Devaraj et les aubergines farcies

Judicaël regarda un instant le corps nu et étendu d’Alister. Le chef des armées avait fini par s’assoupir. La magie du Suprême de l’Au-Delà couplée à l’aphrodisiaque en avait fait un amant bien plus impatient, vif et dur que d’habitude. Ça ne lui avait pas déplu, au contraire. Il avait senti sa force comme jamais. Quant au blond… Il sourit en l’observant. Il n’y avait pas que la flamme de la lampe qui avait bu toute l’huile avec avidité. Lui aussi était cassé mais il n’avait pas l’intention de s’endormir. Il possédait une magie capable de le maintenir éveillé. Il aimait beaucoup rêver mais la diplomatie demandait une grande maîtrise des événements et un œil toujours attentif. Il préférait s’amuser avec le Nylmord sur son temps libre plutôt qu’être seul dans son lit. Il attendait donc que le Roi succombe au sommeil patiemment, ayant quelques idées en tête pour pimenter le quotidien de son invité. Il ne voulait pas que ce dernier l’oubliât.

Allongé sur le dos, il sourit. Même entre deux râles, le Souverain avait trouvé le moyen de parler. C’était une performance inédite chez un autre que lui. Et même : si Judicaël était bavard d’habitude, des raisons techniques avaient fini par l’empêcher de parler. Le roux se redressa un peu pour répondre au baiser de son interlocuteur. « La diplomatie exige des contreparties. » Il le repoussa sur le matelas et se décala de façon à le dominer de son corps. Aucune chance qu’ils reprennent leurs activités précédentes mais ils pouvaient toujours s’amuser. À présent à califourchon sur Devaraj, il se laissa glisser contre lui. Il n’avait plus la force de se maintenir dans une quelconque position demandant un effort moyen. Il croisa donc ses mains sur le haut du torse du Taiji et posa son menton là, comme s’il était son oreiller. « Avant de demander à l’Ultimage de se battre contre l’Empereur du Léviathan, ce serait bien de… » Faire connaissance ? Non, ils se connaissaient en profondeur maintenant. « … discuter. » Le Sirigon finit par s’asseoir sur l’homme. Quelque chose lui disait qu’il allait avoir quelques courbatures le lendemain. Ses mains caressèrent sa monture. « Je te l’ai déjà dit : tu m’intéresses. Je comprends que ton peuple ait des secrets et je n’ai pas envie de les mettre en danger mais des échanges ponctuels pourraient nous apporter à tous. Tout le monde n’a pas besoin d’être mis au courant. Je pense que, et tu en conviendras avec moi… » Ses yeux se firent taquins. « … ça marche plutôt bien l’alliance entre un Chaman et un Magicien, pour l’instant. » Il se pencha pour l’embrasser à son tour. « On devrait étendre un peu nos pratiques à des domaines sans incidence sur nos politiques respectives. » Il pivota pour retomber sur le lit. Il avait l’impression que son corps pesait une tonne. « On pourrait commencer par quelques mise-en-bouches, voir si ça nous convient toujours après plusieurs tentatives. » Vu son air, il ne parlait pas que de diplomatie. Il l'avouait sans souci : il avait aimé le baiser. Ce n'était pas avec les Sorciers ou les Anges qu'il pourrait s'amuser autant à l'avenir.

535 mots

Alister Vaughan - Le brun - Chancelier Nylmord, en charge de l'armée
Judicaël Halloy - Le roux - Chancelier Sirigon, en charge des relations diplomatiques, sauf les Sorciers

Devaraj et les aubergines farcies

Devaraj rit à voix-basse pour ne pas réveiller le Nylmord. « Demander ? Ah mais moi, je demande rien du tout ! Je veux juste qu'on me foute la paix. » Ceci dit, il aurait bien aimé voir les dragons d'Edwina. Ils avaient l'air gros, grands, monstrueux et dangereux. « Je ne vois pas de quoi tu parles. » Il répliqua d'un air niais qui ne lui allait pas du tout après ce qu'il venait de vivre. « Je n'ai rien à t'offrir. » A part des renseignements sur toutes les couronnes du monde. Il médita un long instant en fixant le plafond, sonné. « Vous devriez vous méfier de vos morts, pendant quelques temps. » C'était gratuit. Il est vrai que nombre de zombies commençaient à apparaître sur tout les territoires confondus, sauf chez ceux qui brûlaient les corps des décédés rapidement. Comme quoi Jezekael aurait dû partir en vacances, finalement, parce-que ses efforts ne servaient pas à grand chose, pensait-il avec mauvaise foi. Il soupira de lassitude.

« Quel est cet homme qui nous regarde depuis dix minutes ? » Un grand aux cheveux bleus, longs et soyeux, qui ressemblait à Jun et les observait en souriant, les mains croisées derrière le dos. Mais ce n'était pas Jun, car une aura infiniment plus agréable émanait de lui. Devant la réponse du Sirigon, Devaraj comprit qu'il était le seul à pouvoir discerner cette présence. L'incongruité de la chose ne le perturba pas. Un Æther ? Il avait l'air... étrange. Il sentait une odeur que son odorat avait oublié depuis longtemps, quelque chose d'apaisant et de fou. Que ce soit parce-que son corps était vidé ou son esprit assoupi, le Chaman ne trouva pas la force d'y réfléchir et se contenta de fixer l'individu avec une fascination grandissante. Il vit ses lèvres bouger sans pouvoir entendre les sons qui en sortaient, car au même moment une multitude d'oiseaux se précipitèrent contre la vitre pour y toquer, bientôt accompagnés par des écureuils et... un chat ? L'individu tendit son doigt vers lui en continuant de parler. Devaraj voulut encore écouter mais il se sentit aspiré dans un gouffre sans fond que l'on nomme généralement le sommeil.

372 mots

Devaraj et les aubergines farcies

« Et moi j’aimerais bien coucher avec Ezechyel Valärunkar mais je crois que, dans la vie, on n’a pas toujours ce que l’on veut. Tu es Roi alors jamais personne ne te foutra la paix. C’est comme ça. » Judicaël sourit avec insolence. « Si je n’avais pas envie de discuter avec des gens bornés qui adorent me dire non un certain temps avant d’accepter, je ne ferais pas de diplomatie. » Il rit. « À vrai dire, ce que je préfère, c’est la séduction. Vois-tu, une fois, je suis allé chez les Lyrienns. La Reine de l’époque n’était autre que Gabriela, glacée à souhait. » Il fixa le plafond et balaya l’air devant lui de la main, comme s’il revoyait la scène et aurait aimé la partager avec le Suprême de l’Au-Delà. « J’ai essayé de la charmer afin d’arriver à un semblant d’accord mais impossible. J’ai essayé de faire la même chose avec ses filles car, parfois, les enfants ont une grande influence sur leur parent. Finalement, je me suis rendu compte que son plus proche conseiller, un Lyrienn de glace, fondait pour moi. » Il avait bien choisi son mot. Il savait être brûlant. « C’est comme ça que je suis reparti avec mon accord. J’aime bien trouver des solutions, contourner les obstacles. » Sans parler des petits plaisirs qui lui étaient très souvent offerts. Les Déchus savaient y faire. « Mais toi… Tu es du genre à porter un fardeau que tu n’as jamais voulu, ou qu’au début, vu ton comportement. Tu as donc le choix : soit subir et détester ça, soit subir et aimer ça. » Il lui fit un clin d’œil. « Mais nous ferons attention à nos morts, d'accord. » ajouta-t-il. Ce qu’il ne comprenait pas, il le contournait pour mieux y revenir ensuite, d’une façon détournée. Il voulait lui faire cracher le morceau et obtenir ce qu’il désirait. Malheureusement, les choses ne se passèrent pas forcément comme prévu. Le Sirigon suivit le regard du Roi. Il ne vit rien. « Quel homme ? » demanda-t-il.

Suris observait la scène depuis quelques temps. Maintenant que les trois hommes n’étaient plus imbriqués les uns dans les autres, il avait décidé d’apparaître au Hǫfðingi, brièvement. « En ton lit, ton amour nous rassemble. Autour des noirs écueils ou sur le sable fin, nous allons, confondus, recommencer ensemble nos fureurs et nos jeux sans fin. » dit-il. Il aimait bien ce poème. Il tendit son doigt vers le blond, comme s’il le jugeait. Ses lèvres bougèrent de nouveau. Il marqua le Suprême de l’Au-Delà. Un dragon tatoué apparut de sa hanche à son pubis. La figure deviendrait visible aux yeux de tous lorsqu’il serait de retour sur Awaku No Hi. Pour le moment, il était invisible. Devaraj allait beaucoup rêvé de lui prochainement, de Yaveäth et de l'Impératrice Blanche. Il le regarda s’endormir et observa le sourire taquin du Sirigon avec un certain attrait. Judicaël s’amusa à tracer des pentacles sur le corps du Souverain. Puisqu’il n’avait pas voulu conclure d’accord, il allait faire en sorte qu’il ne pût l’oublier et qu’il cherchât à le revoir. C’est ainsi que le Roi des Chamans se retrouva pourvu d’un caleçon encombrant qui ne le quitterait plus que pour faire ses besoins et ses petites affaires. C’est comme cela aussi qu’il se retrouva avec un joli « Propriété de Judicaël » sur la fesse gauche et quelques autres petites malices sans grandes conséquences. Il allait sans doute avoir très envie de lui dès qu'un sujet diplomatique serait abordé et développer une passion pour les cornichons. Rien de grave.

Une fois que le Sirigon fut satisfait, il admira le corps étendu là et caressa les cheveux d'or du Maître des Esprits. Il lui rappelait quelqu'un mais Judicaël n'avait pas la force de chercher qui, il préférait le dévorer des yeux. Il était beau, encore plus lorsqu'il se taisait. Quand il en eu marre de sa contemplation, il le téléporta ailleurs et fixa de nouveau le plafond avant de rire doucement. Finalement, la journée avait été plutôt surprenante, à son plus grand plaisir.

657 mots - Fin
Ce que dit Suris c'est un morceau du poème Nuage de Louise Ackerman.

Alister Vaughan - Le brun - Chancelier Nylmord, en charge de l'armée
Judicaël Halloy - Le roux - Chancelier Sirigon, en charge des relations diplomatiques, sauf les Sorciers