Le Deal du moment : -30%
PC portable Lenovo Yoga Slim 6 i5-13500H – 16 Go ...
Voir le deal
699 €

Partagez
 

 [Q] - Ce qui fleurit sous nos pas

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Priam & Freyja
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 4091
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam & Freyja
Lun 20 Jan 2020, 22:45


C
e qui fleurit sous nos pas

Solo avec Priam


Partenaire : Solo.
Intrigue/objectif : Nalim présente à Priam un religieux qui sera chargé de combler ses lacunes eu égard à la culture angélique. Il le poussera à s'intégrer à la société des Jardins, notamment en l'envoyant chercher les Larmes d'Anges que toute Aile Blanche se doit d'acquérir.

« C’est lui, le Petit Pigeon ? » La mâchoire de Priam se crispa. Nalim sourit de toutes ses dents. « C’est bien lui. » - « Alors, tu lui survis ? » l’apostropha l’inconnu. C’était un grand homme brun, à la barbe de quelques jours. Son nez fin et bossu lui conférait un air de rapace. L’impression était renforcée par la franchise de ses yeux clairs. « Je ne suis pas si terrible. » - « Non. Tu es infernal. » - « C’est vous qui n’êtes pas assez endurants. » Le fils de Réprouvés eut une pensée émue pour sa femme. « Allez, trêves de bavardages. » Lorsqu’il disait cela, c’était souvent pour s’embarquer dans de longues explications. « Priam. » fit-il en lui indiquant un siège. Le concerné s’y assit. « Je te présente Estian. Je lui ai parlé de ta… situation. » Le jeune homme arqua un sourcil. Nalim sourit, énigmatique. « Un atout, pour être utile, doit coïncider avec les valeurs de celui qui veut en faire usage. » Estian avait tiré une chaise à lui et y avait pris place. Il connaissait vraisemblablement bien le diplomate. « Je suis certain que tu as du potentiel, seulement, il est inexploitable en l’état. J’ai noté tes efforts, mais ils sont insuffisants. » Il avait des projets. Son esprit affuté laissait rarement les occasions glisser entre les fines mailles de son filet. Chaque jour qui passait faisait un peu plus un homme de ce gamin. Chaque heure qui s’écoulait lui soufflait qu’il pourrait en faire quelque chose. Que le peuple angélique pourrait y trouver un appui. Il désirait l’impliquer plus dans les processus diplomatiques qui les liaient aux Réprouvés. Cependant, il ne pouvait ni ne voulait prendre le risque qu’il défendît leur point de vue plutôt que celui des Ailes Blanches, sous prétexte que ses racines remontaient jusqu’aux Bipolaires. Priam l’observait, les yeux plissés, dans l’attente d’une explication ou au moins de quelques indications plus précises. Il ne dit rien. Le moment venu, il lui en parlerait. Ni perfide ni malveillant, il ne lui imposerait pas ce qu’il ne souhaitait pas. Simplement, il pensait plus judicieux de le pousser doucement sur cette pente avant de proposer quoi que ce fût. Cela éviterait qu’il ne se braquât ou paniquât. Si le Petit Pigeon ne réagissait pas comme il l’escomptait, il renverrait ses plans dans le coffre de ceux qui n’aboutiraient jamais. « Estian va t’aider un peu. »


Priam ne pouvait pas s’empêcher d’y penser. La lettre de Hena l’avait inquiété ; celle de Kaahl l’agaçait. J’ai eu le malheur de me confier au sujet de Laëth à une personne qui n’a pas su tenir sa langue. Rejeter la faute sur quelqu’un d’autre, c’était aisé. Le premier individu qui n’avait pas réussi à s’empêcher de parler, c’était lui. Le problème ne résidait pas tant dans ce que contenait la vérité. Il se fichait que sa sœur s’amusât entre des draps. Elle faisait ce qu’elle voulait, avec qui elle voulait – même si, à son goût, un Magicien ressemblait d’un peu trop près à un Sorcier. Pourtant, il en avait rencontré plusieurs, qui avaient tous suscité sa sympathie. Il s’était même fait des amis au sein de cette race. L’analogie avec les Mages Noirs ne lui était jamais venue, ou il l’avait toujours chassée dès qu’elle l’effleurait. Peut-être réagissait-il ainsi seulement parce que cette histoire portait atteinte à Laëth ? Il savait ce qu’être une Ange signifiait à ses yeux, toute la valeur que ce statut revêtait pour elle. Il imaginait sans aucun mal ce qu’être traînée dans la boue, moquée ou disgraciée provoquait chez elle, cette fille que les émotions dévoraient. L’idée qu’elle fût au plus mal à cause de ce foutu Baron le mettait hors de lui. Ses sentiments à la con, il les lui foutrait bien au cul, tiens. « Priam ? » - « Quoi ? » répondit-il, tranchant. Estian haussa les sourcils. « Tu n’écoutes rien. » L’intéressé se renfrogna et tourna la tête. « Hum. » Le mur du temple était rendu éclatant de blancheur par le soleil. « Quel est le problème ? » Il lui jeta une œillade enflammée, que la raison essayait d’étouffer. La fumée prenait si bien que la couleur de ses yeux semblait s’être assombrie. Son attitude contrastait avec le calme ambiant. L’herbe frémissait sous la brise, les oiseaux pépiaient et les oreilles attentives pouvaient percevoir le chant d’un cours d’eau. Entre ses dents, le jeune Ange grinça : « Vous me parliez de la tolérance, tout à l’heure. Je crois que le seuil de la mienne est relativement élevé pour quelqu’un ayant vécu la majorité de sa vie à Lumnaar’Yuvon, mais je crois aussi que je viens de trouver l’une de ses limites. » - « Mauvais début de journée ? » - « J’avoue qu’elles ont du mal à bien commencer, en ce moment. Ça met ma Foi et mon Espérance à l’épreuve, vous me direz. » Le sarcasme perçait dans sa voix, mais son interlocuteur eut tout de même un sourire compatissant. « A cause des rumeurs ? » - « Par exemple. » Il souffla par le nez, énervé. « Ça va passer. » Il inspira. « Mais là, tout de suite, j’ai envie d’écraser la face de ce putain de Baron de mes couil- » En voyant le visage de son tuteur s’arrondir de surprise, il se reprit : « De lui écraser la tête contre une table, si possible une table percée de lames et de clous. Ou alors, un bon coup de hache sur la nuque et terminé, on n’en parle plus. » On avait déjà fait mieux en termes de contrôle de soi. Lui-même avait déjà fait mieux. Le garçon qui taisait ses ressentis semblait faire partie d’une autre vie. Pour un peu, ses proches ne l’auraient pas reconnu. Il doutait aussi que ses mots coïncidassent avec l’image qu’il se faisait de lui. Mais il y avait trop… trop d’émotions et de contradictions. « Hum. Je suppose que lui trancher la langue suffirait. » Estian clignait des yeux. Il comprenait mieux ce que voulait dire Nalim. Il n’avait pas beaucoup côtoyé les enfants de Réprouvés, trop dévoué à ses cultes et à ses missions à l’extérieur. Il constatait là l’ampleur du travail qu’il y avait à faire chez certains. « Vous auriez bien du mal. » Le Baron était quelqu’un de puissant. Son récent coup d’éclat à Volatys l’auréolait de grâce aux yeux de son peuple, si bien qu’il en devenait plus intouchable encore. « Je sais. » Et, de toute évidence, c’était la colère qui parlait. Le fils de Bipolaires ne se levait pas tous les matins pour arracher des têtes, quoiqu’il ne doutât pas des vertus apaisantes de cette activité. « Mais sa lettre m’a énervé. » Un pli barra son front tandis que les ailes de son nez s’écartaient. Une phrase lui revenait, en boucle, lancinante et détestable. Ses rumeurs qui entachent son image me sont insupportables. Qui parlait ainsi, dreell ? Pouvait-on faire plus pompeux ? Pourquoi est-ce qu’échanger un baiser sonnait avec des accents de fin du monde, dans sa lettre ? Et pensait-il réellement que, s’il avait eu l’intention d’abuser d’elle, personne n’aurait agi ? Si Laëth ne l’avait pas fait elle-même, Priam se serait chargé de lui trancher ses parties intimes, à ce dziwka – dans ses rêves les plus fous, au moins. C’est charitable, ça, tiens : ça aurait épargné bien des victimes potentielles. « Parfois, le mieux à faire, c’est d’en parler, pour évacuer la colère. Garder les choses pour soi n’apporte aucun soulagement. » - « Hum. » L’Ange croisa les bras sur son torse. « Je devrais peut-être lui répondre. Ça me défoulerait. Et je pourrais lui dire que ses pires craintes se sont réalisées, puisque ma sœur se laisse vraisemblablement dépérir à l’autre bout du monde. Ça lui « briserait le cœur ». » Estian lui lança un regard éloquent, étincelle désenchantée accrochée à la cornée. « Je plaisante. Je suis en colère mais pas idiot. Provoquer l’Ange de Volatys, ce serait complètement stupide. » Ce surnom le faisait moqueusement rire. Il le trouvait exagéré. Cela collait parfaitement à l’exubérance des Magiciens. Il baissa les yeux, pensif, puis les releva vers l’homme chargé de lui enseigner les concepts religieux qu’il récusait. « C’est facile, d’accéder à la Terre d’Iyora ? » - « J’imagine qu’il faut des permissions. Vous voulez y aller ? » - « J’ai envie de voir Laëth, mais je ne peux pas. Je dois m’occuper de mes bêtes et j’ai du travail à rendre à Nalim. Elle est bien entourée. » En revanche, Kaahl Paiberym s’y rendrait. Priam avait hâte de savoir comment il y serait reçu. Si Laëth pouvait se planter devant lui et lui coller son poing dans la figure, ce serait outrageusement satisfaisant. Dans tous les cas, ce Magicien serait cloué au pilori de sa rancune. Il en était certain. Il n’y avait qu’à lui, son frère, son sang, sa famille, qu’elle pardonnait avec facilité toutes les fautes de l’univers.

Le croyant ne répondit pas à ses paroles, mais se trouva soulagé de constater que le Petit Pigeon n’était pas dénué de tout sens du devoir. Il avait déjà repéré son amour pour sa famille. Celui-ci sautait si bien aux yeux qu’il éclipsait presque tout le reste. « Ce qui m’énerve, c’est… » Son ire, d’abord dirigée contre sa cadette, s’était répercutée contre le Magicien. Il y avait ce sentiment, aussi, comme de la culpabilité. Elle toquait aux portes de son palpitant, insistante. Il lui préférait le déni. Il n’avait pas envie d’admettre que sa véhémence épistolaire à l’égard de Laëth lui pesait au point de la regretter amèrement. « Les répercussions que subit ma sœur, alors qu’elle n’a rien demandé. Ça m’énerve qu’il ait parlé. S’il n’avait rien dit, elle ne serait pas dans cette situation. Il le sait très bien. Ses excuses, ses prétendus sentiments… ils me gavent plus qu’autre chose. C’est trop facile d’agir bêtement et de demander pardon ensuite, en agrémentant le tout de niaiseries. » Une moue grognonne s’imprima sur ses traits. « Et ça va peut-être vous choquer, mais chez moi, on n’épouse pas des Magiciens. On les baise, à la limite, mais de là à envisager de vivre avec, de fonder une famille ou que sais-je encore… » Il grimaça. « Non. » Il n’osait même pas imaginer la tête de leurs parents. Les racines de Vrael et Asha plongeaient profondément dans les terres de Lumnaar’Yuvon. Savoir qu’un Mage s’amourachait de leur fille et désirait se marier avec elle les ferait sans doute ricaner. Comprendre que cet homme troublait leur cadette, néanmoins… Ils seraient peut-être capables de se déplacer jusqu’à eux pour trancher la tête de l’un et ramener l’autre à la raison. Priam comprenait que le racisme n’avait rien de raisonnable, toutefois, c’était un sentiment viscéral, profondément inculqué et ancré, fruit d’années d’éducation, dont il ne parvenait pas à s’absoudre. « J’imagine bien que ta situation n’a rien d’aisé. Tu as quitté un peuple que tu aimais pour en rejoindre un dont les us et coutumes sont très différents. Ton adaptation ne peut pas être rapide et sans erreur, et tu ne peux pas te débarrasser facilement de ce qui est inscrit au fer rouge dans ton esprit. C’est normal et je pense que personne ne juge les enfants de Réprouvés pour cela. » Assis en tailleur, il ramena un peu plus ses jambes vers lui. « Ceci dit, c’est pour cette raison que Nalim a fait appel à moi. Tu ne peux pas t’intégrer si tu refuses ou évites tout. Tu ne peux pas t’intégrer si tu restes enfermé dans des croyances et une vision du monde propres aux Réprouvés. Les Magiciens sont nos alliés. Sans eux, nous serions probablement morts, ou disséminés aux quatre coins du monde, à errer à la recherche d’un but qui ne soit pas vain. Je ne te demande pas de tout abandonner, mais tu dois essayer de faire preuve de plus d’ouverture d’esprit. Et c’est pour cette raison-là que les Vertus sont importantes. Ta sœur souffre certainement de la situation, mais je suis tout aussi sûr que son entourage l’exhorte à faire preuve d’Espérance, de Foi et de Force, et que ces trois préceptes l’aident à affronter l’adversité. La main de la Justice tombera sur les fautifs : avec le temps, les rumeurs infondées disparaîtront ou ne seront rien de plus que des plaisanteries. » Il plongea son regard gris dans les iris dorés de Priam. « Dans ta situation actuelle, tu dois faire appel à la Tempérance pour calmer ta colère, à la Prudence pour retenir les pulsions qui pourraient porter préjudice à tes actions et à la Charité pour débarrasser ton cœur des haines qui y fleurissent à l’égard d’autrui. »

Message I - 2013 mots



Codage par Dezbaa




[Q] - Ce qui fleurit sous nos pas 1628 :


[Q] - Ce qui fleurit sous nos pas 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t40510-priam-freyja-bele
Priam & Freyja
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 4091
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam & Freyja
Mar 21 Jan 2020, 23:33





Ils avaient longuement discuté. Priam avait farouchement questionné l’existence des Ætheri. Pourquoi seraient-ils plus légitimes que les Zaahin ? Pourquoi abandonner Boholt’Kein, Kiir’Wahlwan, Zel’Eph Stark, Paaz Kiin’Din, Naru’Pogaan, Aald’Mul, Key’Jus, Fey’Mogrul, Anha’Sona et tous les autres au profit d’Ahena, Delix, Väaramar, Suris, Ava, Freya, Mynxethi, Dubheasa et Sarina ? Si l’on admettait que les Ætheri existaient, pourquoi ne pouvait-on pas continuer à prier les Zaahin, qui étaient bien réels ? Dans son esprit, les uns n’étaient pas les autres. Ils ne se remplaçaient ni ne se compensaient. Quand bien même l’idée de délaisser les Héros ne l’aurait pas révulsé, il aurait eu trop peur de leur courroux pour le faire. Estian avait répondu à chacune de ses questions avec tact et patience. Il ne s’était pas offusqué de ses remises en question – ou avait caché son choc et son irritation. Il avait pris le temps de lui expliquer le fondement de chacun de ces cultes et la place qu’ils occupaient dans la vie des Anges. Le fils de Lumnaar’Yuvon avait fait preuve de l’ouverture d’esprit qu’il avait attendue de lui. Il avait essayé de comprendre et d’accepter, bien que chaque évocation des Ætheri déclenchait dans son dos des frissons de rejet. Il lui faudrait du temps. Peut-être des mois ou des années. Peut-être l’éternité. Il se demandait comment Laëth avait fait pour tout abandonner si rapidement et si facilement. Il avait conscience qu’elle n’entretenait pas la même relation que lui avec la culture réprouvée et qu’elle avait pleinement choisi de rejoindre les Anges, mais ce que l’on attendait de lui lui paraissait si ardu qu’il n’envisageait pas qu’elle eût pu passer outre de façon si aisée. Elle devait être folle. Il ne voyait pas d’autre possibilité. Ou bien elle avait tant désiré appartenir à cette communauté que tous les sacrifices que l’on avait requis d’elle lui avaient semblé n’être que des formalités… Ils étaient très différents. Elle valsait souvent avec les extrêmes. Trop souvent pour son propre bien. Il était plus mesuré. Elle voulait contrôler et tout lui échappait ; il se laissait porter et le tempo demeurait régulier. La résistance en force se brisait immanquablement. La souplesse s’adaptait. Il devrait en faire preuve, encore plus.

***

« Alors, tu as bien appris tes leçons ? » Comme d’habitude, Nalim était d’humeur taquine. Priam lui accorda un regard bref. « Par cœur. » - « Formidable ! » s’exclama-t-il en frappant dans ses mains. « Et les traductions ? » - « Sur votre bureau ce soir, j’ai juste à affiner quelques tournures de phrases. » Le sourire sincèrement encourageant qui lui répondit le galvanisa un peu. Sa colère passée, la fatigue l’avait fauché. Sur le trajet du retour, il avait pris le temps de réfléchir et en était venu à plusieurs conclusions. Il ne répondrait pas à Kaahl Paiberym avant d’avoir pu parler à Laëth. Il ne jugerait pas la position de sa sœur avant de l’entendre de sa bouche ou de le lire de sa plume. En attendant, il se concentrerait sur sa vie quotidienne : ses animaux, les traductions, ses amis, et tout ce qui pouvait l’occuper chaque jour. « Et qu’est-ce que tu as pensé de tout ça ? » Le fils de Réprouvés le regarda et cligna des yeux. Il ne s’attendait pas à une telle question. L’exhortation d’Erza à prouver qu’il était un vrai Bipolaire le frappa telle une massue. Il se racla la gorge. « Que le chemin est long. » Son employeur laissa échapper un rire succinct. « C’est certain. Long, et semé d’embûches… » Ses doigts fins, ses doigts qui n’avaient jamais rien travaillé d’autre que le papier et la plume, glissèrent sur le bois brillant de son bureau. « Nous avons tous eu notre lot de problèmes. Ce sont les épreuves qui forgent. Les épreuves, et les choix. Tu n’as pas à subir. » Il releva la tête vers le jeune Ange et plongea ses iris bleus dans les siens. « Tu peux dire non. Personne ne t’empêcherait de retourner « chez toi » si c’est ce que tu désires. » - « Je sais. » Silence court, temps des hésitations. « Même la Dovahkiin m’a parlé de cette possibilité. » Nalim arqua les sourcils, puis hocha la tête, songeur. « Au bal ? » - « Oui. » - « Hum… » A nouveau, ses yeux se perdaient dans la contemplation des veinures du bois. « Oui, les choix. Et la fatalité aussi, malheureusement. Ou au moins, l’imprédictibilité d’autrui. » Il se redressa et renifla doucement, comme si une poussière le gênait. « Cette histoire de bal m’a fait repenser à la question des Elus d’Hel’dra. » Il fit le tour de son fauteuil. Placé derrière celui-ci, il appuya ses avant-bras sur le haut du dossier. « Vous êtes malgré vous poussés à la compétition. Questionner la véracité de cette prophétie est une perte de temps : si quelques uns y croient, alors c’est suffisant pour rendre ses effets réels. Certains peuples chercheront à anéantir tous les Elus qui ne sont pas des leurs. D’autres vont vous aider. Cependant, à ta place, je n’envisagerais même pas la possibilité de remettre ma vie aux mains d’autrui. En réalité, peu importe ce que tu décides de faire, Priam. » Il dévisageait le jeune homme, qui demeurait silencieux. « Dans tous les cas, tu vas devoir apprendre à survivre. Il faudra réfléchir plus, mieux, plus vite. Il faudra savoir te défendre, te battre et même attaquer. Peu importe ce qui se dit sur ta sœur : elle est en train d’œuvrer en ce sens. Soldat de la Compagnie de Yüerell, en partance pour des expéditions visant à renforcer son peuple… Elle agit, elle combat, elle prend son envol. La formulation a peu d’importance, choisis celle que tu préfères. » Lâchant son siège, il s’approcha : en quelques enjambées, il fut devant lui. « Il va falloir arrêter de n’être qu’un berger, et songer à ressembler à quelque chose d’un peu plus impressionnant, à défaut d’être inspirant. » Décidément, ce maniement du tact ne s’inventait pas. « Le Petit Pigeon doit quitter le nid. » ajouta-t-il, paré d’un sourire sarcastique que Priam lui aurait bien fait ravaler. Non, vraiment, ça ne s’inventait pas.

***

Perché sur Yuvon, le brun étudiait la carte. « Hum. » Cette situation rappelait à sa mémoire un autre voyage. Il avait déjà parcouru les Terres du Lac Bleu avec sa jument, quelques temps auparavant. A l’époque, il possédait une carte, qu’il avait perdue. Cette fois-ci, il la conserverait. Les choses avaient changé. Le gamin qui était arrivé aux Jardins de Jhen avait grandi et mûri. Il avait abandonné quelques uns de ses rêves. Il en avait bricolé d’autres et certains, encore, l’attendaient, accrochés à la toile de l’horizon. Le ciel était clair. Le soleil se couchait dans une voûte mauve et rose rendue pâle par le froid de l’hiver. La plupart des oiseaux se taisait peu à peu. Là où mourait un chant pétillant, le hululement mélancolique d’une chouette ou d’un hibou tintait dans le crépuscule. Bientôt, il lui faudrait trouver un abri pour la nuit. En dépit de ses récents griefs contre les Magiciens, il devait reconnaître que la plupart se montrait accueillante et chaleureuse. Il marchait loin de l’abord des grandes villes, toutefois, çà et là, des fermes rompaient la monotonie sauvage de la campagne, et leurs portes s’ouvraient généralement avec joie.

Nalim avait raison. Qu’il le voulût ou non, le destin ne l’avait pas attendu et avait pris les choses en main. Il l’avait acculé de sorte que seuls deux choix s’offraient à lui : accepter un statu quo, et potentiellement mourir, ou aller de l’avant, s’instruire, se former, apprendre. Secouer un peu l’existence pour en faire tomber les fruits. Vivre. Qu’il fût chez les Anges ou chez les Réprouvés, où qu’allât son allégeance, qu’il crût ou récusât la prophétie, les faits demeuraient les mêmes : ce qu’avait énoncé le Maître des Révélations se perdait en écho dans tous les esprits et, déjà, les plus croyants et les plus stratèges devaient avoir pris des mesures en conséquence. Il n’avait pas la prétention de fédérer tous les peuples – il concevait cela comme une utopie complètement folle –, ni même d’être roi, néanmoins, ses intentions importeraient peu à ceux qui viendraient glisser un couteau sous sa gorge pour voir leurs propres Elus s’élever. C’était à la fois désespérant et désopilant, tant c’était insensé. Participer à une course en laquelle on ne croyait pas. Drôle de concept, et pourtant… Il avait acquiescé. Et le mécanisme s’était enclenché, les rouages s’étaient emboîtés, l’inéluctable roue de sa destinée s’était mise en marche. Il devait mener à bien cette autre mission initiatique : la recherche de Larmes d’Anges. Rituel pour chaque Aile Blanche désireuse de participer plus activement à la société des Purs, Nalim lui avait expliqué plus en détail les pouvoirs que recelaient les Omije. Ils avaient discuté un peu, notamment pour prévoir les modalités de l’exploration qui le mènerait à les déterrer. Rentré chez lui, il s’était accordé une bonne nuit de sommeil, puis avait tout préparé. Depuis quelques jours, il errait en quête de ces Larmes que détaillaient les livres d’une mystérieuse civilisation. Sa curiosité avait été attisée par l’opacité qui auréolait ces artéfacts. Il ne pouvait s’empêcher de penser que lorsqu’il les aurait trouvés, il entreprendrait de se renseigner à leur sujet.

***

C’était un travail long et fastidieux. Le diplomate lui avait conseillé de fouiller les cavités rocheuses, les trous dans la terre, les rochers, la moindre irrégularité à la surface de la plaine. Heureusement, Priam était patient. Souvent, il pensait à sa sœur et se disait qu’elle aurait fini par vouloir trancher en deux tous les cailloux qu’elle croisait. Il avait plus de retenue et le temps lui semblait globalement moins long, toutefois, des pointes d’irritation venaient chatouiller sa poitrine de manière aléatoire. Dans ces instants d’agacement, les inquiétudes adoraient affluer. Il se demandait si Laëth allait bien, loin, encombrée de rumeurs, si Zeïk prenait soin de ses animaux – il n’avait pas la main verte, alors lui confier des bêtes n’était peut-être pas le moyen le plus certain de s’assurer de leur survie, toutefois, le Belegad n’avait eu d’autre choix –, s’il pourrait renouer avec les Réprouvés un jour, si Yuvon n’avait pas mal aux pieds ou aux tendons, s’il avait encore assez de nourriture, s’il allait finir par les trouver, ces putains de Larmes d’Ang- « Ah ! » L’éclat frappa sa rétine. Au creux de la pierre, elles scintillaient, précieuses.

Le retour se déroula dans une ambiance plus légère. Même sa jument semblait avancer d’un pas plus leste. Son œil, aussi, paraissait plus alerte. Elle observait les environs, attentive. Le voyage ne durerait plus que quelques heures. La cité angélique ne se situait plus très loin. Priam était tout de même parti quatre jours. Sans doute était-il passé devant d’autres sources d’Omije ? C’était probable. Il ne voulait pas y penser : l’essentiel résidait dans le fait qu’il en détenait, désormais. Sa mission était achevée. Il aurait aimé pouvoir regagner le confort de son habitation le soir-même, cependant, l’hiver dévorait les jours. La lumière avait presque disparu et ils progressaient depuis de longues heures : l’Ange ne voulait pas mettre sa jument dans l’inconfort ou lui imposer plus de fatigue que nécessaire. S’il devait se montrer tout à fait réaliste, lui-même commençait à peiner à garder les yeux ouverts. Après quelques minutes à chercher, il aperçut la lueur timide de fenêtres. Un sourire glissa sur ses lèvres. C’eût été trop bête de mourir de froid si près du but. Pourtant, insoupçonnables, d’autres dangers guettaient.

FIN

Message II - 1884 mots



Codage par Dezbaa




[Q] - Ce qui fleurit sous nos pas 1628 :


[Q] - Ce qui fleurit sous nos pas 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://lesterresdesympan.forumactif.com/t40510-priam-freyja-bele
 

[Q] - Ce qui fleurit sous nos pas

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» [Q] La sous-fifre du sous-fifre | Solo
» [Q] - Une épreuve sous le soleil
» [Q] - Sous leurs ailes
» Sous un Regard Bienveillant
» [Q] - Sous la peau | Solo
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Les Terres de Sympan :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Ouest :: Terres du Lac Bleu :: Jardins de Jhēn-