, le Ward ne l'appréciait que parce qu'elle était jolie : ils parlaient rarement ensemble, c'était surtout lui qui prenait la parole et elle qui prétendait l'écouter mais leurs échanges - si l'on pouvait qualifier leurs interactions de la sorte - étaient creux.

Remarquant les coups d'œil insistants que sa cavalière lançait à la piste de danse et son pied qui battait la mesure, le jeune garçon fronça les sourcils. « Excuses-moi... J'ai encore trop parlé n'est ce pas ? Est ce que tu veux aller danser ? Ça reste un bal après tout. Et puis tu as l'air de bien aimer la musique. » Sylvie esquissa un sourire. « Oh non, c'est gentil. Mes pieds me font mal, alors je passe mon tour. Mais regarde : Georgina semble s'ennuyer seule sur ce banc, là-bas. Tu devrais aller l'inviter, je suis certaine qu'elle acceptera. » La magicienne en question dardait son regard sur le Ward. « Oh mais... C'est que... » « Ne t'en fais pas pour moi. J'ai remarqué un groupe de copine un peu plus loin. Je vais aller les saluer, comme ça, je ne serai pas seule. Je te rejoins tout à l'heure. » Avant qu'il ne puisse la retenir, la fille aux cheveux dorés tourna les talons et s'éclipsa, se mêlant à la foule.

Sylvie traversa le kiosque. En quelques enjambées, elle rattrapa la silhouette fuyante qu'elle avait repéré et passa son bras par dessus le sien. Sans lui adresser la parole, elle l'emporta dans son sillage, la conduisant dans un bosquet à l'abri des regards pour lui dérober quelques baisers.

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« Oui, ils ont l'air de tous bien s'amuser ! » confirma la grand-mère Ward en glissant un regard empli de tendresse sur la foule autour d'elle. Les rires, les sourires, les regards complices : elle captait tous ces détails avec délice. « Ça me rappelle lorsque nous étions à leur place. » laissa-t-elle échapper d'un air nostalgique, reportant son attention sur la dame avec qui elle discutait. Il s'agissait de Valérie, une ancienne camarade de classe. Elles ne s'étaient pas reconnues de suite, les années les ayant séparées, mais dès que les faciès avaient été identifiés, ce fut comme si elles ne s'étaient jamais éloignées. Cela faisait près d'une heure désormais qu'elles discutaient avec entrain. « Ouhla, c'était il y a longtemps très tout ça ! » plaisanta la marchande de limonade en riant. On lisait dans ses prunelles qu'elle aussi se remémorait de tendres moments liés aux festivités du Bal du Cygne Bleu. « Oh, je crois que tes petits-enfants ont besoin de toi. » prévint la dame en rose, indiquant la petite fille qui trottinait vers Bellada. « Dis Mamie, tu viens danser avec nous ? Hein, s'il te plaît ? » demanda Valentine en affichant un sourire angélique - de ceux qui faisaient craquer la mamie au cœur fondant à chaque fois. « D'accord, j'arrive Loustique. » « Ouaiii ! » La petite magicienne s'empara de la main de son ancêtre et commença à tirer dessus pour amener sa cible jusqu'à sa destination. Bellada se tourna vers la vendeuse. « Merci encore pour la limonade. Ça m'a fait très plaisir de pouvoir te revoir, Valérie. Et surtout, n'hésites pas à passer me voir si tu vas en Haute-Terre. » « Promis ! » salua madame Vaughan en saluant sa vieille amie d’un signe de main.

« Han, vite mamie, vite ! » s’écria Valentine en entendant les premières notes de la nouvelle mélodie. Elle commença à tirer sur la main qu’elle avait agrippé. « Ouhlà, doucement canaille ! » « Mais j’adore cette danse ! » Bellada laissa échapper un rire avant de se positionner face à l’enfant. Elles exécutèrent toute les deux une révérence puis levèrent leurs mains pour les joindre l’une contre l’autre. Face à face, elles commencèrent à tourner ; s’arrêtèrent pour taper dans leurs mains puis reprendre en sens inverse. Au bout de trois répétition, Valentine se plaça aux côtés de sa partenaire : elles avancèrent de plusieurs pas, effectuèrent un jeu de jambes puis tournèrent sur elles-mêmes avant de reculer jusqu’à leur position initiale. Là, on échangeait de partenaire avec le voisin de derrière, répétant ces cycles jusqu’à la fin de la musique.

426 mots

« Regarde Mamie ! » s'exclama une voix par dessus le chahut de la troupe Ward, coupant court aux discussions. Tous les regards se braquèrent sur le Lac de la transparence, à l'endroit qu'indiquait fièrement le lanceur d'alerte : Hugo avait scruté l'horizon pendant plusieurs minutes pour être le premier à les apercevoir. Il s'était fait le devoir d'être celui qui les remarquerait, un rôle qu'on lui avait volontiers laissé : les uns bavassaient au sujet des couples que l'on avait vu se former dans ce début de soirée, d'autres jouaient à des jeux de mains - ou, dans le cas de Minerva, à des cartes qu'elle avait échangé contre quelques dés ensorcelés - et les derniers grignotaient avidement les gourmandises que Bellada avait acheté. Mais Hugo, lui, était resté debout fièrement, un poing sur les hanches et l'autre main en visière au dessus de ses yeux, comme si ce simple geste qu'il avait observer chez d'autres pourrait lui permettre de voir plus loin. Sa patience avait été mise à l'épreuve et il n'avait pas été loin d'abandonner sa quête. Mais finalement, ses efforts avaient fini par payer : il avait fini par les apercevoir, lents, majestueux, glissant paisiblement sur l'eau calme et plate du lac. « Les cygnes sont là ! » On entendait percer dans la voix l'excitation propre au soulagement et à la fierté engendrée par l'attente. A croire qu'il était la raison pour laquelle les bêtes s'approchaient paisiblement des berges.

Quelques rires et exclamations admiratives suivirent l'apostrophe de Hugo. Si les plus grands étaient venus ici pour se lier à leur moitié et passer une agréable soirée en leur compagnie, les plus jeunes n'étaient venu ici que pour pouvoir observer ces oiseaux. Bellada leur avait raconté comment elle avait, lors de son mariage, fait nager quelques cygnes jusqu'à la petite demeure qu'elle avait acheté avec Gilbel, les tirant derrière eux tel un cortège maritime - cela avait demandé toute une organisation pour créer un ruisseau qu'ils pourraient empruntés, mais ils y étaient parvenus. Depuis lors, les plus jeunes avaient tenus à pouvoir observer de plus près ces créatures soudainement devenues mythiques. « Oh qu'est ce qu'ils sont beaux ! » « Est ce qu'il y en avait autant à ton mariage mamie ? » « Est ce que tu crois que c'était les mêmes ? » « Est ce qu'on a le droit de les adopter et de les ramener à la maison ? »

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